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  • Ven 9 Juin - 15:29
    Un griffon royal. Faisant glisser la longue plume entre ses doigts gantés, Astradès resta un instant accroupi, pensif. La capture allait s’avérer plus complexe que prévue. Il était toujours difficile de connaître à l’avance la sous-espèce à laquelle appartenait un griffon. Ces bêtes nichaient loin dans les montagnes, hors de portée et de vue des humains. Elles n’apparaissaient que pour attaquer, et leurs incursions ne duraient que quelques secondes avant de reprendre leur envol. Trop peu pour obtenir des descriptions précises de témoins éventuels. Comme souvent, les meilleurs indices ne s’obtenaient qu’en observant la scène qu’un griffon laissait derrière lui, et celle-ci avait de quoi inquiéter.

    Le toit de chaume éventré laissait percer les rayons d’un soleil pâle. A l’ombre des pics rocheux des Terres du Nord,  il s’agissait tout de même d’une belle journée printanière. Plus aérée qu’elle ne l’avait jamais été, l’odeur de déjections animales et de foin piétiné n’imprégnait plus autant l’étable. Le vent s’engouffrait continuellement dans la pièce, décrochant parfois des pans larges de torchis que le groupe ne parvenait pas toujours à éviter. Astradès en reçut un sur l’épaule. Il s’épousseta d’un geste distrait, puis se releva. Si l’assemblée avait pu le scruter sous son casque, elle se serait rendue compte de l’air profondément affecté que le chevalier affichait, les sourcils froncés et le regard toujours happé dans ses réflexions. Luxuriance possédait un griffon royal. Un magnifique étalon reproducteur, les prélèvements et expériences étaient interdits sur ce spécimen. Son envergure dépassait les dix mètres, et il ne se laissait approcher que par les trois ouvriers qui prenaient soin de lui depuis son éclosion. Astradès avait plusieurs fois assisté à son repas : il mangeait le jour et se reposait la nuit. Le griffon royal était un animal diurne, il n’était pas censé chasser après le coucher du soleil. Or, le propriétaire de l’étable ne cessait de le répéter : l’attaque de ce monstre avait eu lieu en pleine nuit. Le vacarme provoqué avait réveillé tout le voisinage, véritable scène d’apocalypse. Un mulet avait été amputé d’une patte et deux brebis manquaient à l’appel.

    Cette information appelait trois conclusions. Premièrement, l’on avait affaire à un animal d’une intelligence extrême. Observer les environs et tendre une embuscade après que le troupeau soit rentré au bercail n’était pas à la portée du premier prédateur venu. Deuxièmement, cette bête avait été obligée de modifier son modus operandi. Deux explications à cela: soit le monstre était âgée ou blessé, soit il était soumis à un impératif : trouver beaucoup de nourriture en un minimum de temps. Le fait qu’il soit parvenu à transporter deux brebis, estropier un mulet et défoncer un toit de chaume écartait l’hypothèse de la bête blessée. Le griffon devait donc se constituer une réserve rapidement, ne pouvant se permettre d’enchaîner les sorties de chasse. Cela ne signifiait qu’une chose : il protégeait une femelle. Troisième et dernière conclusion; chargé comme il l’était, il ne pouvait pas avoir parcouru plus d’une lieue, peut-être deux. Son nid était tout proche.

    Le griffon n’allait plus attaquer avant au moins une semaine. C’était en principe une bonne nouvelle pour les villageois, qui disposaient ainsi d’assez de temps pour se préparer à défendre leurs troupeaux. Mais il s’agissait d’une mauvaise nouvelle pour l’escouade d’Astradès. En temps normal, le chasseur se serait contenté de prendre ses quartiers dans l’auberge du coin,  patientant tranquillement jusqu’à la prochaine sortie du monstre. C’était la tactique qu’il avait adoptée lors de la capture de son précédent griffon: un Griffon-Epervier, spécimen plus petit. Ce combat avait tout de même coûté la vie à deux chasseurs de son ancienne escouade, tant la bête était rapide et féroce. Affronter un griffon n’était jamais une bonne idée; en affronter un défendant sa femelle, bien nourri et sur son terrain, s’apparentait à une mission suicide.  Le problème était que Tagar Reys s’était joint à l’escouade. Le chevalier ne connaissait pas toutes les manières qu’avait un ministre d’occuper son temps, mais il doutait que passer une semaine dans une bourgade aux confins de l’Empire fût à l’ordre du jour.

    Astradès était décidément bien en vaine. Se première chasse depuis son entrée au Régiment qu’il risquait fortement d’échouer, et il fallait qu’il fût accompagné d’un officiel du Reike. Le chasseur ne comprenait pas bien pourquoi le Coeur de l’Empire avait souhaité prendre part à cette traque. Lorsque la convocation au palais était tombée, Astradès avait été saisi d’une bouffée d’anxiété. Pourquoi? S’agissait-il d’un motif disciplinaire? Risquait-il de perdre sa citoyenneté si durement acquise? Les questions s’enchaînaient dans son esprit sans que personne ne parvînt à lui fournir de réponses satisfaisantes. Il était rare pour un simple chasseur d’avoir affaire au gratin du Reike. En théorie, le Régiment était effectivement soumis au couple impérial et tous les ordres portaient le paraphe de Sa Majesté Tensai Ryssen. En pratique cependant, la plupart des chasseurs mouraient avant d’avoir pu apercevoir l’Empereur, son épouse ou ses ministres. Le poste était ingrat pour ceux qui souhaitaient s’acoquiner avec la noblesse d’Empire. Toujours sur les routes, toujours confrontés au danger, les escales à Ikusa se passaient généralement à l’infirmerie avant qu’une nouvelle mission ne tombe. On anoblissait les valets de chambre avant les chasseurs du Régiment…

    Cette vie convenait parfaitement à Astradès. Ne nourrissant aucune ambition particulière si ce n’était celle de vivre honnêtement (à défaut de paisiblement), l’ancien chevalier brillait dans la discipline et la simplicité que lui procurait le Régiment. Il recevait un ordre, l’exécutait et était payé en temps et en heure; tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Astradès était toujours imprégné de son ancienne culture de caste shoumeienne. Noblesse d’épée et noblesse de robe ne se fréquentaient qu’en de rares occasions à Shoumei, pour certaines cérémonie particulière ou lors de célébrations religieuses. En tant que chevalier, personne n’attendait d’Astradès qu’il s’inquiétât du taux de taxation de la laine, de l’état des routes ou du budget des églises. On écartait même les chevaliers des grandes réceptions lorsqu’on conviait des dignitaires étrangers. Par le passé, des incidents diplomatiques avaient en effet éclaté suites aux mots trop francs d’un des membres de l’Ordre de la Main à l’encontre d’un ambassadeur de la République (« L’athéisme est une abomination, vous êtes une insulte à la face du Monde ») provoquant le départ de la délégation républicaine et l’abandon d’un important accord commercial.

    Pas un instant il ne vint à l’idée d’Astradès qu’on le convoquait pour le récompenser. Tout autre aurait en effet profité de cette occasion pour faire valoir ses états de service. Son entrée en fonction ne datait, certes, que de quelques mois, mais il affichait déjà un tableau de chasse impressionnant : Un griffon, une wyverne, une salamandre, une manticore et deux licornes (il s’agissait d’un couple, donc techniquement cela ne comptait que pour une seule et même capture). Aucun animal n’avait péri par sa faute. Il ignorait cependant que sa productivité éveilla quelques soupçons. La plupart des chasseurs demandaient leur changement d’affectation après quatre missions réussies. Travail trop dangereux et trop ingrat. Astradès, lui, semblait ne prendre aucun repos, et passait sa vie sur les routes hors d’Ikusa, si bien qu’il demeurait un inconnu au sein même du Régiment, ne fraternisant avec aucun de ses camarades. Pour un ancien réfugié, ne créer aucun lien parmi les locaux relevait du risque existentiel.

    Astradès finit par se tourner vers le propriétaire de l’étable. Il avait en main une poignée de longues plumes récoltées sur les débris de la charpente.

    « Le griffon royal est un animal rare. Chaque plume vaut au moins trois pièces d’or. La bête les a perdues dans votre étable, vous en êtes donc légitimement le propriétaire. Vous en aviez une dizaine là-dedans, de quoi rentrer dans vos frais. »

    Le paysan ne comprit pas immédiatement de quoi il en retournait. Son regard passa des plumes au visage casqué, du visage casqué aux plumes. Puis, tout à coup s’inclinant franchement, il hurla presque.

    « J’vous remercie bien, messire mon seigneur ! Vraiment merci, messire mon seigneur, vous êtes bien bon et bien généreux! »

    Astradès sourit, non pas pour se moquer du bonhomme à la syntaxe approximative, mais parce qu’il décela dans l’accent chantant du paysan une ressemblance frappante avec le parler de Benedictus. Si loin au nord, dans des contrées aussi peu familières, le chevalier venait de recevoir comme un parfum de la Mère-Patrie. Un cadeau des titans à n’en point douter. Cela ne lui procura que plus de courage pour rendre son rapport au ministre. Il donna une légère tape sur l’épaule du paysan pour prendre amicalement congé, puis se dirigea vers le chef de l’escouade, le Coeur de l’Empire en personne.

    « Seigneur Reys, nous faisons face à un griffon royal. Plusieurs options s’offrent à nous. La première, que je me dois de vous présenter, est celle de me laisser régler entièrement cette histoire. Le griffon attaquera de nouveau dans une semaine, peut-être un peu moins si ma théorie est exacte et qu’il protège une femelle dont les oeufs vont éclore. Je pourrai tendre une embuscade à la bête et la capturer pour vous. J’imagine cependant que vous n’avez pas initié ce voyage pour un tel dénouement. Aussi, notre deuxième option est de prendre la route tout de suite, nous diriger vers les montagnes et attaquer le griffon. C’est la solution la plus risquée de toute, car si la nuit nous surprend dans les montagnes, nous ne pourrons faire face à la bête sans perdre plusieurs hommes. La troisième option est intermédiaire, nous pouvons attendre demain, puis, dès l’aube, nous mettre en route. Je partirai en revanche sur le champ en reconnaissance, afin d’étudier le terrain, de repérer où niche le griffon et quel endroit nous sera le plus favorable pour livrer bataille. La décision est votre, Seigneur. »

    Il s’agissait du premier véritable échange qu’Astradès avait avec le ministre depuis leur sortie d’Ikusa. Ne connaissant rien à la politique, le chevalier ne savait pas quel genre de caractère se trouvait face à lui. Un fou? Un sage? Allait-il les conduire à la mort pour assouvir une vanité personnelle? Astradès attendit sereinement la réponse, la main posée sur le pommeau de son épée.

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    Invité
    Invité
    Anonymous
  • Mar 13 Juin - 16:16
    Un fardeau qu’Astradès ne pensait pas avoir sur les épaules fut tout de même retiré par la réponse du ministre. Peut-être n’y avait-il dans cette chasse ni motif caché, ni épreuve dissimulée. Peut-être le chevalier pouvait-il se fier à ce noble du Reike et se contenter d’accomplir sa mission comme il l’aurait fait pour n’importe quelle autre. Se voir honorer ainsi par sa hiérarchie si tôt après son recrutement l’emplit d’une joie toute juvénile, il se crut retourné au temps de son apprentissage où, simple écuyer, ses maîtres lui promettaient un avenir glorieux. Rien ne fut accompli qui concrétisa ses espoirs, mais Astradès avait là l’occasion d’une seconde chance. Le chevalier scruta quelques secondes ce regard doux, qui attendait sa réponse sans marquer l’impatience des chefs habitués à ce qu’un subordonné s ‘exécutât dans la seconde. Lorsqu’il fut totalement convaincu que nulle malice ne pénétrait les intentions du Coeur de l’Empire, Astradès reprit la parole.

    « Ainsi, c’est décidé, nous partirons demain à l’aube. Quant à moi, j’irai en reconnaissance pour nous assurer un combat rapide. Avec votre permission Seigneur, je prends congé.»

    Une main posée sur le coeur, l’autre toujours sur le pommeau de son épée, Astradès s’inclina à la manière des chevaliers de Shoumei. Il restait beaucoup à faire avant l’affrontement de demain. Le chasseur du Reike choisit ses mots avec attention. Assurant un combat rapide, il ne s’était cependant pas aventurer à promettre une bataille sans pertes éventuelles. Les hommes d’armes entourant le ministre semblaient tous vaillants, aucun n’avait été intimidé par l’annonce de la bête à affronter. A moins qu’il ne s’agît d’inconscience, Astradès espérait bien compter sur leurs bras et leur maîtrise. Tuer était facile. Une cachette, dix arbalétriers, et l’affaire se décidait. La capture, voilà le fin du fin. Cela nécessitait des guerriers d’une toute autre trempe, capable de faire montre de sang froid si le griffon venait à charger, éparpillant les membres de leurs camarades et répandant le sang de la troupe. Chaque mission portait son lot d’horreurs, celle-ci en particulier n’échapperait pas à la règle, Astradès le savait. Il envoya aux divins une prière secrète pour l’escouade, en n’omettant aucun de ses camarades auparavant tombés, puis sortit de l’étable, son casque effleurant l’encadrure de la porte.

    Un vent de nord souleva sa cape, comme un appel des montagnes trônant au-dessus du village. A leur pied se trouvaient de vastes steppes sur lesquelles ce bourg avait été bâti. Astradès détacha la bride de Nyx puis se mit en route sur les chemins d’herbes piétinées. La prairie au sud s’étendait à perte de vue. Sur ce plateau jadis désert, plusieurs maisons se tenaient à présent à l’ombre des monts enneigés, et des dizaines d’autres se construisaient. L’Empire investissait dans cet endroit, préparant sans doute l’exploitation des minerais et des joyaux dont ce territoire regorgeait. Dans le sillage de l’or venu d’Ikusa, des colons, réfugiés et anciens esclaves commencèrent à affluer, souhaitant tous être les premiers à s’enrichir lorsque les gisements seraient découverts. Les dangers, nombreux, que cette région abritait, ne représentaient que peu de chose face à l’appât du gain. Comment leur en vouloir? Chacun devait d’abord veiller à satisfaire ses besoins matériels avant de réfléchir aux menaces hypothétiques. Le souci, cependant, était que ces menaces n’avaient rien d’hypothétiques. Des forces anciennes se terraient dans le Nord, des races et des monstres relégués au rang des contes et légendes prospéraient toujours loin des Hommes et de leurs basses considérations. Les mortels allaient apprendre ici qu’ils n’étaient qu’un des maillons de la chaîne alimentaire, que le bouclier qu’ils nommaient « civilisation » s’avérerait en réalité une protection plus fine qu’escomptée.

    En traînant le pas parmi les ruelles mal dessinées de ce village, Astradès comprenait qu’il serait amené à revenir dans cet endroit. L’attaque du griffon ne représentait finalement qu’un avertissement à cette populace. Ils mettaient tous le pied dans un jeu dont ils ne maîtrisaient aucunement les règles. Titre de propriété, serviteurs, or, richesses, tout cela ne signifiait rien ici. Proie ou prédateur, tels étaient les deux seuls rôles qui importaient véritablement. Le Reike avait effectivement pris possession de ces terres, mais il ignorait que des batailles allaient être livrées sur ce sol. La brutalité des combats égalerait celle des guerres précédentes. Affronter les forces de la nature n’était pas une mince affaire. Astradès nota dans un coin de son esprit qu’il devrait en toucher un mot au ministre. L’Empire devait fournir des contingents d’hommes en armes à ces colons. Si cela ne se faisait pas, les hommes finiraient par s’organiser en milice pour se défendre, et de la milice à la rébellion, la frontière était ténue. Le chevalier en savait quelque chose, déployé aux alentours de Sancta, il avait à plusieurs reprises réprimé des révoltes de sectateurs cultistes.

    Il chassa cette pensée de son esprit en arrivant sur la place principale, le souvenir des crânes broyés sous les sabots de son destrier ne lui apportait aucun motif de gloriole. Scrutant les alentours à la recherche du chemin le plus court vers les montagnes, son regard s’arrêta soudain sur une construction de bois, quasiment aussi haute que le pseudo-hôtel de ville qu’elle devançait. Un gibet. Trois cadavres se balançaient paisiblement au gré de la brise, comme assoupis après l’épreuve qu’ils avaient vécue. Des corbeaux volaient au-dessus de la scène macabre, attendant le bon moment pour plonger vers un festin que des enfants ne cessaient de déranger en leur jetant des pierres.

    « J’en ai eu trois d’un coup la dernière fois!
    -Menteur, Tabyr m’a dit que t’avais rien touché d’autre que la pancarte.
    -Tabyr s’est fait becter comme un poussin, et il a pleuré comme une fille. Il ferait mieux de fermer son clapet.
    -N’empêche, t’as encore rien touché.
    -On parie que j’en touche deux d’un coup?
    -Deux? C’est plus trois? Tu vois que t’es rien qu’un menteur.
    -Trois! Si j’en touche trois, vous devrez tous m’obéir pendant une semaine.
    -D’accord… Mais si t’en touches aucun, c’est toi qui s’ras mon esclave pendant une semaine. »


    Astradès était accoutumé à la violence, il l’infligeait et la recevait quotidiennement. Ce tableau avait tout de même quelque chose de révoltant qui le dérangea profondément. Il ne s’agissait pas que des enfants autour de la potence, mais du décorum dans son ensemble qui laissait à penser que ce châtiment cachait une sombre histoire. Les cadavres étaient en effet ostensiblement dévêtus. Nul n’arborait de tatouage de citoyenneté, au contraire. Les scarifications de l’esclavage demeuraient toujours bien visibles, comme si elles avaient été retracées spécialement pour l’occasion. Chacun des morts portait à son cou une pancarte de bois où, peint en lettres rouges, on pouvait lire le mot « SEDITION ». Bien étrange motif de condamnation, surtout depuis les décrets de Sa Majesté. Que s’était-il passé dans cette bourgade? Des tentatives de rébellion dont Astradès soupçonnaient qu’elles pourraient se produire avaient-elles déjà eu lieu? Cela semblait peu probable. S’agissait-il simplement d’anciens maîtres cherchant à rappeler que, malgré la libération des esclaves, ils restaient la classe dominante? Le chevalier n’avait pour l’instant pas le temps de s’enquérir davantage de la situation. Instinctivement cependant, il tira son épée sur quelques centimètres pour s’assurer que la lame glissait bien dans son fourreau.

    Astradès s’apprêta à reprendre la route lorsque le cri d’un des enfants l’interrompit de nouveau. Avant qu’il n’ait l’opportunité de jeter sa pierre aux corbeaux, un homme vêtu d’une bure attrapa le garnement par l’oreille en lui récitant tout un chapelet de réprimandes. L’enfant hurlait à la mort en menaçant de tout raconter à son père lorsqu’il redescendrait de la montagne.

    « Parfait ! Je l’veux qu’tu racontes tout à ton père, petit vaurien ! Raconte même tout à ton grand-père, si les Divins l’ont laissé en vie! Qu’ils viennent tous me voir, et que je leur touche deux mots sur l’état de leur descendance ! Maintenant du balai ! »

    Le comique de la situation aurait fait sourire Astradès si la surprise ne l’avait pas cloué sur place. Un prêtre de la Vraie Religion? Ici? Décidément, ce village offrait son lot de coups de théâtres. Le chevalier dévisageait le prêtre depuis plusieurs secondes. Ce dernier, ayant terminé de sermonner les enfants, finit par se rendre compte qu’il était observé et se retourna vers Astradès. Cette figure géante et inconnue l’inquiéta quelque peu. Il baissa les yeux, marmonna quelque chose, puis releva la tête comme pour s’assurer que c’était bien lui qu’on regardait. Récoltant tout ce qu’il avait en lui de courage, le prêtre prit un air fier et décida de dévisager en retour ce guerrier équipé de pied en cape comme à la veille d’une bataille. Ses yeux s’arrêtèrent cependant sur le bouclier qui pendait au flan de Nyx. Toujours élégamment dessiné, quoique quelque peu rayé par les coups encaissés, le blason de l’Ordre de la Main y était toujours présent. Un dragon atterrissant au beau milieu de la grand place n’aurait pas été un motif d’étonnement plus grand pour l’homme d’Eglise. Soulevant les pans de sa bure, il courut vers Astradès.

    « Un chevalier de l’Ordre de la Main? Les titans soient mille fois loués ! Je vous pensais tous éteints par la grande Décimation! Que vous soyez toujours en vie fait de vous un élu mon seigneur! Cela témoigne de la pureté de votre âme! »

    Astradès ne voyait pas réellement les choses sous cet angle. Survivre à son Ordre et à ses frères d’armes était davantage pour lui un motif de honte et d’avilissement, signe que les titans ne voulaient pas de son âme. Mais il ne répondit pas au prêtre, l’heure n’était pas aux débats théologiques.

    « Mon père, que faites-vous ici? »

    L’Homme d’église prit quelques secondes pour redevenir maître de ses émotions, puis répondit.

    « Nous sommes plusieurs réfugiés de Shoumei à vivre ici, à Jaakil. Les autres seront ravis lorsque je vous présenterai! Mais pourquoi ne viendriez-vous pas à l’Eglise? Elle est toute proche et nous pourrons continuer nos présentations. »

    Le prêtre le regardait toujours avec de grands yeux plein d’espoir.

    « Je suis enchanté par votre invitation, mon père, et je l’honorerai dès ce soir. Mais, les que vous me voyez, il me reste une tâche à accomplir avant la tombée du jour. 

    -  Retrouvons-nous ce soir en ce cas. Je suis le Père Derra.
    - Astradès Noctam. »


    Le père Derra fit un dernier signe de la main au chevalier. Puis retourna à ses occupations. Toutes ces péripéties n’avaient pas fait oublier sa mission à Astradès. Il prit un moment pour se reconcentrer, puis se remit un route en enfourchant cette fois sa monture. Il restait toujours un griffon à capturer.

    Laissant le village derrière lui, le chasseur commença par arpenter un sentier de berger. Les bruits et l’agitation s’estompèrent peu à peu à mesure qu’il progressait. Arrivé sur un second plateau, il se retrouva au milieu d’un troupeau de chèvres qui paissaient sans lui prêter la moindre attention. Les cloches portées par les animaux émettaient des sons cuivrées agrémentés de quelques bêlements. Astradès les dépassa puis s’engagea dans un défilé tout juste assez large pour que Nyx l’empruntât. Après plusieurs minutes de chevauchée, le silence régna de nouveau. Le chevalier arrêta sa monture puis retira son casque. Dans une zone aussi silencieuse, l’ouïe du chevalier pouvait distinguer le moindre bruit comme un astronome pouvait repérer les constellations par un ciel dégagé. Quelques secondes lui furent nécessaire pour entendre les cris qu’il recherchait. Astradès savait maintenant où aller. Il continua à cheminer jusqu’à ce que le défilé commençât à s’élargir. Là, il caressa l’encolure de son cheval puis continua à pieds, ordonnant à Nyx de ne pas bouger. La pente s’adoucissait considérablement après le défilé, devenant bien plus praticable. Astradès ne s’y engagea pas pour autant, bien au contraire, il se plaqua au sol dans une touffe d’herbes hautes.
    En face du versant plus commode de la montagne, dans une saillie d’un escarpement rocheux, le nid était là. Deux griffons adultes, un petit. Le mâle ne bougeait pas du nid, trônant tel un sphinx en majesté, il guettait les alentours. La femelle, elle, restait proche de son petit. Aussi calmement et lentement qu’il le put, Astradès rampa vers le défilé. Le combat se livrerait sur la pente douce, le griffon mâle serait facilement provoqué, la femelle continuerait sans doute de garder le petit pendant que le mâle se battrait. Leur meilleur chance serait de blesser le griffon à l’aile avant qu’il ne les repère, la bataille prendrait ainsi une tournure plus simple.

    Une fois hors de vue, Astradès sauta sur Nyx puis parcourut le chemin inverse pour regagner le village. La nuit tomba rapidement sur les montagnes, les chèvres étaient déjà rentrées lorsqu’il aborda Jaakil. Le chevalier décida d’exposer toutes les informations récoltées au Ministre le lendemain, à l’aube, avant la capture. Rien ne pressait, le soleil se lèverait bien assez tôt. Pour l’heure, il avait rendez-vous à l’église.

    Contournant la potence, Astradès rejoignit un grand bâtiment de bois étonnamment proche du centre du village. Les réfugiés de Shoumei constituaient donc une part plus importante qu’il ne le pensait de la population. Le chevalier frappa à la porte et il ne patienta pas longtemps avant que le père Derra en personne ne vint lui ouvrir. Astradès pénétra dans l’édifice, s’agenouilla face à l’autel et pria plusieurs minutes chaque statue élevée à l’effigie des Titans. Ne parvenant pas à contenir son enthousiasme, il se retourna vivement vers le prêtre une fois ses prières terminées.

    « Les Divins soient loués ! Il est bon de prier dans une Eglise. Les terres consacrées manquent cruellement à Ikusa. »

    Le père Derra approuva par un sourire en coin, puis invita Astradès à emprunter un escalier menant à l’étage, vers ses appartements personnels. Des plats de viandes grillées attendaient le chevalier qui prit place face à l’homme d’église.

    « Vous m’honorez mon père, cela n’a dû que trop vous coûter.
    - Ce n’est rien, très cher ami. Mais dîtes moi, qu’êtes-vous donc venu faire dans nos régions?
    - Je suis au service de Sa Majesté Tensai Ryssen, mon père. C’est par ces ordres que je suis ici. »


    Un silence qui dura plusieurs secondes s’abattit sur le repas. Le prêtre, bien qu’affectant toujours des manières gracieuses et un sourire poli, maintenait une distance inexplicable au chevalier. Etait-ce la façon plus ou moins subtile qu’avait eu Astradès d’éluder sa question? Etait-ce la mention même du nom de l’empereur qui avait refroidi l’échange? Astradès n’en sut rien. Restait que le prêtre ne répondit à aucune de ses interrogations concernant le groupe de réfugiés, leur nombre et leur provenance exacte. Il détourna systématiquement la conversation sur des sujets inutiles ou frivoles. Astradès n’était sans doute pas le plus fin homme de cour, mais il savait reconnaitre lorsque sa présence incommodait son interlocuteur. Aussi fut-il surpris quand, au moment de prendre congé, le prêtre insista pour qu’il couchât dans l’Eglise, dans ses appartements mêmes. Astradès, ne sachant plus comment refuser, finit par céder, à la condition que son cheval soit prêt à partir dès l’aube.

    Les termes furent acceptés, mais Astradès finit par le regretter amèrement. Même au beau milieu de la nuit, les va-et-vient ne cessaient pas au rez-de-chaussée de l’Eglise. Les invités du prêtre essayaient du mieux qu’ils le pouvaient de se montrer discret, mais l’ouïe beaucoup trop fine d’Astradès rendait tous leurs efforts vains. Le chevalier ne parvint à se reposer qu’une heure ou deux avant qu’il fût temps de se mettre en route vers les quartiers du Ministre. Il mit plusieurs minutes à enfiler son armure tout en méditant sur l’étrange rencontre de la veille. Après la capture, Astradès espérait bien pouvoir parler à d’autres réfugiés de Shoumei.

    Le chevalier alluma plusieurs cierges, se signa, puis sortit de l’église après avoir recommandé son âme aux Divins. Il ne croisa pas le prêtre, mais ne s’en inquiéta pas davantage. Toute sa concentration était maintenant tournée vers sa mission du jour.

    La troupe attendait déjà lorsqu’il arriva aux abords des quartiers du Ministre. Ne manquait que le Coeur de l’Empire. Il partagea avec chaque membre de l’escouade les informations obtenues la veille puis fit un rapide schéma au sol pour présenter la topographie des lieux. Lorsque Tagar Reys fit son apparition, Astradès s’inclina comme il l’avait fait avant de le quitter.

    « Seigneur Reys, je présentais à vos hommes la situation du nid. Nous mènerons le combat sur une pente douce qui fait face au griffon. Ce dernier protège une femelle et son petit, il se battra donc avec la dernière énergie. Cependant, avec la permission des Dieux, nous devrions le capturer avant le coucher du soleil. »

    Astradès enfourcha sa monture.

    « Nous sommes prêts. »

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