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  • Lun 21 Nov - 15:34
    -Tu te casses ?

    Je me retourne, haussant un sourcil en direction de Trevor qui a la gueule des mauvais jours alors qu’il me lance un regard larmoyant que si j’étais pas une demi-crevure, je me laisserais peut-être prendre à m’apitoyer sur son sort. je me contente de répondre dans un ricanement.

    -Ouai, j’ai une grosse soirée qui m’attend.

    En l'occurrence, écluser des godets, écouter des rumeurs et dire du mal sur les voisins d’à côté. Une soirée calme. Il en faut. Ma petite satisfaction ne déteint pas sur Trevor qui s’assoit à la chaise branlante de son bureau en soupirant.

    -T’as de la chance, le capitaine m’a mis sur un truc ce soir. Quel enfer. Dire que je devais aller voir Milly.
    -Dur.

    Je m’en fous. Trévor est bien gentil, mais il ne m’est pas sympathique. Le genre semi-couard qui se repose toujours sur les autres pour lui faire le sale boulot. Attention, je vous vois venir, je suis pas le plus courageux dans ce domaine, mais je sais m’acquitter de ce que je dois faire sans devoir attirer l’attention de toute l’escouade sur moi. En même temps, j’aime bien qu'on ne me regarde pas trop. Sinon, on trouverait des choses pas très jolies. Pour ça, Trévor me va. Il attire les regards, même si c’est du dédain. Mais humainement, je l’aime pas.

    -Alors, je me disais peut-être…

    Que j’aurais pu faire le boulot à sa place ? Tout ça pour pouvoir compter fleurette à sa Milly qu’il drague depuis trois mois. C’est sûr qu’il a besoin de temps, ils n'ont qu’à se tenir la main. Bigre. C’est un gros investissement pour peu de résultat, si vous voulez mon avis, qu’est plutôt qu’il doit avoir des trucs croustillants à dire là-dessous. Peut-être pour ça que Trévor nous l’a jamais montré. Il dit qu’il est timide. Quand même pas la meilleure profession pour être timide, s’agit pas de rougir quand tu te fais suriner au détour d’une ruelle. Je souffle pour lui intimer de se taire. Il s’exécute. Brave gars. J’ai envie de me moquer de lui.

    -C’est quoi ta corvée ?
    -Je dois aller surveiller incognito un débat sur la situation de Kaizoku.

    Je m’arrête dans ce que je suis en train de faire, c'est-à-dire jeter ma capote usé sur les épaules parce que dehors, il drache sévère. Je me retourne doucement, le sourire narquois sur la gueule et je lui demande le plus innocemment du monde.

    -De quoi ?

    Je sens que Trevor a flairé une solution à son problème et il s’engouffre dans la brèche.

    -On a appris qu’il y a une réunion dans le port, dans une taverne tenu par un émigré de l’île justement qui voudrait discuter sur l’avenir de l’île. C’est qu’à Courage, il y a quand même une sacrée communauté de gens en lien avec Kaizoku. A cause du transport maritime. Alors, on peut s’attendre à avoir un peu de monde et pas forcément des gens très calmes. C’est que débattre, c’est pas interdit, mais les comportements séditieux, vaut mieux les surveiller.
    -Tu m’étonnes.

    Je réfléchis vite fait parce qu’en apparence, mon idéal de soirée vient rapidement de changer. Personne ne connaît mes liens familiaux avec l’île de Kaizoku et c’est temps mieux. Ça a beaucoup changé dernièrement et je sais pas trop où me mettre dans l’histoire, alors tout ce qui touche à l'île, ça m'intéresse, en quelque sorte. J’écoute dans la limite de ce que je peux faire sans que ça devienne trop visible et qu’on se pose des questions. C’est un peu le problème quand on veut habituellement passer pour le gars qui se fout un peu de tout en temps normal : dès qu’il pose des questions, c’est intrigant. Heureusement, Trévor est trop con et impatient de lâcher sa patate chaude pour voir le problème.

    -A tous les coups, ça va se foutre sur la gueule. Le sujet est sensible.
    -Oui…

    Difficile de charmer en revenant crotter et la gueule en sang. C’est l’image que le bougre doit avoir en tête. Je pousse un soupir sonore et exagéré. Trevor lève les yeux vers moi comme si j’étais une divinité.

    -Allez, je vais m’en occuper. Ça risque d’être amusant.
    -Vraiment ? Je te le revaudrais Gunnar.
    -C’est clairement pas tomber dans l’oreille d’un sourd. Et n’oublie pas que si tu faillis à ta promesse, toute la garnison sera tenue au courant.
    -Promis !

    Se serrer les coudes parmi les officiers républicains, c’est un peu la base. On peut s’envoyer chier, mais chaque dette se paie. Parce que si même ça, c’est pas respecté, où va le monde ? C’est au delà du Code Civil, c’est la loi fondamentale entre les soldats. Quand ça sera la merde, faudra pas qu’une vieille dette vienne conduire une dague rouillé entre ces entrailles. ça serait tout de même con.

    J’ai même pas le temps de me retirer la cape que le gus a déjà couru vers le bureau du capitaine pour lui annoncer la nouvelle. Je vois sa tête se tourner vers moi avec un haussement de sourcil interrogatif et je lui réponds en frappant ma paume de main avec mon poing. Il comprend que je m’attends à de la bagarre. C’est un argument acceptable pour justifier ma bonne action mensuelle. Trevor revient en courant haletant d’excitation.

    -Et c’est où ?

    Il me file les infos et l'heure prévue, même si ça doit déjà boire en ce moment. Puis je me mets en route sous la pluie en pensant au débat. J’aime bien débattre. Surtout quand j’ai raison.

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  • Dim 27 Nov - 14:00
    J’arrive à la bourre, mais ce genre de truc, ça commence rarement à l’heure. Et puis au début, c’est souvent pas très intéressant. ça jauge l’ambiance. On avance petit à petit pour savoir si on est en terrain conquis où s’il va falloir négocier la moindre réflexion avec des tonnes d’arguments. Je rentre donc, la cape plus imbibée d’eau que si je m’étais jeté à la mer. C’est dire. La chaleur étouffante des lieux m’accueille, salutaire, subtile mélange des corps, de la bouffe et d’un feu dans un âtre. On reconnaît rapidement deux types d’individus. Il y a ceux qui sont là parce qu’ils ont l’habitude de l’être. Accoudé au comptoir ou réunis à plusieurs autour des tables, ça bat le carton, ça discute et ça rigole comme si c’était juste une soirée normale comme ils en ont vu des tas. De l'autre, il y a ceux qui sont venus pour l’occasion. Et on repère deux sous-catégories. Il y a les curieux. Ils sont là, en plein milieu, les yeux braqués vers l’estrade pourri monté à la va-vite, à attendre que ça démarre vraiment. Puis y a les gens impliqués. Ya la donzelle sur l’estrade plongeait dans un discours inaugural avec la flamme dans la voix de ceux et celles qui pensent défendre une noble cause. Dans le fond, il y a d’autres gens, qui attendent d’intervenir, quand ça sera le moment le plus opportun.

    -... Et c’est donc pour ça, mes amis, que je sais que tout le monde ici est inquiet de l’avenir de notre île. Car ce n’est pas parce que nous n’y sommes pas. Notre coeur y est toujours. Qu’importe les années, nous y serons toujours liés. Et c’est pour ça qu’il est important d’en parler. Autour de nous. De réunir la grande communauté de ceux de Kaizoku.

    C’est quoi le gentillet pour les habitants de l’île ? Question bête, mais que je me pose soudainement avant d’en oublier l’existence jusqu’à la prochaine fois. Généralement, ils ne se désignent pas eux-mêmes. Bref, l’ambiance est posée. Je fais un tour de la salle du regard. Je connais quelques têtes pour les avoir croisées sans avoir non plus baver toute la nuit ensemble. Un ou deux que je sais avec des attaches sur l’île. Pas de collègues de l’Office. Tant mieux. Je préfère être seul sur ce coup. Je commence à jouer des coudes pour me faire une place jusqu’au comptoir pour commander une mousse probablement pas très bonne, mais on est pas là pour se faire plaisir. Avoir une bière en main, c’est crédibiliser davantage sa présence dans les lieux. Je me fonds dans la masse. J’avise mon voisin qui sirote sa chope en observant la tribune.

    -Alors, c’est comment ?

    Sur le ton de la conversation. il se tourne à peine vers moi et souffle.

    -Du gros blabla pour ne pas dire grand chose. Faut attendre un peu. Parait qu’il y a un invité de l’ile.

    Oh ? Intéressant ça. Je me demande qui ça peut être. Surement pas un représentant de la République venus expliquer ô combien l'île est heureuse de voir débarquer les règlements, l’administration et l’armée, remplaçant la liberté, la piraterie et le code des affranchis. Plutôt que je penche de l’autre côté. C’est là que je les vois. deux gaillards façon armoires qui passent entre les gens, discrets pour ceux qui veulent pas de problème. J’en veux pas, mais avec mes fonctions, j’ai un peu l’habitude de repérer ce genre de type. Ils posent quelques questions, pressent un gars contre un mur pour vérifier qu’il n’y a rien de suspect sur lui. Ils sont en train de vérifier l’assemblée. Qu’il n’y ait aucun ver dans la pomme pour gâcher la fête. ça me confirme l’idée qu’on va pas avoir n’importe qui sur cette tribune. Peut-être un frère-des-côtes ? ça serait incroyable, mais ça justifierait la sécurité.

    Au niveau de la tribune, la femme a laissé la parole à des gens dans l’assemblée pour qu’ils exposent leurs craintes et ce qu’ils ont sur le coeur. A côté de ceux qui s’inquiètent pour leur famille, que l’on cherche à dénaturer les principes millénaires de l’existence de l'île, d’autres ont un discours un peu plus anti-républicains, assez critique envers l’invasion militaire de l’île. On a un gars qui remarque que la piraterie faisait du mal au commerce et que priver cette engeance de cette forteresse, c’est une bonne chose pour tout le monde. Je peux vous dire que ce type, il se fait huer et rapidement mettre dehors. Ici, on apprécie pas trop les voix discordantes. Quelques autres prennent la porte d’eux-mêmes en constatant qu’ils ne seront pas entendus, voire pire, qu’ils risquent de se faire rosser pour exprimer leur opinion.

    J’ai beau être d’accord dans le principe avec les gens pour dire que cette invasion, c’est une belle merde, mais faut quand même accepter les gens d’avoir une opinion différente. Le type devait être un marin qui s’est déjà fait raidé. Clairement pas la meilleure expérience de vie, faut dire ce qu’il en est, d’après les codes sociétaux de la République. A trop se comporter comme des sagouins, on fait pas mieux que les sangsues qui nous exploitent. Mais bon, c’est pas moi qui vais militer pour l’égalité. Surtout pas ici. Je finis par prendre la parole, histoire de montrer aux gens que je suis du même bord.

    -Moi ce que j’en dis, c’est qu’aujourd’hui, ils se sont attaqués à Kaizoku. Mais est-ce que c’est pas le début d’autre chose ? D’autres opérations militaires ? Et après, c’est nous qui allons payer les pots cassés !

    Certains approuvent. D’autres surenchérissent. Mon voisin fait la moue.

    -Je pense pas si loin.
    -J’ai fait un effort. Faut laisser ça à ceux qui pensent mieux.

    En coulisses, ça s’agite. C’est que la salle se chauffe plutôt bien et que l’assemblée semble éliminer ces derniers opposants. Il va être probablement temps de commencer le gros du morceau.

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  • Ven 9 Déc - 15:09
    -Jack ? Jamais entendu parlé.

    C’est toujours fascinant comment on peut partager un bout de comptoir à peine propre avec un inconnu tout en buvant une mousse moyenne, chacun dans son verre, ça crée des bonnes relations. ça ne fait que quelques minutes et l’on est à se partager des commentaires sur ce qu’il se passe. Je connais pas son blaze. je connais pas le sien. Est-ce que ça importe ? Pas du tout. Quand on quittera les lieux, on s’oubliera et se souviendra juste d’avoir passé un bon moment. Et c’est là ce qu’on recherche quand on va à la taverne non ? Penser aux bons moments et alléger un peu l’esprit du fardeau du labeur quotidien.

    Bref, on discute par monophrase. Et le voisin d’à côté se permet d’intervenir.

    -Il est de l’équipage des Saigneurs, paraît-il.

    Des saigneurs, hein ?

    -Ca me dit un truc.
    -Ah ouai ?
    -Un frère-des-côtes.
    -Oh.

    Je crois situer le gars parmi les plus radicaux de la confrérie de truands. De ceux qui ne rêvent qu’une seule chose : d’une guerre ouverte avec la république pour retrouver la liberté de pirater en paix. Tout un programme. Du genre prêt à risquer de tuer tout le monde dans une belle boucherie comme on en a rarement connu de son vivant juste pour vivre comme il l’entend. Un gars comme ça, même bas dans l'échelle des Saigneurs, c’est un met de choix pour n’importe qu’elle officier républicain qui se respecte. Sauf que je respecte que moyennement mon côté officier républicain, alors ça laisse une chance à ce Jack, au demeurant très sympathique, de ne pas finir au trou tout de suite. Enfin, je dis ça, mais il m’est difficile d’intervenir. je suis seul et la salle a été expurgée des indésirables. S’ils ne sont pas tous contre moi, je doute de trouver un allié dans cette salle. Et puis, sortir tout de suite quand on a attendu si longtemps, ça serait suspect. Alors, je laisse mes fesses sur mon tabouret et j’attends la suite.

    Les déclarations de Jack font évidemment des émules. Quand je dis qu’on papote, c’est qu’on est pas les seuls. ça se cause discrètement, mais pas trop, mais de toute façon, ça fait un brouhaha généralisé. Le dénommé Jack sourit. Notamment parce que créer des réactions, c’est toujours bénéf. Vous imaginez, vous, faire une grosse annonce et ne recevoir qu’un silence de mort ? Gros échec en perspective. L’idée qui prédomine, c’est la surprise et les interrogations. Il y a bien deux gars qui se sont levés presque aussitôt galvanisés par la proposition, mais visiblement, ils sont de ceux qui ne réfléchissent qu’aux bons côtés sans se soucier des trucs moins biens. De la chair à canon en perspective, mais au sourire de Jack, il en cherche aussi. Puis, ceux qui réfléchissent deux secondes s’en mêlent.

    -C’est quoi ce gros coup ?
    -Je ne peux pas en parler. Même si j’ai confiance en vous, mes amis, la discrétion est primordiale.

    Puis un autre.

    -Mais on est déjà libre…
    -Libre d’obéir aux républicains ? Libre d’oublier vos racines ? Libre d’oublier ce qui fait le sang de nos ancêtres. Vous avez peut-être quitté Kaizoku, mais je sais que votre cœur vibre toujours au rythme des rames. C’est inné. Et nous autres, nous n’avons jamais vécu en laisse, ce n’est pas la République qui va y arriver.

    J’ai envie d’intervenir, je devrais pas, mais ça me titille. Plus je regarde ce Jack et plus il m’est antipathique. Je dis pas que le discours me débecte, mais je sens qu’il est utilisé à mauvais escient. ça se voit dans ses mots. Les gars qui le rejoignent seront libres. Pas les autres. C’est juste un coup pour eux. Pas pour les gens de Kaizoku au sens large. Sauf que tout a des conséquences et c’est ce qui me fait réagir. Forcément. En même temps, si je dis rien, ça peut paraître suspect.

    -Et sinon, les autres qui choisissent de ne pas vous suivre, ils vont devoir subir les représailles ?

    Parce que c’est ça qui se joue. Si c’est risqué, c’est que ça touche à la république. Si ça touche la république, ça restera pas sans conséquence et forcément, les locaux vont trinquer. La remarque fait réagir. Une bonne interrogation, auquel on pense pas tout le temps. Tout le monde a un membre de sa famille, qui n'est pas capable de mener une lutte sur l'île et qui peut souffrir des exactions des “libérateurs”. Mais cette question, Jack semble y être préparé. Il me lance un sourire carnassier.

    -Ceux qui ne participent pas on fait le choix de ne pas y participer. A eux d’en supporter les conséquences. Et ceux qui ne supportent pas les conséquences ne sont pas de véritables patriotes. Toi, t’en est un ?

    ça se retourne contre moi. Mais la question n’implique pas forcément une réponse et fermer ma gueule, c’est mettre Jack dans de bonne disposition, comme s’il m’avait refermé le claque-merde. Du coup, j’ai encore plus envie de le pourrir, mais je vais peut-être pas bouger tout de suite.

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  • Jeu 22 Déc - 15:28

    Je m’intéresse assez peu aux divinités, titans et autres trucs dans le genre. Notamment parce qu’ils sont difficiles à mettre en cellule, c’est compliqué de leur escroquer un pot-de-vin et qu’il est totalement admis dans l’imaginaire collectif qu’ils sont assez de puissance individuellement pour vous effacer totalement de l’existence sans même s’en rendre compte. Les divinités, c’est bien de loin quand elles ne s’intéressent pas trop à vous parce que vous êtes sympas avec eux et que vous faites les rituels qui vont bien, mais c’est tout de suite moins joyeux quand elles s'intéressent vraiment à vous. Les emmerdes chez les voisins sont un bon exemple dernièrement. Je n’ai absolument aucune idée de ce qu’il y a derrière la tête de Jack et ses associés, mais c’est certainement une belle idée de merde. Si la république est plutôt bien épargnée actuellement, ça serait vachement con que ça change.

    Décidément, la tournure de cette réunion ne me plait vraiment pas et j’ai la gueule qui a bien du mal à se défaire d’une grimace maussade. Mon voisin s’en aperçoit.

    -Souris un peu, il risque de mal le prendre.

    Peut-être que c’est déjà trop tard. Si certains guignols semblent ravis à l’idée de mener un gros coup en rapport avec Kaiyo, c’est leur problème, tant que ça nous emmerde pas. Et à court terme, le regard que me jette Jack en dit long sur ce qu’il pense de moi. C’est ça qu’on récolte quand on ouvre sa gueule. On se fait repérer. Se mettre dans la lumière pour un gars comme moi, pas le bon plan. Dans le reste de l’assistance, ça s’agite et une bonne partie ne sait pas trop quoi penser, mais Jack a déjà réussi son coup. Une demi-douzaine de gars semble de la partie. D’autres hésitent. Mais ceux qui connaissent les premiers seront faciles à convaincre. Satisfait de son petit succès et certainement prudent, le pirate met un terme aux débats.

    -Je vois bien que vous doutez encore, mais j’ai confiance dans votre jugement. Il est hélas bien trop dangereux pour nous de continuer cette réunion. Les chiens de la république ne tarderont pas à nous retrouver. Que ceux qui me suivent viennent avec moi. Les autres… c’est votre dernière chance.

    Ma chance, c’est de mettre les bouts et de faire ce que pourquoi on me paie. Dénoncer ce type aux autorités. C’est un pirate. Les cousins sont des pirates, mais mes cousins sont des bons bougres qui connaissent les vertus de la survie et du recul devant le risque trop grand. Ces gars-là, ce sont des dangers publics. Et si on peut nettoyer les rangs pirates de tous les connards qui vendent père et mère pour arriver à leur fin, on s’en retrouvera avec une image populaire plus saine.

    Je paie ce que je dois, je salue les voisins et je compte mettre les voiles rapidement, sans trop savoir la marche à suivre. Parce que prévenir les copains, c’est à coup sûr perdre la trace de ces types. Mon camarade de comptoir se permet un commentaire plutôt salvateur.

    -Je crois qu’on te cherche.

    Je balaie du regard l’assemblée qui tend à se bouger et j’aperçois quelques gars du service de sécurité qui semblent avoir un gros intérêt pour ma modeste personne. D’autres sont dans le collimateur, mais je me préoccupe assez peu de leur sort. Je remercie mon voisin d’une tape sur l’épaule et je joue des épaules et des coudes pour me frayer un chemin vers la sortie, bousculant autant des anonymes que ceux qui sont suffisamment fous pour l’avoir rejoint. Peut-être plus ceux-là, même s’ils ont de l’épaule pour résister sans broncher. Je finis par sortir et je m’engouffre dans la première ruelle que je croise. Sauf qu’on m’y attend, que ça soit devant, ou derrière.

    -Alors, mon gaillard. Tu parles peu, mais t’as l’esprit vif. Est-ce que tu essaieras pas de te faire passer pour quelqu’un d’autre ?

    Je crache un glaire au sol.

    -Je suis juste un gars de passage. je veux pas de problème.

    Mais les problèmes nous arrivent toujours à la figure.

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  • Sam 31 Déc - 19:34
    Je lorgne sur le nouveau venu en plissant les yeux. Il me dit un truc. Je crois me rappeler vaguement un visage dans l’assemblée. Ah oui. Le premier qui s’est dit que “Kaiyo”, c’était un argument suffisant pour se jeter dans une aventure avec des inconnus sans en connaître davantage de détails. Quelque chose me dit qu’il cache quelque chose. Qui n’est pas la personne qu’il est censé être. Vous voyez ou je veux en venir, n’est ce pas ? Il se fait passer pour un gars lambda, mais en réalité, il devait bosser avec les pirates depuis le départ. C’en est un à coup sûr. Comment expliquer autrement que le gus se permet de prendre ses aises aussi facilement à côté des autres pirates alors qu’il y cinq minutes, ils n’étaient pas censé faire partie de l’aventure ? On peut pas, évidemment.

    Maintenant que je sais ça, je peux vous dire que je suis bien emmerdée. Si les autres laissaient entendre que l'issue immédiate de notre rencontre serait hostile, son arrivée impromptue change la donne, à me tendre la main par une nouvelle proposition, comme si je faisais partie de la grande confrérie secrète des combattants de Kaizoku. A ce que je sache, ils vont pas recruter tout le monde comme ça. J’en vois d’autres, dans leur dos, s’éloigner sans quand les emmerdes. A me faire croire que je suis spécial. Ce qui est le cas, mais le genre de spécialité qui nous fait nous retrouver flottant, le lendemain, au milieu du port. Pourquoi me recruter quand même ? J’en sais foutrement rien.

    Mais une chose est sûre, si je me casse maintenant, aucune chance qu'ils ne sentent pas les problèmes et qu'on ne les retrouve jamais. Alors, j’ai peut-être là une bonne raison de marcher dans la proposition. Parce que je suis officier républicain après tout et qu’une petite voix au fond de moi à envie de savoir quelle absurdité ce Jack va nous sortir pour son petit projet.

    Je crache un sol.

    -Les mots sont justes… C’est d’accord. J’en suis.

    Passant les sbires, je viens me ranger du côté des engagés volontaires. Il y a une histoire d’aller au port, justement. Je prends ma tête de monsieur tout le monde et j’attends de voir ce que le destin nous réserve, essayant de ne pas croiser le regard des forbans tout en restant plutôt vigilant. J’ai quelques astuces dans mon sac pour disparaître facilement. L’important, c’est de ne pas être surpris. Sauf par le projet de Jack, évidemment, qui doit être sans doute impressionnant.

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  • Lun 2 Jan - 14:57
    Mais c’est totalement débile.

    Je jette un regard à mes voisins en me demandant s’ils sont tous comme moi à faire semblant d’y croire afin de profiter de la première occasion pour mettre les bouts. J’arrive pas trop à savoir précisément, mais j’espère pour eux. Sinon, j’aurais bien honte de les connaître. Nan mais franchement, cette histoire ne tient pas debout. J’sais bien que tout ce qui concerne les titans, plus je m’en tiens éloigné, mieux je me porte, et qu’on fait les cérémonielles depuis des générations, mais je vise certainement pas à avoir l’attention de Kaiyo. Et avoir son attention, c’est être le dépositaire d’un pouvoir immense, un héros parmi les mortels et les immortels. Un guide pour toute une génération. Les motifs seraient impressionnants et sûrement pas une quête aussi banale. Le titan aurait le pouvoir de détruire toute la flotte de la république ; sans doute, c’est un titan ; mais il n’est pas capable d’aller chercher un objet dans un entrepôt pourri ? C'est quoi cet objet, en plus ? On dit que les puissants sont extrêmement puissants, ce n'est certainement pas une relique surpuissante qu'on va trouver dans cet entrepôt moisi. Peut-être quelque chose de plus accessoire ? Le nouveau parfum à la mode pour draguer de la teentan ? C'est absurde. Et c’est bien ça qui me donne envie de rire.

    J’échoue à retenir un pouffement de rire. ça s’entend dans le silence des questions. Les gens se regardent mutuellement à la recherche du fautif. Je redresse la tête avec des sourcils graves de celui qui va casser la gueule à l’impertinent. On me fait pas de reproche. Comme on est nombreux, on laisse pisser. ça se sépare pour se préparer. Je fais de même en gardant un œil sur les surveillants, mais ils n’ont pas assez d’yeux pour tout le monde. Une centaine ? Sérieusement ? Je me demande quelle est la fraction de convaincu dans l’assemblée. Pas beaucoup je dirais, vu comment on m’a incité alors que j’ai pas trop donné l’air d’être motivé. Je cogite. Puis je me dis que l’occasion est rêvée pour déguerpir et prévenir les copains. La cible de Jack est toute proche. Le timing est serré, alors autant le resserrer davantage. On verra même pas forcément que j’ai disparu. Qui se souvient d’une centaine de tête ? Et puis, à ne pas me voir, ça ne veut pas dire que je suis parti, mais que je ne suis peut-être pas visible. Malynx.

    Heureusement, c’est un entrepôt. Il y a des caisses. Il suffit de quelques pas pour sortir rapidement de la vue de la majorité des gens qui ont quelque chose à faire de moi. Je rajoute mon petit talent pour devenir invisible, histoire de rajouter un atout à l’obscurité qui règne dans le bâtiment, puis je déguerpis en silence, direction le poste de l’Office Républicain le plus proche.

    Cent gars qui s'apprêtent à attaquer un entrepôt sous les ordres d’un pirate aussi timbré que ce Jack, y’a des moments ou faut se bouger le derch.

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    Citoyen de La République
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    Gunnar Bremer
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    qui suis-je ?:
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  • Dim 22 Jan - 18:21
    Je ne suis pas un rapide. Chez les officiers républicains, ça me rend des services. On pense pas à Gunnar pour chopper un fuyard ou pour transmettre des ordres au  capitaine qui va pas aimer ce qu’on lui ordonne de faire et qui va se faire les nerfs sur le messager. ça arrive, évidemment, mais on préfère m’assigner d’autres tâches ou l’agilité est importante. Du coup, j’esquive pas de moments emmerdants. Sauf que là, je regrette un peu d’avoir privilégié l’agilité à la vitesse. C’est cool de pouvoir passer au milieu des badauds ; plus généralement des soiffards qui hésitent longuement entre honorer un autre établissement de leur présence ou de retourner à leur lit pour un sommeil bien mérité ; c’est mieux de pouvoir le faire très rapidement. Heureusement, en tant qu’officier républicain, j’ai une excellente connaissance de la localisation des commissariats de l’Office Républicain. Une chose que le quidam ne sait pas, c’est que par contre, ce n’est pas là qu’on a le plus de chance de trouver des officiers républicains. Des mauvaises langues baveront que c’est dans des bars ou, pire, dans des bordels, mais la réalité, c’est qu’on a un certain nombres de recoins tranquilles pour observer sans être vue afin de pouvoir tomber totalement par surprise sur le quidam qui stationne au mauvais endroit. Et je peux vous dire qu’il n’y a pas mieux comme sentiment que de foutre une amende à un gars entouré d’une dizaine d’officiers républicains le fixant en rigolant.

    Du coup, au troisième point de surveillance, je tombe sur quelques officiers envisageant d’en finir et de retourner au commissariat. Je fais rapide.

    -Des grosses emmerdes. Prévenez tout le monde. Quai douze. L’entrepôt aux murs blancs.

    On pose pas de questions. Je suis pas le premier à être alarmiste, mais là, quand ils ont posé le regard sur ma gueule, personne ne s'est dit que je leur montrais un flanc. Certains se dirigent vers d’autres officiers parce qu’ils connaissent les parcours des patrouilles du mois et qu’à force de l’habitude, on sait quand elle commence et où on est. Moi, j’enchaine le plus de points de repères, prévenant petit à petit le plus grand nombre de fiers officiers républicains. Je dois dire qu'on n'est pas les premiers à vouloir se foutre sur la gueule, mais les patrouilles nocturnes ont tendance à se résumer à beaucoup de vomis et à des trucs pas très intéressant. Alors, quand il s’agit de quelque chose d’un peu plus physique, même s’il y a du danger, on ne lésine pas sur la motivation. Si ça ne tenait qu’à moi, j’aurais prévenu des gars jusqu’à ce que le soleil se lève, mais il a fallu que je tombe sur le Capitaine Patoche qui m’a sardoniquement déchargé de mon entreprise pour la récupérer, m’octroyant l’humble tâche de conduire les gus avec lui vers le lieu des embrouilles. Quel connard. Dire que le gradé viendra à la toute fin pour s’attirer les mérites. pas que j’ai envie d’avoir la gloire, mais il va se sentir pousser des ailes les deux semaines suivantes et sera encore plus imbuvable.

    Depuis le temps que je suis parti, je me doute bien que Jack et ses sbires ont commencé leur méfaits. Si l’intelligence veut que les premiers arrivés sur les lieux n’aient pas engagé l’affrontement et qu’ils ont plutôt quadrillé le secteur, il va arriver le temps ou l'affrontement ne sera pas une option. J’arrive justement pas loin de l'entrepôt avec mes gars et les rumeurs d’affrontements se font entendre. Peut-être bien que Jack a mis la main sur son truc et que Kaiyo va le récupérer en main propre. Sûr que ça me fera un petit choc de voir le titan devant moi, mais quitte à survivre, je suis prêt à lui rentrer dans le lard.

    Qui sait ? J’ai jamais tué un titan.

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    qui suis-je ?:
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  • Dim 12 Fév - 20:17
    Je m’approche doucement de trois gars, planqué derrière un chariot, observant ce qui se passe devant. J’approche ma tête de l’oreille du plus prêt, un petit sourire en coin.

    -Bouh !

    Le collègue sursaute et se retourne vers moi, courroucé. Les autres ne sont pas mieux.

    -Putain ! Gunnar ! T’es con !

    Je hausse les épaules. Ils n'ont qu’à être sur leur gardes. Derrière moi, les gaillards rigolent un instant, mais se rappellent bien vite pourquoi ils sont là. ça lève des regards inquiets par-dessus le chariot. Moi, je me concentre sur la triplette de flipette.

    -Alors, les gars. Il se passe quoi ?
    -Ils sont entrés et ont fermé les portes. Depuis, on ne sait pas ce qui se passe à l’intérieur. D’autres gars ont encerclé le bâtiment. Les plus fous essaient d’entrer, mais c’est solidement fermés.

    Pourquoi restent-ils dissimulés ? C’est qu’il y a des petites fenêtres à l'entrepôt, aux étages supérieurs, servant à donner un peu de lumière à l’intérieur. De là, plusieurs pirates se sont positionnés, arbalètes de poche en main, tirant des carreaux meurtriers sur tout ce qui n’est pas à couvert. Il y a bien quelques officiers républicains contre la porte barricadés, de sorte à profiter du couvert pour ne pas se faire transpercer de traits. Faut admirer l’abnégation des forces de l’ordre à vouloir faire quelque chose. C’est assez courant que les gens vous disent qu’on ne fait rien, mais c’est parce qu’ils ne voient pas toutes les réussites que l’on fait à côté. Classique. Voir le mal et se cacher les yeux sur les bonnes choses, ça permet de critiquer gratuitement. Alors, les collègues, ils essayent toujours d’en faire trop. Mon pragmatisme me dicte une toute autre conduite que beaucoup de mes pairs, ceux qui ont de l’expérience, approuveraient aisément. Ne rien faire, ça a parfois du bon.

    D’un commun accord avec les collègues, on vient renforcer les différents abords de l'entrepôt, autant pour empêcher les curieux de prendre un carreau mal placé que pour empêcher les pirates de s’enfuir. Heureusement, les entrepôts ne sont pas bâtis pour être des gruyères. ça sert à entreposer des trucs et l’objectif est de le sécuriser. Ce qui implique d’en limiter les accès. On est pas à l’abri qu’ils essaient de se faire un accès à la main, mais ça se verrait à l’avance. On démolit pas un mur en quelques secondes. En principe. De mon côté, avec d’autres gars, on surveille les hauteurs, observant nonchalamment. C’est que le temps est avec nous. A moins d’une surprise, mais est-ce qu’on peut nous reprocher d’attendre quand rien ne prévisible pourrait nous faire glisser entre les mains ces gaillards ? Difficilement. Et je préfère une petite tape sur la tête que de prendre d’assaut un entrepôt avec plusieurs dizaines de gars acculés à l’intérieur.

    Et tout le monde sait qu’une bête acculée est très dangereuse. On peut même se demander comment ça se passe à l’intérieur. La perspective d’être enfermé avec tout l’office républicain qui se rameute dans le quartier, ça ne présage guère d’une bonne finalité. La peur et le stress vous fait faire des choses folles, au risque de compromettre votre tentative de plaider l’erreur bête devant le juge.

    Je me fais relayer au bout d’une vingtaine de minutes par un nouvel arrivant qui me dit qu’on me demande. Je descends la mort d’en l’âme, m’attendant à tout sauf une permission de rentrer chez moi. Je tombe devant Patoche et d’autres capitaines qui se regardent mutuellement comme des rivaux devant un bon parti. C’est que celui qui “résoudra” l’affaire aura droit à une bonne tape sur l’épaule du commissaire. Voir du préfet. Ce ne serait pas étonnant de voir débarquer des gars de ses services vu l’ampleur de l’entreprise. C’est pas tous les jours qu’il y a une centaine de tarés en liberté. Bref, Patoche me fait son plus grand sourire. Celui qui m’attire des problèmes.

    -Ah ! Gunnar ! J’ai une mission pour vous. Vous êtes partants ?

    J’ai le choix ? Bien sûr que non. Il n’attend même pas ma réponse.

    -Je connais vos talents. Vous êtes l’homme de la situation. Est-ce que vous ne pourriez pas rentrer dans cet entrepôt et nous informer de ce qu’il se passe ? J’ai un rendez-vous important dans deux heures, j’aimerais qu’on en finisse au plus vite.

    Je suis pas emballé par l’idée de risquer ma peau pour que Patoche puisse cajoler sa régulière à l’heure, mais il est mon supérieur et l’insubordination ne paie pas bien. J’acquiesce et je retourne dans les hauteurs. De là, il est pas trop compliqué de trouver un toit qui permet de passer de l’un à l’autre sans trop de difficulté, surtout quand on bénéficie d’une certaine agilité. Le duo d’officier républicain surveillant ce côté de l'entrepôt me regarde d’un air blasé, comme si je faisais ça pour bien me faire voir, alors que mon agilité, si elle pouvait servir à esquiver les problèmes, j’en serais parfaitement satisfait. Une fois sur le toit, j’avise une lucarne proche, Le genre pas bien grand, mais qui permet d’aérer un petit peu l’endroit. C’est pas fait pour entrer, faut pas être bien gros. Heureusement, une nouvelle fois, l’agilité me permet de passer, après être passé en invisibilité, histoire que personne ne me voit agiter les jambes dans le vide en essayant de passer. ça ferait mauvais genre. Une fois à l’intérieur, je m’accroche à la charpente et je commence à ouvrir les yeux.

    Alors, qu’est-ce qui se passe là-dedans ?
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