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  • Sam 24 Déc - 15:09
    Une bourrasque de vent chaud, chargée de sable, vint s’écraser contre le heaume cornu d’Alasker tandis qu’il traversait la place Tensaï. Il pesta en contournant deux stupides chameaux à l’arrêt, derrière lesquels se trouvait le chariot à roulette d’un charlatan quelconque, occupé à alpaguer la foule grouillant autour de lui en criant de sa petite voix fluette des mensonges encensant ses articles. A son approche, la vague vivante recouvrant chaque centimètres de la place se fendit en deux et le géant n’eut pas besoin de jouer des coudes pour parvenir à la rue du Cimetière, hélas toute aussi bondée que le lieu précédent.
    Un marchand de fruit, penché par-dessus son stand, trouva l’audace de l’attraper par le bras en baragouinant quelque chose au sujet de la pamplemousse siégeant dans sa main libre.
    “-Y’a pas assez de viande dans tes fruits pour que je m’y intéresse.” Gronda Alasker en se dégageant d’une secousse brusque, ce qui manqua d’emporter le roturier dans son élan.
    Iratus détestait cordialement les quartiers populaires de Taisen. Toute cette vie qui fourmillait, partout, à chaque recoins, le rendait anxieux. Les marchands criaient, les enfants criaient, les femmes appelant leur homme ou leur chiard criaient aussi et certains allaient jusqu’à franchir la barrière du contact pour attirer son attention, comme l’imbécile avec ses fruits. Un vrai cauchemar pour un solitaire. Habituellement, en-dehors de ses heures de services, rien ni personne ne pouvait le forcer à s’enfoncer dans ce genre de piège avec un tel empressement;
    Mais, en ce début de soirée, son propre sang l’avait appelé à l’aide. Au fond du sac de voyage en cuir de vache qui pendait dans son dos siégeait l’origine de sa présence en ces lieux exécrables. Une lettre, pliée et écrite élégamment, fermée par un sceau de cire représentant un C alambiqué, digne d’une famille de nobles. Une lettre qui lui était destinée et qui ne laissait aucun doute quant à son expéditeur.
    Zachiel, son propre frère, lui avait écrit :

    Salutations petit frère,

    Avant toute chose, j’espère que tu vas bien. J’ai appris que tes talents continuaient de faire la fierté de notre famille. C’est une bonne chose, d’autant que tu es désormais le seul des trois fils à faire carrière au sein de notre glorieuse armée. J’ai toujours su que tu avais la trempe d’un héros de guerre et je suis fier d’être ton frère. J’aurais aimé faire cette lettre dans l’unique but d’écrire tes louanges et de renouer nos liens fraternels, mais hélas, l’heure n’est pas aux réjouissances.
    Mawdryn, notre frère ainé, est au plus mal. Le mal dont il souffre est incompréhensible, mais je crains d’avoir percé son origine. Je sais que tu n’éprouves que de l’inimitié envers lui tout comme je n’éprouve que de la tendresse envers toi, mais je t’implore de venir m’assister dans ses soins, ne serait-ce qu’une journée. Dans son état, il est important pour lui de voir un maximum de visages connus pour qu’il continue de lutter. Je t’invite donc à venir nous rendre visite dans les plus bref délais.
    Je t’en conjure petit frère, viens. Notre famille a déjà trop souffert ces dernières années.


    Alasker avait rit en lisant cette lettre. Zachiel avait toujours été un homme trop sensible pour faire soldat, c’était ce qu’il respectait le plus chez lui. Le fait qu’il ait abandonné la carrière des armes était un véritable soulagement, puisque le géant avait souvent craint que, dans sa candeur, Zachiel décide d’épargner la mauvaise personne et finisse avec la gorge tranchée. Mais ce n’était pas la seule bonne nouvelle que cette lettre portait en son sein : Mawdryn, le grand et talentueux Mawdryn, le futur général Mawdryn, fierté de leur père, était souffrant, au bord de la mort.
    Ca, c’était la félicitée même, couchée, avec style, sur le papier.
    Pour cela, Alasker avait demandé une permission exceptionnelle. La première en quatre années de bons et loyaux services, que Deydreus lui avait accordé avec autant d’amusement que d’étonnement dans le regard. Non sans empressement, le géant s’était emparé de son paquetage pour immédiatement prendre la route, laissant les Serres et plus particulièrement ses Dévoreurs dans l’expectative la plus totale. Des jours durant, le loup s’était épuisé à maintenir une marche rapide, ne s’interrompant que pour dormir quelques heures, car le campement des Serres se trouvait bien loin de la ville, à cet instant.
    Trois jours de marche rapide, sous un soleil de plomb. Trois jours à sentir sa peau bouillir sous son armure brûlante. A sentir courir sur lui les regards hésitants des bandits et des créatures opportunistes, tapis dans les dunes bordant les routes du désert. Puis, finalement, la ville, dans toute son ignominie.
    Sa traversée, de seulement quelques heures, s’était révélée, sans grande surprise, bien plus désagréable que la discutable quiétude de la route.

    L’adresse indiquée au bas de la lettre était celle d’un quartier relativement médiocre, où les vendeurs de tapis cotoyaient mendiants et lépreux, prénommé, ironiquement, “Triomphe”. Ca n’avait pas grand sens. A en juger par l’aspect de son message, Zachiel avait manifestement des moyens considérables, alors pourquoi diable vivre en de tels lieux? Même avec sa paie de simple sous-officier, il aurait pu prétendre à mieux.

    Ses pas le menèrent jusqu’à une porte noire, encadrée par des murs de pierres blanches, une entrée sans artifices, semblable à des dizaines d’autres, tout autour de lui, et suffisamment exposée pour paraître sans intérêt. Une entrée de planque de malfrat. D’esclavagiste ou de proxénète. Pas celle de la demeure d’un vétéran de guerre.
    Un horrible doute, quant à la nature des nouvelles activités de son frère, lui vint à l’instant où son poing frappa contre le bois de la porte. Zachiel faisait-il dans le grand banditisme, désormais? Était-il donc tombé si bas? Ses yeux d’encres glissèrent le long de l’étroit corridor, cerné de demeures bon marché, qu’était la ruelle où il se trouvait puis s’élevèrent jusqu’au firmament. Le ciel, dépourvu du moindre nuage, rougeoyait alors que l’astre solaire cédait lentement sa place à la lune. Un chat, noir et solitaire, usant de ses pattes avant comme d’un coussin pour sa corpulente personne, était juché sur le bord du toit plat d’une baraque, sur sa droite. Il le salua d’un “Miaou” retentissant qu’Alasker lui rendit en souriant. A cet instant, la porte s’ouvrit de l’intérieur, dévoilant une petite dame à la peau brunie et parcheminée par bien trop d’années passées sous le soleil du désert. Des tâches noires se trouvaient sous ses petits yeux bleus, une sorte de maquillage permanent que son âge canonique lui avait octroyé avec mansuétude. Son petit corps voûté se tordit davantage le temps d’une discrète révérence, alors qu’elle s’écartait pour le laisser entrer en marmonnant quelque chose qui ressemblait à “entrez, messire”, de sa petite voix.
    Alasker s’exécuta en tentant de cacher son malaise. Ils traversèrent le vestibule, constitué d’un court et étroit couloir au sol, aux murs et au toit uniformément blanc, dépourvu de fenêtre et seulement éclairé par une bougie, siégeant au fond d’une coupole dorée, elle-même suspendue au plafond au moyen d'une chainette de bronze, qu’Alasker dû esquiver en ployant douloureusement les genoux.
    “-Sire Zachiel sera très heureux de savoir que vous êtes venus.” Lui confia la petite vieille, en s’arrêtant devant une nouvelle porte, à l’autre bout du couloir. Un discret sourire s’était frayé un chemin sur ses traits usés, et les plis qu’ils causaient ne faisaient qu’accentuer l’aspect creux de ses joues.”Attendez là, s’il vous plaît." Ordonna-t-elle, avant de s’engouffrer dans cette nouvelle pièce en claquant la porte derrière-elle avec l’empressement d’un enfant.
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  • Mer 28 Déc - 16:45
    Sans un mot, Alasker patienta. Dix minutes durant, il demeura là, en faisant mine de ne pas sentir un malaise grandir en son sein. La sensation lointaine d’un début de claustrophobie vint titiller son esprit, lorsque l’une de ses larges épaules vint racler contre la craie de la paroi sur sa droite. Puis, la porte s’ouvrit de nouveau, dévoilant, une fois de plus, la petite vieille, qui s’écarta pour le laisser entrer, sans le suivre cette fois.
    “-Bonne soirée messire.” Fit-elle en fermant la porte derrière-lui.
    “-Ouai.” Répondit assez stupidement le Géant, les yeux plissés, tandis qu’il découvrait le nouveau décor autour de lui.

    La pièce, bien plus grande que l'étroit vestibule précédemment traversé, semblait aussi longue que large et… débordait d’un improbable bric-à-brac. Une dizaine de sièges richement décorés - sur lesquels reposaient autant d’étoffes et de tapisseries - entouraient plusieurs tables ployant sous le poids de divers coupes, d’assiettes et de couverts d’or ou d’argent qu’on avait manifestement empilé à la va-vite et abandonné là, sans que personne ne semble s’en préoccuper. En-dessous de tout cela, quelques tapis rougeâtre recouvraient le sol monochrome en absorbant la poussière tombant des hauteurs. Au plafond se mouvaient à l’envie deux boules de lumière, parfaitement rondes. Un discret sort d’illusion devait en être à l’origine. L’éclairage était assez fort pour en devenir douloureux, surtout lorsqu’on s’était habitué à la pénombre de l’extérieur, que le couloir précédent n’avait fait que prolonger. Lorsque l’une des boules de lumière s’approcha de lui, il tenta de la chasser de la main et ses doigts passèrent au travers dans un échec silencieux.
    Et puis, son ouïe affutée perçut un premier choc, provenant de quelque part, devant lui. Ses yeux s’adaptèrent à l’horrible luminosité pour découvrir qu’à une dizaine de pas d’où il se trouvait, un escalier de quelques marches descendait dans d’épaisses ténèbres que ses yeux de lycanthropes ne pouvaient décemment sonder en présence des lumières rampant au plafond.
    Un autre choc, plus proche. Comme si quelqu’un frappait le sol du pommeau de sa lame. Puis un glissement. Et un autre choc. Toujours plus proche.
    Alasker hésita à détacher de son dos la Salvatrice, qu’il maintenait jusqu’alors solidement attachée via une paire de chaîne d’acier. Et puis le bout d’une tête apparut au niveau des escaliers. Une tête humaine, enfin à peu près. Son visage, encadré de longs cheveux blonds, était en partie ravagé par d’horribles cicatrices. Sur le côté gauche, surtout. Alors que le nouveau venu grimpait -difficilement- les marches, en s’aidant d’une canne noire et en lui souriant de toutes ses dents, Alasker eut tout le loisir de détailler la partie intacte de son visage.
    C’était un homme blond, de grande taille bien que voûté, dans la quarantaine, au visage triangulaire, au nez droit et pointu, aux arcades sourcilières et aux pommettes prononcées. Ses grands yeux marrons brillaient d’une intelligence manifeste tandis que son menton imberbe et son sourire exempt de toute malice lui donnaient des airs de gosse perdu dans un corps d’adulte. Il était habillé d’une longue robe de soie beige ne faisant qu’accentuer la finesse de son corps, replié sur lui-même.
    Alasker prit brutalement conscience que cet homme maigre, qui avançait désormais vers lui en claudiquant, agrippé à sa canne tel le plus usé des vieillards, avait un jour été le jeune adolescent rêveur qui venait toujours lui poser des questions auxquelles il n’avait aucune réponse, en des temps plus heureux.
    “-Bonsoir, petit frère.” Le salua Zachiel, en s’immobilisant à deux pas de son vis-à-vis.
    “-Salut Zac’.” Répondit aussitôt le géant, renouant ainsi, sans le vouloir, avec une habitude qu’il avait cru définitivement perdue, vingt-trois ans auparavant.
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  • Mer 28 Déc - 16:52
    Le silence régnait dans la pièce. Zachiel, appuyé sur sa canne, attendait tranquillement que son frère finisse de le dévisager alors qu’Alasker ne cessait de danser d’un pied sur l’autre, sans réussir à détacher les yeux de la ruine qu’était devenue le visage de celui qui avait été, durant un temps du moins, le plus beau de leur fratrie.
    “-La vache.” Finit-il par dire, sans chercher à cacher sa curiosité pour la longue et horrible balafre qui descendait le long de la joue droite de son frère.
    “-Tu devrais voir l’autre.” Répondit simplement Zachiel en haussant un sourcil.

    Finalement, Alasker osa traverser les deux mètres qui les séparaient pour serrer son frère, si maigre, dans ses bras. Le frêle estropié accueillit l’étreinte en tentant de dissimuler sa surprise. Jamais, jusqu’alors, le dernier des Crudelis n’avait semblé aussi expansif, mais l’occasion n’était-elle pas unique? Quelques battements de coeur plus tard, pourtant, Iratus repris ses vieilles habitudes en s’écartant de manière abrupte, surpris par cette effusion soudaine dont il semblait être l’initiateur. Une douloureuse prise de conscience fit son chemin dans son esprit : Au fond, durant toutes ces années, ceux de son sang lui avaient manqué.
    Ce simple et évident fait ne mit guère de temps avant de se voir accompagner d’une juste mais douloureuse colère. Combien de fois, jadis, après qu’on l’ait jeté en prison, dans l’attente de son jugement, avait-il secrètement souhaité que ses parents ou ses frères ne viennent lui rendre visite? Personne, pas même Zachiel, n’avait osé. La pourriture des murs et la pisse de ses voisins de cellules, voilà les seules choses ayant eu l’insigne honneur de lui tenir compagnie avant que les nobliauds faiblards de l’ancien régime ne le condamnent à l’arène.

    “-Je suis heureux de te voir.” Lui confia Zachiel, dans son dos.
    Alasker secoua la tête, chassa ce trop plein de sentiments de son crâne et se retourna pour faire face à son frère.
    “-Moi aussi.” Ca aurait dû être un mensonge, et pourtant, c’était vrai. “Qu’est-ce qui t’es arrivé?
    Les yeux bruns de son frère roulèrent dans leurs orbites et ses étroites épaules se haussèrent alors que son éternel sourire de gosse s’agrandissait en creusant une discrète fossette au sein de ses joues osseuses.
    “-La guerre nous a tous prélevé un lourd tribut. J’ai eu plus de chance que beaucoup.
    -Et bien moins que d’autres. Pourquoi ta jambe ne s’est pas reconstituée?” Rétorqua Alasker, qui n’avait jamais aimé qu’on élude ses questions.
    Zachiel tapota le sol du bout de sa canne. Il pinça les lèvres et claqua la langue, démontrant par cette nouvelle attitude timorée que son monde était bien loin de celui de son frère.
    “-Elle s’est reconstituée, Al’.” La voix de l’ainé dérailla à la fin de sa phrase et ses yeux se fermèrent un instant. “Mais elle l’a fait avec trop d’empressement.
    Le géant aux côtés de l’estropié pencha la tête sur le côté alors qu’il tirait de cet indice la seule déduction logique possible.
    “-Je vois.” Souffla Alasker après un temps de flottement.
    En guise de réponse, Zachiel se dirigea vers le siège le plus proche et soulagea ce dernier des innombrables étoffes posées sur son dossier. D’une seule main, l’estropié dégingandé souleva une bonne vingtaine de kilos de fourrures pour jeter le tout sur la table. Quelques coupes dorée roulèrent au sol, dérangées, par l’atterrissage de cette nouvelle charge sans que cela ne semble gêner leur possesseur désigné, qui s’installa sur le siège ainsi vidé sous le regard interloqué de son frère.
    “-J’ai su rebondir, après ma blessure. Je peins, maintenant. Beaucoup. Et apparemment, mes gribouillages plaisent bien. J’ai trois ou quatre demeures du genre, qui débordent toutes de toutes les sottises qu’on m’envoie ou que ma femme ne souhaite plus voir chez nous.
    Cette dernière révélation soulagea en partie Alasker. Bien. Au moins, son frère n’était pas tombé dans le proxénétisme. Il alla le rejoindre en imitant son geste pour se faire de la place à son tour, sur le siège d’en face. Un plat, à la surface d’argent si réfléchissante qu’on aurait pu l’utiliser comme un miroir, rejoignit les coupes sur le sol.
    “-T’es marié maintenant?
    -Depuis longtemps. Elle s’appelle Cathya, c’est une elfe. Une beauté.
    -Félicitations. Des gosses?
    -Ni elle, ni moi n’en souhaitons pour l’instant. On a le temps. Nos races vieillissent lentement, comme tu le sais.
    -Surtout la sienne.
    Ils rirent un peu. Zachiel tapa deux fois sur le bord de la table, avec sa canne. Aussitôt, la petite vieille qui avait accueillit son frère à l’entrée débarqua du vestibule, les bras chargés d’un lourd plat chargé de fruits et d’amuses-gueules, d’aspect bien plus rudimentaire que toute l’argenterie laissée à l’abandon dans la pièce.
    “-Laissez cela au sol pour l’instant.” Ordonna le peintre à sa domestique, en s’emparant immédiatement d’une grande grappe de raisin vert. Alasker fronça les sourcils tandis que la vieille s’exécutait puis repartait sans un mot.
    “-T’as pris des attitudes de Sire.
    -Je le crains.” Acquiesça Zachiel en picorant négligemment sa grappe. “Déborah ne devrait plus être ma servante depuis des lustres. Je lui ai offert l’équivalent de dix fois sa paie annuelle, pour ses vieux jours. Mais elle refuse de cesser de nous servir.
    Alasker hocha la tête avec approbation.
    “-Je comprends.
    -Moi pas. Je l’adore mais je ne peux pas la comprendre.
    Le géant grimaça.
    “-Les soldats comprennent plus facilement la loyauté que les artistes, c’est pas neuf.
    Alors, pour la première fois, le dernier né des Crudelis découvrit que le regard, habituellement si doux, de son frère, pouvait se charger de fiel. Les traits de l’estropié se durcirent, brutalement, et la main qui tenait sa canne sembla se transformer en serre, tant il la referma sur le bois doré qui crissa sous la violence de la prise. Les lumières dansant au plafond devinrent plus fortes, à tel point qu’Alasker dû plisser les paupières pour continuer à voir quelque chose.
    “-C’est amusant comme pique venant de la part du soldat qui a oublié sa propre famille.
    Surpris mais peu intimidé par la colère de son frère handicapé, le géant haussa ses larges épaules.
    “-Ils m’ont oublié bien avant que je ne les oublie.
    Court silence. La colère soudaine de Zachiel s’estompa aussi vite qu’elle était apparue. Il se voûta un peu plus et déposa sur la table sa grappe de raisin à moitié grignotée. A cet instant, aux yeux d’Alasker, son frère semblait avoir pris vingt ans en quelques secondes.
    “-Tu n’as pas idée à quel point tu as raison.” Dit gravement l’ainé en fixant les ténèbres de la pièce d’à côté.
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  • Mer 28 Déc - 17:19
    Le sang qui ornait les murs autour de lui appartenait à Mawdryn Crudelis et Mawdryn Crudelis était son nom. De cela, il était encore certain. Ce sang, il l’avait fait couler en se frappant le crâne contre les parois à d’innombrables reprises. La douleur qui en résultait était plus que bienvenue, puisqu’elle signifiait que l’Autre ne se l’était pas encore accaparée. C’était SA douleur, SON sang, SON corps. Le corps de Mawdryn n’appartenait qu’à Mawdryn, quand bien même l’Autre prétendait le contraire. Lorsqu’il cessait de lacérer ses propres chairs contre la pierre, il sentait Sa Fausse Conscience sortir de son trou pour reprendre son festin et ronger, tel un abominable parasite, sa personnalité, ses souvenirs, son identité. La douleur le repoussait. Elle l’endormait. Il pouvait entendre sa froide colère lorsque la roche du mur prélevait un lambeau de peau ou qu’une veine éclatait en projetant un long filet de liquide vitale d’un rouge sombre, au sol. A force de se lacérer, Mawdryn avait compris que l’Autre souhaitait avant toute chose son corps, alors, avec un acharnement renouvelé, il s’était évertué à se détruire en riant à gorge déployée. La peau, la chair et les cartilages autour de ses joues avaient cédé depuis longtemps. De sa mâchoire pendante aux gencives déchirées s’écoulait un mélange de sang et de bile sans cesse renouvelé par ses propres capacités de régénération. L’Autre avait su s’emparer de cela, dès son arrivée. Soucieux de faire survivre ce corps envers et contre tous, le salopard s’évertuait à reconstituer chaque plaie que Mawdryn avait le malheur de laisser sécher.

    “-Cesse de résister.” Grondait inlassablement l’autre, au tréfond de son esprit.
    Depuis combien de temps cela durait ? Il n’en avait pas la moindre idée. Lorsque Mawdryn tentait de trouver la paix dans le sommeil, il se réveillait quelques instants plus tard, privé d’une nouvelle partie de son corps. Ses deux bras refusaient de lui répondre, maintenant. Ils pendaient lamentablement le long de son torse, paralysés par la volonté toujours plus forte de l’Autre. Son oeil droit aussi ne répondait plus. Sa paupière était irrémédiablement close, alors il tentait de la déchirer à chaque nouveau coup de tête.
    “-Qui es-tu ?” Tenta-t-il, encore, alors que sa boîte crânienne écorchée s’écrasait une nouvelle fois contre la paroi.
    “-Cela n’a pas d’importance.” La voix de l’Autre était aussi froide que forte. Elle restait égale, quoiqu’il arrive, alors que la sienne se teintait trop souvent de désespoir, même à l’intérieur de sa tête. “Je suis plus Toi que tu ne l’es, maintenant. Bientôt, je serais un meilleur toi que tu ne l’aurais jamais été. Et enfin, je serais de nouveau Moi.
    -Tu n’es pas réel.” C’était la seule solution. Il devenait fou. Aucun esprit sain ne pouvait subir pareille torture.
    “-Je suis réel. Mais bientôt ça ne sera plus ton cas. Toi, qui es-tu?
    A cette question, Mawdryn répondit à voix haute. Sa mâchoire désarticulée caqueta, produisant un son inintelligible qu’il traduisit en l’hurlant dans son crâne :
    “-JE SUIS MAWDRYN CRUDELIS.
    L’autre répondit par un ricanement moqueur.
    “-Qu’est-ce que Mawdryn, actuellement? J’ai ses souvenirs, ses bras et son œil. Tu as sa douleur.
    -Je…Contrôle.
    -Tu te détruis. Tu n’es pas Mawdryn. Tu es la douleur de Mawdryn et tu détruis son corps. Tu es un cancer que je dois éliminer, avant de devenir Mawdryn.
    -Tu ne m’auras jamais.
    -Quel était le nom de ta mère?
    La question le prit au dépourvu. Mawdryn s’arrêta dans son élan, alors qu’il se préparait à
    expédier sa tempe gauche contre le sol. Sa mère? Qu’était-ce qu’une mère? Il s’en souvenait, bien sûr. C’était quelque chose qui avait été proche de lui, pour sûr. Quelqu’un, plutôt. Mais il n’arrivait pas à se souvenir de son visage…
    Qu’était-ce qu’un visage?
    Le rire froid et moqueur repris de plus belle.
    “-Si faible. Abandonne, qu’est-ce qu’il te reste? Tu n’es déjà plus que douleur. J’ai pris ta mémoire, tes bras et tes yeux.
    Si Mawdryn avait pu sourire, il l’aurait fait. Pour prouver à l’autre sa méprise, il battit des paupières deux fois de son seul œil valide.
    “-Non, tu n’as pas encore mes deux yeux !
    -Maintenant, si.” Répondit simplement la voix froide.
    Le silence revint.
    Et Mawdryn ne pu que geindre au travers de ses mâchoires ravagées alors que la paupière de son œil gauche se fermait à son tour d’elle-même, le condamnant aux ténèbres qu’il partageait avec l’Autre.
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  • Ven 30 Déc - 19:51
    Le regard d’encre se détourna du spectacle macabre. Zachiel s’approcha de la vitre les séparant de leur plus vieux frère et frappa du doigt contre. Mawdryn, occupé à s’ouvrir le crâne contre une paroi, n’y réagit pas.
    “-Au début, il réagissait au bruit. Mais son état ne fait qu’empirer, comme tu le vois.
    La simple vue de la dégénérescence de Mawdryn, le plus fier, le plus immaculé de leur fratrie, avait suffit à donner la nausée au géant. Il n’éprouvait toujours pas la moindre sympathie à l’égard de l’aliéné, mais une horreur semblable ne pouvait tout simplement pas laisser indifférent. Zachiel l’avait enfermé dans ce qui avait été une réserve, qu’il avait vidé au préalable, puis séparée en deux. La première partie, guère plus qu’un couloir pas plus large que l’arrière d’un comptoir de taverne, était séparée de la seconde -bien plus spacieuse- par une imposante et solide vitre permettant d’observer l’être dépérissant en son sein. La seule manière d’accéder à l’intérieur de la “prison” se trouvait dans la salle d’observation : une lourde porte d’acier aux verrous innombrables, sur la droite de l’imposante vitre, qui avait été solidement ancrée dans le verre. Une petite trappe mécanisée, ouvrable latéralement, se trouvait sur la partie supérieure de la porte. Un moyen de nourrir le malade sans prendre de risque, sans doute.
    “-Depuis combien de temps ça dure?
    -Sa femme est venue me demander de l’aide il y a de cela six semaines.
    Un rire dépourvu de joie souleva l’épaisse carcasse du guerrier.
    “-Lui aussi s’est marié alors?
    Zachiel hocha la tête.
    “-Il a essayé de l’étrangler.
    -C’est courant dans un mariage.
    Iratus souffla du nez sans se débarrasser du sourire sinistre qui s’était frayé un chemin entre ses traits ravagés. Son frère, plus défiguré que lui encore, quitta l’aliéné des yeux pour fixer le géant. Quelque chose d’aussi répugnant que du mépris passa dans son regard tandis qu’il sondait les dents taillées en pointes de l’ancien gladiateur.
    “-Que t’est-il arrivé pour que même la souffrance de ton sang te fasse sourire?
    Les larges épaules se haussèrent. Alasker pointa du doigt Mawdryn, qui geignait pitoyablement, prostré dans un coin de la pièce derrière la vitre.
    “-Regardes cet abruti, Zach’. Que veux-tu qu’il cause d’autre que le rire ?
    Abasourdi, l’artiste, les lèvres pincées, dévisagea le soldat sans trouver la force ou l’envie de répondre. Sans se démonter, celui qui était la source de son mutisme poursuivi son exposé :
    “-Qu’est-ce que tu croyais ? Qu’en le voyant pleurnicher dans son coin, je serais transporté de chagrin? J’ai dû lui parler cinq fois dans ma vie, et à chaque fois c’était désagréable. Ce…Cette chose, n’est pas mon frère. Il ne l’a jamais été. Toi, tu l’es.
    Le compliment caché ne suffit pas à apaiser l’humeur de Zachiel. Un profond soupir s’extirpa de ses lèvres, et l’artiste s’appuya un peu plus sur sa canne en recentrant son attention sur leur aîné.
    “-J’oublie parfois qu’il n’a pas été avec toi le grand frère que j’ai un jour admiré. Il était déjà un homme lorsque tu es né.
    -Et maintenant, il est moins que ça.” Cracha cruellement Alasker.
    Le silence repris ses droits, seulement troublé par le bruit sourd des coups que leur frère s’infligeait. Ils restèrent là, sans bouger ni dire quoique ce soit, pendant de longues minutes. Dans la pénombre de cette pièce seulement éclairée par le candélabre que le maître des lieux avait posé au sol à leur arrivée, Alasker comme Zachiel repensèrent aux paroles qu’ils avaient osé prononcer, quelques instants seulement après leurs retrouvailles et l’amer goût du regret ne tarda pas à poindre.
    “-Tu sais ce qu’il a?” Tenta le géant, après un trop long mutisme.
    L’estropié secoua la tête.
    “-Des jours que je fouille dans les ouvrages de médecine et que je convoque des guérisseurs impuissants. Ils ne savent rien, le croient fou ou bien le sont eux-mêmes.
    Tentant l’exercice difficile de la compassion, Alasker acquiesça en dodelinant de la tête.
    “-Peut-être qu’il n’y a rien à dire ou à faire, Zach’.
    Derrière la vitre, leur frère, assis contre la paroi nord de la salle, frappait l’arrière de son crâne contre le mur en émettant ce qui semblait être un gloussement que les craquements de sa mâchoire brisée ne faisaient que rendre plus sinistre. A chaque fois que sa tête touchait la pierre, Zachiel sursautait.
    “-Je ne me fais pas d’illusion. Je sais qu’il est perdu. Aucun esprit ne peut espérer revenir d’une telle folie. Mais je souhaite simplement savoir. Comprendre comment il en est arrivé là.”
    Alasker, qui commençait à faire les cent pas derrière son frère pour tenter de se débarrasser d’une sensation bizarre, envahissante et refusant de le quitter depuis son arrivée dans la pièce, souffla :
    “-Beaucoup de pressions reposent sur les épaules d’un Khashis.
    Zachiel balaya cette suggestion d’un rire dépourvu de malice :
    “-Mawdryn n’est pas comme ça. Il aimait son travail et les obligations qu’il impliquait. Non, c’est quelque chose en lien avec cette fichue brûlure…
    Le géant interrompit sa ronde dans la pièce à la mention de ce nouveau détail.
    “-Une brûlure?” Répéta-t-il, un sourcil haussé.
    Le côté ravagé du visage de son frère se plissa dans une affreuse grimace qui aurait aussi bien pu être un sourire qu’une moue désapprobatrice. Il se détourna de la vitre une nouvelle fois, ramassa le candélabre de sa main libre et entrepris de quitter la pièce, avec autant d’empressement que sa blessure pouvait le lui permettre.
    “-Oui, une brûlure.
    Alasker le suivit, trop content de quitter ce mouroir répugnant.
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  • Dim 1 Jan - 18:48
    Ils remontèrent au niveau du salon et de ses insupportables lumières mouvantes pour s’asseoir de nouveau dans les sièges libres. Alasker, les yeux plissés, remarqua qu’à l’inverse de ce qu’il avait cru au préalable, il existait bel et bien des fenêtres dans cette pièce. Deux, en réalité, situées respectivement sur ses flancs Ouest et Est. Seulement les volets de ces dernières semblaient fermés depuis assez longtemps pour que d’imposantes toiles d’araignées s’y soient formées.
    Zachiel repris son exposé, empêchant Iratus de s’attarder davantage sur les spécificités de la petite baraque.
    “-Sa femme se sent salement coupable. Alors qu’elle lui servait le thé, une simple goutte d’eau bouillante est tombée sur le poignet de Mawdryn. Il a réagi en hurlant comme si on venait de lui verser de l’acide dans les yeux, et puis…
    Alasker le coupa :
    “-Et puis il a essayé de l’étrangler.
    L’estropié acquiesça.
    “-C’est ce qui a déclenché tout ça. Les jours qui ont suivi, il pouvait encore formuler des phrases et n’avait pas commencé à se…Mutiler, de cette manière. Il n’avait de cesse de parler de flamme et de brûlure, il était complètement obsédé par le feu.
    Le plus valide des deux frères se laissa aller à la réflexion. Il était loin, très loin d’être un médecin, mais il avait déjà vu et abattu des gens atteints de maladies aliénantes. La folie de la Ghoule, la Rage de la Wyverne…Ces maux-là n’étaient que difficilement guérissables une fois les premiers jours passés.
    Les grands yeux bruns de Zachiel se plissèrent et ses lèvres s’étirèrent discrètement pour former un sourire toujours aussi difficile à reconnaître.
    “-Ce n’est pas l’Iram Wyvern.” Assura-t-il. Alasker mit un peu de temps à comprendre qu’il avait employé le terme Elfique désignant la maladie. "Si maladie il y a, elle est exclusivement de l'esprit, je le crains."

    Le géant accepta l’affirmation sans chercher à la réfuter. Iratus n’était pas synonyme d’érudition, bien au contraire, et Alasker se refusait à l’idée même d’entrer en compétition avec l’esprit trop vif de son frère. Il l’observa en silence, à fixer le parcours erratique des lumières au plafond en tapotant ses doigts sur l’accotoir. Ils étaient si jeunes, la dernière fois qu’ils avaient eu l’occasion de parler. Tant de choses avaient changé, leur apparence en premier lieu bien évidemment, mais aussi leur habitude ou même leurs façons de s’exprimer :
    Alasker parlait comme un gladiateur, en crachant ses mots sans prendre la peine de les articuler. Chaque syllabe se voyait dévorer par la suivante à la manière des truands des bas-quartiers et des soldats de bas rang, de sorte qu’il était difficile, pour un noble n’ayant jamais connu l’horreur de la guerre, de comprendre une de ses phrases. C’était un langage étudié pour paraître grossier, qu’on pouvait facilement confondre avec de la stupidité ou de l’inculture si on se laissait aller au péché de l’orgueil. Un défi, jeté à la face des privilégiés et des dirigeants aux mains trop propres. Chacune de ses paroles empestait la violence à peine contenue.
    Zachiel s’exprimait avec clarté, d’une voix certes forte mais indubitablement musicale. Il articulait avec soin des mots qui semblaient filer hors de ses lèvres sans que sa langue n’ait besoin de se mouvoir. Lorsque quelque chose le prenait à coeur, le ton de sa voix ne montait pas mais gagnait en dureté. La musicalité de ses mots s’asséchaient pour prendre une teinte martiale. La quasi-entièreté de son parcours de vie pouvait être imaginée à sa simple écoute. On devinait son passage dans l’armée en tant qu’officier lorsque sa colère durcissait son ton. On imaginait sans mal la douleur et la honte de sa blessure, lorsque sa voix tremblait et se brisait dans le chagrin. Et, bien sûr, la douce mélodie s’écoulant de sa bouche, en temps normal, ne laissait aucun doute quant à ses appétences pour l’art et la culture en général. Il manquait son ascension sociétale, cependant. Aucun de ces sons agréables ne laissaient imaginer que Zachiel Crudelis ait pu un jour être un simple fils de soldat, ayant grandi dans l’ombre des murailles d’un avant-poste sans importance.
    Il s’exprimait comme un noble de naissance, et c’était là un fait qu’Alasker avait tout le mal du monde à assimiler.
    Malgré cette difficulté, ce n’était pas pour autant que l’ancien gladiateur ne le comprenait pas. Comment aurait-il pu en être autrement ? Son grand frère était un aliéné et son cadet un boucher n’ayant pas pris la peine d’arrêter sa rageuse croisade contre la vie le temps des funérailles de leurs parents. Alasker imaginait difficilement Mawdryn, même à l’époque où son esprit n’était pas en miette, prendre le temps de venir épauler Zachiel le temps que son corps ravagé ne s’habitue à la blessure que la guerre lui avait légué, ainsi avait-il dû affronter, aussi, sans doute, cette épreuve seul. Alors, évidemment, quel intérêt cet artiste, frappé de la trop rare maladie du nouveau riche, aurait voulu laisser des indices sur ses origines, sur sa famille?
    Ce n’était pas de la faute de Zachiel si les autres Crudelis avaient creusé un fossé de haine et de rancœur entre eux. Lui, l’enfant sensible, l’artiste en devenir, avait toujours, au contraire, souhaité les unir. Et même cet échec n’était pas de sa faute. Le coeur des Crudelis était simplement trop asséché pour comprendre des concepts aussi complexes que “l’amour”.
    Alors, Alasker ne lui en voulait pas. Ne lui reprochait rien.
    Il était, au final, bien trop occupé à le plaindre.

    “-Je vais rester quelques jours.” Confia le géant à son frère aîné.
    La réponse qu’il obtint ne fut qu’un regard, si chargé de soulagement et de reconnaissance qu’il le mit mal à l’aise.
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  • Dim 1 Jan - 18:59
    Le salon débordant de babioles devint la demeure d’Alasker. On l’installa là, après que Zachiel eut ordonné de débarrasser une grande partie du bric-à-brac régnant sur place. Une colonne de serviteurs passa dans la soirée pour embarquer tout ce qui ne lui servirait plus. On lui installa un lit dans un coin de la pièce qui, une fois vidé, paraissait immensément grande, et quelques vêtements lui furent gracieusement offerts. Un serf gobelin, aussi voûté que la vieille mais bien plus vert, se chargea d’entreposer puis d’entretenir son armure. Alasker, débarrassé des plaques d’airains qui l’avaient si souvent accompagné, opta pour une longue toge de couleur noire faite d’un textile qu’il ne connaissait pas mais sur lequel la lumière de la pièce semblait danser. Son frère sain d’esprit le quitta pour rejoindre sa demeure, tard dans la soirée, et l’éclairage enchanté de la salle le suivit, au grand soulagement du géant.

    La nuit, Alasker ne dormit que d’un œil. Loin de ses camarades, dans une ville qu’il haïssait, à quelques pas de la demeure forcée d’un fou furieux occupé à recouvrir les murs qui l’entouraient des morceaux de son propre visage, le lycanthrope fit des rêves sombres, parsemés de regrets et de craintes qui ne stoppèrent qu’au lendemain, lorsqu’on frappa vivement à sa porte pour lui annoncer son petit déjeuner. La nourriture, plus bonne que tout ce qu’il avait pu ingurgiter jusqu’alors, s’avéra cependant d’un maigre réconfort puisque le géant choisit de la consommer dans la pièce d’observation à fixer son frère, Mawdryn, qui semblait désormais paralysé. Il attendait, debout, face à la vitre, les bras le long du corps, les yeux fermés et la bouche grande ouverte, alors que son visage lacéré se reconstituait lentement mais sûrement. Une discrète paillasse de cheveux tout à fait blancs commençait à se former sur son cuir chevelu fraîchement reconstitué. Alasker doutait qu’ils puissent un jour retrouver leur couleur d’antan après avoir subi de tels assauts. Aussi fou qu’il pouvait être, son frère présentait des facultés de régénérations parfaitement impressionnantes, mais même cela ne suffirait pas à réparer totalement un crâne ayant été quasiment écorché vif. Pour peu que Mawdryn survive aux prochains jours, il garderait, à vie, les stigmates des mutilations qu’il s’était, dans sa folie, volontairement infligé.

    Jadis, lorsque les trois frères étaient encore jeunes, les gens autour d’eux n’avaient eu de cesse de répéter à quel point l’Aîné était d’une beauté époustouflante, à l’inverse du cadet de la fratrie, frappé d’une cruelle banalité de traits. Qu’auraient-ils à dire, désormais? Aussi incroyable que cela puisse paraître, Alasker était désormais, de loin, le plus beau des trois.
    Ou tout du moins le moins dévasté.
    Quel désolant retournement de situation.

    “-Tu es matinal.” Le salua Zachiel, en entrant dans la pièce.
    Alasker lui adressa un discret salut, sans quitter des yeux la ruine de chair qu’était devenue leur Aîné. De sa démarche claudicante, l’artiste vint rejoindre le guerrier dans sa contemplation morbide.
    “-Il est dans cet état depuis longtemps?” Manda-t-il une fois en place.
    “-Je ne sais pas. Je suis venu ici à l’heure du petit déjeuner.
    -C’était il y a plusieurs heures, Al’.
    La nouvelle frappa Alasker avec la force d’un taureau en pleine course. Il cligna des yeux. Entre ses dents, Zachiel, laissa échapper un gloussement.
    “-Oui, ça m’a fait cet effet aussi, les premiers jours. Qui aurait cru que le massacre d’un proche pourrait avoir un tel pouvoir de fascination?
    Un rictus mauvais se fit son chemin sur les traits de l’ancien gladiateur.
    “-Moi.” Répondit le géant en s’amusant de sa propre cruauté. “J’en ai rêvé toute une vie.
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  • Jeu 5 Jan - 1:27
    A midi, les deux frères encore à peu près sains d’esprits mangèrent ensemble en s’efforçant d’oublier les raisons de leurs retrouvailles le temps d’un repas. Ils rirent en partageant quelques bons souvenirs autour d’un champa grillé puis évoquèrent leurs quotidiens respectifs en s’efforçant de ne pas assommer l’autre sous les détails. Alasker appris que Zachiel, en plus de vivre de son art, finançait un refuge d’orphelins de guerre auquel sa femme tenait beaucoup. L’ancien gladiateur, qui n’avait que rarement côtoyé autre chose que des guerrières ou des catins, estima qu’elle devait être une dame au tempérament singulier, pour qu’elle accepte ainsi de continuer à partager sa vie avec un estropié à moitié défiguré. Zachiel, de son côté, s’intéressa au quotidien des Serres et, surtout, au rôle que son frère avait parmi eux. Apparemment, la troupe de Deydreus commençait à avoir une certaine réputation, même parmi les civils, si bien que même un artiste en avait déjà entendu parler.
    “-Tu n’as jamais pensé à avoir ta propre troupe?” Tenta Zachiel, alors qu’ils attendaient le dessert.
    Alasker mit un peu de temps à répondre à la question. C’aurait été mentir de prétendre le contraire. Ca avait même été son plan, à un moment : Suivre Deydreus, apprendre à ses côtés puis partir une fois prêt. Mais l’amitié qui s’était formée entre les deux guerriers avait étouffé cette envie. A cela s’était ajouté le poids de ses propres responsabilités au sein des Serres, puis la création des Dévoreurs, certes sous son commandement direct, mais toujours sous l’étendard des Serres Pourpres. Former une vraie troupe, à son propre nom, désormais, relevait presque du sacrilège. La bande de guerre de Deydreus se trouvait maintenant au sommet de sa gloire, et Alasker souhaitait absolument voir jusqu’où son chef pouvait aller, quitte à tomber avec lui en cas de défaite significative.
    Et puis…même si il détestait l’avouer, le géant n’était pas d’un naturel solitaire. Son sang de lycanthrope le forçait à chercher un groupe, une meute avec un idéal et des objectifs. C’était cela qu’Iratus, le gladiateur traumatisé, avait trouvé parmi les Serres. Avant eux, il y avait eu l’arène et son absurde solitude. Et encore avant, un officier médiocre, entouré de soldats ne valant guère mieux. Ca n’était pas pour rien qu’ils étaient devenus si efficaces. Une bande de combattants aussi efficaces et loyaux ne se trouvait que rarement.

    “-Regardes-moi, Zach’.” Répondit-il, après un temps.
    Zachiel s’exécuta.
    “-Qu’est-ce que tu vois?
    Son frère demeura interdit quelques instants avant de répondre.
    “-Un grand guerrier.
    Alasker leva les yeux au ciel. Il se passa la langue sur les crocs, à la manière d’une hyène affamée, au milieu du désert.
    “-C’est ce que je suis. Un guerrier. Un berserker, une gueule de cauchemar.
    Mais l’artiste défiguré n’aimait pas la facilité.
    “-Ce n’est pas parce que tu es cela que tu le demeureras toute ta vie.
    Alasker repoussa l’agacement que ce type de réponse lui provoquait et s’efforça de répondre doucement.
    “-Un soir, alors qu’on montait le camp du côté de Benedictus, pendant la guerre, nous avons été pris en embuscade.
    Zachiel, devinant les prémices d’un récit, déposa dans sa tasse la cuillère avec laquelle il jouait négligemment depuis une demi-heure, et croisa ses bras contre son torse.
    “-J’ai reçu une flèche dans le torse dès le début, une côte a éclaté sous l’impact sans toucher le moindre organe vital heureusement. Mais ça faisait un mal de chien, ça j’peux te le dire. Les gars ont paniqué mais ils se sont rassemblés, ont effectué une retraite stratégique vers l’abri le plus proche et, alors qu’une bande de tarés nous fonçait dessus sans cesser de gueuler des “gloire à machin”, ils ont tenu la position en gardant les blessés des premières secondes à l’abri. Où j’étais, à ton avis, dans tout ça?
    L'interrogé haussa les épaules en hasardant :
    “-Parmi les blessés?
    Alasker secoua la tête :
    “-J’étais à quinze pieds de là, des cadavres jusqu’aux genoux. La lame de ma hache s’était brisée dans le torse d’un grand abruti d’orc, alors je tuais les autres en les écrasant avec la hampe. A la fin, j’en étais réduit à tuer à main nue. Lorsqu’ils m’ont retrouvé, mes dents étaient plantées autour de la gorge d’une pauvre tarée qui avait cru bon de vénérer ceux qui veulent nous détruire. Mes mains étaient tout au fond de son torse. J’avais sorti la moitié de ce qu’il y avait dedans et elle bougeait encore, Zach’. Je n’étais pas sous forme lupine à ce moment. La douleur, la surprise et la colère m’ont simplement fait…Réagir. J’avais conscience de ce que je faisais, je m’en foutais simplement. Pire, j’y ai pris plaisir. C’est l’un de mes plus glorieux souvenirs, parce que j’ai tué une trentaine de fanatiques ce soir-là et que j’ai survécu. Tu comprends ?
    Zachiel s’était efforcé de demeurer stoïque, mais le malaise transpirait de l’immobilité forcée de ses traits. Alasker enfonça le clou, un sourire
    “-Je suis un boucher, Zach’. Un très bon, mais un boucher quand même. Je ne doute pas que mon style puisse convaincre des hommes de me suivre… J’ai juste peur de ce que ces hommes feraient, sous mon commandement.
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  • Jeu 5 Jan - 18:23
    Le ciel pleurait des flammes.

    Ses fidèles encore vivants brandissaient tout ce qu’ils trouvaient au-dessus d’eux pour résister au torrent céleste. Il se refusait à s’humilier de la sorte. Dans ses bras gisait Sélène, sa plus fidèle alliée, la gorge perforée d’une flèche. L’embout enflammé de l’instrument de mort avait mis le feu aux beaux cheveux de la Lumina, lui formant une crinière incandescente dévorant la chair et puant le cochon grillé. Le corps de son amie toujours dans les mains, il se mit à marcher au milieu de tout ce chaos, piétinant les cadavres des soldats ayant jadis fait l’erreur de jurer fidélité au mauvais général.
    “-MONSEIGNEUR !” Hurla Bark, en se jetant devant lui, un énorme pavois dans les mains. A sa décharge, la protection arrêta plusieurs traits avant que son porteur ne meurt à son tour, emporté par une nouvelle vague de projectiles enflammés.
    “-Adieu, Bark.” Lui adressa-t-il, sans un regard, tandis qu’une flèche chanceuse parvenait à s’engouffrer entre les plaques d’armures recouvrant son épaule. La puissance du choc pulvérisa l’os en l’obligeant à lâcher la torche qu’était devenue Sélène, qui roula au sol pour rejoindre le corps de ses filles.

    Ses yeux jaunes, brûlant de haine malgré le dégoût qu’il éprouvait pour lui-même, parcoururent l’océan de dévastation et de cadavres qui l’encerclait. Comment avait-il pu être aussi aveugle ? Les mortels confondaient cruauté et nécessité. On l’avait accusé de folie. Qualifié ses exploits de boucheries, de massacres, d'ignominies. Et au final, les forces qui avaient tant loué sa puissance, au début, s’étaient retournées contre lui et les siens.
    Trahison. Quelle horrible façon de mourir.
    Il avait toujours imaginé que sa fin se trouverait au bout de la lame d’un guerrier meilleur que lui…Mais le destin avait une manière bien cruelle de rappeler sa toute puissance à chacun.
    Ils avaient laissé ses troupes ouvrir la marche. Le Tovyr Davogn lui avait posé la main sur l’épaule, félicité pour ses “exploits militaires” et promis un véritablement triomphe à leur retour. Ce fils de catin avait menti avec tellement d’aplomb qu’il y avait cru, véritablement. Dans son ignorance, il avait rejoint Sélène avec ses propres troupes à l’avant de la colonne.
    Et la pluie avait commencé.
    Le plus obscène dans tout ça restait le temps que ses hommes avaient mis pour comprendre d’où les tirs venaient. L’idée même que les troupes régulières du royaume puissent se retourner contre eux semblait tant impossible qu’ils avaient scruté les hauteurs du canyon, à la recherche de tireurs embusqués, et reculé précipitamment vers leurs alliés.
    Pour s’empaler sur leurs lances.
    Certains avaient eu le temps de se battre, un peu. Ils avaient emporté quelques traîtres avec eux, ce qui était une bonne manière de mourir. On ne lui laisserait pas cette occasion, de ça, il était sûr. Les archers concentraient leurs tirs sur sa position, une manière bien lâche d’honorer ses talents. Chaque trait s’écrasant sur son armure déclenchait son lot de douleurs et de colères. Il n’osait pas baisser les yeux vers son torse, de peur d’y découvrir l’origine du pénible sifflement accompagnant sa respiration. Son regard était fixé sur les silhouettes lointaines de la muraille de boucliers à l’entrée du canyon. Dans d’autres circonstances, lui-même aurait salué une telle tactique. C’était tellement froid. A l’autre bout de ce long corridor rocheux se trouvait la muraille des Valeureux, gardée par une garnison également au service de Davogn. En refermant l’accès derrière-eux de cette manière, ses hommes n’avaient pas la moindre chance de s’en sortir. Le calcul était d’une simplicité crasse : Noyer cinq cents hommes acculés sous cinq milles flèches et planter des lances dans les miraculés. Aucune chance de survie. Pas la moindre pitié.
    Quelle ironie, puisque c’était précisément sa propre absence de pitié, l’origine de cette farce  ignominieuse.
    Une nouvelle vague de flèche s’écrasa contre son armure. La plupart se brisèrent. Certaines parvinrent à rentrer en déclenchant de petits feux dévorant ses vêtements comme ses entrailles. Ses forces le quittaient. La multitude d’impacts manqua de le faire basculer en arrière, mais il tint bon. Les dents serrées, il écarta ses bras brisés en tentant d’ignorer les flammes s’échappant de ses gantelets.
    “-Regardez-moi tomber, larves ! Ma mort est déjà plus glorieuse que vos vies !
    Il brûlait tout entier désormais. Le feu s’était propagé. Son visage était en train de fondre sous son heaume et ses yeux le trahissaient. La douleur était insupportable, mais pas un seul cri de souffrance ne devait franchir ses lèvres. Il maintint sa posture, alors même qu’un nouveau déferlement de flèches venait le frapper.
    “-Nul doute, mêm…” Tenta-t-il d’articuler une dernière fois…Mais les flammes entrèrent par sa bouche ouverte pour venir dévorer son larynx et mettre fin à son calvaire.
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  • Jeu 5 Jan - 18:40
    L’estropié et le guerrier sursautèrent à l’unisson en entendant l’écho d’un cri provenant de la salle d’observation :
    “-...e à la fin de tout !
    Alasker se redressa d’un bond en emportant la table avec lui. Le bois grinça et des couverts d'argent tintèrent en rebondissant sur le sol. Zachiel fut debout quelques instants plus tard. Avec empressement, l’hétéroclite duo se précipita vers la demeure forcée de leur aîné, précédé par les lumières du plafond. Durant la courte traversée qui suivit, ils échangèrent un regard inquiet en constatant le retour d’un silence pesant. Ce cri, que seul Mawdryn avait pu pousser, semblait si désespéré, si imprégné de douleur, de hargne et de déception qu’il ne pouvait rien signifier de bon. C’était un hurlement d’abandon. La manifestation vocale d’une défaite si amère qu’elle imprégnait la voix, la faisait trembler, gronder, comme un animal agonisant. La mort, vocalisée d’une horrible et précise manière.
    Et pourtant.
    Mawdryn, au milieu de la salle, paraissait plus vivant qu’au cours des trois dernières semaines. Ses yeux, bien ouverts, fixaient ses mains tachées de sang comme s’il découvrait ces bien étranges appendices pour la première fois. Ses lèvres ne cessaient de former des mots silencieux et manifestement assez importants pour que son grand front ne se plisse sous la pression de ses sourcils froncés.
    Alasker s’écarta pour laisser entrer Zachiel à son tour, qui observa la scène d’un air circonspect.
    “-Voilà qui est neuf.” Grinça-t-il entre ses dents serrées. Son expression était sévère, tout comme le regard que l’artiste portait à son aîné en pleine contemplation. Le guerrier à ses côtés devinait aisément pourquoi : Habitué à voir l’état de son protégé se dégrader de jour en jour, l’esprit du surveillant s’interdisait le droit de croire à une bonne nouvelle. A une évolution positive.
    Ça serait bien trop simple.
    Et Alasker était bien forcé d’admettre qu’il partageait sa méfiance. C’était trop brutal. Tous les fous voyaient leur état s’améliorer entre deux rechutes, ça n’avait rien de neuf. Alors quoi? Qu’est-ce que préparait l’esprit malade de Mawdryn?

    “-Qui a parlé?” Gronda l’observé dans sa cellule ensanglantée. Son attention glissa le long de ses phalanges pour atterrir sur la vitre devant lui. Un grand sourire se dessina sur son visage. Un nouveau changement, qui n’avait rien d’amical ou de chaleureux. C’était un rictus mauvais, loin d’être aussi primitif que ceux de son plus jeune frère, non, ce sourire-ci semblait avoir été savamment étudié non pas pour amadouer ou provoquer son interlocuteur…Mais pour l’intimider, le terrifier, le soumettre. Une grimace, évoquant la cruauté de l’esprit malade qui osait l’arborer ouvertement.
    Mais ça, ses frères n’eurent pas le loisir de le constater. Ils étaient tous deux trop occupés à découvrir ce qui siégeait dans ses yeux. Ce…Magma jaunâtre, qui avait asséché l’océan d’un bleu pur ayant jadis baigné ses iris. La lumière qui en émanait semblait aussi peu naturelle que les ténèbres siégeant dans le regard d’Alasker. Des larmes de sang s’écoulaient de ses orbites tandis qu’il fixait ses geôliers médusés sans jamais cligner des yeux.
    Et puis Mawdryn modifia sa posture. Ses épaules se redressèrent et ses mains s’écartèrent, comme pour inviter ses observateurs à une étreinte. D’une voix forte et claire, l’aliéné salua :
    “-Mes frères !
    Alasker resta bouche-bée. Pas Zachiel. Il quitta la pièce sans un mot, accompagné par la lumière de son enchantement et du staccato irrégulier de sa canne sur le sol de la réserve. Le guerrier des Serres demeura dans l’ombre, seulement séparé du fou par une vitre qui lui sembla soudain bien peu épaisse.
    Et dans le noir, les yeux du nouveau Mawdryn brillaient.
    Alasker n’avait jamais fui. Rien ne parvenait à l’effrayer assez pour tourner les talons. Ni des titans. Ni des armées de fanatiques. Pas même des morts-vivants, des goules, des spectres ou des wyvernes. Alors, comme toujours face au danger, il chassa de son esprit cette envie primale qui lui dictait de tourner les talons et fit face :
    “-Qu’est-ce que tu es?
    La voix de Mawdryn n’était plus vraiment celle de Mawdryn. Elle avait beau partager le même timbre, l’intonation était différente. Tellement plus sèche. Plus vide. Dans son ancienne vie, le premier-né de la fratrie Crudelis avait toujours parlé d’une voix chaude, suave, misant avant tout sur la séduction et sa rhétorique pour résoudre ses problèmes. Même à la guerre, sa voix était restée égale. Suffisante. Contrôlée.
    Alasker ne le savait pas bien sûr. Ils n’avaient pas passé assez de temps ensemble pour que l’ancien gladiateur puisse se rendre compte du changement qui avait opéré dans la voix de son aîné. Il s’imaginait que l’écrasante volonté qui s’échappait des lèvres de son frère avait toujours été là. Que jamais, Mawdryn Crudelis ne s’était exprimé autrement qu’en souhaitant soumettre l’autre, dès le premier échange.
    “-Ne me reconnais-tu donc pas, Alasker?” Toussa la créature aux yeux jaunes.
    Iratus pencha la tête sur le côté, peu sûr de savoir si les grondements qui émanaient de la gorge de son frère étaient les signes d’une quelconque maladie ou bel et bien ce qu’il pensait être un rire.
    “-Je suis ton frère, Mawdryn !
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  • Jeu 5 Jan - 19:09
    Ils l’avaient laissé à l’intérieur de sa cellule.
    Un fait qui ne semblait pas le gêner outre-mesure. Passé son réveil, le nouveau-Mawdryn s’était assis en tailleur au centre de la pièce pour se recueillir dans le silence et laisser son corps, encore meurtri, le temps de se régénérer convenablement. Alasker, peu satisfait par la réponse à la question qu’il avait posé à l’étrange bête ayant volé le corps de son frère, avait fini par rejoindre Zachiel, plus haut, alors que celui-ci se préparait à quitter la maison.
    “-Ce n’est pas notre frère, Al’.” Avait affirmé le peintre, avant même que son compagnon d’infortune n’ait le temps de dire quoique ce soit. “Quelque chose s’est emparé de lui et je dois trouver ce que c’est.
    -Pourquoi?
    La question l’avait fauché en plein élan. Exactement comme l’aliéné, quelques heures plus tôt, Zachiel était resté figé, frappé par l’inconvenance d’une question posée de manière si anodine qu’elle en devenait obscène en de telles circonstances.
    “-Parce que notre frère se fait voler son corps par une foutue créature !
    Alasker avait hoché la tête.
    “-Et donc? Ça va t’avancer de savoir à quelle sauce il s’est fait bouffer ?
    En réponse, Zachiel s’était détourné le temps de reposer la longue cape immaculée qu’il s’apprêtait à revêtir par-dessus sa tunique hors de prix du même coloris, puis s’était avancé vers l’ancien gladiateur d’un air courroucé.
    “-Parce que moi, je ne peux pas simplement me présenter devant sa femme et lui dire “Ton mari est mort, même si son corps bouge encore”. Ce n’est pas quelque chose qui se fait, chez les gens civilisés.” Pour ponctuer cette évidence, il avait projeté la paume de sa main libre sur le front de son petit frère.
    Alasker avait manqué de sourire face à cet “assaut”. Ce coup, qui n’en était pas vraiment un, son frère estropié le lui avait déjà délivré, des dizaines de fois, lorsque, jadis, ses réponses d’incultes, trop évasives ou peu construites, ne satisfaisaient pas la dévorante curiosité du futur artiste.
    Amusant comme certaines habitudes demeuraient, malgré l’écoulement des années.

    Ils s’étaient quittés ainsi. Peu sûr de savoir quoi faire d’autre, Alasker avait juré à son frère qu’il garderait celui qu’il qualifiait maintenant de “prisonnier” jusqu’à ce que Zachiel revienne. Et Zachiel, de son côté, avait fait le serment de revenir avec des réponses.
    La silhouette élancée du peintre avait disparu derrière la porte d’entrée de sa demeure de “réserve”. Et les minutes s’étaient mises à s’écouler, lentement. Les heures les avaient remplacé dans un silence pesant, uniquement troublé par le repas du soir, toujours servis par la même petite vieille empressée.
    La nuit n’avait pas tardé à poindre et avec elle, l’horrible et inexplicable épuisement causé par l’inactivité. Conscient que son frère ne reviendrait pas au moins avant le lendemain, Alasker, s’était couché, étrangement plus serein que la veille, et endormi sans s’inquiéter de la présence du monstre aux yeux jaunes ayant revêtit la peau de l’ainé de leur famille.
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  • Ven 6 Jan - 15:54
    Son quotidien commençait à lui plaire. Les mauvaises langues auraient qualifié ce dernier de “monotone”, mais c’était un défaut qui ne lui déplaisait aucunement. Au contraire, vu le chaos de ces derniers jours, la répétition et l’ennui pouvaient presque se targuer d’être de distrayantes sources d’occupations.
    Chaque matin, il se levait de sa couche improvisée, s’emparait du plateau qu’on lui servait par la trappe de la porte et mangeait tout ce qui se trouvait dessus, bien qu’aucune faim ni soif ne venait jamais torturer ses entrailles. Puis, il allait se poser au centre de la pièce, en tailleur, pour fixer les ténèbres devant lui jusqu’à ce que le feu de son regard parvienne à les percer totalement. Un exercice plutôt simple, puisque la nyctalopie était aussi naturelle pour ce corps-ci que pour son premier, mais un exercice qui avait le mérite d’occuper, à défaut d’autre chose.
    C’était si agréable de voir de nouveau.
    Il n’avait pas la moindre idée de combien de jours s’étaient écoulés depuis sa “renaissance”. Peut-être quatre ou cinq, puisque Celui-qui-avait-été-Mawdryn soupçonnait ses observateurs de ne passer qu’une ou deux fois par jours derrière la vitre. Ironiquement, ils semblaient moins supporter de le voir ainsi, calme, serein, en position de méditation, qu’à l’époque où son…Conflit intérieur, l’avait poussé à la mutilation et à l’humiliation de son propre corps.
    Ils étaient au nombre de deux et l’un trouvait bien plus souvent le courage de venir que l’autre. Le courageux avait le physique de l’emploi. Malgré la robe ample aux airs de frocs de moine qu’il portait, la largeur de ses épaules, l’air éternellement belliqueux déformant les traits déjà saccagés de son visage et la façon que son corps inhumain avait de bouger ne laissaient aucun doute quant à sa nature de guerrier. Lorsque cette chose aux yeux noirs se tenait trop longtemps immobile pour l’observer, son état de perpétuelle boule de colère le rappelait à l’ordre en lui déclenchant une foule de tics nerveux dérangeants, transformant ses mains en serres ou en poings, crispant ses mâchoires à tel point que ses dents crissaient sous la pression ou lançant ses paupières dans une épileptique hyperactivité qui devait sans l’ombre d’un doute gêner sa vision. Il était son frère le plus distant. Son cadet. Une créature que Mawdryn avait apparemment toujours méprisé, à tort selon lui, puisqu’un tel avatar de violence surnaturelle ne pouvait répondre que d’une seule manière au mépris : Par la rage.
    Sa présence ici était pour le moins inattendue et quelque peu inquiétante puisque, dans son état, Celui-qui-avait-été Mawdryn doutait franchement de pouvoir maîtriser un tel monstre.

    L’autre observateur paraissait aussi faible que le golem de muscles semblait fort. Il portait sur son visage les stigmates de sa propre mollesse au combat : D’horribles cicatrices ayant transformé la moitié de sa face en un fatras de chairs mal cicatrisées qui devaient probablement toujours lui causer quelques douleurs, par moment. De ses grands yeux bruns n’émanait jamais la moindre malice ou colère, seulement une brûlante et naïve résolution prenant naissance dans l’espoir stupide de soigner un frère aîné pourtant en pleine forme. Sa fragile carcasse usait d’une canne pour soutenir une jambe rendue obsolète par les dieux seuls savaient quoi. Et pour son entreprise de soin, il pouvait compter sur le soutien de son frère. Dans une autre vie, Celui-qui-avait-été Mawdryn se souvenait l’avoir apprécié pour sa sincérité, son esprit aiguisé et même pour cette fragilité d’artiste-né qui lui avait permis de se faire une petite fortune en créant de splendides tableaux que l’histoire oublierait pourtant bien vite au profit d’une guerre prochaine. Maintenant, ces mêmes traits de caractères lui valaient l’opprobre de ce que devenait son aîné. Zachiel -puisque tel était son nom- faisait partie des faiblards sensibles ne cessant de pulluler durant ces plates périodes transitoires que les mortels, dans leur crasseuse et éternelle stupidité, osaient nommer “paix”.
    Plus que tout, le boiteux représentait la mollesse d’un Royaume guerrier devenu Empire belliqueux, puis, finalement, Domaine de l’indulgence et, par extension, de la faiblesse.

    En fouillant dans l’esprit de cette vie qui était désormais la sienne, le-nouveau-Mawdryn avait pu comparer avec effroi le Reike de jadis au nouveau, si terriblement…Humain. L’esclavage en cours d’abolition, un barbare devenu Empereur et une Impératrice, réduite au rang de catin fière de son sort, vendue comme un morceau de viande au vainqueur de la guerre. L’Empire tout entier, contraint de courir après l’or et les richesses pour rembourser une dette injuste envers une République toujours plus avide. Le vieux Valeryon, tiré de son sommeil qu’on pensait jadis éternel…
    Et le prince déchu de la vieille famille, guère plus qu’un avorton, se complaisant dans les complots et l’auto-humiliation.

    Tous ces souvenirs le troublaient énormément. C’était en partie à cause d’eux qu’il aimait tant son quotidien hors-norme, loin de toute responsabilité, de cet empire dépravé et de ses problématiques ridicules.

    “-Qu’est-ce que tu es?” Gronda une voix, derrière la vitre.
    Les yeux enflammés se posèrent sur la silhouette du monstre de muscle à l’origine de cette question.
    “-Nous y revoilà.” Répondit-il en affichant son sourire coutumier. “Combien de temps durera ce petit jeu?
    -Le temps qu’il faudra.” Cracha l’autre, agacé, en haussant ses trop larges épaules. “J’ai tout mon temps.
    Celui-qui-avait-été-Mawdryn haussa l’un de ses sourcils immaculés sans se débarrasser de son rictus amusé.
    “-Mais tu n’es pas d’un naturel patient, Iratus. L’autre l’est peut-être, mais je peux presque sentir la fumée de ton sang en train de bouillir.
    Et c’était vrai. Le géant de l’autre côté de la vitre ne restait jamais bien longtemps sur place, à l’observer, parce que leurs conversations étaient désagréables et qu’en bon guerrier, il assimilait le mot “désagréable” à “ennemi”, et donc à “cible”.
    “-Tu veux m’arracher une réponse différente à la force de tes poings. Je le sais. Tu détestes cette situation et viendra le jour où tu ouvriras cette porte pour me questionner tout en sachant pertinemment que ma réponse sera toujours la même. Je suis ton frère, Alasker Crudelis. Je suis Mawdryn.
    Les paupières de son interlocuteur se mirent à cligner de manière parfaitement erratique alors qu’il s’efforçait de trouver en lui assez de calme pour trouver les mots justes.
    “-Si tu sais qu’un jour je vais rentrer dans cette cellule, tu dois également savoir que ce jour marquera très probablement la fin de ta vie.
    Oui. Il le savait. C’était d’ailleurs sa principale source de préoccupation, à chaque fois que le corps du géant commençait à se voir parcourir de tics et de soubresauts. Comment arrêter le courroux d’une bête pareille? Ça lui était impossible. Pas pour l’instant. Il se sentait faible au-delà des mots, enfermé dans cette frêle enveloppe.
    Sa langue franchit la barrière d’ivoire de ses dents pour venir humecter ses lèvres sèches.
    “-Je ne peux guère t’apporter plus que cette réponse, pourtant, Iratus.
    -Ne m’appelle pas comme ça.” Ca y est, la colère commençait à se sentir dans sa voix caverneuse. Le géant se mit à faire les cents pas, sans cesser de le regarder, avec une telle hargne qu’on aurait pu croire qu’il était le vrai prisonnier, ici. “Dis-moi ce que tu es ou ferme ta gueule.
    Ce que devenait Mawdryn décida qu’il pouvait consentir à cette demande, après tout, si elle lui permettait de vivre un peu plus longtemps.
    “-Un souvenir.
    De l’autre côté de la barrière de verre, la brute s’immobilisa. Les ténèbres de ses yeux se plongèrent dans le magma jaunâtre baignant au sein des orbites de ce frère qui ne l’était plus vraiment. Et un silence pesant s’installa.
    Un silence que Mawdryn se décida finalement à briser :
    “-Je ne te mens pas, Alasker. Je suis Mawdryn. J’ai vécu cette vie ennuyeuse de Khashis prétentieux. Je partage avec toi la même mère, le même père, le même frère. J’ai séduit, baisé, épousé et trompé Hildryn, cette femme belle mais un peu gauche, qui m’a un jour renversé une simple goutte de thé sur le poignet et déclenché, sans le vouloir, en moi, cette crise que je ne saurais expliquer.
    Les yeux d’Alasker se plissèrent alors qu’il s’approchait d’un pas de la vitre, pendu aux lèvres de ce frère énigmatique, qui lui jurait d’un ton monocorde que cette histoire impossible ne l’était pas.
    “-Tu n’as pas idée de tout ce dont je me souviens, maintenant. Je me souviens d’un temps où les titans dormaient encore. Où les seigneurs de Kyouji avaient déclaré la guerre au Reike. Je me souviens avoir participé à leur soumission. Je me souviens m’être battu aux côtés du Tovyr Davogn et je me souviens des flammes des flèches avec lesquelles il m’a remercié. Je me souviens de ma mort, Alasker. Et pourtant, je suis en vie. Et je suis Mawdryn.
    Le silence revint. Mais il n’eut pas le temps de s’installer, cette fois. La voix grave d’un géant le chassa.
    “-Je ne comprends plus rien.
    Et Mawdryn, l’esprit embrumé par les réminiscences accompagnant les souvenirs mentionnés, avoua sans honte :
    “-Moi non plus, mon frère.
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  • Ven 6 Jan - 18:27
    Lorsque Zachiel revint enfin, des cernes imposants s’étaient nichés sous ses yeux. Ses mains tremblaient de rage. Cette rage avait de multiples causes, mais toutes étaient liées à l’incompréhensible affection de son frère aîné. Il enrageait à l’idée de ne pas savoir pourquoi cela arrivait. Il enrageait de ne pas savoir comment endiguer cette peste de l’esprit. Et il enrageait de ne trouver personne capable de le faire pour lui.
    Le boiteux ne le cachait même pas. L’entièreté de sa détresse était visible à l'œil nu, y compris la honte que cette douloureuse impasse impliquait.
    “-Je n’ai rien trouvé.” Avoua-t-il alors qu’Alasker venait l’accueillir.
    “-Assieds-toi.” Ordonna, aussi gentiment que possible, le géant, en lui indiquant du doigt l’un des deux sièges libres au centre de sa “chambre”.
    Zachiel accepta sans discuter, l’épuisement le rendant docile. Il avait passé ces six derniers jours à errer de bibliothèques en bibliothèques, à questionner des savants incompétents et des shamans aux récits invraisemblables. Un peu de repos ne risquait pas de lui faire grand mal. Centré qu’il était sur sa propre fatigue, l’artiste ne remarqua même pas l’étrange agitation de son frère massif.
    “-Bonne idée.” Consentit Zachiel en s’asseyant confortablement, imité par Alasker, qui se plaça face à lui en affichant une mine si grave qu’elle paraissait déplacée, sur de pareils traits. “Que se passe-t-il?
    L’interrogé mit un peu de temps à répondre à la question. Il cherchait ses mots, emmêlait ses doigts et clignait des yeux sans s’en rendre compte à la manière d’un malade mental.
    “-Je n’ai jamais eu un esprit très curieux, tu le sais.” Avoua tout d’abord le géant.
    Zachiel, sans aller totalement dans son sens, acquiesça.
    “-Tu es un homme d’action, c’est un fait.
    L’amusement causé par ce doux euphémisme ne parvint pas à dissiper totalement la préoccupation plissant le front de son frère.
    “-Et c’est justement parce que j’aime l’action que je n’me suis jamais intéressé qu’à un seul type de bouquins.
    -Les ouvrages sur les guerres d’antan, oui.” Compléta Zachiel, de moins en moins sûr de savoir où il voulait en venir. “Et donc?
    Alasker trépignait sur place, comme un enfant. Le sol grinça sous son poids.
    “-J’suis pas un historien mais je pense en connaître un rayon, au sujet des seigneurs de guerre et des héros de l’Empire et de l’ancien royaume.
    -Excuses-moi petit frère mais je ne te suis pas.
    Ledit petit frère, darda son frèle grand frère d’un regard tant chargé de doute et de confusion qu’il paraissait douloureux.
    “-Il n’y a eu qu’un seul Tovyr “Davogn”, à l’époque de la rébellion de Kyouji. Y’a pas beaucoup d’bouquins qui parlent de lui, parce que quasiment toutes ses victoires, il les doit à un de ses Luteni.
    Sa curiosité attisée, Zachiel mit de côté sa confusion pour se concentrer sur le récit d’Alasker. Il se pencha en avant et plissa les yeux, avide d’en savoir plus. Ce sursaut d’attention ne fit qu’alimenter l’agitation du géant, qui détourna le regard, mal à l’aise, pour le fixer sur un point invisible, sur sa droite.
    “-Même selon les standards des guerres de l’époque, ce type et sa cohorte…Nan, son “ost”, comme il l’appelait, c’était un sacré paquet de malades. On parle de nourrissons jetés du haut des remparts des vaincus. De tortures rituelles sur les femmes et les enfants. D’otages empalés. De civils exécutés lentement. Ses hommes mangeaient les cadavres des soldats ennemis, à la fin des combats.
    -Je ne suis pas sûr de vouloir autant de détails.” Coupa l’artiste, qui avait de plus en plus de mal à supporter l’amusement qu’il sentait poindre dans le discours du géant.
    “-A la fin, lorsqu’un chef de guerre rebelle apprenait que c’était l’Ost qui était envoyé contre lui, il rendait instantanément les armes. Personne n’était meilleur en guerre de terreur, à l’époque.
    -Je n’aime pas l’admiration que j’entends dans ta voix, Iratus. Elle est malvenue lors d’un pareil récit.
    Un rire glaçant s’échappa de la gorge de l’accusé.
    “-Un bon guerrier peut être inhumain, il restera un bon guerrier. Et ce gars était un salement bon guerrier. La légende dit qu’il n’avait rien d’humain. Que c’était un démon, conçu par un mage sous les ordres de Davogn.
    Une boule se forma dans la gorge du peintre alors que ses pérégrinations historiques lui revenaient en tête. Comme beaucoup de lettrés, Zachiel connaissait, de loin, ce sinistre personnage. On ne lui accordait guère plus que quelques lignes dans le récit de la rébellion de Kyouji, mais celles-ci n’étaient jamais anodines. Bien des surnoms lui était donné, puisque son infâmie servait avant tout à sublimer la justesse de la décision du Tovyr Davogn et de ses alliés, à la fin de la guerre. Le Monstre du Canyon. Le Chevalier Cornu. Le Buveur de Sang. Le Seigneur de l’Ost impardonnable.
    Le Démon aux yeux jaunes.

    “-Je connais l’histoire de l’impardonné mais…” Hésita l’artiste en tentant d’ignorer le doute qui venait de se frayer un chemin dans son esprit.
    Alasker le confirma d’un hochement de tête.
    “-Il est mort en brûlant vif, Zach’. Tu te souviens de cette histoire? Il est mort en hurlant une phrase. Celle que ses hommes hurlaient avant chaque combat. Une sorte de slogan.
    -C’est impossible.” Siffla entre ses dents Zachiel. “Absolument impossible.
    L’ancien gladiateur trouva enfin assez de paix en lui pour détacher son regard du vide et le recentrer sur la silhouette fébrile de l’estropié. Chassant cet étrange mélange d’excitation et de doute qui ne cessait de l’assaillir, le géant s’efforça de réciter ce qu’ils avaient entendu plus tôt, dans le hurlement d’un aliéné ayant retrouvé la mémoire.  
    “-Nul doute, même à la fin de tout.
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  • Ven 6 Jan - 19:02
    Ce-que-devenait-Mawdryn avait décidé que le temps était venu pour lui de reconditionner son corps et son insuffisante musculature. Dans ce but, le Renaissant avait réduit de moitié son temps de méditation pour consacrer le temps libéré à la pratique de tous les exercices physiques possible dans un lieu semblable.
    Courir en milieu clos n’était pas chose aisée, en général. Sa cellule, aussi grande et spacieuse pouvait-elle être, n’était que cela : une cellule. Nul vent ne venait fouetter son visage à chaque accélération et il parcourait toute sa longueur en moins de douze pas, mais c’était un bon moyen pour réveiller sa carcasse endolorie et encore traumatisée par les mauvais traitements que Mawdryn s’était lui-même infligé, lors de sa deuxième naissance. Il s’épuisait en moins d’une heure, ce qui, somme toute, ne pouvait être synonyme que de fainéantise de la part de son ancien-lui. Une fois tout à fait exsangue, le Renaissant s’efforçait d’immédiatement enchaîner avec une série d’étirements et de position de duels qui aurait dû être simple à réaliser, compte tenu de l’absence d’armure sur ses épaules, mais qui s’avérait, au contraire, ardue à maintenir plus d’une dizaine de minutes.
    Bien souvent, il devait s’humilier à faire des…Pauses. Pour ne pas s’effondrer tout bonnement. La faiblesse de ce corps ne semblait pas connaître de limite. Chose hilarante, puisqu’il était supposé appartenir à un officier relativement talentueux du nouveau Reike.
    Durant ces temps de récupération, ce-que-devenait-Mawdryn laissait son esprit vagabonder, loin, dans les souvenirs d’une ancienne vie tellement plus glorieuse. Là, alors que ses yeux jaunâtres, las de fixer encore et toujours les mêmes murs de pierre blanche souillés de sang coagulés, se fermaient et que la chair de ses paupières closes lui offraient une vision du néant, Mawdryn cessait d’être. Tous les risibles souvenirs de cette vie qui ne valait pas la peine d’être remémorée disparaissaient. Et seules subsistaient les délicieuses réminiscences d’une existence faite de victoires glorieuses entrecoupées de sauvages célébrations. A l’image des centaines de guerriers ayant un jour été sous Ses Ordres, l’insignifiant premier-né de la non-moins insignifiante famille Crudelis, ployait le genoux face au Seigneur unique de l’Ost sacrilège d’une bande de tueurs, de tortionnaires et de violeurs.
    Mawdryn disparaissait volontairement. Pour céder sa place à Tarcus le damné. L’impardonnable.

    Ses griffes étaient refermées sur le cou gracile de Sélène. Un sombre sang perla des lacérations en résultant et glissa le long de la peau de porcelaine de sa compagne tandis qu’elle laissait échapper un long soupir d’extase. Autour du lit où ils se mélangeaient avec la violence qui leur était coutumière, les murs du plus haut donjon d’une forteresse rebelle tremblaient. Plus bas, leurs hommes finissaient de massacrer les derniers résistants, qu’ils soient armés ou non. A droite du lit seigneurial, allongé face contre terre sur la blanche fourrure d’un ours mort depuis longtemps, le chef autoproclamé d’une énième cellule de résistants finissait de cracher un mélange de bile et d’hémoglobine au travers de sa gorge perforée. Il avait eu l’insigne honneur de résister sept longues secondes face à lui avant que sa lame ne vienne entailler ses chairs faiblardes. Sa femme, à quelques pas seulement du berceau où pleurait leur unique enfant, s’efforçait de retenir, de sa main restante, le flot de viscères s’écoulant de son ventre ouvert. Au fond, ils se savaient tous deux déjà morts et il y avait d’ailleurs fort à parier qu’ils espéraient que la faucheuse ne tarde pas trop, mais leurs meurtriers avaient pris soin de leur infliger des blessures certes mortelles et douloureuses mais suffisamment lentes pour que leurs hoquets de souffrance puissent les accompagner dans leurs obscènes ébats. Le vice était devenue une preuve, entre le Seigneur de l’Ost et sa compagne, non pas d’amour, puisqu’une chose aussi pure ne pouvait décemment pas exister entre de tels êtres, mais de fidélité, de loyauté, l’un envers l’autre. La promesse que rien ni personne d’autre ne puisse un jour ne serait-ce qu’espérer mélanger son corps et son esprit à l’une de ces deux créatures sans y perdre sa santé mentale et son honneur.
    Les canines de Sélène percèrent la peau de l’épaule de son compagnon, assez fort pour que le sang gicle. La prise autour du cou de la vampire se resserra davantage. Dehors, à l’extérieur des murs, les fous qui leur avaient juré fidélité scandaient leurs noms à en perdre haleine en érigeant des totems de souffrance, qui prenaient la forme de civils terrifiés, empalés ou écorchés sur de larges piques de bois.
    Et dans son berceau, l’enfant pleurait toujours.

    Il se présenta à eux en enfonçant d’un coup de pied la façade Nord-Est du donjon. Le mur s’effondra, ainsi qu’une partie du toit. D’une simple pensée, il repoussa les pierres qui osaient tomber dans sa direction ou celle de sa compagne. L’une d’elle s’écrasa sur le visage rougeaud du chef rebelle agonisant en projetant des bris de boîte crânienne englués de cervelles un peu partout. La lumière du jour fit son entrée dans la pièce. Elle était aveuglante, aussi chaude et impitoyable que l’on était en droit de l’attendre au milieu d’un désert. Tarcus détestait cette lumière, lui, qui préférait tant la caresse de la lune et la morsure du froid l’accompagnant. Mais cela ne l’empêchait pas de sourire. Sur le plastron noir de son armure, le visage grimaçant d’un démon enfermé à jamais dans son acier enchanté saluait la foule, parodiant le rictus satisfait que le Seigneur de l’Ost affichait sous son heaume cornu.
    Sélène vint le rejoindre en tenant dans ses mains le nourrisson de la famille ayant un jour régné sur le champ de ruine qui s’étendait autour d’eux.
    “-TARCUS ! TARCUS !” Hurlait la foule vautrée dans la boue sanglante aux pieds de la forteresse.
    Tarcus accueillit leurs acclamations en écartant les bras. Ses deux lames rengainées pendaient sur ses flancs. Il avait conçu leurs fourreaux lui-même, dans le cuir écailleux d’une wyverne vaincue. Les deux épées n’avaient rien d’armes classiques. Elles étaient toutes deux animées d’un féroce et éternel appétit pour la conquête et la mort que le Seigneur de l’Ost devait chaque jour dompter sous peine de céder à la folie meurtrière. Cela n’avait rien d’un exercice compliqué, cependant, puisqu’elles n’étaient que les pâles copies de sa première lame, perdue, disait-on, à jamais.
    “-Mes frères !” Commença-t-il, et la foule se tut. Il laissa le silence s’installer, appréciant le simple fait de voir ses guerriers suspendus à ses lèvres. “Je commencerais presqu’à me lasser de mes discours de victoire, ils sont si nombreux.
    Ils rirent. Tous. Quatre cents bouches aux dents taillées en pointes s’ouvrirent de concert pour pousser un grondement de prédateur amusé. Tarcus les laissa faire. Ils avaient tous saigné pour en arriver là. Il pouvait bien leur accorder un rire.
    A ses côtés, Sélène riait aussi.
    “-Ce triomphe !” Reprit-il, une fois les éclats terminés. “Il n’appartient qu’à notre Ost, une fois encore !” C’était vrai. Davogn avait refusé de lui accorder le soutien de ses troupes. Cela arrivait de plus en plus souvent. La campagne s’était trop éternisée et les soldats réguliers étaient trop épuisés pour participer efficacement à la prise d’une énième forteresse. Ce n’était pas le cas de l’Ost. Les combats galvanisaient les troupes de chocs. “Alors, emparez-vous des trophées qui vous sont dû, prenez les crânes des vaincus et abreuvez-vous de leur sang de faiblards, ils ne sont bons qu’à ça !
    Nouvelles acclamations. Il aperçut, au milieu de toutes ces têtes levées dans sa direction, la silhouette massive de Bark, les bras croisés sur son torse grotesquement massif. Son lieutenant était couvert de sang. L’hybride homme-araignée avait planté la hampe de sa hallebarde dans le sol. Droite comme un piquet, l’arme noire soutenait le poids d’un orc massif, empalé sur sa pointe, qui tentait de trouver la force de serrer le cou de son meurtrier avant que son cœur n’explose de douleur. Peine perdue. Personne n’échappait jamais à la froide vigilance de Bark.
    Sélène, sa compagne, claqua la langue pour attirer son attention. Ils échangèrent un regard entendu, puis la vampire brandit au-dessus d’elle le nourrisson capturé :
    Le silence revint parmi les troupes.
    “-Voici Ivatar, le dernier fils de notre courageux adversaire.” L’enfant se mit à gigoter dans les bras du monstre qui l’exposait au regard de ses congénères. “Le seul espoir d’une famille vieille de dix siècles !
    Les acclamations de la foule de tueurs sonnèrent comme l’explosion du sommet d’un volcan enragé lorsque les crocs de sa promise s’enfoncèrent dans la chair tendre du petit cou pour lui voler sa vie.
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    Alasker Crudelis
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    qui suis-je ?:
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  • Dim 8 Jan - 21:38
    “-Je ne pense pas me tromper en affirmant que le frère que j’ai connu est mort et enterré.” Souffla une voix enrouée par le chagrin, en tirant le démon de ses souvenirs pour le ré-ancrer dans ce corps mortel. Tarcus redevint Mawdryn, brutalement, et la douleur qui en résulta déclencha en lui une rage sourde toute dirigée sur la frêle silhouette de l’estropié à l’origine de ce retour à la réalité, qui restait planqué derrière le verre protecteur d’une cage faite en son nom.
    Le manque était pire que tout. Le manque de force. Le manque de gloire. Le manque de Sélène. La beauté de son visage pâle, la caresse de ses cheveux immaculés. Même la morsure de ses dents. Tout, lui manquait.
    Les acclamations de son Ost lui manquaient.
    Les conseils avisés de Bark lui manquaient.
    Le poids des deux épées battant son flanc lui manquait.
    Même la vue du désert lui manquait.
    “-Tu l’as tué. Tu m’as volé mon frère.” Continua Zachiel, les deux mains posées sur le pommeau de sa canne. “Il n’y a aucun châtiment assez cruel pour cela.
    Les pleurnicheries de l’avorton attisèrent en lui un appétit que seule la cruauté savait tarir. Ses crocs se découvrirent dans un sourire dépourvu de joie ou d’amusement.
    “-Tu ne comprends rien, Zachiel. Je suis ton frère. Mais je suis aussi…
    L’ombre d’un géant de colère recouvrit la frêle silhouette de l’estropié. Cette ombre portait une armure rouge faite d’airain, et une hache à deux mains semblant aussi lourde qu’un homme reposait entre ses gantelets serrés.
    “-Tu es Tarcus l’Impardonné, le chef trahi d’un Ost de Cadavres ensevelis dans le sable d’un canyon oublié de tous.
    -Certains se souviennent, apparemment.” Se moqua l’hybride Mawdryn-Tarcus, sans quitter des yeux le géant qui s’approchait de la porte de sa cellule à grands pas. “Nous y voilà donc.
    Alasker déverrouilla l’accès avec toute la délicatesse qu’on pouvait attendre d’une telle brute. Ce-qui-aurait-dû-être-Mawdryn se releva pour se tenir droit, au centre de la pièce, alors que son petit frère venait le rejoindre.
    “-Vas-tu assassiner ton frère, Iratus?
    Le porteur de hache poussa un jappement grave qui pouvait être interprété comme un signe d’amusement.
    “-Je l’aurais peut-être fait, si il restait assez de Mawdryn en toi pour que je puisse y prendre plaisir.” L’une de ses mains gantées lâcha la hampe de son arme pour se tendre dans sa direction.
    Ce-qui-restait-de-Mawdryn pencha la tête sur le côté en avisant l’offre quelques instants, puis accepta la poignée de main.
    La force d’une créature rageuse constituée de deux cents kilos de bronze, de muscles et de colère l’attira à lui en manquant de briser quelques os de son bras si fragile. Le heaume cornu d’Alasker s’approcha de son oreille fraîchement reconstituée et murmura :
    “-Nous allons te libérer, Tarcus. Nous allons t’offrir un toit. Parce que le sang qui coule dans tes veines est aussi le nôtre. Parce que tu portes le visage d’un homme qui a jadis eu la même mère que nous. Tu ne t’enfuiras pas, je le sais, parce que ton visage est connu, à l’extérieur, et que tu ne veux pas de la vie de Mawdryn.” Le prisonnier ne chercha pas à se débattre, c'eût été peine perdue. Il attendit, simplement, calmement, que son frère finisse par énumérer ses conditions. “En échange, de notre protection, nous souhaitons ton allégeance. Nous souhaitons ta confiance. Et…peut-être…Peut-être qu’un jour, nous souhaiterons tes conseils.
    -Vous me sortez d’une cage pour me mettre dans une plus grande. Quelle délicate attention.” Siffla le Renaissant, amusé.
    “-Ma confiance, elle doit se gagner.
    C’était logique. Tarcus ne pouvait pas le nier. Jamais, il n’aurait laissé partir un être comme lui, sans s’être assuré de ses intentions, et surtout pas après si peu de temps d’observation. En réalité, à la place d’Alasker, il se serait sans doute exécuté.
    “-Je t’accorde tout ce que tu souhaites, tant que tu me laisses sortir de cette putain de cellule.
    La prise du géant se détendit. Le Réincarné put se redresser et se rendre compte qu’il était plus grand que le guerrier de bronze, mais deux fois moins large d’épaule. Qu’est-ce que cet animal pouvait bien manger?
    Zachiel apparut dans l’encadrement de la porte.
    “-Les péchés de l’Impardonné sont si nombreux qu’on les croirait impossible. Je crains de faire une erreur en te laissant sortir de là, mais Alasker me soutient que tu n’es pas un traître.
    Quelque chose d’aussi étrange que de la gratitude se fraya un chemin dans l’esprit du prisonnier. Au moins l’histoire n’avait pas souillé sa loyauté.
    “-J’abhorre la trahison. Elle m’a valu une mort.
    L’ancien gladiateur à ses côtés se mit à rire :
    “-Ca se soigne, apparemment.
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