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    Neera Storm
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    qui suis-je ?:
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  • Sam 21 Jan - 18:17
    Neera n’est pas surprise qu’Ashani écarquille les yeux et soit pris de court. Il faut dire qu’il y a peine quelques heures, il était perdu dans les rues de Liberty, sans avoir le moindre espoir en l’avenir. Et ici… Ici, elle lui laisse une opportunité, elle lui offre une autre vie, une place dans laquelle il pourra grandir en République. Cela semble tellement beau que c’est normal qu’il soit confus, et plus encore méfiant, car on guette toujours le piège, dans de telles situations. L’ombre d’un sourire effleure les lèvres du Drakyn, quand l’enseignante lui propose d’aller dire bonjour à la mégère, mais il ne tarde pas à répondre, et même à s’approcher du fauteuil dans lequel est installée la Tornade. Il lui déclare ainsi qu’elle se méprend sur son compte, mais surtout qu’elle se livre à lui comme un livre ouvert. Neera arque un sourcil, mais elle ne rétorque rien, pour la simple et bonne raison que l’homme dragon s’est désormais penché vers elle en appuyant ses bras sur les deux accoudoirs de son siège. Son regard est à sa hauteur, et la demi-titan regarde ce Reikois impudent, dans lequel brille une espièglerie mauvaise. Pas une seconde elle n’a peur de son invité, mais il faut dire qu’elle peut l’envoyer valser de l’autre côté de la pièce comme une poupée de chiffon grâce à sa magie de l’air. Cela aide toujours à relativiser, dans des situations comme celle-là. Elle est puissante, et Ashani le sait.

    Pour l’heure, cependant, elle le laisse parler. La magicienne est à deux doigts de lui rire au visage quand il déclare qu’elle est si jeune, mais elle se contient, et un lueur amusée apparaît seulement sur son visage. Parle les Divins, s’il savait seulement ce qu’elle était. Sachant qu’elle-même l’ignore royalement. Bref. Toujours est-il qu’Ashani n’a pas complètement tort. La diviniste a beau avoir quelques siècles, son âme, elle, est restée intacte, loin de la boue de l’ambition politique, ou de la corruption des bas-fonds de la République. Neera a certes grandi au fil des ans, mais elle a toujours été portée par la noble ambition du savoir et de la connaissance. Sans doute que Magic n’est pas innocent à tout cela, puisque les valeurs de l’Université ont protégé la sang-mêlée indirectement. En tout cas, il est certain qu’au niveau moral, elle est restée plus ou moins la même que lors de sa toute première rencontre avec Eliëndir. La femme aux cheveux d’argent a certes plus de maturité et d’expérience depuis, et elle porte un regard plus profond sur les événements qui parcourent le Sekai – c’est impossible qu’il en soit autrement quand on a plusieurs siècles à son actif. Mais d’autre part, Neera est toujours restée fidèle à ses principes, comme le vin qui se bonifie avec l’âge.

    Peut-être est-ce en cela qu’elle est une exception dans la République. En soi, cela est peut-être une bonne chose, mais pour autant, cela n’a pas que des bénéfices non plus. Car il est vrai que tout un pan de la réalité lui échappe, et si on devait la placer dans une situation sordide, lié au milieu corrompu de la République, elle n’agirait sans doute pas mieux qu’un enfant de cinq ans. Tout du moins, son inexpérience jouerait certainement en sa défaveur, et on ne peut pas convaincre tout le monde à coup de paroles et de bons sentiments. Encore moins à coup de principes moraux, qui sont loin d’être une règle dans la pègre et dans les bas-fonds.

    Il semble donc qu’aux yeux d’Ashani, la belle parle trop ou se dévoile trop vite. Peut-être bien. Mais à bien y réfléchir, le simple fait qu’elle recueille un mendiant sous son toit, même pour une nuit, en dit long sur elle. Le reste, en définitive, elle n’a fait que le confirmer durant la soirée et leur conversation de ce soir.

    – Il est écrit que les fils des ténèbres sont plus malins que les fils de la lumière. Je suppose que ce verset se vérifie, observe-t-elle simplement, et c’est bien pour cela que ça ne me ferait pas de tort de mieux me rendre compte de certaines choses. Ou, en tout cas, d’avoir des commentaires comme les vôtres. La professeure s’interrompt en haussant un sourcil quand le Drakyn lui prend son verre des mains pour boire le reste de son contenu. Ashani, vous êtes d’une impudence folle, vous le savez, ça ?

    Elle le laisse éventuellement répondre alors qu’il se redresse, et pendant qu’il s’installe sur le siège en face d’elle, elle en profite pour lui poser une autre question :

    - Au passage, quel âge vous me donneriez ?

    C’est une question piège, évidemment. Neera est un peu comme les elfes, puisqu’elle a l’apparence d’une femme trentenaire, tout juste dans la fleur de l’âge. La professeure se demande un instant comment il va réagir quand il apprendra sa longévité, qui n’est un secret pour personne, il faut le dire. Il suffit que l’homme se renseigne un peu sur elle  à Magic pour qu’il découvre qu’elle est là depuis très longtemps. Et même s’il ne va pas à l’Académie, s’il l’accompagne lors de quelques bals ou quelques soirées, il apprendra vite la vérité par la bouche des invités.

    Mais la conversation dévie sur l’offre de la magicienne, et l’homme-dragon ne cache pas son intérêt. Il souhaite un contrat, ce que la demi-titan comprend tout à fait. Il n’y a rien de tel que d’établir un accord par écrit, histoire de bien poser les conditions entre les deux partis.

    - Jouer double-jeu… Si vous enquêtez sur les bas-fonds, ils ne refuseront pas d’avoir un agent qui travaille dans le milieu noble. Ils ont sûrement d’autres entrées, mais en avoir une de plus, ce n’est jamais mauvais, dans leur cas. Et puis, si vous travaillez pour Neera Storm, professeure de Magic, ils trouveront certainement ça cocasse que vous soyez à mon service.

    Cela dit, évidemment, tout n’est pas si simple.

    - Il n’en reste pas moins qu’il faut savoir jouer ses pions intelligemment. Je ne désire pas spécialement m’impliquer dans la pègre, c’est même tout l’inverse. Moins je suis en contact avec ce monde, mieux je me porte. Mais ça revient également à se mettre des œillères. Pour l’heure, je veux surtout élargir mes horizons, appelons-le comme ça, pour mieux saisir ce qu’il se passe dans les coulisses. Cela ne veut pas dire que j’interviendrai d’une quelconque façon sur cet échiquier géant, mais c’est mieux que de ne rien connaître ou de ne rien savoir.

    Encore que l’ignorance était parfois du pain bénit. Tout dépend du point de vue…

    Quand Ashani lui fait part de sa perplexité vis-à-vis de l’offre de la magicienne, Neera a un petit sourire compréhensif. Elle se contente d’hocher la tête quand il lui demande s’il peut leur servir un autre verre, et la Républicaine en profite pour lui répondre.

    - Je vous l’ai dit, je suis une anomalie. Son expression légèrement malicieuse montre qu’elle plaisante à demi-mot, mais elle reprend bientôt son sérieux. Il n’y a rien de raisonnable à accueillir un mendiant chez soi, je vous l’accorde. Et encore moins de lui proposer un emploi le soir-même. Mais quand vous effectuez un recrutement, vous n’en savez pas beaucoup plus sur les personnes en face de vous. Tout au mieux essaient-elles de se préparer et de se vendre pour obtenir une place et un salaire confortables. Dans votre cas, les choses sont différentes, puisque je vous ai trouvé dans un parc et que rien ne nous préparait à cette soirée. Je ne dis pas qu’on est dans une situation où il y a plus d’authenticité, car vous pourriez très bien être un formidable menteur, un fanatique caché, un espion du Reike, ou que sais-je encore. Tout ce que vous m’avez dit pourrait être une illusion. Mais je ne pense pas que vous auriez eu intérêt à mentir. Du reste, c’est un pari, on verra plus tard si j’ai eu tort ou raison. En tout cas, je veux tirer profit de votre expertise et de votre connaissance, puisque vous semblez à l’aise avec le milieu noble. Si ça me permet de vous tirer de votre situation précaire, c’est d’autant mieux. Vous êtes gagnant et moi aussi, en définitive.

    Une expression un peu sarcastique apparaît ensuite sur le visage de la belle brune.

    - S’il vous faut une autre raison, alors dites-vous que j’aime vivre dangereusement de temps en temps.

    Elle saisit alors le verre que le Drakyn lui tend et trinque avec lui. Quand il lui déclare qu’elle est un bijou, la Tornade ne réagit pas d’emblée, mais quand il lui affirme qu’il ne veut pas la précipiter dans la déchéance humaine, elle émet un petit rire.

    - Ashani, n’ayez crainte. C’est à moi seule de décider si je me laisse atteindre par ce milieu sombre ou non. Un diamant jeté dans la boue n’est pas forcément corrompu, il suffit de le laver ensuite pour qu’il retrouve sa splendeur et son éclat. De la même manière, c’est moi qui dois veiller à ne pas dévier de mes principes. C’est simple et compliqué à la fois tant la vie nous réserve des surprises.  Neera marque une légère pause puis continue. Vous dites que vous êtes l’obscurité. Moi, dans ce cas, je suis la lumière. Mais ça tombe bien puisque l’un ne peut exister sans l’autre. Au pire des cas, considérez que c’est là une occasion de ne pas vivre que dans les ténèbres.

    Car forcément, si Ashani accepte d’être à son service, il l’accompagnera forcément dans des milieux plus riches, plus prospères et plus chics.

    - Si quelqu’un remonte votre trace, et remonte donc jusqu’à moi, je l’assumerai. De toute façon, la pègre connaît tous les mages puissants de Magic. Ils sont trop réputés pour qu’on ignore leurs noms, et je vis depuis trop longtemps pour que je leurs sois une totale inconnue. Quitte à être surveillée du coin de l’oeil, autant connaître ceux qui gravitent autour de moi et qui peuvent devenir mes ennemis.

    La femme s’interrompt quand on toque à la porte, et Albus finit par entrer dans la pièce. Il propose de préparer une chambre pour le Drakyn, et Neera accorde un sourire à son majordome.

    - Oui, volontiers. Nous avons tous besoin de repos pour ce soir. La dame aux cheveux d’argent se lève et se tourne vers Ashani. Nous continuerons notre conversation demain, à tête reposée.

    Ce serait beaucoup mieux pour établir les termes du contrat, à moins qu’Ashani ne tente un mauvais coup ce soir.
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  • Dim 22 Jan - 15:28
    Une trentaine d'années, tout au plus, dis-je en relevant un sourcil, examinant attentivement les traits de la magicienne. L'apparence peut toutefois s'avérer trompeuse, ses cheveux blancs ne signifie pas forcément qu'elle est âgée, il n'y a aucune trace de vieillesse sur son visage non plus, sa sagesse néanmoins, révèle une grande connaissance du monde qui l'entoure. Je reste sceptique quant à ma réponse, espérant ne pas avoir dit une absurdité. Elle change de ton et entame une conversation intéressante sur ses agissements. Neera est une femme qui ose, prenant la vie par les cornes et sa détermination m'enivre. La jeune femme m'apparaît bien plus intelligente et plus joueuse, prenant un véritable plaisir à me donner des détails sur ses desseins. De plus, sachant pertinemment que le réseau des bas-fonds est tout sauf une cour de récréation, m'envoyer en tant qu'agent à son service, sous couvert d'être un voleur hors pair, je pourrais lui donner de multiples informations en contrepartie de vivre décemment à ses côtés. Peut-être ne suis-je qu'un chien au service d'un maître après tout. Je prends une gorgée de vin, laissant l'alcool me parcourir l'œsophage tandis que je réfléchis à la situation qui s'offre à moi. La magicienne ne semble pas de mauvaise foi et comme l'annonce, elle est une espèce d'anomalie dans le système républicain. Jetant un regard dans la direction de la baie vitrée, j'y vois mon reflet et celui de l'académicienne qui attend, patiemment, son verre contre ses lèvres. Je vais devoir réfléchir aux conditions durant la nuit, histoire de ne pas me faire entuber. Je suis prêt à sacrifier ma Liberté, si c'est pour vivre comme je l'entends. Au tout départ, mon existence a très mal commencé, vouée à une enfance difficile remplie de solitude, j'ai baigné bien trop longtemps dans un monde sale et malfamé. Après vingt-sept ans d'existence, quelque chose de bienveillant me tombe sur les bras. Il s'agit de cette femme, aussi vaillante qu'une guerrière, téméraire et sûre d'elle. Qui laisserait passer une chance pareille de vivre sous le toit d'une dame aux pouvoirs incroyables, de grand talent et réfléchie ? Je pourrais avoir accès à la culture, aux pièces de théâtre, aux contes. Je pourrais vêtir de la soie et contempler le monde d'un œil nouveau. Finalement, venir au sein de la République est ce qu'il y a eu de mieux dans ma vie. Neera est la clé de mes envies, elle est celle qui va pouvoir m'élever à un rang supérieur, me donnant un peu de pouvoir. J'y songe de plus en plus et un rictus malveillant se fige sur ma tête. La vieille femme attendra, mais elle ne paie rien pour attendre. Ce ne sera très certainement pas moi qui irais me salir les mains, toutefois, je lui ferai payer le mal qu'elle m'a causé. J'imagine bien Pancrace lui mettre une chaîne autour du cou et l'envoyer au trou. Ce serait une belle façon de se faire pardonner. Lorsqu'Albus rentre dans la pièce et demande à préparer ma chambre, la Tornade proclame que nous continuerons la conversation le lendemain. Nous finissons nos verres, nous séparant en haut des escaliers. Elle prend un autre chemin tandis que je suis le majordome, qui m'accompagne jusqu'à ma chambre.

    Un lit à baldaquin se trouve au fond de la pièce, une cheminée est allumée et nous réchauffe, un large tapis ovale à la peau de bête est étendu au centre, un gros coffre est au pied du lit. Contre les murs gît un large bureau en bois avec quelques plantes et une petite bibliothèque remplie de livre d'histoire. Un grand chandelier éteint est suspendu sous une poutre, Albus me demande si je souhaite les faire allumer, je décline poliment. Il s'en va fermer des rideaux, afin de recouvrir les grandes fenêtres cisaillées dans la roche pour garder la chaleur ambiante. Il me déclare me rendre mes affaires qui seront très certainement sèches, pour demain matin. Un petit-déjeuner nous attendra dans la salle du dîner. Me souhaitant une bonne nuit, il ferme la porte avec délicatesse et s'en va. Livré à moi-même, je m'installe sur un fauteuil devant la cheminée et commence à retirer le haut du costume. Je plonge mon regard dans les flammes dansantes, le craquement du bois et le sifflement du vent qui s'abat contre la vitre sont les seuls bruits que l'on entende. Je me lève et commence à inspecter chacun des livres près du bureau, les titres ne m'évoquent en rien et lorsque je lis les premières pages, un désintérêt m'assaillit. Je commence à m'installer dans le lit, mon dos me remerciant de ne pas se retrouver contre des pavés froids et glissants. Je regarde le haut du lit, mes mains derrière le crâne et je réfléchis, longtemps. Que faire ? Dois-je accepter de travailler auprès de cette dame aux cheveux d'argent, dont je ne vois que la richesse et la grandeur ? Ou bien, je refuse tout ça et repars dans une vie misérable ? Mon honneur de drakyn me hurle de refuser, quand mon esprit me hurle de rester. Je suis tiraillé de toute part. Vais-je être considéré comme serviteur au service de madame ? Quelles conditions allons-nous poser dans notre contrat ? Je n'arrive pas à m'endormir, mon esprit turbine et je ne me sens pas chez moi. Je décide de sortir de la pièce, entrebâillant légèrement la porte. Je ne veux pas attendre demain. Et puis, je me ravise. À quoi bon ? Elle peut faire ce qu'elle veut, je ne suis rien. Je referme la porte, m'installe et attends que le sommeil arrive.

    Mes yeux s'ouvrent dans la pénombre, le feu n'est plus qu'un petit tas de cendres incandescentes, le vent automnal souffle plus fort que la veille contre les fenêtres de la chambre. Je me réveille avec l'esprit embrumé, une angoisse naissante comme si, je n'avais plus aucun repère. Je dois me rafraîchir les idées, quelque chose m'effraie. Ai-je fait un cauchemar ? Je n'arrive pas à me rappeler. Les mains contre mes tempes, je masse légèrement avant de me lever en emportant une petite bougie que j'allume grâce aux cendres restantes, et pars en direction de la salle de bain. Une fois dans la salle d'eau, je plonge mes mains dans un petit bassin et nettoie mon visage. J'inspecte mon visage dans le miroir, la petite flamme éclairant à peine les environs et revient sur mes pas. Mon cœur palpite. Mon esprit est dans les vapes. Je ne me sens pas à l'aise. Est-ce que j'ai peur ? Non. Un drakyn n'a jamais peur. J'allais retourner dans ma chambre, la main sur la poignée de la porte, quand je décide de laisser la porte fermée et d'aller dans la direction opposée. Retournant tout en haut des escaliers, je n'entends quasiment rien, hormis le bruit du vent contre le manoir. Tout le monde semble dormir. Je continue à pas feutré, cherchant du regard la pièce tant convoitée. J'essaie d'ouvrir une porte et remarque qu'il s'agit d'un vieux placard à balais. Refermant délicatement, j'inspecte la deuxième qui est fermée à clé. Je n'ose pas la crocheter de mes griffes. Je continue, encore et encore, jusqu'à tomber sur celle que je souhaitais. J'y trouve une vaste chambre avec des couleurs rayonnantes. La petite flamme de la bougie danse timidement, je rentre à l'intérieur et referme la porte doucement. Sans un bruit, je regarde les murs, les meubles et inspecte si quelque chose qui brille y rôde. Je ne trouve rien, hormis des poupées de porcelaine qui siègent sur un sofa. Je vois dans un lit à baldaquin, une forme qui dort paisiblement. Je m'approche et découvre Neera, dormant paisiblement.

    Qu'est-ce que je fous là ? Pourquoi je me suis retrouvé ici ? J'ai déjà volé, j'ai toujours aimé voler, cependant je résiste à l'envie d'aller cueillir quelques raretés. Mon corps se raidit, je n'arrive pas à rester serein et alors que j'entends un soupir venant de la belle endormie, j'attends quelques instants d'être certain qu'elle ne se réveille pas. Son lit est immense pour une seule personne. Je fais le tour et y vois une table de chevet, cela me rappelle des souvenirs. De très mauvais souvenirs. J'ai l'impression de revoir la main coupée de ma mère en décomposition, tendant ses doigts longilignes avec l'anneau à la pierre d'onyx. Je suis effrayé, perdu. Et si j'étais comme mon père ? Et si, finalement, je n'étais qu'une bête sanguinaire ? Je m'installe près de la dame, dépose la bougie sur la table de chevet et laisse la flamme allumée, laissant les ténèbres m'engloutir. Le silence m'effraie et la respiration de la magicienne m'apaise. Lorsque j'étais dehors, il y avait les bruits de ville, les chiens errants, les gens qui chahutaient à l'extérieur, mais dans ce bâtiment, il n'y a rien. Et la solitude m'angoisse, me rappelant mes années enfermée entre quatre murs sans lumière, sans rien. On me croirait fou. Je ne le suis pas. Je crois que je suis traumatisé des endroits clos, seul avec pour seule compagnie le vent. Je regarde Neera dormir et me rendre compte que je suis malade. Un monstre avec ses démons. Je reprends la bougie et pars à contrecœur vers mes quartiers. La nuit n'est pas tranquille, je n'arrive pas à dormir.
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  • Sam 28 Jan - 15:12
    Un sourire apparaît fugacement sur son visage quand le Drakyn lui déclare qu’elle a trente ans, mais la magicienne décide de ne pas lui révéler son vrai âge tout de suite. Il l’apprendra bien assez vite, ne serait-ce qu’en discutant avec les domestiques, par exemple. Ceux-ci devront bien lui expliquer pourquoi il y a des livres si anciens dans sa bibliothèque, pourquoi certains parchemins ont été enchantés pour ne pas se détériorer avec le temps, ou pourquoi elle peut avoir des antiquités pour l’époque. La maison de la demi-titan n’est pas un musée, mais il n’en reste pas moins qu’elle a gardé quelques souvenirs de ses parents ou de quelques grands événements dans sa vie. La femme aux cheveux d’argent laisse donc Ashani à son ignorance, pour l’heure, il en sait bien assez sur elle. La Républicaine verra avec le temps si elle peut véritablement lui faire confiance et s’appuyer sur lui, ou si au contraire, elle doit s’en défier pour ne pas recevoir un couteau dans le dos. Qu’il lui ait dit qu’il ne l’agresserait pas dans son sommeil, la diviniste l’entend bien ; ça ne veut pas pour autant dire qu’elle doit le croire sur parole.

    Mais l’heure n’est pas réellement aux cogitations. Albus vient d’ailleurs les trouver pour emmener Ashani dans sa chambre, et l’enseignante acquiesce à sa proposition. Il ne faut pas longtemps pour que les deux hommes prennent congé, et la Tornade signale discrètement à son majordome de venir la retrouver après qu’il en ait fini avec le Drakyn. Il faut quand même qu’elle lui parle de son projet – parce qu’il n’est pas du tout au courant – et qu’elle le convainque que ce n’est pas une si mauvaise idée. Après tout, cela fait si longtemps qu’Albus vit avec elle qu’elle ne lui cache rien concernant son domaine, et c’est lui qui devra prendre en charge Ashani, s’il travaille un temps soit peu pour Neera au manoir. Elle doit donc le mettre au courant et… elle est certaine qu’il sera absolument ravi. Tellement ravi qu’il risque d’être de merveilleuse humeur un jour ou deux, mais ça, ce n’est pas trop grave.

    Il s’en remettra.

    *

    *          *

    Qu’on soit en automne ou en plein été, l’aube est toujours belle pour celui qui sait se lever tôt et admirer les environs. En pleine métropole, il n’est pas évident d’apprécier le lever du soleil comme à la campagne. Neera n’est cependant pas une femme comme les autres, et ce matin-là, elle décide de s’échapper un temps dans les airs, à une cinquantaine de mètres de sa maison. Elle reste en basse altitude, mais c’est suffisant pour voir le jour se lever. L’aurore est encore timide, mais le ciel s’embrase doucement d’une douce lueur rosée. Bientôt, c’est le soleil qui pointera à l’horizon, et ses rayons dorés sortiront la République de son sommeil bienfaisant.

    La demi-titan est loin, très loin d’avoir connu l’angoisse d’Ashani, et heureusement pour lui, elle ignore totalement qu’il s’est introduit dans sa chambre cette nuit. Oh, elle a bien eu une discussion un peu houleuse avec Albus – qui lui a sorti toutes les raisons du monde pour ne pas embaucher un inconnu dont elle ne sait rien – mais c’est finalement elle qui a eu le dernier mot. Elle conçoit bien qu’accueillir un exilé chez elle, qui ne possède rien et qui peut très bien lui avoir menti, s’avère un peu dangereux, mais la magicienne est prête à prendre ce risque. Parfois, il faut simplement suivre son instinct, et ne pas toujours suivre sa raison qui enjoint à la prudence et à la pondération.

    Bien sûr, cela n’empêche pas la belle de bien réfléchir à ce qu’elle va proposer au Reikois. Si la jolie brune fait un contrat écrit, c’est aussi à elle d’être intelligente pour poser des clauses où il ne pourra lui nuire. Et d’autre part, la diviniste ne doit pas avoir une foi aveugle en ce bout de papier : après tout, un homme peut très bien briser un pacte qu’il a fait pour diverses raisons. Il faut être idiot pour croire qu’une clause suffit à empêcher toute trahison.

    La mise songeuse, Neera utilise distraitement son pouvoir de l’air pour façonner des petits tourbillons devant elle. Ce n’est rien de bien sérieux, mais la jeune femme apprécie souvent d’utiliser son pouvoir quand tout le monde dort et que personne ne peut la voir. Cela lui laisse aussi l’occasion de s’exercer, d’utiliser sa magie qui est une part intrinsèque de son être, et de faire le vide dans sa tête. Aujourd’hui, néanmoins, le Drakyn est présent à son esprit, et elle se rend bien compte qu’elle n’est pas si attentive qu’elle ne l’est d’habitude. D’un geste, la sang-mélée fait disparaître ses petites tornades, et s’arrache à la contemplation de l’aurore. L’enseignante redescend au sol, entre dans sa maison encore endormie, et va finalement dans son bureau. Dans un coin de la pièce, il y a une étagère où se trouve des documents vierges. Elle en saisit quelques copies, les plie soigneusement dans son sac, puis ne tarde pas à saisir un cahier vierge duquel elle arrache une page. La dame aux cheveux d’argent griffonne alors un mot à l’attention d’Albus ou de ses domestiques, dans lequel elle les prévient qu’elle va effectuer une petite course. Si jamais Ashani se lève d’ici là, ils sauront quoi faire, certainement qu’ils lui proposeront un petit-déjeuner une fois qu’il se sera préparé. Mais Neera sait où elle va, ça ne devrait donc pas lui prendre longtemps. Peut-être même sera-t-elle revenue avant que l’homme-dragon ne se lève.

    C’est donc d’un pas rapide qu’elle quitte sa maison, et il ne lui faut pas longtemps pour atteindre l’Université de Magic. Les étudiants les plus motivés sont déjà en route vers l’école, mais contrairement à eux, la sang-mêlée ne vient pas pour assister à un cours ou pour donner une leçon en particulier. Non, elle vient plutôt voir quelqu’un, une jolie enchanteresse qui a bien des sœurs joviales dans cette Académie. Athénaïs de Noirvitrail a beau être une calamité en termes de magie élémentaire, la professeure apprécie néanmoins son tempérament et sa bonne volonté. Il est rare qu’elle lui demande service, mais la Tornade connait son talent pour enchanter les objets, et celui qu’elle veut lui suggérer doit être assez simple à créer. Heureusement pour elle, Neera trouve facilement la demoiselle – rencontrer Myrtelle a du bon, puisqu’elle sait précisément où est sa sœur. Quand la magicienne découvre donc où se trouve Athénaïs, elle ne tarde pas à la saluer chaleureusement. Après s’être enquiert de ses nouvelles, ce qui est quand même la moindre des choses, la Républicaine en vient finalement au fait et sort les parchemins qu’elle a pris avec elle. Elle lui présente rapidement son idée, et l’étudiante ne tarde pas à étudier sa demande. Finalement, oui, c’est faisable, et en plus assez rapidement, qui plus est. Ca arrange bien la professeure, qui la regarde utiliser son don avec un brin de curiosité. L’enchantement, voilà bien un domaine qu’elle ne maîtrise absolument pas. Mais il faut de tout pour faire un monde, et quand la façonneuse a terminé son travail, Neera la remercie sincèrement avant de prendre congé de l’étudiante.

    Il ne lui faut guère de temps pour rentrer chez elle et son timing est assez bon, puisque quand elle arrive dans le hall après s’être débarrassée de son manteau et de ses affaires, elle tombe sur le Drakyn qui descend de l’étage pour atteindre le rez-de-chaussée. L’élémentaliste lui adresse aussitôt un sourire chaleureux, avant de prendre la parole.

    - Ashani. Vous avez bien dormi ?

    Elle désigne ensuite d’un geste salle où ils ont mangé hier.

    - Le petit-déjeuner est prêt. Je vous propose de nous restaurer avant de passer à la rédaction du contrat. A moins que vous n’ayez changé d’avis ?

    Mais elle ne le pense pas, et quand ils s’installent à table, l’enseignante se permet d’entrer dans le vif du sujet après qu’ils se soient servis chacun leur portion. Il n’y a rien de bien grandiloquent à table : hormis le service en porcelaine blanche, on propose simplement à Ashani quelques viennoiseries. Des croissants et des pains au chocolat, notamment. Il y en a suffisamment pour eux deux, et en accompagnement, il y a moyen de se servir du café ou du lait. En tous les cas, elle laisse le Reikois choisir ce qu’il préfère, et après mangé un bout de son croissant, Neera prend la parole.

    - Je suppose que vous avez eu l’occasion de réfléchir cette nuit.

    La demi-titan sourit et continue.

    - Est-ce qu’il y a des choses que vous voulez me faire savoir avant la rédaction du contrat ? Des conditions, des clauses… Neera hausse les épaules pour signaler que sa question est finalement assez large. Voire même des détails de votre vie au Reike que je devrais savoir ?

    Ce n’est pas parce qu’il parle en premier qu’elle acceptera toutes ses demandes, mais elle le laisse libre de s’exprimer, au moins. D’une certaine manière, ça peut être un avantage et un inconvénient, puisqu’en agissant ainsi, elle peut le tester pour voir quelles sont véritablement ses objectifs.

    - Je suppose que si vous entrez à mon service, vous devez bien avoir quelques questions pour moi également, poursuit Neera. On ne s’engageait pas chez quelqu’un sans savoir dans quoi on s’embarquait. Vous pouvez toujours me les poser, j’y répondrai du mieux que je peux.

    Ensuite, ce serait à elle d’exprimer et de mettre ses propres conditions. Il restait à voir, évidemment, s’ils parvenaient à un accord.

    - En tous les cas, je vous propose d’écrire le contrat sur ce parchemin là-bas. Il a été enchanté par une façonneuse en qui j’ai confiance. Ceux qui le signent seront les seuls habilités à le lire. Si quelqu’un veut en prendre connaissance – Albus par exemple, alors qu’il n’a pas apposé sa signature – il lira un fabuleux poème composé par une de mes étudiantes. Augusta, une des sœurs Noirvitrail, avait un don pour faire des poésies véritablement affreuses. J’espère qu’utiliser un tel matériel ne vous dérange pas, sourit-elle.
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  • Dim 19 Fév - 19:50
    J'ouvre les yeux, ma tête au pied du lit et aperçois les draps sur le sol, à croire que je me serai battu dans mon sommeil. Il faut dire que j'ai très mal dormi, peu habitué à un tel confort. Je me relève avec difficulté, prenant appui sur le bord du matelas rempli de coton, avant de vêtir les vêtements apportés hier soir par Albus. Le feu dans l'âtre s'est éteint, les rayons du soleil percent contre les fentes de la fenêtre de la chambre, cela m'attire. Je retire les rideaux, ouvre la baie et respire à pleins poumons l'air de la ville qui s'éveille. J'aperçois le jardin en contrebas, un paysage magnifique baigné par le givre matinal avec un léger vent fouettant mon visage pâle. Depuis des années, je n'ai jamais aimé être enfermé et il est vrai que je ne vais pas mourir de froid aujourd'hui, ni peut-être demain et dans les jours à venir. Aujourd'hui est un grand jour puisqu'il s'agit de mon premier vrai contrat républicain. Il n'est peut-être plus question de mercenariat, vais-je enfin vivre décemment auprès de la belle Neera ? À dire vrai, je n'ai pas réfléchi aux multiples questions que je pourrais lui poser lors de cette entrevue. J'aviserai sur le tas. Esquissant un sourire en coin, j'entends quelqu'un frapper à ma porte et une des demoiselles demande si elle peut entrer. La jeune fille commence à s'occuper du linge et me sommes de descendre, car la dame des lieux ne devrait plus trop tarder. Haussant un sourcil, j'acquiesce et descends jusqu'au rez-de-chaussée où je tombe nez à nez devant la maîtresse du manoir. Nous nous saluons brièvement, j'opine du chef et nous partons nous installer. Une fois le petit-déjeuner prit, elle me pose les questions fatidiques.

    Et bien ... Dîtes-vous que j'ai en effet quelques clauses à vous transmettre, dis-je avec un sourire en coin. Je prends de l'assurance et commence à croiser les doigts devant moi, les plaçant sous mon menton. La liberté. Bien que vous serez mon employeur, j'aimerais avoir mes propres faits et gestes. Je serai vos yeux et vos oreilles, sans toutefois devoir me mettre en danger. Ou du moins, essayer. Le contrat pourra être rompu après concertation entre les deux parties. Je souhaiterais connaître les horaires et les extras envisagés lors des soirées mondaines auxquelles je serai convié pour être votre ... Bras droit. Je n'ai rien à cacher.

    Je la dévisage et commence à me demander si elle compte réellement m'utiliser comme homme de main ou bien comme simple espion. Cette femme vaut bien plus que tout l'or du monde et sans vouloir me plier en quatre pour elle, je suis tout de même apte à me salir les mains. N'ayant jamais vécu une telle situation, je reste perplexe quant à ces fameuses clauses. Tout ce que je souhaite, c'est ne pas être un chien que l'on dresse et que l'on manipule à sa guise. Je ne veux plus être un homme frêle, faible et sans importance. Mon regard à l'iris fendu vacille entre le visage de la douce Neera et la pièce qui nous entoure. Est-ce réellement ce que je souhaite ? Elle est là, devant moi, me tend une main remplie d'espoir et de puissance, alors que je n'étais qu'un clochard des rues de Liberty prêt à rendre son dernier soupir. Peut-être que je me voile la face et ne suis qu'un pantin, un homme qui ne sera jamais capable de prendre les décisions seules et n'être qu'un stupide drakyn. Pourquoi la rage me consume-t-elle ? Pourquoi ai-je soudain une envie de tout exploser et de crier au beau milieu de cette pièce ? Je ne suis personne. Rien. Je ne serai qu'un stupide clébard qu'on gardera jusqu'à ce qu'on me jette encore dans la saleté et dans la misère. Et si tout ceci n'était qu'une mascarade ? Suis-je encore un homme trop naïf ? Je me lève de mon siège et me dirige vers Neera. Je sens en moi le sang qui boue, je sens la haine, la rage et une grande faiblesse qui émane de tout mon être. Je suis quelqu'un qui n'a pas sa place, que ce soit au Reike ou en République. Après tout, qui suis-je réellement ? Un voleur ? Un charlatan ? Un baratineur ? Que fera t-elle lorsqu'elle découvrira l'immonde bête du désert que je suis ? Que pensera t-elle lorsqu'elle me verra sans mes crocs et mes griffes ? Je suis pris d'une grande colère, tandis que mon passé ressurgit. Un passé où je ne faisais que voler pour survivre, appâter les femmes pour dérober leur bien et surtout, haïr ce monde. Toutefois, voilà qu'elle surgit de nulle part, telle une étoile qui inonde l'obscurité de sa lumière, je tente de l'attraper et finalement, m'y enchaîne.

    Je découvrirai qui vous êtes, dame Storm. En temps et en heure. Tout ce qui m'intéresse ...

    Un temps.

    C'est vous.

    Je prends le parchemin et commence à griffonner ma signature ainsi que mon souhait de liberté, bien que je veuille rester auprès d'elle. Cette femme m'attire comme un aimant, elle est le bijou tant aimé et adoré des plus grands. Je désire la liberté et en même temps, je me laisse happer par cette chaîne invisible qui nous relie. Ce simple manuscrit où nos signatures y sont déposées, ce simple contrat nous qui nous rattache. Je n'avais jamais fait cela auparavant et je dois avouer que cela me procure une étrange satisfaction, mais aussi une crainte. La crainte de ne plus pouvoir être celui que j'étais auparavant. La crainte de devenir un homme plus prudent. L'angoisse m'empare et pourtant, je décide de me lancer cœur et âme dans cet étrange contrat, vivant cet instant comme un échange. Je dépose la plume et pose mes mains contre la table, le visage tourné vers la femme aux cheveux immaculés.

    Je ne vous trahirai pas, si vous ne me trahissez pas. Je suis un homme de parole. Ce contrat nous engage, vous et moi. Je ne veux pas vous importuner plus longtemps, si vous souhaitez que je trouve un logement.
    Noble de La République
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    Neera Storm
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  • Jeu 23 Fév - 21:30
    Silencieuse, Neera laisse Ashani s’exprimer alors qu’ils en sont finalement à la rédaction du contrat. C’est le moment ou jamais pour mettre à plat tout ce qui a été dit la veille ou tout ce qui a pu être cogité durant la nuit. Mais ce que le Drakyn lui réclame, c’est essentiellement d’avoir sa propre liberté, sans être un chien en cage qui doit attendre le bon vouloir de la magicienne pour agir. Cela, elle peut le comprendre, puisque la jeune femme tient elle-même à sa propre indépendance. C’est à cause de celle-ci que la demi-titan n’est jamais entrée en politique et n’a pas non plus postulé au poste de Pléiade, à l’Université Magic. Être professeure lui laissait davantage l’occasion d’agir comme elle l’entendait. Alors quand l’homme-dragon lui demande la même chose, elle se contente d’acquiescer d’un air compréhensif. Ses yeux sont néanmoins songeurs et alors qu’elle caresse distraitement le parchemin du bout du doigt, elle réfléchit.

    - Votre liberté me semble aller de soi. Je n’engage pas un esclave, mais un homme de main, et il y a une nette différence entre ces deux statuts. Cependant, j’émets à mon tour une condition. Vous êtes libre d’agir comme vous l’entendez, mais si votre rôle de bras droit et d’espion vous fait mener une entreprise dangereuse, pour moi ou ma maison, je veux être prévenue auparavant, pour mieux déterminer notre stratégie et dans quoi nous risquons de nous engager.

    La confiance qu’elle portait envers Ashani serait à construire au fil du temps, mais il n’était pas question non plus de le suivre aveuglément.  

    - Je tiens également à ce que vous me faisiez part de votre avis régulièrement. Pour ce qui concerne les bas-fonds, évidemment, mais aussi pour ce que vous aurez appris dans les réceptions, les salons politiques, les sorties mondaines… Un sourire un brin sarcastique naît sur le visage de Neera. Même une critique à mon encontre pourrait être bénéfique, qui sait. Vous avez hier soir que j’étais un joyau, mais je suis sûre que vous découvrirez bien quelques-uns de mes défauts dans les prochaines semaines et les prochains mois.

    Une légère pause, puis la belle aux cheveux d’argent reprend.

    - Autre chose. Vous êtes libres de rompre le contrat avec mon accord comme vous l’avez dit. Mais je ne supporte pas la trahison. Si un jour, la situation ne vous convient plus, cela ne me dérange pas d’en parler, ou même que vous partiez, mais ne me plantez pas un couteau dans le dos, je pourrais peut-être avoir un côté rancunier.

    Mais Ashani semble bien plus motivé à découvrir qui elle est, ce qui ne dérange pas tant que ça la maîtresse de la foudre. D’ailleurs, il lui signale qu’il ne la trahira que si la concernée le trahit en premier. Bien. A priori, rien n’indique qu’elle va le faire, et chacun finira bien par se rendre compte si l’autre est un homme de parole ou non. Neera vient donc apposer sa signature au document, à côté de celle d’Ashani, et elle finit par enrouler le document quand son nouvel associé lui parle d’un logement.

    - Vous pouvez prendre une chambre dans le manoir si ça sert à vous dépanner. Vous pouvez même dormir ici tout court, certains de mes domestiques ont demandé à le faire. Une pause, le temps de réfléchir aux endroits où Ashani pourrait aller, puis Neera enchaine. Je peux faire une avance sur votre salaire. Cela vous servira d’acompte, en plus de vous permettre quelques emplettes, et ça rassurera toujours celui qui vous vendra votre logement. Dites-lui que vous travaillez aussi pour moi. Le nom des Storm est gage de stabilité, en République. Neera était radine, certes, mais elle n’avait jamais fait de vague dans le milieu de la finance. Toutes ses dettes étaient payées, ce qui était évidemment bien vu par ses créanciers. Surtout, être professeure à Magic lui donnait une certain cachet d'intégrité. Je demanderai à Albus de fixer les prix et les extras pour ce qui concerne les événements auxquels vous serez liés. Cela sera sans doute fait dans l’après-midi.

    Un silence alors que Neera termine le nœud de la ficelle qui enserre le parchemin. Puis, elle adresse un sourire aimable au Drakyn.

    - Eh bien, je pense que nous avons fait le tour. Que dites-vous de commencer demain, Ashani ? Je pense qu’une présentation de la situation en République ne sera pas de refus.

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  • Lun 6 Mar - 7:49
    Une nouvelle vie s'offre à moi, enfin, je ne serai plus le pouilleux des quartiers. En posant ma signature sur ce contrat, je sens un poids qui se libère de mes épaules. Je vais enfin devenir quelqu'un, en commençant par être au service de l'une des femmes les plus fortunées et les plus puissantes de cette ville. Nous voyons ensemble les derniers points du contrat, ajustant quelques conditions pour que cela convienne aux deux parties. Mon regard acéré dévore la page des yeux, nous sommes pour ainsi dire, désormais liés. Neera tranche dans le vif, sachant pertinemment quel pourrait être les sujets houleux à l'avenir. Nous nous dirons tout, sans le moindre a priori. Bien que nous nous soyons connus aux abords d'un parc, j'ai une sensation qu'un étrange fil invisible nous lie. Nous nous sommes aperçus il y a de cela quelques heures, cette femme si douce qui tend la main à un homme-dragon se laissant mourir dans le froid, et aujourd'hui me voilà à ses côtés. Je ne montre aucune émotion mais, à l'intérieur de moi, je boue d'une énergie sans pareille. N'ayant jamais connu cette sensation auparavant, je reste perturbé et perplexe, me demandant encore si tout ceci est une bonne idée. Néanmoins, dans la vie, il faut de l'audace et je dois admettre que l'académicienne n'en manque point. Peut-être m'apportera-t-elle quelque chose que je n'ai jamais connu, peut-être sera-t-elle la clé qui me propulsera en avant et fera de moi un autre homme. Même sans tout cela, je la remercie du regard. Lorsqu'elle aborde le sujet de la chambre au sein du manoir ou l'avance sur mon contrat, je pose le poing sous mon menton et réfléchis à la proposition.

    Je pense rester ici, pour l'instant. Je vais pouvoir me familiariser avec les environs et pouvoir adapter ma démarche ou même mon langage auprès d'Albus. Si vous êtes d'accord avec ça, alors faisons comme cela. Je prendrais soin de faire attention à vos biens et vous promets de vous servir, pour le meilleur comme pour le pire, dis-je avec un rictus.

    La magicienne de la foudre me sourit après avoir terminé de lasser le nœud sur le parchemin, avant de me demander si nous pouvions commencer dès demain. Il est vrai que je n'ai pas énormément de connaissances sur les nombreuses personnalités ou les lieux importants de la République. Je peux que constater la différence entre la République et le Reike en termes de culture, nous sommes si différents dans notre manière de vivre. Il est vrai que l'empire reikois a son lot de gredins et de personnalités au fort tempérament, mais il existe une certaine fraternité entre chaque individu. Seulement, pour moi, il n'y a eu que de la méfiance et de la douleur. Depuis mon arrivée en République, tous mes espoirs se sont transformés en désillusion et pourtant, après plus de trois semaines à errer comme un chien, me voici dans un lieu insolite et somptueux. J'ai remarqué pourtant la ségrégation entre les républicains et les migrants venus fuir leur contrée, j'ai pu subir la violence du racisme et la cruauté des civils. Pourtant, Neera m'a prouvé le contraire. Tous ne sont pas pareils et je n'ai plus besoin de baisser les bras et me laisser crever dans un coin. Je suis un jeune drakyn au tempérament fougueux et à l'esprit encore trop étriqué. J'espère pouvoir grandir et évoluer auprès de celle qui m'a prise sous son aile. La toisant gravement, je réponds avec clarté :

    J'aime cette idée, je serai ravi de débuter dès demain Je tenais à vous dire ... Vous me sauvez, Neera Storm. Votre geste n'est pas anodin et sachez que vous aurez une grande place dans mon cœur et mon esprit pour ce que vous venez de faire envers moi. Je ne suis pas un homme des plus pieux, ni des plus respectables. Toutefois, vous verrez que je suis un homme fiable et loyal. Je vais commencer à préparer des affaires et à discuter avec Albus au sujet de la République. Vous avez certainement des projets et je ne compte pas vous importuner plus que ça aujourd'hui.

    Je m'incline légèrement, une main dans le dos et l'autre au niveau de l'abdomen avant de me redresser et de lui dire dans un murmure :

    Vous ne le regretterez pas.

    Avant de m'éclipser de la pièce.
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