Quand la jeune femme reprit conscience, la première chose qu'elle perçut
fut cette vieille odeur d'humidité stagnante, celle qui demeure dans un environnement non aéré, celle-ci qu'on retrouve dans des caves abandonnées ou dans certaines prisons.  Quand le monde visuel vint exciter le fond de ses yeux, quand ses paupières s'ouvrirent, ce fut pour découvrir une atmosphère un peu sombre et deux silhouettes qui se mouvaient pas loin d'elle. Elle battit plusieurs fois des paupières, avant de grimacer en sentant dans quel état elle se trouvait. Elle avait l'impression de s'être prise une sacrée biture. Pourtant, elle ne se rappelait pas avoir bu plus que de raisons... Sa bouche sèche, cette désagréable sensation d'être à demi-flottante.

Elle reconnut Séraphin, avant qu'une voix ne vienne lui bourdonner à ses oreilles. Qu'est-ce qu'elle avait pu boire pour se sentir mal à ce point ? Pas de bière en tout cas. À travers les barreaux de la geôle avec laquelle elle se trouvait avec le jeune homme, elle remarqua les alambics et tout le bordel qui servait d'ordinaire dans un laboratoire. Puis, elle porta son regard vers l'énergumène qui jubilait.

"Comment ça des cobayes ? "Croassa-t-elle avant de porter ses mains à sa bouche en entendant sa propre voix enrouée, étrangement. Qu'est-ce que… Séraphin parlait de l'autre type comme d'un scientifique fou. Quoi ? Qu'est-ce qu'il disait ce cinglé qui les retenait prisonniers ? Quoi d'autre, au vu de la situation qu'elle partageait avec l'humain ?

Séraphin s'était tourné vers elle, comme pour requérir son avis.

"L'alcool, est la clé pour une bonne gueule de bois, oui... j'en fournis assez pour savoir que cela ne prodigue pas de magie..."

Que sa voix était immonde... Elle n'avait pas encore changé d'ailleurs ?

"Mais si, belle tavernière à queue de poisson... Je sais ce que vous êtes et de ce que j'entends dans votre voix, une de mes mixtures a dû commencer à faire effet. Si je ne me trompe pas, vous avez l'impression d'avoir la gueule de bois... Vous avez chaud ? Pas encore ? ça viendra. J'ai juste hâte de voir ce que cela donnera.... et vous aussi, mon cher Limier.... Si je ne vois rien arriver, vous serez tous les bons à ingérer une nouvelle mise en œuvre éthylique révélatrice....  Ahahahaha"

Takhys avait de plus en plus chaud. Elle suait tellement qu'elle en était luisante. De grosses gouttes commençaient à perler sur ses tempes et son front. Est-ce que ce savant fou lui avait fait ingérer du poison ? Ou une substance qui rendait malade ? Rien n'était moins sûr, mais les symptômes étaient tels qu'elle pourrait y croire… Il voulait des cobayes pour sa potion miracle, donc il n'avait aucun intérêt à les tuer. Elle tira sur ses chaînes de fer, qui lui meurtrissaient les poignets. Elles tinrent bon. Appeler sa magie ? Elle était comme inaccessible, comme si elle était inapte… Elle gémit en sentant ses tripes se contracter atrocement. Qu'est-ce qu'il lui avait fait boire ! Elle sentit l'angoisse monter en même temps que son corps devenait de plus en plus… tremblant, changeant ? Elle ne sut le définir… Quelque chose se produisait en elle.  Elle essaya de ne pas y penser, quand elle tourna la tête vers le Limier qui protestait contre leur geôlier.

Le savant fou s'était approché de lui, ses yeux emplis de folie. Une fiole dans la main, au contenu remuant et chatoyant, il contraignait le Républicain à avaler tout le contenu. La Sirène se crispa autant pour la souffrance que cela devait lui provoquer que pour la douleur qui imprégnait de seconde en seconde son propre corps. A côté de lui, Zymo observait son œuvre liquide faire son office sur son cobaye. Seraphin se montra plus.... envahi d'incohérence. Il parut moins... lucide. Elle tressaillit en l'entendit rire... un rire empli  de démence... 

"Seraphin ! Il faut lutter. Ne succombez pas aux effets des perversions liquides de cet être infect ! Il ne faut pas.... Aaaaaaahhhhhhhh! "

Elle se cambra soudain, hurlant à la douleur qui explosa dans tout son corps. Tous ses muscles se tendirent violemment ! D'abord, elle sentit ses jambes entamer leur union, comme lorsqu'elle était dans l'eau. Sauf que celà, c'était tout son organisme qui entrait dans le processus de transformation.... Les yeux écarquillés, elle voulut murmurer que c'était impossible, lâchant un autre hurlement au ton de plus en plus caverneux et profond. Ses deux jambes se soudèrent dans un atroce craquement, la peau laissa sortir des écailles épaisses brunes difformes. Sa queue dévoila une voilure semi-transparente, sans finesse, avec de grosses veines noires qui la parcouraient de part et d'autre. Son buste, son bassin et ses bras se couvrirent de plaques disgracieuses. Deux appendices cornus naquirent du haut de sa tête. Des oreilles aquatiques presque draconique prirent la place de ses oreilles rondes. De sa belle crinière blonde, il ne restait plus que de longues bandes de crins...  

Approchant de la fin de cette transformation plus qu'effrayante et d'une douleur sans nom, ses yeux prirent une forme fendue... une faim atroce lui déchirait l'estomac.... Elle avait faim... trop faim pour que cela soit naturel ! 

Elle siffla vers Zymo, qui était en totale extase devant lui. 

"Que m'avez-vous fait ! "hurla Takhys d'une voix abyssale et profonde, qu'elle sursauta en s'entendant. Non, ce n'était pas elle, elle vivait un cauchemar ! Cette fois, elle lâcha un cri non pas de peur, mais de colère.... une colère qu'elle ne se connaissait pas non plus. Ses bras voulurent attraper le savant fou qui applaudissait de sa réussite. Les chaînes claquèrent violemment. 

Takhys fit claquer les chaînes une fois encore en tentant de se jeter sur Zymo qui applaudissait plus fort encore. Il riait comme un damné. 

"Magnifique ! Vous êtes MA-GNI-FI-QUE ! Mais attendez de voir les derniers effets, que j'espère être à la hauteur de mes attentes !

La Sirène devenue une monstruosité aquatique plus qu'une créature élégante et splendide, voulut l'insulter de tous les noms possibles ; les terrestres ont eu de l'imagination pour en avoir des milliers de termes. Les sons qu'elle pensait articuler n'étaient plus que des grognements gutturaux, vibrant du fond de sa gorge. Elle écarquilla les yeux, avant de réessayer une nouvelle fois de s'exprimer, entendant bien de ses oreilles sa voix devenue celle d'un animal. Elle hurla, lâchant un rugissement presque d'ursidé, se démenant pour se libérer de ses entraves métalliques. Elle essaya d'employer sa magie, se demandant comment elle n'y avait pas songé plus tôt, avant de sentir qu'elle ne la percevait plus. À nouveau, elle lâcha un cri caverneux et intense, qui retentit dans toute la geôle. La colère et la rage s'étendirent dans son esprit, esprit qui se clivait lentement pour qu'elle n'ait que quelques pensées : se libérer et se jeter sur le responsable de sa situation démentielle. 

Ses doigts griffus s'ouvraient et se fermaient par à-coups brutaux, tellement la hargne montait en elle. Et à côté, il y avait un Seraphin qui était désireux, lui aussi, de se voir transformé. Si Takhys avait été capable de vocaliser des mots, elle lui aurait dit qu'un tel souhait n'était que folie. Mais voilà, elle n'avait d'yeux que pour Zyma qui s'esclaffait de la suite de la transformation de l'Aquarienne. Son esprit de prédateur s'affinait, elle le voulait entre ses griffes ! Peu lui importait le Limier, son sort, ou autre. Il était humain, mais il n'était pas la source de ses malheurs. 

"Ohhhh Ahhhhh, voilà que c'est enfin votre tour, très cher. Vous vouliez aussi vous métamorphoser ? Oh ! Mais quel effet inattendu que vous nous donnez ! Je ne m'attendais pas à ce revirement. SPLENDIDE ! VRAIMENT SPLENDIDE "

Excitée par les paroles du savant fou, la Sirène se déchaîna, hurlant, rageant, bavant. Dans sa frénésie, elle réussit à arracher les chaînes du mur poisseux. Zymo ricana, avant de se planquer derrière les grilles de la prison qu'il verrouilla rapidement. 

"Quelle force, quelle puissance ! D'une belle jeune femme, j'ai réussi à créer ce prédateur ! De l'autre, un redoutable Limier qui s'est mué en un si mignon petit chatounet !!!! L'effet contraire de ma potion sortie de mon esprit de génie est fabuleux ! J'ai hâte de voir les effets secondaires ! "

Et ces effets secondaires se poinèrent rapidement. Takhys, grognant sa rage, sentit son estomac grogner famine. Elle mourait de faim. Elle était affamée. Jamais elle n'avait eu ce poids douloureux et infect dans l'estomac. Son esprit bestila réclamait de se nourrir. Elle devait se nourrir. Ses yeux foudroyèrent Zymo, qui n'en perdait pas une miette, avant de les poser vers la petite chose mignonette, qui cherchait à implorer son aide... ou sa pitié. Le monstre gronda. Elle avait faim... faimmmmmmm ! ce chaton n'était pas bien gros, mais sera suffisant. L'éclat de ses petits yeux d'amour luisait d'un certain espoir. 

Takhys avait faim, trop faim. Elle tendait déjà sa main horrifiante et emplie de serres vers la petite chose toute petite et toute pelucheuse. Elle bavait d'envie de sentir la viande chaude et le sang sur sa langue. Ces yeux.... elle revoyait Seraphin. Une lueur de lucidité brilla dans les globes oculaires de la monstruosité aquatique. D'un coup, elle claqua ses mâchoires vers le chaton pour lâcher son rugissement le plus fort. Qu'il fuit le matou, qu'il se sauve loin d'elle..... ou alors était-ce pour lancer une chasse et mieux se mettre en appétit ?

Le Limier devenu chatounet pelucheux souffla sa rage contre le fou taré de scientifique, qui cherchait encore à l'attraper de sa main calleuse.

"Qu'il est mignon, le chaton, à gronder de la sorte. Quel doux ronronnement ! Allez, finis de jouer maintenant, viens ici ! On ne fait que commencer les expériences !

L'humain essaya de choper le doux petit félin, avant de faire une feinte.

"Allez, assez joué, petit Limier ! Je ... ouailllle ! Sale bête ! "Grogna alors Zymo en secouant sa main. Il regarda le dos de cette dernière, qui était bien lacéré malgré la petitesse de l'animal. [color=Greenyellow]"Que je note de faire disparaître les griffes si je réutilise le même cocktail... Ou alors mieux ! Je vais t'attraper et je vais t'arracher les griffes avec une pince ! On va voir si cela va repousser... "

En secouant sa main blessée, quelques gouttelettes de sang prirent la voie des airs pour se diriger en direction de la Sirène devenue créature à l'aspect ragoûtant. Quelques secondes avant que n'atterrissent sous son nez disgracieux ces petits orbes rubis, elle grondait sourdement tout en secouant les barreaux de sa prison, les chaînes de ses entraves cliquetant sinistrement à ses poignets. Quand l'odeur ferrugineuse monta à son odorat fortifié par l'ingestion de la sale potion de Zymo, le monstre se figea. Ses pupilles s'ouvrirent d'un coup. Le sang... l'odeur chaude du fluide de sa proie ! Elle frémit d'envie. Elle hurla comme jamais, secouant plus encore la frontière de métal qui l'empêchait d'atteindre sa cible. Ce n'était plus l'adorable bébé chat qui appelait à chasser. Mais le scientifique ! Le vieux se retourna, fixa sa création semi-aquatique, puis sa main. Un sourire sadique laissa apparaître ses dents blanches.

"C'est cela qui t'excites, petite gourmande ? " Et il agita sa main sanguinolente, accroissant plus encore les gesticulations de l'affamée à son encontre. "Je note que ton odorat est exacerbé. Excellent ! Je suis vraiment un génie, pour ce que je t'ai fait boire... Mais ne t'inquiète pas ! Tu vas voir, je vais te rendre encore plus PARFAITE. Mais avant...."

Il fit mine de se rapprocher de la Sirène, qui tendait nerveusement son bras griffu et laid vers sa proie inaccessible, sifflant de frustration. Elle fouetta l'air de ses griffes, ébranlant plus encore les barreaux de sa geôle. Le mur vibrait en même temps. Un peu de poussière de mortier s'échappa à chaque coup.

"Donc, prochaine étape de mes petites expériences..."[/b ]fit-il en faisant un pas vers Takhys et... il se retourna pour se jeter sur Seraphin, tendant ses deux mains vers lui et réussit à le saisir, le serrant avec détermination

[b]"Je t'ai eu ! Pas malin le félin" dit-il en dansant presque de sa petite victoire d'avoir attrapé... un chat. "Je vais d'abord m'occuper de toi et.... " Et il hurla. Cette fois, ce furent des petites dents vengeresses qui empalèrent la peau fine et la chair tendre du médius de la main attrapeuse. Dans sa souffrance, Zymo n'eut qu'un réflexe : se débarrasser de l'origine de la souffrance. Il réussit à s'en défaire, apprenant au Limier en totale mignonnerie de bébé chaton à voler lui aussi, mais en direction du laboratoire. Il passa étrangement entre deux barreaux... avant de se vautrer parmi les fioles, qui se brisèrent à son passage et... de tomber dans une sorte de faitout en cuivre bien brillant, où reposait une bien étrange mixture.

Un cri caverneux répondit à l'atterrissage malencontreux du mini-tigre tout duveteux dans ce nouveau breuvage. Takhys venait de perdre son hors d'œuvre, l'ayant complètement oublié d'ailleurs tantôt . Elle avait faim ! Elle poussa un nouveau rugissement affamé.

Zymo, totalement ahuri de voir une partie de son travail réduit à néant à cause d'un geste maladroit, se mit à rire comme un dément

"L'expérience continue ! "

Un chaton, c'est tout mignon, tout adorable. On a envie que d'une chose, c'est de le câliner, encore et encore, plus encore quand il est sous al forme d'une petite peluche toute douce. Son poil si fin et soyeux apporte une chose de béatitude... Mais un chaton, cela a besoin de jouer, de découvrir le monde. Donc ça fait des bêtises dans l'expression de sa curiosité. Mais ici, dans les tréfonds des geôles poisseuses et à l'air humide sentant le renferme, le petit félin tout mignon et tout soyeux provoqua un véritable désastre dans les mélanges chimiques comme alchimiques de tous les ustensiles et ballons en verre de Zymo le foldingue. Et il n'avait pas l'air de s'en préoccuper, pris dans les dérives de sa propre folie. Il aurait dû se méfier du petit bébé chat. Car il n'avait pas l'âme d'un être innocent découvrant le monde... mais celui d'un individu forgé dans la détermination et une certaine forme de folie combattive.

Seraphin le chatounet sortit de la marmite dans laquelle il avait plongé bien malgré lui, laissant derrière lui un sillon écarlate, signe d'une prophétie possible à venir pour une personne en particulier. Dans le mélange improbable de liquides divers et inconnus qui se rajoutait dans le contenu du chaudron après qu'une série de fioles eurent d'un commun accord de pur hasard les fassent choir, une explosion se déclencha. L'onde de choc projeta le professeur, trop pris dans son délire rieur, non loin de Takhys. La monstrueuse sirène s'était figée, d'abord à cause du brutal son qui fit siffler ses oreilles, ensuite par la venue d'une proie qu'elle avait visée depuis toute à l'heure. Le professeur remarqua avec effarement que sa créature s'était libérée de ses chaînes… Et la grille de sa prison était ouverte, la serrure n'était plus qu'un amas de ferraille lacérée.

"Quand... comment ? Balbutia alors le savant fou saisi par une frayeur croissante.

Takhys n'eut qu'à tendre son bras pour attraper cet immonde terrestre à la gorge et le soulever dans les airs. Elle lorgna un instant le petit chat qui tournait autour d'elle, tout en ronronnant de contentement. Elle grogna sourdement, comme pour l'accompagner dans son délicieux ronron. Déjà, elle ouvrit la gueule pour planter ses crocs acérés dans la tête de l'homme qui se débattait en gargouillant des insultes si nombreuses qu'elles se bousculaient aux oreilles des deux captifs. Bientôt, ils seront libres ! Mais d'abord, la Sirène avait faim. Si faim !

De ce qui restait du chaudron, une lente réaction chimique arrivait à son terme, créant une bien étrange mousse à l'apparence gluante et visqueuse. Un drôle de tentacule naquit du fond liquide, s'égouttant ici et là... il palpait le sol et chercha quelque chose. Ah, il sentit un truc, une fiole. Il l'attira à lui et le goba... pour se transformer dans un sifflement étrange en une brume brune qui puait très fort l'œuf pourri. Elle emplit le laboratoire et les geôles.

Les mâchoires de l'horrible Sirène étaient prêtes à se refermer sur la tête de Zymo, qui ricana toujours aussi follement quand le nuage brunâtre envahit tout, au point qu'on ne distinguait plus rien. Ça toussa, ça grogna, ça feula, ça ricana... et on entendit le bruit de la chair se mouvant intérieurement, des os qui craquaient. Zymo venait-il de passer à trépas ?

Takhys cligna plusieurs fois des paupières, se demandant pourquoi elle avait ressenti une telle faim et une telle colère… Où était le sale bipède qu'elle tenait ? Elle regarda autour d'elle, et en même temps que le brouillard marron caca d'oie se dissipa, elle découvrit que le monde avait bien grandi autour d'elle... étaient-ce des pieds qui se trouvait en face d'elle ? Elle leva la tête et vit le professeur avoir un sourire étrange et... sadique ?

"Miaaa.... ? ... ! "

Elle avait miaulé là ? Elle était... le chat maintenant ? Et où était Seraphin ?


"Quel mignon chaton, vous faites désormais très chère ! Votre fourrure saphirée est superbe ! Si je vous vendais présentement, vous seriez à un prix d'excellence ! Votre ami a fait un beau bordel dans mes préparations. Retrouver les mélanges pour retrouver ces extraordinaires effets ne va pas être aisé... d'ailleurs, où est passé ce dément Limier ? "

Seraphin avait été le chat... Si elle l'était félinée, il y avait eu inversion des corps non ? Zymo avait parlé de couleur bleue pour elle... Qu'est-ce qui s'était encore produit ? Il est où Seraphin ? Elle sentit les poils de son dos se hérisser. Ouhh que c'était désagréable ! Elle se surprit à feuler en sentant la présence d'un danger. Seraphin ? Il était là en fait… le mur derrière Zymo, il n'était pas vraiment un mur... quelques détails dévoilaient qu'en fait, une créature de haute stature jouait les caméléons.... Elle feula dans sa direction, bondissant en arrière. Zymo crut que c'était pour fuir sa main…

La petite Sirène, devenue petite féline, s'était carapatée vers une caisse pour se mettre hors de portée de la monstruosité qu'était devenue Seraphin. Le craquement sinistre des os broyés par la force décuplée du Limier se mêlait au claquage écoeurant des ligaments quand les articulations du défunt Zymo cédèrent sous la traction hors norme qui leur était imposée. L'odeur des chairs encore chaudes, les effluves du sang qui gouttaient... l'odorat devenu très fin de la blonde percevait les senteurs du scientifique fou, au point que cela en était écoeurant. À vomir même. Le fluide écarlate qui commençait à coaguler rajoutait des éléments malodorants dans l'air...

Takhys se retint de miauler pour exprimer son dégoût. Elle qui pourtant appréciait tant la viande d'homme après l'avoir savamment noyée.... pourquoi était-elle écoeurée de ce qu'elle respirait ? Parce qu'elle était un petit chat là ? Parce que ce genre d'animal mangeait autre chose qu'elle ? La seule logique à tout cela était un effet secondaire des mixtures de ce cinglé qui... Ses pupilles s'ouvrirent en grand. Il était mort maintenant ! Comment allait-elle faire pour retrouver son corps resplendissant ? Sa beauté même ? Non ! Elle ne pouvait pas demeurer ainsi ! Elle ne voulait pas rester boule de poil toute le reste de son existence ! Autant redevenir le monstre primaire de tout à l'heure ! Et Seraphin ? Il pourrait la bouffer aussi ! Hors de question. Elle eut l'impression de devenir hystérique, sa petite queue touffue s'agitant dans tous les sens.

La bête la cherchait du regard, arrachant de ses crocs des morceaux de chair de ce qui restait d'une jambe du foldingue. Takhys aurait bien ri du retour de karma, qu'il avait fini par payer ses actes immondes envers sa belle personne. Mais voilà, un chat ne riait pas et elle était maintenant une proie possible. Dire qu'elle avait eu le même genre de songe bestial quand c'était elle qui avait incarné la créature abyssale cauchemardesque.

Très lentement, elle tendit son petit museau hors de sa planque. Seraphin l'Affreux lui faisait dos, la cherchant, elle en était certaine. Elle porta ses deux yeux perçants vers ce qui restait du laboratoire. Comment savoir qu'il y avait un remède là-dedans ? Tout était détruit ! Elle désespérait déjà.

Bon, elle tentait ou pas de trouver un vain espoir de retrouver sa forme réelle ? Elle tourna la tête vers Seraphin. Ses oreilles toutes douces se tournèrent pour se coucher sur sa tête duveteuse. Allez courage ! Elle bondit en avant, se mettant à courir... un petit chaton tout mignon devint grotesque à donner l'impression de courir sur place, tellement ses mignonnes petites pattes balayaient vite d'avant en arrière. Vite, vite ! VITE !

Elle manqua de glisser quand elle franchit le seuil, et voyant les débris de verre des fioles qui s'étaient fracassées par terre, elle cherchait à bondir... sans grâce et se bouffa le pied de la table. Une petite fiole, l'une des rares survivantes du carnage précédent, vacilla, tourna sur sa base un peu arrondie et bascula vers le vide, là où se trouvait la petite chatonne. Si l'objet avait pu crier, il l'aurait fait... Il éclata en morceaux aux pattes de Takhys, libérant un étrange liquide rougeâtre et gluant qui paraissait vivant, s'étalant avidement tout autour de lui. La petite peluche n'eut pas le temps de retirer sa patoune qu'elle en sentit sur elle. Elle bondit sur le côté, oubliant Seraphin et se préoccupant que de ce nouveau danger inconnu. La matière visqueuse se répandait, s'étalait, répandant la douleur physique intérieure à son passage.

Cette souffrance.... La sirène la connaissait, que trop bien : lors de ses transitions physiques entre la surface et l'eau. Elle hurla... si on pouvait appeler cela un hurlement dans la petite gueule d'un chat. Les os craquaient, les muscles se déchiraient pour mieux reprendre forme. C'était rapide, très rapide. En peu de temps, Takhys était redevenue humaine, recroquevillée sous la table, la matière rougeâtre l'abandonnant à son sort, cherchant une autre victime.

Takhys avait le souffle court. Elle avait eu si mal et elle avait envie de vomir. Le monde tournait autour d'elle. Ce mal de crâne..... Elle comprit ce qu'elle avait. Elle était bourrée ! Et elle se rendit compte qu'elle était nue aussi. Ohoho.... et Seraphin, toujours sous son apparence de créature aquatique monstrueuse qui se ramenait !