Se décrire ? Quelle idée saugrenue, pensais-je dans un soupir agacé. Se plier à ce genre d’exercice n’est pas ce que je préfère et mon regard passe un instant sur le miroir posé sur le montant de la cheminée.

-Que puis-je vous dire que vos yeux ne peuvent voir ? Je ne suis pas petite sans pour autant être vraiment grande, ce qui est un avantage selon moi. J’ai un physique délicat et fort à la fois, qui attire autant qu’il laisse perplexe. Suis-je un homme ? Une femme ? C’est difficile de le savoir quand j’utilise certains artifices pour cacher certaines lignes de mon corps. Bien sûr que j’en joue afin d’embrouiller les esprits.

Elle fait une moue charmeuse et se lève pour attraper le miroir.

-J’ai hérité du port altier de mon père qui pourrait laisser croire que j’ai vécu dans les hautes sphères. Mais ce n’est pas vraiment le cas… Il paraît qu’il s’échappe de moi une aura exotique. De longs cheveux brun et bouclés et un visage aux traits doux si l’on me pense homme et dur si l’on me sait femme. Tout le mystère réside dans le doute.

Un sourire fugace étire ses lèvres et jette le miroir sur le fauteuil qu’elle a occupé un instant plus tôt.

-Mes yeux sont immenses et d'un bleu profond qui brille d’intelligence et semble analyser votre âme. Là encore, je ne répète que les mots de mon entourage. Ils n'ont pas tout à fait tort. J’aime analyser ceux qui me font face.

-Qui suis-je ? Faut-il vraiment en passer par là ?
Je me recule dans mon siège et me penche en avant pour observer mon interlocuteur tout mon aise, ma main servant à reposer mon menton. Je n’aime pas me dévoiler, mais cette fois, je suis d’humeur à répondre au questionnement de mon compagnon de boisson. Un fin sourire étire mes lèvres alors que j’accepte de me décrire, ou tout du moins mon caractère.
-On pourrait dire que je suis une femme au fort caractère. Certains diront de moi, que je suis autoritaire. Ce n’est pas complètement vrai. J’aime simplement que le travail soit bien fait, comme je l’ai décidé… Jusqu'où je suis prête à aller pour me faire obéir ?

Je ris joyeusement avant de répondre avec un sérieux froid.

- Tu n'as pas envie de l’apprendre, crois-moi. Je suis une femme d’affaire et je ferais ce qu’il faudra pour protéger mes affaires. Je n’aime ni les traîtres, ni les espions. En es-tu un ami ?

Je souris une nouvelle fois, presque charmeuse. Toutefois, mon regard clair scrute et analyse sans la moindre amabilité l’homme. L’art de la négociation passe par l’observation, d’avoir le bon jeu en main et aussi le bluff quand le besoin s’en fait sentir. Je n’ai pas construit mon réseau et mes relations en n’importe comment.

Je récupère ma chope et en vide tranquillement le contenu.

-Alors, pouvons-nous faire affaire ensemble, monseigneur, ou dois-je vous laisser trouver un autre homme pour acheminer la cargaison.

Ma vie se situe dans la ville de Courage bien qu’aujourd’hui, je vogue entre les différents lieux pour faire fructifier mon entreprise. Pour certains, je suis un diable, voir un démon, ce que j’accepte sans problème. Mais je préfère, me voir comme une femme qui en a bien trop vu pour rester spectatrice de ma vie.

On ne peut pas dire que mon enfance fut heureuse. Ce fut même tout l’inverse, car je suis la fille bâtarde d’un noble qui a séduit ma mère avant de l’abandonner lâchement une fois sa grossesse déclarée. L’homme étant déjà marié, il ne fallait surtout pas que cela ne se sache. Ma mère se retrouva seule, humiliée et sans défense dans un monde cruel. Heureusement pour nous deux, elle était couturière et réussit tant bien que mal à nous faire survivre. Rose-Marie fut le nom de cette mère qui me donna tout ce qu’elle pouvait. Nous vivions toutes les deux dans une petite maison à deux-pièces, mais où j'étais… Heureuse. Pour un temps du moins.

Comme l’on pouvait s’en douter, cela ne pouvait durer. Lorsque j'ai atteint l’adolescence, le destin décida de m’arracher tout ce que j’avais. Ma mère fut retrouvée morte dans une ruelle sordide. On l’avait battue et violentée durant de longues heures. Il ne fallut pas longtemps pour que la propriétaire des lieux, ne me jetât à la rue, sans le moindre sous, ni nourriture… Je n’avais plus rien, si ce n’était la rage au ventre. Ce désir de retrouver les assassins de ma mère et de leur faire payer me maintint en vie suffisamment longtemps pour me décider à franchir le pas vers l’inconnu.

Je n’avais pas d’autre choix que me tourner vers le vice des bas quartiers dont je ne savais strictement rien. Il faisait nuit et froid lorsque je franchis les premières rues et je n’eus pas l’occasion d’aller plus loin seule. On ne peut pas dire que mon accueil fut chaleureux. Bien au contraire, je vous laisse imaginer ce que l’on réserve comme accueil à une enfant qui s’aventure loin de la lumière. Par pitié ou par désir de me voir souffrir encore plus, on me traîna de force et en piteux état au patron du quartier.

Edgard Moss était apparemment l’homme le plus craint de l’univers des contrebandiers. Je ne sais pas trop ce qu’il vit en moi, mais j'eus le droit de lui raconter mon histoire et de prendre place avec eux dans la même nuit. N’attendez pas par là que j’étais devenue la petite sœur du groupe. Je pouvais rester parmi eux à la condition que je fasse la cuisine, le ménage et d’autres corvées dans le même genre. Ce n’était pas merveilleux, mais j’étais en vie. Il ne me restait plus qu’à prier le destin pour un jour pouvoir me venger.

Les années passèrent rapidement entre mes corvées et le transport de colis. Je pris en force et en forme, j'appris à parler et à me comporter plus souvent comme un homme qu’une femme. C’est certainement au cours de cette période que mon caractère se forgea. Peut-être un peu trop, car je finis par énerver la mauvaise personne. Je passais 3 jours et trois nuits dans une cage… Trois longs jours où je n’eus droit qu’aux coups et aux menaces. Seul le bruit du clapotis de l’eau, entre chaque horreur, me réconforta.

Je n’étais pas encore assez forte pour m’affranchir du joug de mes oppresseurs. Mais qu’à cela ne tienne ! Avec patience, j'ai repris le cours de ma vie et de mes corvées plus déterminée que jamais. Il viendrait un jour où je pourrais enfin m’extraire de cet enfer. En attendant, je serrais les dents et me mis à observer un peu mieux ce qui m’entourait.

Cette opportunité que j’attendais tant vint à moi sous la forme Edgard. Il me prit à part un jour pour me demander si je souhaitais m’investir dans son projet de contrebande. J’avais surtout envie de liberté, alors bien sûr, j’ai accepté. N’attendez pas de cet homme qu’il joue les pères que je n’ai jamais eus. Non, c’était une raclure de la pire espèce et si je voulais survivre, il me faudrait être bien pire que lui. Et le destin, tout aussi cruel qu’à son habitude, vint me compliquer la tâche en… Transformant mon corps d’enfant en celui de femme. M’intégrer fut bien plus compliqué que je ne me l’imaginais. C’est à peu près à ce moment-là que je découvris que camoufler mon corps m'assurait une relative tranquillité. Roxane devint par moments Roc… Un double bien pratique. Oh ! Bien sûr, les hommes n’oubliaient pas complètement qui j’étais, mais cela les empêchait de penser à moi comme un possible objet sexuel.

Finalement, après plusieurs années en mer et de travestissement, Edgard me prit enfin sous son aile, comme le fils qu’il n’avait pas eus. Ce qui fit bien mon affaire et je ne tentais pas de l’en dissuader. Il était bien plus facile finalement d’être un homme et je m’en voulais de ne pas y avoir pensé plus tôt. Je fus instruite aux préceptes de la contrebande ou je me révélais plutôt douée. Tellement, en fait que lorsque Edgard tomba malade, il lui sembla tout naturel de me laisser prendre la main.

Cela ne se fit pas non plus sans mal : une mutinerie se préparait dans mon dos et mon double Roc, dû jouer de manipulation et de persuasion pour mettre fin à tout ceci. Et, pour l’exemple, je fis exécuter trois des instigateurs de cette mutinerie. Il me fallait être dur, voire impitoyable avec mes ennemis tout en restant juste avec mes alliés… C’est la première fois que je goûtais réellement à la liberté et j’aimais ça. Dorénavant, plus rien ne m’arrêterait. Il me fallait devenir encore plus forte pour avoir encore plus de liberté. J'appris le combat au corps-à-corps, avec une arme aussi, afin que plus jamais on puisse me contraindre à quoique se soit. Mais je ne pouvais pas m’arrêter à ça, le subterfuge, le mensonge, l’art du poison et bien d’autres connaissances passèrent sous mon œil en quête de toujours plus.

Il me fallut encore quelques années de recherche et d’apprentissage pour retrouver enfin les hommes qui avaient assassiné ma mère. Non, je n’avais rien oublié et encore moins pardonné ! Même après plus de 10 ans. Grâce à mon réseau, et à mes nouvelles activités, j’ai pu exercer ma vengeance. Ne pensez pas qu’ils aient trouvé la mort rapidement… Non, j'avais bien mieux en tête pour ces fils de chiens. Après un long travail de ma part, ils finirent enchaînés dans une de nos cales en route pour être vendus comme esclaves loin de moi. Ils auraient tout le temps qu’il faut pour regretter leurs actes. C'était juste avant que les lois ne changent et ne m'oblige à me concentrer sur la contrebande... Les grands de ce monde s'était trouvé une moralité et interdisant la vente d'humain... C'était risible.

Le destin m'avait enfin souri et pas d’une seule façon. Il ne fallut pas longtemps pour qu'Edgard ne meure. Je fus près de lui lorsqu’il rendit son dernier soupir et il me murmura à quel point il était fier du chemin que j’avais parcouru… Sa mort n’aurait rien dû me faire, puisque je ne l’aimais pas. Pas même un petit peu. Pourtant, ce sentiment d’abandon qui s’empara de moi lorsqu’il ferma les yeux me fit détruire tout ce qui me passa sous la main… Une colère comme je n'en avais jamais eu avant… Me voilà à nouveau seule, mais libre de faire de l’avenir un chemin merveilleux...

Contrebande : vous avez besoin de faire entrer clandestinement de la marchandise dans un lieu ? Roc ou Roxanne sont là pour vous servir, leur réseau vous permettra d'obtenir ce qu'il vous faut à condition d'y mettre le prix bien sûr.

La pègre : La ou il y a des villes, il y a  un réseau d'échanges illégaux plus ou moins développés. Roxanne à évolué la dedans depuis sa plus tendre enfance. c'est la qu'elle se sent le plus à l'aise.

La piraterie : Non non ce n'est pas du tout ce que fait Roxanne... Ou presque pas. Mais faut bien gagner de quoi vivre hein et deux trois esclave de plus, c'est toujours ça de prit.

Les groupes d'intérêt ne sont pas obligatoires.