Je me sens un peu à part, mais une fois n'est pas coutume, même dans Shuomei, même parmi les familles Nobles de Mael, toutes ne sont pas issues du divinisme, il y a encore moins de cultistes direz vous mais néanmoins il n'en demeure pas moins que notre religion d'ascète n'est pas propice au recrutement de masse et avec le temps et l'ouverture aux autres nations la foi perd du terrain.

- Que je ne boive pas ne vous empêchera pas de profiter vous savez, on m'a toujours fait comprendre que dans le fond avoir une diviniste pour compagnon de soirée ce n'est pas si mal, je peux commander les fiacres et ramener les gens chez eux sans qu'ils ne craignent rien, je suis... fiable.

Oui c'était beau de voir les choses ainsi, c'était mieux que d'envisager qu'on me considérait comme une cruche à vouloir rester vierge pour un mariage que me mon tuteur négocierait pour moi avec une famille qui elle aussi respecterait la tradition, même si nous savions tous que les hommes avaient une conception de la fidélité ou de la virginité toute particulière avant les noces, c'était un "devoir" religieux à géométrie variable.

Néanmoins j'écoutais la suite avec attention, amusée, Vera était vraiment un personnage à part, hors norme selon mes standards en tout cas, Nineveth c'était différent, je la voyais avec une quasi vénération, sa sagesse enfin non... son professionnalisme et ses connaissances étaient des sources auxquelles je m'abreuvais depuis des mois de travail à ses côtés. Je la respectais pour qui elle était et pour son travail et je n'avais jamais rien dit à Martha Kidd, la rectrice de l'Académie quand mon mentor ratait son réveil aux aurores, c'eut été malvenu car... elle avait toujours une excellente raison à fournir.

Je peinais à ne pas rire en écoutant leurs échanges cependant. Mais ce qui m'intéressait revint sur le devant de la scène, la relique et sa consommation de mana. J'acquiesçais aux propos de Nineveth.

- Eh bien nous allons donc commencer par manger copieusement avant toute chose je pense. Nous verrons le reste ensuite, mais est-ce seulement possible d'empêcher ce genre d'objet, relique de puiser dans notre mana même de manière infime? Naturellement je sais que de rares personnes ont la capacité de transférer leur mana aux autres mais je ne savais pas qu'on pouvait puiser dans autrui à l'insu de son plein gré en un sens. Même si une relique n'a pas de volonté propre ou réelle ou...
- C'est bon Myriem on a saisi l'idée et non je ne savais pas non plus mais par contre si on bouge pas vite, Nine va tomber d'inanition et on va devoir la porter et je te garantis qu'elle pèse plus lourd qu'elle en a l'air.

Ca sentait le vécu étrangement. Je hochais la tête et accélérait le pas pour rejoindre au plus vite le village, c'était notre objectif premier.
Nous prenons le temps d'observer malgré tout les fleurs qui poussent autour de nous, les fleurs semblent nous être propres et c'est des tulipes qui m'entourent, j'en cueille une pour le souvenir, je me dis que je la mettrai à sécher pour la conserver tout simplement. Et c'est à ce moment là que Vera éternue à cause des tournesols qui l'entourent, je ne peux rire mais l'envie est grande.

Alors que nos pas approchent du village je me permets une hypothèse.

- La relique est peut-être libérée de la présence de la liche? Même si elle n'avait pas réussi à s'en saisir sa... pestilence ou magie noire devait étouffer la relique et l'empêcher de diffuser sa magie bénéfique? J'avoue ne plus sentir cette présence qu'il y avait dans le temple et qui semblait persister comme une effluve persistante... Je crois que c'est vraiment fini, la liche, sa force, sa magie, c'est parti et Lammas va reprendre sa place et diffuser ses bienfaits en commençant par son environnement direct et donc... nous trois? vu que nous nous déplaçons avec la relique.
- Mouais c'est recevable à mes oreilles comme hypothèse.

A ce moment nous sommes devant la foule amassée et mon mentor me donne la lourde et terrible charge d'expliquer de quoi il retourne. Je me sens un instant interdite, j'ouvre la bouche avec la ferme intention de refuser ce rôle, je suis pas prête du haut de mes dix huit printemps. Mais elle ne me laisse pas vraiment le choix, elle a remis la rose et s'est reculé et pour couronner le tout, Vera m'a donné une franche accolade de "soutien" qui me fait avancer de deux pas, me mettant devant les villageois. Je tourne la tête cherchant du soutien et c'est dans leur regard, sourire (moqueur chez Vera?) que je trouve l'étincelle de courage qui me manquait.

- Habitants de Trevelmore nous sommes porteuses d'une excellente nouvelle pour vous, pour nous. Le père abbé tient en ses mains le renouveau pour le village et les terres alentours. Dans le temple de Lammas s'était immiscée une créature morte vivante, une liche profanatrice qui voulait s'arroger la puissance magique de notre bienfaitrice. C'est elle qui assombrissait vos nuits, terrifiait tout un chacun, elle avait étendu ses ailes sombres sur notre région et nos gens et tissé une toile de magie noire. Je peux vous jurer que cette créature est retournée dans les limbes, loin de nous et son emprise brisée, la relique de Lammas est prête à offrir de nouveau ses bienfaits à nos terres. Ce soir nous pouvons festoyer au nom de Lammas et demain nous irons nettoyer son temple et déposer sa sainte relique à l'intérieur. Mais demain, ce soir, louons les divins et chantons leurs louanges...

Je sens le regard exaspéré de Vera coulant sur moi alors j'ajoute.

- Mais surtout festoyons ensemble, chantons et dansons jusqu'à l'aube enfin fêtons cela !


Message 8

« Je ne suis pas lourde. Je suis dense. » Tente de se justifier Nineveh, « mon poids ne regarde que moi, ce n’est pas ma faute si je suis enrichie en muscle à force de marcher toute la sainte année. »

Non mais. Elle ne devrait pas se justifier autant, mais cela a toujours été un sujet sensible chez l’elfe, qui n’apprécie pas forcément de parler de son poids. Une vanité qu’elle ne saisit toujours pas.

« C’est une hypothèse bien formulée, cohérente, tout à fait acceptable. » Reprend l’elfe d’un ton stérile, concentrée sur l’information, avant qu’un éternuement de Vera ne l’interrompe dans ses pensées. « Il faut croire que le tournesol ne te réussit pas. »

Heureusement pour les filles, le retour au village se fait sans encombre et lorsque Myriem se tourne vers elle, Nineveh a un grand sourire et hoche la tête d’un air encourageant : si elle a liquidé une liche, alors il n’y a rien à craindre d’un petit discours.
La médecin a un autre hochement de tête approbateur lorsqu’elle annonce qu’il y aura des festivités. Vera ne cache pas sa joie.

***

Musique, un vague chant marin, avec les instruments à corde, les tambours et sans doute quelques vents. Nineveh ne saurait pas dire, elle n’a jamais été douée en musique. Normalement, une femme devrait savoir jouer de la harpe et chanter, mais à l’exception d’un grincement osseux d’une scie à amputation, l’elfe n’a jamais pincé une corde avec talent.

« Ohhh, comment fais-tu Nineveh ? » Demande Vera avant de renifler bruyamment, puis d’avoir un hoquet. Elle a un soupir si riche en alcool que son souffle risquerait de prendre feu si elle s’approchait d’une bougie. « Toi, l’elfe aux milles remèdes, terreur de X’O-Rath, persécutrice de Puantrus et surtout… » En voyant la toubib démolir une pinte d’eau de vie, d’une traite, sans sourciller, pour la troisième fois de la soirée. « Massacreuse des eaux de vie. La femme au foie de fer. »

Vera tangue sur la droite, récupère une cruche de bière et se verse un demi tandis que l’elfe termine sa pinte cul sec avec un grand sourire.

« Myriem, est-ce que les divins ont une réponse à cette aberration juste à côté de nous ? » Se plaint la docteur aux chats, passablement avinée. Voutée, penchée vers l’avant, on dirait presque une bossue. Elle lutte un instant pour porter le houblon à ses lèvres.
« J’ai étudié la médecine. » Répond Nineveh.
« A Melorn, la cité qui a un balai dans le fondement. » poursuit Vera.
« Essaie l’université Magic. Basileïa seizième, car je suis la seizième de ma famille a complété le cursus de médecine. J’aurais pu devenir une pléiade si je n’avais pas choisi cette vie d’itinérance. Et aussi, j’aime trop l’alcool pour m’en passer. J’ai été élue première falucharde par mes pairs, trois ans de suite.
-Et les autres années ?
-Je disputais le titre à un hybride rat qui avait une descente légendaire. Il n’était jamais ivre. Un jour, je lui ai demandé de me suivre, comme quoi, pour chaque pinte que je descendrai, il devait en prendre deux. Au final, je me suis évanouie au bout de la dixième et lui est parti révisé ses cours comme si de rien n’était. »

Elle a un regard vers Myriem, hausse les sourcils : ce n’est pas juste qu’elle ne puisse pas profiter de la fête. Si Vera se plaint à voix haute du culte diviniste, Nineveh a peut-être un moyen de contourner les règles pour que l’héritière passe un bon moment.

« Continue de boire Vera.
-Que faisons-nous avec le marin ivre ?
Que faisons-nous avec le marin ivre ?
Que faisons-nous avec le marin qui a dormi avec la fille du capitaine ?
Que faisons-nous avec ce marin que nous avons jeté à l’eau ? » Fredonne la docteur aux chats, totalement ivre.

Pendant ce temps, l’elfe tire une pipe de céramique richement ornée, à l’effigie d’un serpent en roulé autour du bâton de médecin. La gueule bientôt pleine d’un mélange d’opium et de feuilles séchées, la médecin tire sur l’arrivée d’air pour s’assurer de la circulation, puis rajoute une dernière pincée de produits. Des herbes miraculeuses, des racines fantasques, de la sève de pavot, tout ce qu’il faut pour passer un bon moment.
Elle claque des doigts et une flamme apparaît au bout de son index.

« Myriem, » débute Nineveh d’un air relativement sérieux malgré la légèreté ambiante, « tu mérites de profiter de la soirée et de te dégourdir un petit peu. Si les divinistes n’ont pas le droit à l’alcool, » elle rapproche la flamme et tire sur sa pipe, la langue de feu lèche le sommet du foyer et embrase l’opium aux herbes. « Je pense que tu as le droit à un relaxant. » Annonce l’elfe en lui tendant la pipe.

Elle lui adresse un clin d’œil.

« Pour les grandes occasions uniquement. »

J'avais l'envie de m'amuser, de profiter, de sourire à la vie après cette journée riche en émotion et particulièrement intense avouons le. Mais je sentais bien que je n'évoluais pas dans le même plan que Vera ou Nine, je connaissais d'un point de vue médical les effets de l'alcool ou des drogues bien entendu, mais je n'avais jamais rien expérimenté, trop sage pour mon âge dirait-on mais cela arrangeait mon tuteur qui ne s'en faisait pas le moins du monde pour moi.

Aussi je n'hésitais pas à jouer de la flûte ou des divers instruments, car je n'étais pas mauvaise musicienne pour ma part, je ne chantais que peu pour la simple et bonne raison que je ne connaissais pas les paroles de la grande majorité des chansons festives, à boire, grivoises... A la ramasse ! Je souriais devant les frasques de Vera surtout dont le tact s'était totalement envolé avec sa consommation d'alcool, c'était inversement proportionnel pour tout avouer.

Quand elle m'interpella un instant je restais interdite, elle parlait bien de Nineveth en parlant d'aberration là? Pour le coup moi et ma timidité avons eu chaud aux fesses, que répondre, que dire pour rester dans l'ambiance festive pour ne pas passer pour une rabat-joie de première? Par chance dans un premier temps ce fut mon mentor qui répondit et elles enchainèrent, m'oubliant d'un coup dans leurs échanges et cela m'arrangeait, présente mais hors du champ de vue principal, parfait non? J'écoutais cependant les histoires de la médecin avec envie avouons le, je n'avais rien connu de tel et je ne connaitrais jamais rien de tel, j'aurais une vie simple, rangée, posée, une vie d'ascète comme le veut le divinisme, mariée avec ce maudit freluquet Erlend de Luthadel qui avait la mauvaise idée d'être plus que moi de presque dix centimètres et d'être frêle... Loin de l'homme qui fait envie contrairement à qui ? Bien sûr que je savais, Cylian Avensford, Héritier de sa famille, étudiant en politique, destiné à devenir ambassadeur probablement de Shoumei en République... Oui lui faisait envie !

Spoiler:

Néanmoins il n'est pas l'heure de songer à Cylian mais à la réalité du moment, et je répète gentiment et sans trop d'entrain les paroles des chants entendus, au moins vais je en apprendre ce soir ce ne sera pas du temps perdu !

Finalement Nineveth me propose de fumer pour le coup, je suis d'abord tentée de refuser poliment sauf que j'entends Vera qui roule à moitié par terre rire et dire.

- Elle n'y touch'ra po

J'ouvre la bouche hésitante et elle me montre du doigt.

- Sainte nitouche et poule mouillée, une vraie et gentille diviniste

Fronçant les sourcils, agacée d'être cherchée depuis le matin je tends la main à mon mentor et me saisis de la pipe sur laquelle je tire une profonde bouffée, faisant se relever Vera, assise qui a les yeux exhorbités.

- Bordel de couilles de Drakyn ! Elle a osé, t'sais pas c'que t'as fait Nine :

Je ne sais pas ce qu’il y avait dans cette pipe, mais je peux vous dire que ça m’a fait un drôle d’effet. Dès la première bouffée, j’ai senti une chaleur envahir mon corps et une légèreté gagner ma tête. J’ai eu l’impression de flotter dans les airs, comme si j’étais un oiseau ou un papillon oui ce genre de choses légères et douces. J’ai vu les couleurs de ce qui m'entourait se transformer en arcs-en-ciel, les sons se mélanger en symphonies, les odeurs se métamorphoser en parfums. J’ai ressenti une joie immense et irrésistible, comme si j’avais découvert le sens de la vie. Et puis j’ai ri. J’ai ri comme jamais je n’avais ri auparavant. J’ai ri de tout et de rien, sans raison et sans retenue. J’ai ri des fleurs qui dansaient dans le vent. J’ai ri des nuages qui formaient des animaux fantastiques. J’ai ri de moi-même et de ma situation. Je n’avais plus peur de mon tuteur, ni de mon futur mari, ni de personne. Je n’avais plus honte de mes sentiments, ni de mes envies, ni de mes rêves. Je n’avais plus envie de me taire, ni de me cacher, ni de me soumettre. J’avais envie de parler, de chanter, de danser.

Et la j'ai vu Cylian/Vera s'approcher de moi, il m'a pris avec douceur dans ses bras (elle essayait de m'enlever la pipe que j'avais en main et sur laquelle je tirai avec force, je toussais fort sans bien le réaliser mais l'esprit était déjà ailleurs). J'ai vu le jeune noble ravi de me voir si joyeuse et si libérée. Il m’a prise dans ses bras et m’a embrassée avec passion (d'accord il parait que j'ai attrapé Vera et que j'ai tenté de lui rouler une pelle mais je n'y crois guère). Cylian m’a dit qu’il voulait partir avec moi loin de Mael et de mon tuteur, il m’a dit qu’il voulait m’épouser et me rendre heureuse (elle me disait que j'allais vomir tripes et boyaux demain si je ne lâchais pas la pipe de Nine) Et moi ? J’étais prête à le suivre, à tout abandonner pour lui.... Et j'étais prête à tout pour lui en cet instant, l'esprit perdu dans les méandres de la fumée...


Message 9

Myriem s’empare de la pipe avec toute l’autorité dont peut faire preuve une élève à l’égard de sa mentor. Nineveh ne cache pas sa surprise tandis que Vera continue de réagir de la manière la plus auditive possible. L’héritière tire une grande bouffée sur la pipe, puis une deuxième fois, puis une troisième, très vite Nineveh se rend compte que Myriem produit plus de fumée qu’un volcan. Elle aspire avec le débit d’un élémentaliste qui se prépare à faire le grand vide autour de lui.
Crise de rire chez Myriem, Nineveh matérialise lentement des liens d’obscurité entre ses mains, hésitant sur la meilleure manière de procéder ? Fondre l’ombre de sa disciple avec la sienne pour restreindre ses mouvements en douceur ? Camisole de ténèbres ?
Non pas qu’elle soit un danger pour elle-même ou les autres, simplement, il faut toujours avoir un plan de secours si le trip commence à devenir trop violent. Pour une première fois, la jeune fille y est allée sans crainte ni inhibition.
Vera fait une tentative pour récupérer la pipe, mais échoue lamentablement.

Nineveh s’absente quelques instants pour rire à l’extérieur avant de revenir sur une scène des plus… improbable.
Myriem, en train d’embrasser une Vera qui a les yeux grands ouverts. La première semble totalement hors limite, tandis que la seconde est rouge comme une tomate et hésite sur la meilleure manière de procéder. Enfin, difficile de réagir quand l’autre a les mains sur les poignets.
La médecin pensait que Vera se débattrait, voire, ferait usage de la force pour se sortir de ce mauvais pas, mais il faut croire que la surprise et l’embarras l’emportent sur ses réflexes les plus primaires.
Ah oui, et par une magie que l’elfe n’explique pas, sa disciple a toujours la pipe entre les mains.
Il faudra peut-être qu’elle revoit le dosage pour la prochaine fois. En fait, plus simple encore : préparer un dosage pour usage récréatif. Surtout quand Myriem commence à parler d’un certain Cylian, qu’elle confond manifestement avec une Vera qui a cessé de fonctionner. Heureusement, la docteur aux chats suit encore les instructions. Nineveh lui demande d’aller s’asseoir et de dégriser.

Maintenant, il s’agit de s’improviser infirmière psychiatrique pour éviter un nouvel accident. Heureusement que tout le monde est trop ivre pour se rendre compte de ce qui vient de se produire, sinon on jaserait. Encore un secret médical qu’elle emportera dans la tombe.

« Myriem, donne-moi cette pipe s’il te plaît, quitte à devoir te gérer, autant le faire de manière responsable et surtout, ludique. » Elle aussi veut avoir une dose, histoire de planer un peu. « Et allons dans tes appartements… » Non, c’est une mauvaise idée : autant laisser Myriem s’amuser. Elle le mérite. « Finalement, fait tourner la pipe, on verra pour la suite demain. Juste, prend un verre d’eau, pour éviter un réveil plus difficile qu’il ne le sera déjà, demain matin, ou après-midi. »

Pour respecter l’intimité de sa disciple, elle ne posera aucune question sur ce fameux Cylian. Plus tard, quand elle sera en pleine possession de ses moyens.

« Si tu veux aller vomir, préviens-moi ou tire sur ma manche. Je t’emmènerai dehors. Juste, évite de le faire sur Vera si c’est possible. »

Est-ce que je me rends compte de ce je fais? Pas vraiment sur le moment du moins, mais demain sera une autre histoire, dans les méandres de la fumée mon esprit percevra ce qu'il s'est passé réellement, quand le voile des illusions de la drogue se seront dissipés je verrai avec une grande lucidité la réalité et... Je ne pourrais plus jamais croiser le regard de Vera sans virer au rouge écarlate et mourir un peu plus de honte.

J'en suis là de mes assauts sur cette pauvre médecin qui malgré tout à bien mériter que je l'ennuie (même si cela n'est pas volontaire). Nineveth s'adresse alors à moi pour me demander la pipe, forcément je suis un peu présente quand même et je ne suis pas plus vindicative ou agressive sous l'effet de la drogue qu'au naturel. Je regarde donc le cône avec envie, tire une nouvelle dose dessus et tends le tout à mon cher mentor, c'est que je ne veux pas la décevoir, jamais voyez vous, je veux lui faire honneur pour tout ce qu'elle m'a appris et apporté.

- Voilà !

Et quand je lui tends et que j'arrive à la lui donner en main je souris bêtement, fière de mon grand exploit pour tout avouer.
Elle ne comprend pas bien la demande de ses appartements et finalement non, elle doit être fatiguée non? Mais elle a rendu la pipe et soupire... pourquoi elle et pas je ? La drogue ça retourne un cerveau même un brillant!

Bref j'en ai fini de Vera, étrangement mon idée de vouloir déclarer une pseudo flamme à Cylian est partie aussi vite qu'elle était venue, une lubie passagère en somme. Mais j'ai la bouche pâteuse en effet. J'hésite un instant et finalement j'entends une chanson, enfin une musique qui se danse. Et me voilà tel un diable sortant de sa boite debout et filant vers la musique et les gens qui dansent. Je me glisse dans la farandole, trébuche un peu mais pas trop, et grisée par l'ambiance et les volutes qui embrument encore mon esprit je danse. Je danse et je chante, je ris aussi, oublié Vera et Nineveth en réalité, je suis juste ailleurs, profitant du moment.

Comment je suis partie me coucher, comment j'ai dormi? Je sais pas trop. Ai-je suivi les conseils et bu de l'eau? J'en doute vu mon état. Ce n'est que lorsque le soleil est à son zénith que je trouve le courage de sortir de mon lit. Je suis livide, blanche comme mon cul aurait dit Vera et malade comme un chien. Non je n'ai pas vomi, c'est probablement ce qui me donne la nausée et m'empêche de respirer sereinement. Je sors pour rejoindre la place du village et surtout pour prendre l'air, j'ai besoin de respirer.

J'aperçois sans peine Vera et Nineveth qui discute et grignotent, il restait beaucoup à manger sur les tables dressées dehors et elles m'observent. Vera rit sans même se cacher et je me prépare à subir ses assauts verbaux pour tout avouer. Néanmoins drapée du peu de dignité que j'ai actuellement je me laisse choir sur un des bancs en face d'elles. J'attrape un verre vide, je le remplis d'eau pour le rincer, une fois, deux fois et je bois ensuite deux verres d'eau en grimaçant. Bien sûr qu'on sait se soigner soi-même mais quand on est pas bien c'est moins simple.

- Vous croyez que.... vous pourriez détruire les toxines ? Que je sois en forme ou présentable pour qu'on aille remettre la fleur dans son temple ?

Et notez bien que je m'adresse à mon mentor et que je ne regarde surtout pas Vera qui se permet finalement, plus fort qu'elle.

- Alors j'embrasse mieux que Cylian ou pas?

C'en est fini de moi, de mon estime de moi-même, mon visage est cramoisi et mes oreilles jusqu'à leurs pointes aussi. C'est mérité mais ça reste un coup bas. Je ne réponds même pas, je suis trop gênée pour se faire.

C'est ce jour là que Nineveth m'enseigna comment on passait une gueule de bois ou tout autre désagrément du genre, la médicine utilisée à bon escient disait-elle, quand on avait compris cela on pouvait tout faire. Ensemble nous sommes allées reposer la relique après avoir purifié le lieu et nettoyé le petit temple de Lamas avec l'aide des villageois.

Le soir du second jour tout était donc rentré dans l'ordre, le temple nettoyé, avec une sainte relique en son sein, et Lamas de nouveau vénérée. Dans les semaines qui suivirent, plus un seul cauchemar, plus une seule plante mourant sans raison, nous avions résolu le problème de ce village et moi j'étais diplômée officielle de l'Académie de Mael.

Message 10