Sanguis et umbrae

Le soleil reflétait sur la neige immaculée. Belle et éternellement présente, les pas qui l'avaient foulé une multitude de fois avaient laissés des marques, des traces qui étaient maintenant effacées, recouvertes d'un nouveau voile enneigé qui avait dû tombé dans la nuit. Aujourd'hui, elle serait à nouveau foulée, détruite dans son égalité. L'on apercevait de loin, dans ce blanc impeccable une petite tâche sombre, une fine silhouette recouvert d'un épais manteau de fourrure sombre.

La respiration aiguë et tremblotante, Ellana, sur une monture Isabelle, parcourait les montagnes depuis déjà quelques heures. Subissant le froid qu'elle n'avait pas connue depuis des années déjà, gelant le bout de ses doigts et de son nez rendus tout rouge. Mais la météo n'était pas son seul ennemi. De manière externe, peut être que le froid était mordant, déstabilisant mais il n'en était rien comparé au blizzard qui prônait sur ses réflexions. Depuis qu'elle avait reçue une certaine lettre, ses méninges ne cessaient de la tourmenter dans une réflexion sans fin, mêlant craintes et attentes.

En effet, une semaine plus tôt, après la Peste Obscure ainsi que les deux semaines de confinement, lors de la rencontre du discours de Dame Kaelinn, Ellana reçut une lettre de la part de sa supérieur. Scellée par un sceau officiel de l'armée la plus puissante du Reike : Les Serres Pourpres. Lorsqu'elle se vit remise d'un tel document, elle manqua presque de rire en signalant qu'il devait y avoir une erreur, hors lorsqu'elle brisa le sceau, elle devint blême. Convoquée par Deydreus Fictilem, dirigeant des Serres Pourpres, en personne, à la Forteresse Cœur-Ébène. Le sujet de sa convocation n'était pas précisé, mais le message s'était fait officiel, de grandes formulations pour souligner l'importance de cette rencontre suite à ses preuves effectuées à la Peste Obscure.

L'elfe avait bien retournée la question, dans ses agissements au sein de cette mission, elle n'avait fait que tenter de survivre, de se battre contre les ennemis comme n'importe qui dans le groupe et... Elle avait provoqué Kahl qui, au passage, faisait partis des Dévoreurs, ce qu'elle avait complètement omis lors de leur expédition. Cela lui paraissait si absurde et en même temps c'était tout à fait probable. Quel genre d'imbécile se verrait provoquer un membre des Serres Pourpres ? Mais d'un autre côté, est-ce que cela pouvait être relié à ses actes qui se démarquaient ? Impossible. Tous les autres membres s'étaient débrouillés avec autant d'ardeur pour certains et plus d'ingéniosité pour d'autres. En bref, Ellana revisita tous ces points sans réellement trouver la clé de cette rencontre, et même, cela empirait au point qu'elle s'inventait de nouveaux arguments. Ainsi, elle avait fait le choix de taire sa réflexion pour laisser faire les choses. Et tant pis pour ce qu'on avait à lui dire, elle confronterait le problème ainsi que ses responsabilités.

Elle ne tarda pas à se retrouver au bout d'un pont qui, de l'autre côté de celui-ci, se dressait la Forteresse, immense, aux allures vieillies et pourtant robustes. La brume enneigée lui avait coupé le paysage depuis tout ce temps et, comme dans un conte, une fois devant le bâtiment, tout se faisait plus clair, laissant paraître les détails de la pierre usée par le temps. L'elfe lâcha un soupir, échappant de la condensation, elle y était presque et pourtant la seule envie qu'elle avait était de rebrousser le chemin. Et pourtant elle continua, traversant le pont lentement, laissant paraître à tout gardes qu'elle n'était pas une menace, sous crainte de se faire exterminer. Juste avant de passer sous la première herse, elle prit le temps d'observer la grandeur de celle-ci. Descendant de sa monture, les yeux levés vers le ciel, elle voyait une multitude de corbeaux, observateurs silencieux, se poster sur la grande barbacane, l'accueillant. Bien qu'elle aimait ces animaux qu'elle ne considérait aucunement comme signe de mauvaise augure, comme bien d'autres avaient tendances à le faire, elle se permit tout de même cette fois-ci de leur prêter ce présage. Lorsque l'un, moqueur, se mit à croasser, Ellana s'avança vers les portes.

Une fois dans le sas, de lourdes grilles la séparait de l'entrée principale. Des soldats attendant de l'autre côté, l'observant, armés jusqu'au dents.

"On peut savoir ce qu'il vous amène par ici, madame ?"

Maintenant la fermeture de son manteau, ressentant le froid plus intensément qu'auparavant, elle porta sa voix jusqu'aux gardes.

"Je suis Ellana Blackwood, je suis attendue."

Avant qu'ils ne démontrent une suspicion à son égard concernant sa présence, elle se précipita de sortir la lettre, froissée et abîmée par les nombreuses fois où elle a été relue. L'on lui reprit le papier afin de le relire et vérifier sa véracité puis, en guise de réponse, il n'y eut que le grincement de la lourde porte se relever. Ainsi, elle put pénétrer la forteresse, chose qu'elle aurait préféré ne jamais vivre.

Debout devant sa fenêtre, Deydreus observait silencieusement les cours extérieures de la forteresse. Dans le givre et la neige, plusieurs dizaines de Serres Pourpres s'entrainaient inlassablement, renforçant à la fois leurs résistances aux températures extrêmes ainsi que leur savoir martial. Nul repos pour les braves. Nul relâchement pour les vertueux. Laissant un léger sourire glisser sur ses lèvres le reikois analysait mentalement les mouvements de ses hommes, tandis que son esprit voguait dans le vide, se remémorant les derniers événements ayant marqué le Reike. Sable d'Or. Le Conseil. L'expédition contre la Peste Obscure. En quelques mois, les changements s'étaient enchainés à une vitesse folle. Comme si le destin se mettait en marche. Comme si les mortels étaient de nouveau mis à l'épreuve.

Quittant finalement son observation, le vampire s'approcha d'une carte où étaient indiquées les différentes casernes et bastions de l'Empire. Si le nombre de ces derniers devaient augmenter, ils couvraient pour le moment des surfaces aléatoires et permettaient aux bandits et autres malfrats de prospérer plus ou moins sereinement. Ou, tout du moins, jusqu'à ce qu'ils ne s'attirent les foudres de l'armée impériale. En plus de cela, le monde avait été secoué par Kaizoku et même s'ils demeuraient pour le moment silencieux, les archontes préparaient sans aucun doute leurs prochains coups. Alors, il fallait continuer de prendre de l'avance. Continuer de se préparer à une guerre féroce. Et les futurs échanges politiques entre la république et le reike. Dans un long soupir, l'être aux yeux vairons revint à la réalité tandis qu'il laissait ses doigts glisser jusqu'à l'emplacement de la forteresse de Cœur Ébène. Depuis quelques jours, et avant que la troupe noir et sang ne "rentre" au bercail, quelques villageois avaient remonté l'information disant qu'un nouveau groupe de cultistes avait vu le jour. Ces derniers, visiblement, ne vénéraient non pas les astres ou les Titans, mais un ombragon nommé "Zinvary". S'il avait demandé à Zéphyr des infos, le bretteur aux deux lames n'avait obtenu que quelques rares informations sans plus. Pour le reste, le vétéran ne se formalisait pas de l'apparition de nouveaux cultes religieux. La guerre, la famine et les conditions de vie difficiles permettaient souvent l'apparition de nouveaux mode de pensées et malgré les efforts de l'Empire, ces derniers étaient bien souvent trop éparses pour pouvoir être surveillé correctement. C'était d'ailleurs aussi pour cela qu'il avait réduit le village de Rêve en cendres. Laisser vivre des idéaux religieux, même si bénéfiques, ne pouvait qu'entrainer le fanatisme et la discorde. Et, dans leur situation actuelle, ils ne pouvaient se le permettre.

Les doigts du guerrier glissèrent alors de nouveau, quittant la forteresse pour venir tapoter doucement Mael puis Shoumei. Leurs futures expéditions partiraient probablement là bas. Puis, en parallèle... Le doigt glissa vers Melorn puis les ruines. Par là. L'ancien empire elfique réservait probablement des matériaux et surtout des secrets qui leur seraient utiles. En plus de cela, Deydreus ne pouvait plus ignorer les cartes retrouvées par le passé alors qu'il cherchait un remède pour le Sang Béni. Et si, dans ces ruines et ces mines, il pouvait trouver quelque chose pour l'Empire? Ou tout du moins, neutraliser une menace potentielle? L'enquête sur les orbes était au point mort après tout. Et il fallait obtenir le plus d'information possible, que cela soit via la sécurisation de Shoumei ou par l'exploration de ruines oubliées. Et, en plus de tout cela, il fallait augmenter les effectifs, les former, aider à la construction du régiment logistique.;; Le travail ne manquait pas, loin de là.

S'éloignant finalement de la table tactique, l'être aux yeux bicolores s'observa quelques instants dans le miroir. Vêtu d'une chemise noire dont l'une des faces avait été enrichie du blason des Serres Pourpres, le vampire adoptait une apparence toujours aussi martiale. Moins sensible au froid que d'autres membres des Serres grâce à son enfance passée dans les terres du nord, le guerrier se plaisait à sentir le froid au travers des vitres et la chaleur des foyers de cheminées. Contrairement à des terres plus arides comme Taisen, il n'y avait ici que peu de variations de climat. Il faisait simplement froid. Ou, dans les cas plus rares, extrêmement froid. Achevant son observation tandis qu'il enfilait la lourde cape à fourrure qui lui appartenait, le bretteur vint ensuite récupérer Silence et Hurlement pour les placer chacune dans son dos, laissant le pommeau et la garde dépasser de chaque côté pour lui permettre au cas où de dégainer.

Une fois en dehors de son bureau, le chevalier sombre commença à marcher dans les couloirs doucement, s'amusant à regarder les différents tableaux et autres tapisseries qui avaient récemment été installées afin "d'habiller" un peu plus la forteresse du bataillon d'élite. Saluant chacun de ses hommes, il se rendit ensuite au niveau au niveau du vestibule intérieur, d'où partaient les quatre ailes de la forteresse. Car ce n'était pas simplement pour se dégourdir les jambes que le vétéran aux yeux hétérochromes s'était déplacé. Aujourd'hui, devait arriver celle qu'il avait mandaté. Celle que Kaelinn avait estimé potable pour le rôle qu'il souhaitait lui réserver. Et, plus qu'autre chose, Deydreus souhaitait la rencontrer. Non pas uniquement en raison de son potentiel, mais bien à cause de ce que Kahl lui avait dit sur elle. Aussi, lorsqu'il croisa Mitch qui l'informa de l'arrivée de l'intéressée, le vampire esquissa un léger sourire face à son sens parfait du timing. Ainsi, quelques minutes plus tard, la lourde double porte de la forteresse s'ouvrit enfin. Dans cette éclosion en arc de cercle, l'entrée déversa quelques épais flocons à l'intérieur, tout en permettant l'arrivée d'une brise aussi glaciale qu'hivernale. Savourant cette dernière alors qu'elle venait mordre ses joues, le vampire ancra néanmoins ses yeux sur l'elfe qui venait de pénétrer dans l'enceinte du bâtiment. Ses traits fins, légèrement masqués par la cape qu'elle continuaient de blottir contre elle, donnaient l'impression qu'il s'agissait d'un chien battu dont on montrait la nouvelle maison pour la première fois. Quand elle remarqua la présence de la Griffe et se décida à avancer vers lui, c'est dans un ton solennel que le chevalier sombre l'accueillit.

- Bienvenue dans la forteresse de Cœur-Ebène. J'espère que votre voyage ne fut pas trop long. Il marqua une courte pause dans son accueil, avant de poursuivre. Je vais vous présenter la forteresse, suivez-moi.

Oui, Deydreus aurait pu demander à ce qu'un des serres indique les éléments clés de la bâtisse mais le vampire ne faisait pas partie de ces riches pompeux et détachés de la réalité. Il aimait avancer dans ces couloirs. Croiser ses hommes, et présenter ce qu'il considérait comme sa demeure à ses "invités". Ainsi, commençant donc à marcher, le bretteur attendit que l'elfe ne se décide à le suivre avant de commencer à commenter les différentes ailes. Rien de pompeux. Rien de trop descriptif. Le chef des armées reikoises allait à l'essentiel. Néanmoins, quelques "zones" échappèrent à la visite. Notamment les donjons, qui furent simplement décrits par le vampire avant de continuer ensuite la visite. Ce n'était pas tant qu'il craignait qu'on découvre ce qu'il se trouvait à l'intérieur, juste qu'il ne savait pas encore si l'elfe supporterait de voir ce qui pouvait s'y passer. Menant par la suite Ellana au second étage, le guerrier aux yeux vairons poussa légèrement la porte qui menait à la chambre de l'elfe, ancrant en même temps ses yeux sur le visage de l'intéressée.

- Voici votre chambre. Si j'aurais pu vous faire dormir dans les dortoirs, j'ai préféré vous offrir votre propre chambre. Les décorations ne sont pas équivalentes à celle d'une chambre de Melorn, mais le confort est là. Vous pourrez vous y reposer sans crainte. Déposez vos affaires et installez-vous tranquillement. Je vais vous attendre dans mon bureau.

Laissant donc l'elfe à ses propres affaires, le guerrier à l'armure sombre retourna comme énoncé au niveau de son bureau. Une fois dedans, il vint déposer doucement sa lourde cape pour rallumer le feu de la cheminée. Savourant quelques instants la chaleur qui vint lécher les traits de son visage, le vampire se détourna ensuite du foyer ardent pour venir s'asseoir dans son fauteuil. S'il ne savait pas combien de temps Ellana mettrait, le reikois commença machinalement la lecture de différents rapports et autres compte rendus de ses hauts officiers. Mouvement de troupes, suspicions d'activités rebelles ou bien faits divers, rien n'était laissé au hasard. Quand plus tard on toqua à la porte, c'est sans relever la tête que le vampire intima à l'inconnu d'entrer. Aux pas, et à l'odeur, le vampire reconnut instantanément l'elfe à la chevelure blonde. Pointant de la main l'un des sièges présent devant la table de son bureau, le guerrier releva finalement les yeux vers la nouvelle arrivante.

- Asseyez-vous.

Il attendit alors qu'elle ne s'éxécute, avant de ranger les quelques cartes qu'il consultait et autres papiers. Puis, s'enfonçant doucement dans son propre siège, l'être aux yeux bicolores fixa doucement la membre du RSAF.

- L'expédition de la peste obscure ne fut pas une mince affaire. Mais, au moins, elle nous permit de sauver de nombreuses vies et surtout de découvrir de nouveaux talents. Une petite pause, un flottement. Vous avez fait preuve d'un grand courage lors de ces combats, c'est tout à fait honorable. Il attendit de nouveau, avant de finalement croiser ses bras contre sa poitrine. Afin de renforcer notre collaboration entre les différents services du Reike, j'ai demandé à ce qu'on nous envoie quelqu'un capable de s'occuper convenablement de nos bêtes. Vous avez été désignée. Il étira un sourire. Savez-vous pourquoi je vous ai choisi vous, Ellana Blackwood?

L'elfe pénétra dans l'enceinte de la forteresse, les portes se refermèrent derrière elle dans un long grincement suivi d'un lourd claquement. Elle se vit débarrassée de sa monture, emmenée plus loin dans les écuries. Regardant vaguement où les gardes se dirigeaient, elle se détourna pour refaire face à la cour qu'elle balaya du regard. Entre le ciel enneigé, les flocons s'échouant, la neige dormante sur les toits et la forteresse sombre, l'horizon n'aurait pu être coloré que de noir et de blanc, aux aspects de quiétudes. Mais les silhouettes aux armures et aux capes pourpres, s'entraînant à l'unisson, dénotaient de la tranquillité de la scène. S'agitant et se mouvant rapidement dans des gestes relativement spectaculaires. Ce ne fut pourtant pas l'agitation qui interpella l'attention d'Ellana. S'avançant doucement, la neige craquant sous ses pas, elle se dirigea vers la silhouette immobile, guettant son approche.

Laissant la crainte tapis loin dans son ombre, se tenant droite et observant l'homme qui lui faisait face, découvrant pour la première fois le dirigeant de l'armée reikoise. Elle lui répondit en un hochement de tête respectueux.

"Merci pour l'invitation, je suis ravie de pouvoir découvrir ces lieux. En ce qui concerne le voyage, je n'ai pas eu le temps de m'ennuyer."

Elle lâcha un sourire poli avant d'acquiescer et de suivre silencieusement le maître des lieux, si l'on pouvait le qualifier ainsi. Bien que la visite se faisait brève et les descriptions minimes, Ellana ne manqua pas d'admirer la bâtisse, imposante et lui faisant presque oublier ce pourquoi elle était ici. Au fond, elle espéra tout de même pouvoir passer assez de temps en ces lieux pour en découvrir les moindres recoins et secrets, s'il y en avait et notamment, si elle le pouvait. Une fantaisie qu'elle balaya rapidement en revenant à la réalité. Atteignant déjà le second étage, à sa grande surprise l'elfe se vit acquérir sa propre chambre. Elle retint son émerveillement en se contentant de le remercier gracieusement, avant de le regarder furtivement s'éloigner, se dirigeant vers son bureau puis l'elfe se précipita de rentrer dans sa chambre, fermant la porte doucement.

Une fois la porte close, elle resta un instant contre celle-ci en soupirant, fermant les yeux un instant. Elle les rouvrit sur la pièce, posant son regard en premier lieu sur la bannière rouge et noir, sur le mur devant elle. Lui rappelant constamment dans quelle forteresse se trouvait-elle, comme si elle pouvait l'oublier. Elle s'avança silencieuse, posant son énorme manteau et ses affaires sur le lit, ne s'attardant pas à les ranger, elle le ferait quand elle ne sera pas attendue. Elle s'observa un instant dans le miroir de la coiffeuse, elle s'y voyait blafarde, sa tenue de cuir molletonnée sombre ainsi que le froid lui donnaient probablement ce teint si pâle. Elle se rapprocha du reflet, amenant ses mains à ses joues, appuyant et les tapotant comme pour lui raviver des couleurs ou la motiver à garder la tête froide. Reculant à nouveau, elle tourna la tête en direction de la fenêtre, fine et allongée.

La pièce était si sombre et pourtant, elle se retrouvait relativement illuminée par les rayons passant à travers le vitrail. Une lumière qui fut obstruée par une ombre, une silhouette d'oiseau. Un corbeau, à nouveau. Les mains sur les hanches, l'elfe se fit la remarque qu'elle ne manquerait pas de compagnie avec toutes ces présences corbines. Cette ombre lui rappela vivement son devoir et elle ne tarda pas à quitter la pièce, ne voulant pas faire attendre son hôte.

Elle ne se fit pas attendre très longtemps, et ne tarda guère à rejoindre le bureau. Attendant d'être invitée à pénétrer une fois qu'elle avait cogné, l'on la convia à prendre place sur un siège. Ellana se fit bien silencieuse n'attendant que ce qu'on avait à lui dire. Le temps qu'il ne gère une paperasse quelconque, elle l'observa, profitant d'être posés pour découvrir le personnage qu'il était. Ayant entendu beaucoup de faits et légendes à son égards, qu'elles soient véridiques ou faussées, un fait particulier était assez redondant, c'est qu'il était assez imposant. Il n'était pas aussi monstrueux que Kahl et pourtant il était assez intimid... Ses yeux bicolores se relevèrent sur l'elfe qui l'auraient presque surprise. Sa réflexion se dissipa pour se concentrer sur ce qu'on avait à lui dire.

Elle ne fit que hocher la tête timidement en guise de remerciement aux compliments qui lui étaient fait à son égard. Cependant, lorsqu'il fut notion d'avoir été désignée pour travailler au sein des Serres pourpres, elle ouvrit grand les yeux, ne s'attendant pas à cette nouvelle. Pourquoi son supérieur ne lui avait pas directement fait part de cette mutation ? Une multitude de question s'ajoutèrent à la liste des craintes et attentes qu'elle avait tût le temps de la rencontre. Elle cligna des yeux en oubliant presque qu'on attendait une réponse de sa part.

"Ehm... Certes je ne doute pas de mes capacités au sein du RSAF mais je dois vous avouer que pour avoir été amenée jusqu'à travailler avec Serres Pourpres, je ne sais pas ce qui m'a démarqué de mes autres collègues."

Faux. Elle avait certains doutes mais elle ne souhaitait aucunement l'évoquer sous peine que ce ne soit qu'à son désavantage. Elle sentit vaguement ses joues se réchauffer mais n'en fit rien. N'étant qu'impatiente de connaître les raisons de cette situation.

Croisant les mains, Deydreus écouta la réponse d'Ellana silencieusement. Ainsi, sa modestie l'empêchait de comprendre pourquoi elle spécifiquement avait été choisie? Ou bien taisait-elle volontairement certains détails de leur opération dans l'ombre? S'enfonçant dans son fauteuil, le vampire resta silencieux quelques longues secondes, analysant l'elfe un peu plus intensément. Puis, de sa voix rauque, il reprit.

- Le Courage. Il marqua une pause, comme si ce mot devait résonner d'une manière particulière. Certains éléments font preuve de courage en affrontant de grands dangers. Ils démontrent cette force en refusant de choir ou de fuir, préférant affronter leurs ennemis sans sourciller. De temps en temps, cette valeur se mue cependant en une témérité qui s'avère fatale. Par exemple, lorsqu'on décide de se jeter sur un allié alors qu'on se trouve en territoire ennemi.

Le vampire fixa Ellana, lui faisant comprendre peu à peu ce qu'il impliquait, puis il enchaina.

- La résilience. On peut en faire preuve face à l'adversité. Lorsque les éléments semblent se liguer contre nous. Ou lorsqu'on reçoit une blessure handicapante, douloureuse. Lorsqu'on décide de continuer d'avancer malgré tout, car on refuse de se laisser abattre. Car on refuse d'arrêter de marcher sur le chemin de la gloire. Ou que l'enjeu devient trop grand pour ne plus rien faire.

Deydreus se releva alors, allant près d'une étagère qui se trouvait non loin pour verser doucement de l'hydromel dans deux verres aux motifs argentés. Soupesant ces derniers, le vampire revint rapidement près du bureau où il déposa les contenants. Un pour lui, et un pour elle.

- J'ai lu tous les rapports de la peste obscure. J'ai étudié chacun des cas. Analysé chaque personnalités présentent. Et, surtout, j'ai parlé avec mes hommes. J'ai appris plusieurs choses sur vous Ellana. Il porta le verre à ses lèvres, savourant le liquide sucré qui coulait dans sa gorge. La blessure reçue à votre œil n'était pas qu'une simple égratignure. Outre la douleur, cette dernière pouvait être assez traumatisante pour paralyser les esprits les plus faibles. Mais vous avez continué. Mieux, vous vous êtes laissée aller à une juste colère que vous avez déchainé sur cette forêt maudite. Vous n'êtiez certes pas la seule à avoir subi pareils traumatismes, mais vous avez d'autres ordres à votre arc. D'ailleurs, le traitement a-t-il été douloureux concernant ce dernier? Je vois que le mal a été soigné mais je suppose que ça n'a pas été des plus agréables?

Il écouta sa réponse, puis, déposant le verre sur le bureau, il enchaina ensuite.

- Nous arrivons ensuite à vos altercations avec Kahl. Comme vous le savez sûrement à présent, ce dernier est membre des Dévoreurs. Un groupe servant la bannière Noir et Sang. Un de mes plus fidèle guerrier. Je me moque bien de l'image que ce dernier pourrait renvoyer étant donné son efficacité au combat. Mais, ses mots à votre égard furent d'abord particuliers. Puis, quand les rapports arrivèrent, ils attirèrent d'autant plus mon attention. Alors même que vous étiez à bout de souffle, que le combat venait à peine d'être remporté, vous vous êtes jetée sur lui. Parvenant même à le toucher plusieurs fois. Une petite furie pour un être de sa taille. Mais un acte surtout particulièrement inconsidéré. Le vampire se pencha légèrement en avant, déposant ses coudes sur le bureau tandis qu'il ancrait ses billes bicolores sur le visage de la blonde. Kahl aurait pu vous tuer, il en aurait eu toute la légitimité. J'aurais pu ordonner votre arrestation, voir pire. Vous avez frappé un frère d'armes en territoire hostile après tout. Mais je n'ai rien fait. Pire, je vous ai convoquée ici pour demander votre mise au service des Serres. Alors, pourquoi? Il étira un léger sourire. Parce que vous avez fait preuve d'audace, et de courage. Ce dernier était peut être mal placé mais vous êtes restée droite dans votre idée et vos valeurs. Les temps sont durs. Les Titans refont surface et nous envoient leurs sbires. Ils ne cherchent que notre destruction totale. L'armée se doit de devenir plus forte. L'Empire, se doit de devenir plus fort. Nouvelle pause. Et nous avons besoin de personnes à l'esprit aussi fort que le corps. Pas de personnalités s'écrasant trop facilement. Il faut en revanche comprendre la limite entre audace et insubordination. Entre reproche et atteinte à l'intégrité de ses frères et sœurs d'armes.

Il se releva alors de nouveau, allant se resservir un verre qu'il fit tourner doucement dans sa dextre, ses yeux glissant sur la surface ondulante du liquide alcoolisé.

- Vous n'êtes pas de facto admise au sein du bataillon. Je vais observer votre façon de faire. Vous allez nous accompagner dans nos prochains déplacements. Comme je l'ai dit, votre présence représente une volonté d'améliorer la coopération entre les services de l'armée et le RSAF. De nombreuses bêtes méritent notre attention et nous n'avons aucun vétérinaire. Seulement, je veux quelqu'un de capable, à l'esprit aussi vif et acéré que ses propres gestes. J'espère ne pas m'être trompé sur ce que je vois en vous Ellana. J'espère que vous ne me décevrez pas.

Revenant alors au niveau du bureau, le vampire observa l'elfe dans un sourire léger. Il n'avait que peu de doutes sur la réussite de l'elfe à démontrer toutes ses capacités. A prouver qu'elle n'était pas, justement, comme les autres membres du RSAF. Que comme Lars, elle méritait un traitement spécial.

- Je vais vous laisser retourner à vos quartiers. Vous êtes naturellement libre de vous déplacer dans la forteresse comme bon vous semble et tant que vous respectez la vie privée de vos nouveaux frères et sœurs. Vous allez vite le voir, ces derniers seront peut-être grivois mais toujours respectueux. Le mess vous ai également ouvert si vous avez faim. Aucun impératif ne vous ai imposé jusqu'à ce soir, donc reposez-vous. Quand le soleil sera couché, retrouvez-moi sur les remparts ouest.

Il se reposa dans son siège, reprenant quelques rapports qu'il déposa sur le côté en prévision de futures lectures lorsque l'Elfe partirait. Après tout, lui, n'avait ni le besoin de dormir, ni le besoin de manger. Cependant, il ne déplia rien afin de ne pas manquer de respect à la blonde qui lui faisait face. Non, au lieu de cela, le chevalier sombre étira un nouveau sourire tandis qu'il posait ses yeux bicolores dans le regard brun de l'elfe.

- En attendant et avant que vous ne repartiez. Avez-vous des questions?

Parfaitement immobile, Ellana écoutait avec beaucoup d'attention le dirigeant, pesant l'importance de chacun de ses mots. Lorsqu'il fut notion de se jeter sur un allié, elle ne broncha pas, montrant un visage fermé, ne faisant qu'acquiescer les propos de son interlocuteur. Et pourtant, elle se sentait mourir de l'intérieur, les mains maintenant son genou devenaient moites et ses joues prirent une nouvelle teinte alors que les yeux vairons se posèrent de nouveau sur elle, se sentant d'autant plus visée par cet exemple qui était clairement un clin d’œil à son comportement à la mission de la Peste Obscure. Mais l'elfe se calma bien vite alors que son interlocuteur continua sans insister sur ce fait.

Bien que ses mots faisaient référence à sa dernière mission, elle ne put s'empêcher de n'y entendre qu'un embellissement de ce qu'elle avait réellement vécue. L'on lui parlait de courage et de résilience alors qu'elle n'y voyait qu'un entêtement d'un caractère bien trempé et de la pure panique à de la rage de vaincre pour survivre. Et pourtant, c'est ce que le dirigeant voyait d'elle, à travers des rapports.

Elle se redressa légèrement, attrapant le verre qui lui avait été servi. Le gardant près d'elle, elle ne faisait qu'observer les arabesques d'argent, faisant lentement tourner le liquide dans le contenant, presque pensive dans ce silence avant que son interlocuteur reprenne. Reposant ses yeux sur lui.

Son développement lui confirma que, oui, il était bien renseigné et il avait été minutieux dans ses investigations. Sa présence n'était définitivement pas un coup de chance ou un malentendu. Ainsi, il détailla ce qu'il savait sur ses blessures et notamment sur ses réactions qu'elle considérait comme démesurées. L'elfe tiqua de l’œil se rappelant le carnage qu'avait été la réhabilitation. Entre la douleur incessante de ce mal qui ne voulait la quitter, et les opérations qui n'avaient fait que durer, Ellana se fit brève.

"Les deux semaines de confinement ont été consacrés à celui-ci. Si les premiers jours mon cas se vouait à un échec, avec une opération, de bons médecins et beaucoup de patience et de détermination, je peux aujourd'hui voir de nouveau comme si de rien n'était."

Elle esquissa l'ombre d'un sourire, étant tout aussi fière et soulagée d'avoir surmontée cette dernière épreuve que la forêt lui avait fait subir. Quelque peu plus à l'aise, amenant le verre à ses lèvres, elle s'arrêta cependant avant même d'avoir goûté l'alcool, évitant de s'étouffer bêtement à l'évocation du nom de Kahl. Autant par le personnage qui avait marqué ses esprits que par les propos qui s'en suivait. Ainsi, le dirigeant accentua d'abord sur l'importance que le Dévoreur incarnait au sein des Serres Pourpres, avant de se redresser pour évoquer les différentes sentences que l'inconsciente aurait pu se voir remettre.

Malgré ce profond malaise qui la rongeait, elle soutint le regard sombre qu'elle rêvait de fuir en cet instant. Même si, ce qu'il annonçait n'était en aucun cas des mauvaises nouvelles, au contraire. En effet, en un rictus plus ou moins rassurant, il vanta son hystérie en une intrépidité certes "mal placée" mais recherchée au sein de l'armée. Ce qui, étrangement, aviva une lueur nouvelle dans les yeux de l'elfe. Elle s'éclaircit la gorge avant de daigner répondre.

"Je comprends tout à fait les tords que j'ai commis, si ce n'est d'avoir fait preuve d'audace comme vous dites, il m'aurait fallut faire preuve de discernement, ce qui, je vous l'accorde, ne manquera pas d'être travaillé."

Écoutant sa réponse, le chevalier se releva pour se resservir, Ellana en profita pour décrocher son regard, le laissant vaquer dans le vide, ressassant ce qu'il venait de se dire. Elle balaya l'ombre de ses erreurs qui l'avait rendue si frêle jusqu'à maintenant, des erreurs qui, d'ailleurs, n'en étaient pas, finalement, puisqu'elles l'avait amenée jusqu'ici. Plus confiante, voilà que l'idée d'être vétérinaire chez les Serres Pourpres se faisait plus claire et notamment plus enviée de l'elfe.

"Vous pouvez en être certain."

Un sourire en coin, elle amena enfin le verre à ses lèvres, dégustant la chaleur de l'alcool sucré. Déterminée désormais à prendre les choses en mains à l'avenir.

L'on l'invita pas la suite à disposer tout en profitant des quartiers. Répondant au sourire qu'on lui adressa, c'est presque avec impatience qu'Ellana se releva, faisant part de l'absence de questions et le remerciant. Puis elle ne tarda à quitter la pièce. Voilà que l'elfe avait pénétré dans le bureau tel un chien la queue entre les jambes, et maintenant elle en ressortait presque tranquille, l'abcès avait été percé et pour le mieux.

Ainsi, elle pourrait vaquer dans la forteresse comme bon lui semblait. A peine n'eut-elle refermée la porte derrière elle, en un sourire amusé, elle commença directement sa visite solitaire. Croisant parfois au passage des hommes et des femmes, la plupart étant des soldats, la plupart du temps Ellana se fit seule. Continuant de vaquer dans les étages, elle s'arrêta de temps en temps devant les fenêtres donnant sur la cour, observant les silhouettes pourpres s'entraîner à différents domaines, comme si ces exercices n'avaient pas de fin. Parfois elle tomba sur des vitres qui donnaient sur le paysage environnant, bien que brouillé par la brume enneigée, l'on apercevait les profils des montagnes se dessinant brièvement. L'environnement était agréable, même si elle ne supportait plus le froid depuis longtemps, la neige était l'un des plus beaux phénomènes naturels.

Puis elle redescendit dans les étages inférieurs, se repérant où étaient salles pertinentes comme le mess, les dortoirs, les écuries, armureries... Elle survola l'entrée des salles sans pour autant y pénétrer, ne faisant que du repérage. Une fois la "balade" effectuée, elle regagna sa chambre lorsque le crépuscule pointait ses premiers rayons, annonçant la soirée. Rangeant finalement ses affaires, guettant l'arrivée de l'obscurité.

*

N'aimant guère se faire attendre, en avance, Ellana longeait déjà les murailles des remparts Ouest. N'étant pas certaine où est-ce qu'on l'attendait, elle prit le temps de faire des va et vient le long du rempart. Observant l'horizon qui s'était quelque peu éclairci après que la neige eut cessé de tomber à la tombée de la nuit.

Soupirant doucement, Deydreus traitait un nouveau dossier. Depuis le départ d'Ellana, le vampire s'était affairé à spécifiquement traiter les derniers documents du jour afin d'être parfaitement au fait des dernières missions qu'il avait confié à ses officiers. De nouvelles actions se planifiaient et compte tenu de l'amplification prévue des effectifs militaires, Deydreus se devait d'être plus attentif à présent plus que jamais. Ainsi, même les mentions de mouvements de troupes les plus minimes étaient investiguées par les hauts officiers afin de pas se faire prendre à revers par une nouvelle attaque surprise. Plus que tout autre chose, la Griffe ne souhaitait pas subir une nouvelle Sable-d'Or. La victoire avait certes été leur, mais elle fut couteuse et surtout, ils avaient manqué de préparation. Et ça, le guerrier aux yeux vairons le refusait.

Ce fut au début du crépuscule que le chevalier sombre quitta enfin son bureau. Naviguant dans les larges couloirs de la forteresse, il y croisa de nombreux Serres qui revenaient soit de leurs exercices quotidiens soit de diverses missions et tours de garde. Chaque fois, le bretteur les salua tandis qu'il continuait sa route. Ce ne fut que lorsqu'il tomba sur Esyleij qu'il stoppa enfin sa route. Appuyé contre l'un des murs de pierre, le demi-elfe étira un large sourire en apercevant son supérieur.

- Et moi qui pensait que vous étiez devenu un tas de papiers. C'est Léonard qui va être content d'avoir remporté son pari. Son sourire gagna encore en intensité. Tout va bien patron?
- Oui, je dois avouer être heureux que nous ayons à faire après-demain. Sinon, j'aurais fini par tous vous défier pour m'occuper.
- Ca aurait été dommage de devoir vous battre.

Un rire amusé des deux camarades, puis une tape sur l'épaule de la Griffe à son frère d'armes.

- Des nouvelles de notre nouvelle arrivée?
- De ce que certains gars m'ont dit, elle se baladait tout à l'heure. A présent, elle doit soit être dans sa chambre, soit directement là où vous lui avez dit d'aller.
- Je vois. Merci à toi Es', je vais y aller.
- De rien chef, si vous m'cherchez je serai au dortoir en train de botter le cul de notre cher blondinet.

Un nouveau rire, franc, grivois. Deydreus avait beau être devenu le chef des armées reikoises, il demeurait Serres Pourpres. Et, ainsi, sa loyauté et camaraderie envers ses hommes n'avaient pas faibli. Quittant donc la compagnie du demi-elfe, le guerrier se rendit ensuite dans sa propre chambre. Plus luxueuse et spacieuse que les autres pièces de la forteresse, cette dernière ne se perdait tout de même pas dans un luxe surfait. En soit, et malgré la noblesse des décorations, on y retrouvait toute la nature martiale de la bâtisse. Poutres apparentes, foyer de cheminée en face du lit. Deux fauteuils placés devant et sur le côté un paravent pour se changer ainsi qu'un petit bureau d'appoint. Dans les coins de la pièces, plusieurs candélabres plongeaient la chambre dans une douce lueur orangée. Puis, contre l'un des murs, une fenêtre relativement simple aux grands rideaux noir et rouge. De l'extérieur, rien ne pouvait indiquer que cette pièce était le lieu de repos du maître des lieux. Un nouveau moyen de "défense" prévu lors de la construction du bâtiment. Aux côtés de cette fenêtre, un râtelier d'armes ainsi qu'une mannequin couvert d'une armure noire attendaient sagement. S'approchant de la dite armure, le guerrier toucha cette dernière du bout des doigts, sentant l'acier qui venait refroidir ceux-ci. Puis, dans un profond soupir, l'être aux yeux vairons jeta ses vêtements contre le lit, se changeant promptement pour adopter des vêtements un peu plus chauds. Puis, ensuite, il enfila son armure avant de finalement quitter la pièce. Ellana avait rendez-vous avec lui et il refusait de la faire attendre.

Seulement, plutôt que de quitter la forteresse de manière "classique", le reikois grimpa les nombreux escaliers de la tour principal pour rejoindre le toit de cette dernière. Dominant les montagnes et la vallée, le vampire savoura l'air frais de la nuit alors que ses yeux s'ajustaient automatiquement aux ténèbres environnantes. S'appuyant doucement sur les créneaux de la tour, le vampire chercha des yeux les remparts ouest afin de voir si Ellana était déjà présente. Outre quelques Serres qui patrouilla, il remarqua effectivement une silhouette se démarquant des autres. S'approchant du bord, le bretteur aux lames jumelles se jeta alors dans le vide, déployant ses grandes ailes membranées. Virevoltant dans l'air nocturne, le vampire savourait particulièrement la sensation du vent glacé glissant sur sa peau ainsi que la vision changeante du monde qui l'entourait. Le ciel devenait le sol et inversement à chaque vrille, tandis que chaque piquet lui donnait l'impression d'atteindre des vitesses folles. Se rapprochant finalement des remparts, le vampire se redresse subitement afin de venir atterrir près de l'elfe sans trop lui faire peur. Quand ses bottes touchèrent la pierre des remparts, une multitude de petits gravas semblèrent s'élever doucement avant de retomber tandis que ses ailes ne firent que se replier. Souriant doucement dans la nuit, le vampire s'avança ensuite vers Ellana tandis qu'elle se tournait vers lui. Arrivant à son niveau, le maréchal prit finalement la parole.

- C'est beau, n'est-ce pas? Il pointa du doigt une myriade d'aurores boréales qui dansaient à l'horizon. Nous ne pouvons pas observer pareils spectacles lorsque nous siégeons à Ikusa. Et pourtant, ce paysage est bien plus beau que tout ce que la capitale peut prétendre avoir. Un sourire. Par delà cette valée, par delà ces monts, se trouve une mer féroce menant à Shoumeï. La distance est incroyable mais, pourtant, niché dans cette forteresse j'ai l'impression de pouvoir m'y rendre en un ou deux jours à peine.

Se tournant vers Ellana, l'être aux yeux bicolores analysa de nouveau les réactions et les expressions de l'oreille pointue afin de capter sa personnalité et sa façon d'agir. Ce n'était pas véritablement un test, mais plutôt un moyen pour lui de savoir à qui il avait à faire.

- En Shoumeï, nos ennemis sont nombreux. Bien plus que sur notre propre sol. On y trouve créatures abjectes. Rejetons de X'O-rath ou de Puantrus. Fanatiques du Nouvel ordre... Tellement de choses néfastes. Et pourtant, dans cette nuit paisible où seuls quelques flocons viennent nous gêner, les montagnes et leurs horizon semblent si paisibles. Dites moi Ellana, quel est votre point de vue sur les titans? Sur les fanatiques? Parlez moi un peu de vous. De votre histoire. J'aimerais mieux vous connaître.

Il lui laissa le temps de répondre, l'écoutant avec attention. Pour lui, il était important de connaître le parcours de tous ses frères et sœurs d'armes. Puis, quand elle eut finie, il enchaina.

- Bientôt, nos opérations nous conduiront sûrement de nouveau sur les terres désolées de Shoumeï. Et tout ce côté paisible s'envolera aussi sûrement que le soleil vient balayer les astres nocturnes. Il se tourna vers l'elfe. Après demain, nous partirons vers le Sud. Il s'agira de votre première mission sous la bannière noir et sang. Un village, Pierrefroide, a demandé de l'aide suite à une nouvelle attaque d'un ombragon qui terrorise la région depuis quelques temps. Nous pensons que la bête se terre dans la bande d'eau bordant le hameau mais rien n'est moins sûr. Vous nous assisterez de vos connaissances, et avec votre expertise nous pourrons peut-être comprendre pourquoi la bête chasse spécifiquement dans la région. Enfin... Il s'arrêta quelques instants, reportant son attention sur les aurores. Cela se fera en temps et heure. Demain, je vous veux au niveau de l'armurerie. Nous tâcherons de vous trouver une armure pour les prochains jours. Une qui est issue de notre bataillon, et pas en cuir. Ensuite, et bien, je testerai certaines de vos capacités.

Un léger sourire glissa sur ses lèvres, tandis que ses ailes s'ouvraient de nouveau, recouvrant presque toute la largeur des remparts de leurs superficie, comme un cocon membrané.

- En attendant, profitez bien de votre première nuit à Cœur-Ébène, Ellana.

Puis, dans un puissant battement d'ailes, le vampire s'envola, laissant l'elfe seule à son admiration nocturne.

Alors qu'elle observait un phénomène naissant dans le ciel, Ellana fut relativement surprise d'entendre derrière elle de grands battements d'ailes. Elle se retourna sur la silhouette du chevalier sombre qui fit une arrivée plutôt spectaculaire, bien que l'elfe n'en vit que la fin, les ailes aux aspects sanguinolentes se rétractant, elle n'en fut pas moins ébahie.

Elle s'extirpa bien vite de cet étonnement pour se tourner de nouveau vers le paysage qu'on lui présentait. Profitant des aurores boréales dansantes, se faisant plus marquantes. Plus paisible, Ellana souriait doucement en acquiesçant ce que l'officier partageait.

"Cela fait longtemps que je n'en avais pas aperçut."

Puis elle guetta l'horizon d'un œil différent lorsqu'il fut notion de Shoumei, ne guettant plus la beauté du paysage, mais percevant la distance et, en effet, perché dans cette forteresse, l'on pouvait imaginer parcourir ce vaste monde qui paraissait si à portée de main. Peut-être était-ce plus plausible pour le vampire qui lui, avait la chance de pouvoir prendre l'envol à tout instant.

Elle lui refit face lorsqu'il développa son point, venant par la suite à questionner l'elfe. Elle regarda un instant les lueurs dans le ciel, comme y puisant les mots justes avant de répondre.

"Je ne fais pas partie de ceux qui ont un grand parcours à conter. Des exploits peut-être, mais j'ai eu la chance d'avoir une vie tranquille, du moins avant la réapparition des titans." Elle se mit à marcher instinctivement, retrouvant le confort de rythmer ses réflexions en longeant les remparts. Suivie par son interlocuteur qui se faisait silencieux dans son écoute. "Durant la guerre, j'ai passée les deux années entières dans les rangs des soins, parcourant le Shoumeï, muté de villes en villes moindrement que les titans frappaient. Je ne saurais dire combien ont été sauvés, mais ils ont été beaucoup trop nombreux à périr."

Elle baissa le regard un instant, se remémorant la mort qui régnait à chaque instant. Lorsque le moindre espoir était aussi éphémère que les vies qui s'éteignaient si aisément entre ses mains.

"Si j'ai participé à la mission de la Peste Obscure c'est uniquement une revanche personnelle contre les Titans. Et ma faiblesse. Je pense que si j'avais eu l'expérience que j'ai aujourd'hui, peut-être que ça aurait changé les choses."

Fronçant les sourcils, se sentant toujours peinée malgré sa victoire contre la Peste Obscure, elle continua sur un autre sujet.

"Les fanatiques ne connaissent pas la guerre comme nous la connaissons. Déraisonné, illogiques, fous. Qu'importe leur raison d'y trouver du bon sens ou de l'espoir quelconque. Ça n'en est pas, ils ne sèment que le chaos. Ils croient et glorifient des atrocités qui seraient prêtes à les massacrer à la moindre occasion. Je n'ai pas de patience ou de pitié pour ces gens-là."

Ils marchèrent un instant, laissant la possibilité au dialogue suite à ses réflexions. Puis le dirigeant reprit, annonçant les futures opérations. Ainsi, pas plus tard qu'après demain, Ellana se verrait déjà en première mission, une opération de taille au vu des informations qu'elle assimilait. Voilà que ses méninges travaillaient de nouveau, se demandant comment s'y prendrait-elle et se faisant déjà impatiente de s'appliquer à la tâche. Cependant, son interlocuteur eut raison de lui rappeler qu'il n'y avait pas à s'occuper l'esprit de tout ceci, la mission se ferait en temps voulu.

Pour l'instant, il lui était recommandé de se reposer pour ce soir et de retrouver le dirigeant le lendemain à l'armurerie. Sur ces dernières paroles, le chevalier déploya ses ailes membranées, souhaitant une bonne nuit avant de prendre son envol dans un grand courant d'air qui fit voleté les cheveux de l'elfe alors qu'elle regardait la silhouette vampirique s'éloigner.

Ellana resta un instant sur les remparts, continuant de longer ceux-ci tout en gardant ses yeux sur l'horizon, les aurores boréales dansantes. Puis lorsque les lueurs s'évanouirent, elle quitta les lieux, regagnant enfin sa chambre après avoir longuement cogité.

*

Elle ne trouvait pas le sommeil. Voilà qu'elle le guettait depuis un long moment, observant la lune qui se mouvait lentement dans le ciel, depuis sa fenêtre. Le voyage avait été long et pourtant l'excitation de la nouveauté ne voulait pas la quitter, ne permettant point à la fatigue de s’immiscer en elle. Une fois que l'astre disparu de son champ de vision, elle détourna son regard au plafond, rêveuse de la journée qui s'était écoulée. se ressassant l'évolution de ses émotions, ses craintes, ses attentes. Se remémorant les visages qui l'avaient accueillis, plus particulièrement celui de Deydreus, un bien mystérieux personnage aux attraits... tok tok tok Sa rêverie s'interrompit au bruit du verre qui cognait.

L'elfe se redressa pour apercevoir de nouveau une silhouette corbine. A la vue de celle-ci, elle s'extirpa de son lit pour rejoindre la fenêtre, ouvrant délicatement cette dernière pour tomber nez à nez avec un corbeau. Aucunement effrayé, lui faisant face, il fit un léger bond comme pour pivoter, penchant sa tête par à-coups, curieux de la silhouette humanoïde qui venait de lui ouvrir.

Une main tenant le vitrail et l'autre se posant sur sa hanche, Ellana prit une mine agacée, interpellant son visiteur nocturne sur un ton ironique.

"Dis-moi, tu ne serais pas le corbeau de tout à l'heure toi ? Est-ce toi aussi qui s'est moqué de moi à mon arrivée ?"

Elle n'attendait pas de réponse étant consciente que beaucoup d'animaux restaient muet quand d'autres étaient doués de paroles. Elle lui tendit la main cependant, testant où était la limite de son courage bien inhabituel. En plus de ne pas prendre son envol, la bête curieuse observa la dextre, s'écartant quelque peu avant de reposer son regard sur le visage de l'elfe. Sans même ouvrir son bec, une voix qui lui était facilement attribuable, s'immisça dans l'esprit d'Ellana.

"En effet, tu as un œil de lynx, elfe. En revanche je ne me suis pas moqué de toi. Ce que tu confonds pour un rire n'était qu'un signe de salut. "

Il marqua une pause, la fixant de ses perles de jais alors qu'elle démontrait une légère surprise.

"Tu n'es pas d'ici. Tu n'es pas similaire à tes semblables de la forteresse. Qui es-tu et que fais-tu en de tels lieux, étrangère ? "

L'elfe sourit doucement, lâchant la fenêtre qui n'avait pas besoin d'être maintenue pou rester ouverte. Croisant les bras.

"Serais-tu un gardien de la forteresse ? Je m'appelle Ellana, et je t'avouerais que quelques heures plus tôt je n'aurais su te répondre. Même encore maintenant c'est un peu flou, apparemment si je fais mes preuves je deviendrais plus qu'une étrangère des lieux. On peut dire que je serais la responsable des créatures comme toi."

Voyant l'oiseau s'approcher, elle tendit de nouveau sa main, paume ouverte, laissant le corbeau s'y accrocher, le ramenant doucement à elle, élevant sa dextre au niveau de son visage.

"Et toi qui es-tu ? As-tu des secrets à me partager sur cette forteresse ou ses occupants ?"

"Je suis Vesperion, oiseau des ténèbres ou de malheur, je ne suis qu'un observateur silencieux. Ou du moins je l'étais avant de n'avoir une âme à qui parler, en revanche ce n'est pas pour autant que je te délivrerais tout ce que je sais. Tu es bien curieuse, petite pie. "

Le corbeau sur le doigt, Ellana se rassit sur le bout de son lit, presque déçue.

"Dit-il alors qu'il vient épier l'étrangère... Curieuse oui, l'esprit trop occupé pour trouver le sommeil, j'aurais aimé que mon visiteur du soir m'éclaircisse les idées."

L'oiseau vola jusqu'au dossier de la chaise qui faisait face à la coiffeuse, se tournant vers son interlocutrice.

"Que veux-tu savoir ? "

L'elfe prit le temps de réfléchir à ce qui lui embrumait l'esprit.

"Connais-tu Deydreus Fictilem ?"

Le corbeau se mit à croasser. Si plus tôt dans la matinée cela avait été un signe de salut, cette fois-ci il s'agissait bien d'un rire.

"Bien sûr, d'une certaine manière, ma présence en est même liée. Grande est la Mère des corbeaux." Il agita ses ailes avant de reprendre "Tu as l'air tourmentée. Sache que ce n'est pas quelqu'un de terrible. Il est puissant certes, mais juste. C'est une âme qui a beaucoup souffert pour en arriver là où il est. Rien de plus. La puissance qu'il incarne aujourd'hui n'est dût que grâce aux épreuves qu'il a surmonté. Il reconnaîtra le potentiel de celui qui saura s'en montrer digne."

Ellana s'allongea sur les couvertures, songeant à ce que la créature lui disait. Une main sur le front, reposant son regard sur le plafond. Après tout, quelles étaient réellement ses craintes ?

"Penses-tu que je pourrais le faire ?"

"Je ne te connais point mais de ce que j'ai vu, tu n'es qu'une chouineuse. Arrête un peu. Demandes-toi plutôt si tu t'en sens capable. "

L'animal vola jusqu'à elle, silencieux, il lui piqua le coin de l’œil par coups de bec. L'elfe l'éloigna en le balayant de son autre main, n'aimant guère sa réponse ou son picorage. Décidément, elle ne s'attendait pas à l'entendre faire de l'humour. Mais cela avait eut le mérite de la rendre plus tranquille. Amusée elle se laissa tomber dans la somnolence avant de finir dans les bras de Morphée, l'épuisement se révélant enfin. Après un long silence, l'oiseau lui tapota la joue du bout de son bec, mais l'elfe s'était déjà assoupie dans un sommeil profond. Ainsi, il ne tarda guère à quitter les lieux, s'envolant jusqu'à la fenêtre, la tirant tant bien que mal avec son bec pour espérer la fermer partiellement. Puis il déguerpit sans un mot, échappant une plume sur le rebord.

*

A l'aube du lendemain, Ellana fut réveillée par la fenêtre qui claqua contre le mur. Se précipitant pour fermer cette dernière, elle se rendit compte à quel point la chambre était glaciale. Elle s'était assoupie comme si elle n'avait pas dormi depuis des lustres et elle n'avait aucunement était réveillée par le froid de la pièce. Elle marmonna une bêtise, secouant la tête de son étourderie et ne tarda pas à se préparer. Il était certes encore tôt, l'aurore se faisant encore timide, le ciel prenant des teintes roses. Mais Ellana souhaitait profiter des lieux quand ils dormaient encore, enfin, c'est ce qu'elle pensait. Une fois sortie de sa chambre, guettant la vue sur la cour, il y avait des lèves tôt qui s'entraînaient dans la cours depuis quelques heures déjà ! Sa naïveté la fit sourire. Cela dit, la forteresse était tout de même plus calme en ces horaires qu'en pleine journée.

L'elfe se dirigea directement vers l'armurerie, au moins pour repérer l'emplacement de celle-ci. Peut-être l'y attendait-on déjà ?

Voletant dans la nuit, Deydreus savourait le vent nocturne qui venait frôler son visage. Contrairement aux journées ensoleillées du désert, le vampire se plaisait énormément dans les nuits du Nord. Pour lui, outre la nostalgie qu'évoquait la région, la fraîcheur était synonyme d'un sentiment particulier qu'il avait parfois difficulté à percevoir: il était vivant. Malgré toutes les épreuves. Malgré tous les sacrifices. Le guerrier vivait et pouvait continuer le combat. Se posant sur le flanc d'une des montagnes, l'être aux yeux vairons laissa sa vue augmentée glisser sur les différents points d'intérêts qu'il pouvait capter. Nids d'oiseaux, terriers de créatures ou encore prédateurs nocturnes. Tous étaient des cibles potentielles pour le chasseur qu'il était. La soif revenait légèrement gratter aux frontières de son esprit et il allait falloir qu'il se nourrisse au plus vite afin de ne pas ressentir les impacts négatifs d'une malnutrition. Ainsi, c'est au bout de quelques longues minutes que le vampire plongea subitement en direction d'un renard inattentif. L'attrapant avec férocité, le bretteur ne laissa aucune chance à sa proie tandis qu'il enfonçait ses crocs acérées dans sa gorge. Sentant le long raisiné couler à l'intérieur de son corps, le vampire sentit en lui la soif s'apaiser peu à peu, alors que le pauvre animal rendait l'âme dans un couinement plaintif. Enfin, lorsqu'il fut rassasié, le chevalier laissa le corps sans vie s'échouer dans la neige, sortant une gourde d'alcool qu'il ingurgita pour chasser le gout infect du sang animal. Puis, après avoir laissé un soupir glisser depuis ses lèvres, le vampire s'envola de nouveau pour retourner à Cœur-Ebène.

La suite de la nuit ne fut pas moins ennuyeuse que la chasse qui avait précédé. De retour à la forteresse, Deydreus ne prit même pas le temps de se changer qu'il se dirigea directement dans la cour. S'y retrouvant seul, le vampire invoqua devant lui une myriade de pieux sanglants, tous tournés dans sa direction. Puis, dans un claquement de doigt, il les élança sur lui. Le but de l'entraînement était simple, parer, dévier et éviter les projections qu'il lançait contre son propre corps. L'exercice pouvait paraître idiot, la plupart des adversaires de Deydreus étant habituellement humanoïdes, mais les éléments de la Peste Obscure avaient démontrés que le danger pouvait se manifester sous toutes sortes de formes différentes. Et, là bas, dans cette jungle maudite, le guerrier avait manqué de vigilance. Il avait été trop confiant, permettant à l'un des dards vénéneux de pénétrer sa chair et souiller son corps. Une blessure, minime, insignifiante, mais qui avait lancé en lui l'infection de Puantrus et imposé à son esprit un compte à rebours insupportable. Au final, ils avaient remporté le combat et neutralisé la maladie. Mais... A l'avenir, l'issue ne serait pas forcément la même. Et le reikois aux yeux bicolores refusait cette faiblesse. Refusait d'être touché à cause d'un excès de confiance. Alors. Deydreus s'entrainait.

Balayant la multitude d'aiguilles sanguines qui filaient dans sa direction, le bretteur aux lames jumelles faisait danser celles-ci dans un balai martial à l'exécution parfaite. Chaque projectile se voyait dévié avec une férocité sans égale. Mais, après chaque salve, le chef des armées grimaçait. Il n'était pas heureux de sa manœuvre. Pas heureux de ses gestes. Alors. Il recommençait. Encore. Et encore. Jusqu'à ce que la fatigue de l'utilisation de ses pouvoirs ne commencent à entamer sa détermination. C'est d'ailleurs alors qu'il s'apprêtait à relancer une nouvelle invocation sanguine que le vampire fut interrompu par l'arrivée de Léonard et Esyleij. Quand il les remarqua, le bretteur se redressa tout en saluant le binôme qui s'approchait de lui.

- Vous êtes des lève-tôt, ou bien des couche-tard?

La remarque était présente principalement pour définir l'heure, plutôt que de juger le comportement des deux soldats d'élites.

- J'dirais plutôt lève-tôt. Faut dire, on avait un vampire qui faisait un de ces boucans. Vraiment insupportable.
- Une chance que notre demi-elfe préféré soit trop occupés les deux prochaines semaines à nettoyer les latrines pour entendre quoique ce soit.
- Hahahaha, je vous emmerde patron.

Un ricanement de l'intéressé, qui vint ranger ses deux lames dans leurs fourreaux respectifs. Faisant rouler ses muscles, le vampire vint ensuite tapoter doucement les épaules de ses deux frères d'armes.

- Je vous laisse à votre entraînement, il faut que j'enlève la transpiration que mes propres exercices ont crée.
- Ouais, pas besoin d'un odorat amélioré là.
- Esyleij, si tu continues, j'vais vraiment te foutre aux latrines.

Et donc, sourire en coin, le guerrier rentra à l'intérieur de la forteresse. Déposant tout d'abord son armure dans son bureau, le guerrier enleva cette dernière minutieusement avant de la nettoyer doucement, enlevant les potentielles saletés déposées et redéposant de l'huile dessus. Sa tâche achevée, il put alors enfin se rendre aux bains. S'immergeant totalement dans l'eau chauffée grâce à des braises déposées au fond de l'eau savonneuse, Deydreus laissa un long soupir de satisfaction s'échapper de sa gorge. Fermant les yeux, le bretteur sentit toute la fatigue et la tension accumulée s'évanouir aux grés des remous à la surface de l'eau. Comme d'habitude, le temps s'écoulait d'une manière bien étrange pour celui dont les journées n'étaient plus marquées par le sommeil et le repos. Sortant sa dextre de l'eau, l'être aux yeux vairons analysa doucement sa main cristalline, plongé dans une étrange mélancolie. Secouant finalement la tête au bout de quelques longues minutes, le guerrier se contenta de finir de se laver avant de sortir finalement de l'eau. Une fois son corps séché, le guerrier retourna finalement dans sa chambre où il enfila de nouvelles affaires. Comme la veille, ses vêtements étaient de bonne qualité mais toujours sobres. Seulement cette fois, le reikois enfila par dessus sa chemise un gambison noir aux décorations écarlates.

S'approchant ensuite de la fenêtre, le vampire assista doucement au levé du soleil avant de finalement quitter sa chambre et d'enfiler sa lourde cape de fourrure. Dans les couloirs, l'activité commençait peu à peu à poindre, les différents Serres se levant pour aller s'entrainer ou bien prendre les prochains quarts de garde. Telle un mécanisme parfaitement huilée, les hommes d'armes savaient exactement quoi faire et quand le faire. Les équipes de nuit allaient se coucher, les autres les remplaçaient. Et ceux qui avaient du temps, allaient s'entraîner. Naviguant donc en direction de l'armurerie, Deydreus esquissa un léger sourire en apercevant Ellana qui attendait devant cette dernière. Se rapprochant, le vampire l'observa quelques instants avant de finalement prendre la parole.

- Vous êtes bien matinale Blackwood. J'espère que la nuit aura été bonne. Un léger sourire, tandis qu'il passait devant elle et poussait la lourde porte d'acier. Venez, allons vous trouver une armure convenable.

Entrant donc dans la pièce, le bretteur sentit l'odeur caractéristique de l'acier et du cuir venir assaillir ses narines dans un mélange olfactif évoquant l'armée et les valeurs militaires. Agencée dans une longue pièce rectangulaire, l'armurerie se découpait en une multitude d'alcôves abritant râteliers d'armes et armures de toutes sortes. Au plafond, de grandes bannières impériales claquaient doucement sous la brise légère qui glissait entre les gigantesques poutres apparentes. Sur quelques pans de murs, face aux alcôves, des mannequins d'entraînement attendaient sagement qu'on ne vienne les frapper afin de tester l'équilibre d'une arme choisie. Pourtant, ce n'était pas des armes qu'ils venaient récupérer.

- Les armures se trouvent par là. Suivez-moi.

Guidant l'elfe jusqu'à la zone désignée, le vampire alluma quelques candélabres afin de permettre à son invitée de voir convenablement dans l'une des zones les moins éclairées de l'armurerie. Devant elle, une rangée d'une bonne cinquantaine d'armures attendaient silencieusement qu'on ne vienne les enfiler. Certaines étaient plus lourdes que d'autres, mais toutes étaient faites d'acier et de qualité.

- Les armures pour les femmes sont ici. A vous de choisir et d'essayer le style qui vous plaira le plus. Cependant... Il se recula légèrement laissant ses yeux hétérochromes glisser sur la silhouette de l'elfe. Je vous déconseille les armures trop légères. Vos mouvements sont assez vifs et je pense qu'une armure intermédiaire vous serait le plus adapté. Une armure complète pourrait également faire l'affaire. Mais idéalement, il faudrait plutôt s'orienter sur les styles plus elfiques. Un acier fin et résistant. Et en dessous... Il se retourna, attrapant de ses mains - qu'il n'avait pas gantées - un gambison noir, un demi tabard aux couleurs des Serres et une cotte de maille légère. Mettez cela. Une fois ceci enfilé, vous pourrez choisir ce qui entrave le moins vos mouvements. Il marqua une courte pause, enchainant. Si vous n'osez pas enfiler ça devant moi, vous pouvez le faire dans l'alcôve là bas. Et si une sangle est gênante à attacher, je vous aiderai.

Sa phrase achevée, le vampire croisa les bras en attendant la réponse de l'elfe. Trouver la bonne armure n'était pas une chose aussi aisée qu'on pouvait le penser. Surtout lorsqu'on avait en face de soi un homme qui avait passé presque toute sa vie dans ces dernières.

Absente et quelque peu fatiguée, Ellana adossée contre le mur, proche de la porte de l'armurerie, les yeux dans le vide, orientés vers la fenêtre lui faisant face. Elle songea à sa rencontre nocturne, espérant peut être croisé la silhouette du volatile dans le ciel. Pourtant ce fut un tout autre corbeau qu'elle rencontra en cette matinée. Le dirigeant qui apparemment était tout aussi matinal que l'elfe, ne tarda pas à rejoindre le lieu de rendez-vous. Elle lui répondit de sa voix faible des premiers mots après le réveil.

"Excellente, merci."

Elle ne lui retourna pas la question, trouvant celle-ci trop indiscrète pour le personnage qu'il était et ne voulant traîner sur des banalités alors qu'ils avaient mieux à faire.

Ainsi elle pénétra dans l'armurerie après l'officier, découvrant comme un nouvel univers. Les odeurs de métal, de cuir et de bois accompagnaient la découverte des armes et armures de différentes matières, ainsi que d'autres éléments et accessoires. L'elfe leva les yeux vers les couleurs vives qui attiraient son attention, la bannière de l'armée, régnant sur la salle, rendant un aspect tout aussi officiel à celle-ci. Invitée à suivre son guide, se dirigeant vers les armures, Ellana jeta un œil aux armes, tout aussi belles que rares. Puis elle décrocha rapidement son intérêt pour se concentrer sur ce pourquoi elle était venue.

Parcourant les différents mannequins, l'elfe écoutait les conseils du dirigeant tout en posant ses yeux sur les armures concernées lorsqu'elles étaient évoquées. Il y avait tellement de choix et pourtant si peu qui remplissaient ses critères, bien qu'elle n'en avait que peu. Jaugeant les armures épaisses aux intermédiaire, aux styles divers et variés. Mais pour l'instant elle se devait d'enfiler ce qu'on lui tendait; un gambison sombre, un tabard, une cotte de maille et... Non, ça ne faisait pas parti de ce qu'on lui donnait. Rouge sanguinolente, la main griffue du chevalier maintenait le haut de la pile d'éléments qu'il cédait à l'elfe. Cependant, Ellana marqua une pause ayant manqué d'attraper celle-ci, l'ayant prise pour... un objet quelconque. Son hésitation se fit aisément remarquée mais elle ne souleva aucune question, si ce n'est en échangeant un regard emplit de curiosité avec son interlocuteur.

Qu'il lui donne une explication ou non, Ellana ne tarda pas à s’exécuter, se changeant dans un premier temps. Elle ne prit pas la peine de se dissimuler derrière l'alcôve qu'on lui avait indiqué, si elle s'avérait pudique, elle n'avait pas à se dénuder non plus pour porter un gambison. Ainsi, elle retira ses couches de vêtements molletonnées pour ne laissait sur sa peau que sa chemise et son pantalon.

"Vous faites cela avec chaque nouvelles recrues ? Leur trouver une amure adéquate..."

Elle commença à s'habiller du gambison, assez aisément bien que la matière épaisse se fit difficile à manipuler dans un premier temps.

"Cela m'étonne que ce soit vous, en personne, qui m'accompagniez."

Puis s'en suivit la cotte de maille et le tabard qu'elle ajusta, tirant dessus, s'observant.

"Je sais que je ne suis pas là pour être ravissante mais je dirais que les couleurs me vont bien."

Elle sourit à la bêtise qu'elle s'adressait à elle-même. N'attendant - n’espérant - aucune réponse, elle se dirigea de nouveau vers les mannequins, s'attachant les cheveux pendant qu'elle faisait son choix. Après avoir fait sa queue de cheval, elle se décida. Une armure intermédiaire aux aspects plutôt elfique, comme ce qui lui avait été conseillé. Plastron, épaulières, gantelets, jambières et autres. Voilà qu'elle zieuta chaque partie de l'armure qu'elle avait choisie avant de se décider d'opter celle-ci. Elle jeta un coup d’œil vers le professionnel, surveillant un quelconque avis négatif ou commentaire puis elle s'appliqua en fonction des renseignements.

Qu'ils discutèrent ou non, Ellana était relativement concentrée dans ce qu'elle faisait, n'ayant pas l'habitude de porter des armures, elle découvrit sur certaines parties comment elles s'enfilaient. Elle refusa toute aide quand elle se vit plus lente, se reprenant parfois. Enfin. Les épaulières étaient la partie la plus pénible, elle sortit l'excuse qu'elle pouvait se débrouiller toute seule mais lorsqu'elle eut fini de mettre la première, elle changea bien vite de discours, acceptant une aide pour la seconde, ne manquant pas de le remercier.

Elle s'observa, l'armure ajustée ou finalisant les détails maladroits. L'elfe sourit. Une nouvelle apparence, une silhouette différente, elle se sentait presque inarrêtable dans celle-ci. Pourtant elle fit tout de même part de son doute concernant cette légitimité de porter une telle armure.

"Non pas qu'elle me déplaise mais, est-il vraiment nécessaire d'en avoir une même si je ne fais pas partie des rangs des combattants ?"

Elle se tourna vers l'officier qui observait également l'allure de la cuirasse, jugeant sûrement la justesse de celle-ci.

Observant l'elfe qui commençait à se changer, le vampire joua doucement de sa main droite après avoir remarqué le regard insistant de l'oreille pointue vis à vis de son bras sanguin.

- Si vous vous posez la question pour mon bras. C'est une longue histoire. Si ma nature n'est pas véritablement masquée, la malédiction qui en fut l'origine n'est elle pas vraiment contée. Il marqua une pause, enchainant ensuite. Le Sang Béni. Un mal ancestral affectant très peu de personnes, et qui provoque chez les maudits une soif de sang inarrêtable, ainsi qu'une facilité déconcertante à la manipulation sanguine. Ce mal s'est éveillé en moi après mon duel contre l'Empereur. Et si je n'avais rien fait, mon corps entier aurait fini par se changer ainsi, à devenir une créature plus démoniaque qu'autre chose. Et j'aurais fini par perdre la raison, cherchant à tuer toutes les formes de vies m'entourant. Mais ce mal fut vaincu. Contenu. Grâce à ma nature vampirique. Donc pour moi, la Peste Obscure ne fut qu'une toux désagréable.

Deydreus n'avait pas honte de sa malédiction, ni de son nouvel état. Il ne ressentait pas de pudeur à raconter ce qu'il avait traversé pour pouvoir de nouveau arpenter les paysages de l'Empire. Mais, même s'il aurait voulu raconter plus en détails sont histoire, le guerrier savait que ce n'était ni le lieu, ni le moment pour cela. Alors, l'elfe allait devoir se contenter de cela pour le moment, quitte à lui reposer la question plus tard. Reportant son attention sur cette dernière, un léger sourire s'installa sur les lèvres du chef des armées lorsqu'elle lui fit la remarque sur les nouvelles recrues.

- Autrefois, oui. Chaque nouvelle recrue obtenait son armure et son arme de ma main. Chaque Serres était recruté individuellement. Je venais à leur rencontre, écoutais leur histoire, et les invitais à me rejoindre. Et même aujourd'hui, je tiens à rencontrer chaque nouvelle tête, même si vu la taille du bataillon, je n'ai malheureusement plus l'occasion de leur fournir à tous leur propre équipement. Pour le reste, n'en soyez pas étonnée. Vous êtes une vétérane de l'opération de la Peste Obscure, je peux bien vous accorder un peu de mon temps. Vous n'êtes pas n'importe qui après tout.

Un nouveau sourire, cette fois moqueur. Deydreus avait beaucoup de temps dans ses journées, car ces dernières ne s'étendaient pas simplement du lever au coucher du soleil. Alors, il pouvait effectivement se permettre d'orienter une nouvelle arrivante dans la bonne direction pour le choix de son armure. Face à la nouvelle remarque d'Ellana, le reikois aux yeux vairons retint une réponse taquine à son égard. Non pas par peur de froisser cette dernière, mais plutôt par étiquette. Se contentant donc de l'observer silencieusement, le sombre chevalier laissa l'intéressée se diriger vers les différentes armures pour finalement se décider. D'un signe de tête approbateur, la Griffe indiqua par la suite à la vétérinaire que son choix était le bon. Plusieurs styles d'armures auraient pu lui correspondre, mais un parfait équilibre entre résistance et liberté de mouvements lui permettrait d'être tout aussi utile dans un combat que lors des soins à pratiquer. Ainsi, c'est via quelques commentaires constructifs que Deydreus guida l'elfe et l'informa des différentes parties composant une armure complète. Chaque détails, du l'orientation d'une spallière à la forme du gorgerin était explicité afin que la blonde puisse faire son choix dans les meilleures conditions et, surtout, apprenne à enfiler elle même sa tenue. Souriant de plus nouveau lorsqu'Ellana sembla lutter contre sa propre épaulière, le reikois s'avança doucement pour attraper du bout des doigts les différentes sangles, les attachants minutieusement entre elles.

- Pour vous faciliter la tâche, n'hésitez pas à laisser ces deux sangles là, il désigna les deux sangles hautes de l'épaulière, attachée quand vous retirerez votre plastron. De fait, vous n'aurez alors qu'à relier celles du bas pour enfiler votre armure sans aide. Et avec le temps, la rapidité d''exécution viendra. Gardez toujours à l'esprit cependant qu'une armure bien mise lentement sera plus efficace qu'une parodie de protection enfilée en quelques secondes.

Laissant ensuite l'elfe s'observer dans sa nouvelle armure, le vampire laissa ses yeux glisser sur toutes les protections recouvrant le corps de cette dernière. Chaque imperfections potentielles, chaque sangles mal ajustées étaient remarquées par le vétéran. Naturellement, l'armure n'était pas parfaitement ajustée au corps de la blonde, même si elle lui allait particulièrement bien. Il s'agissait d'ajustements mineurs, que le forgeron pourrait apporter rapidement lorsqu'Ellana lui demanderait. Puis, de nouveau, l'elfe prit la parole tout en désignant l'armure.

- Bien sûr. Vous ne faîtes pas partie de la première ligne ni des Dévoreurs. Cela ne veut pas dire que le risque n'est pas présent lorsque vous nous accompagnerez. Il s'approcha, tapotant du doigt le plastron de l'elfe, au niveau du cœur. Une flèche tirée depuis les hauteurs a vite fait de traverser les airs pour venir perforer votre cœur, déclenchant une hémorragie fatale. Il fit ensuite glisser son doigt, jusqu'à la jonction abdomen-ventre où il laissa sa griffe traîner doucement. Une créature perçant les lignes de défenses peut facilement éventrer la personne inattentive, répandant ses entrailles sur le sol boueux du champ de bataille. Mais avec une armure? La flèche vient se briser lamentablement sur l'acier. La griffe de la bête ne fait que râper sur la protection. De plus, ce n'est pas comme si vous deveniez une pierre inamovible. L'acier ne ralentira pas vos mouvements. Mais pourra potentiellement vous sauver la vie. Il étira un léger sourire. Vous n'êtes cependant pas invincible dedans, aussi je vous conseille tout de même de rester près de nous, inutile de provoquer la chance.

Se reculant doucement, la Griffe quitta l'elfe des yeux pour venir les ancrer sur l'emblème de l'Empire, reprenant alors la parole.

- Nous sommes actuellement dans des terres enneigées et au climat hivernal. Lorsque nous redescendrons vers Ikusa ou Taisen, le climat pourrait devenir insupportable pour quelqu'un n'étant pas habitué à supporter l'armure en plus du soleil. Si tel est le cas, faite le nous savoir, nous pourrons demander à un tailleur la création d'une chemise aux fils de carbonite. Croyez-moi, c'est efficace.

Indiquant alors à l'elfe de le suivre, le vampire les mena alors en dehors de l'armurerie. Puis, naviguant dans les couloirs, le bretteur aux armes jumelles les dirigea tranquillement jusqu'à une des des cours extérieures. Une fois les portes passées, le duo put rapidement sentir la morsure glaciale des montagnes venir mordre leurs joues. Laissant un léger soupire quitter son corps, Deydreus s'avança silencieusement vers les râteliers d'armes d'entrainement ainsi que les cibles et autres mannequins. Se tournant vers Ellana, le vampire lui tendit un arc et un carquois.

- Comme je l'ai dit hier, j'ai envie de voir vos capacités offensives. De ce que l'on m'a dit, vous êtes une bonne tireuse à l'arc. Alors... impressionnez-moi. D'abord, quelques cibles immobiles, là. Puis, vous passerez aux cibles mouvantes juste ici, des sacs se balançant de droite à gauche ne devraient pas poser trop de problèmes... Une pause, puis il enchaina. Quand vous en aurez fini, nous passerons à la suite.

Laissant donc l'elfe prendre place, la Griffe s'appuya doucement sur la table où dormaient deux épées d'entrainement. Ses yeux bicolores, toujours à l'affût, analysèrent la posture de l'oreille pointue tandis qu'elle s'apprêtait à décocher sa première flèche. Ainsi, Deydreus demeura silencieux. Tout le long de l'exercice, le vampire se contenta de regarder l'elfe qui décochait ses salves afin de comprendre sa technique et voir les résultats de cette dernière. Il ne fit aucun commentaire particulier sur les potentiels échecs ou réussites. Il était là pour établir son niveau, par pour la féliciter ou la critiquer. Quand elle eut enfin achevé cet exercice, le reikois quitta la table contre laquelle il était pour venir saisir l'une des épées d'entrainement qu'il tendit à la blonde, reprenant au passage son arc.

- A présent, j'aimerai vous voir frapper ce mannequin. Comme s'il s'agissait d'un véritable adversaire. Il s'arrêta, revenant sur un souvenir de la veille. Vous parlez des fanatiques comme des êtres déraisonnés ne méritant pas votre pitié. Considérez ce mannequin comme tel. Frappez le sans vergogne. Lacérez sa paille comme s'il s'agissait des viscères d'un guerrier cultiste qui chercherait à vous abattre. Et ne vous préoccupez pas de moi. Si les choses ne se passent pas bien, nous pourrons combler vos lacunes, ensemble.

Il croisa de nouveau les bras, attendant alors les premières manœuvres de l'elfe. Puis, ils pourraient enfin passer au véritable entraînement.

Pendant ses essayages, l'elfe fut relativement surprise que le vampire dévoile la nature de son bras. Ainsi, il avait combattu une malédiction qui aurait pu lui être fatal. Peut être était-ce l'une des épreuves dont Vesperion avait connaissance lorsqu'il lui avait parlé de Deydreus. Une flopée de questionnements lui étaient venu par la suite, mais Ellana n'en fit rien, le moment n'était pas aux questions indiscrètes et il valait mieux qu'elle se concentre sur cette sacrée sangle qui lui posait problème plutôt que sur la raison d'être de l'observateur silencieux. Pour le reste, elle l'écouta avec attention, que ce soit son comportement envers les autres soldats, les nouvelles recrues, le dirigeant s'appliquer à sa fonction avec beaucoup de minutie, prêtant attention aux détails.

Alors qu'on lui répondit sur la question de la nécessité de l'armure, Ellana se détourna du miroir pour faire face à son interlocuteur, qui lui expliqua avec des exemples tactiles l'importance de sa protection contre les différentes attaques qu'il énonça. L'elfe, ressentant à peine la pression que l'on appuyait sur son plastron, suivit des yeux la griffe, imaginant l'ampleur de l'impact d'une flèche ou de l'attaque d'une bête. Elle acquiesça avant de se reculer également, redevenant légèrement pensive à la vue du bras de cristal pourpre. Puis, suivant le regard du dirigeant, elle approuva de nouveau par un hochement de tête, prenant note de ces détails concernant l'handicap des températures.

Ils ne tardèrent à quitter l'armurerie, repassant devant les belles lames qui attiraient toujours l'intérêt d'Ellana moindrement qu'elle passait devant. Ainsi, parcourant de nouveau les couloirs, ils regagnèrent l'une des cours extérieure, ramenant l'elfe à la réalité des températures, cette fois-ci peu protégée contre le froid, elle n'avait ni son manteau de fourrure, ni ses vêtements molletonnés. Bien que le gambison était une couche de vêtement relativement chaude à ne pas négliger, cela ne l'empêcha pas de trembloter en sentant son visage dégagé, se faire fouetter par l'air glacial. Raidis par le froid, elle observa d'abord l'officier se diriger vers la zone d'entraînement, avant de le suivre lorsqu'elle devina où il voulait en venir. Attrapant au passage l'arc et le carquois qu'on lui lança.

Les consignes étaient simples et le défi à relever était un jeu d'enfant pour Ellana.

"Parfait."

S'avançant sur le terrain de tir à l'arc, se positionnant à la limite de celui-ci, l'elfe se posta en plein milieu, guettant les quelques mannequins immobiles, dispersés et à des distances différentes. Ellana prit le temps de souffler, calmant la tremblote qui ne cessait. Une grande respiration, échappant un nuage de condensation, et le calme lui permettait la gestion du froid et ainsi la concentration maximale. Optant pour une posture droite, pivotant le buste sur le côté, comme à l'entraînement en général, elle brandit son arc en prenant son temps, se basant, pour ce premier exercice, sur la précision. Le bras gauche étendant l'arme et la main droite jusqu'à la joue, l'index et le majeur maintenant la flèche et la corde. Puis une fois la position adéquate, elle décocha sa première flèche, commençant par la cible la plus proche. Puis elle se fit légèrement plus rapide mais régulière lorsqu'elle se déplaça sur les côtés tout en tirant pour atteindre les cibles alentours et les plus éloignés. Toutes atteignirent le centre, et comme pour accentuer et prouver sa maîtrise, sur la cible la plus éloignée qu'elle avait déjà touché, elle tira une seconde flèche sur celle-ci, transperçant la première.

Ellana ne prit pas le temps de vérifier ses tirs et passa directement à la seconde partie de l'exercice, se retournant vers l'autre zone du terrain. Cinq sacs de sables suspendus à des cordes, attendaient d'être lancés. L'elfe se dirigea vers ceux-ci pour les élancer, faisant attention à leur faire garder un certain rythme en quinconce puis se positionna, à la même distance qu'à l'exercice précédent. Cette fois-ci, elle opta pour une position plus spontanée, comme celle qu'elle utilisait la plupart du temps en combat ou même, lors de la Peste Obscure. Pivotant l'arc en diagonal, elle enchaîna une salve de flèches, répartissant sur les différentes cibles, les touchant à plusieurs reprises. Pour la plus éloignée cependant, et la plus rapide, elle marqua une pause lors de la visée, attendant le moment opportun, puis décocha pour atteindre sa cible. Au niveau de la précision, bien qu'elles aient toutes atteint le dessin en cercle, cet exercice n'égalait pas le premier, en revanche niveau rapidité, elle avait fait ses preuves avec celui-ci.

Ellana soupira la fin de l'exercice, n'étant pas habituée d'agir avec une armure mais cela ne l'avait pas empêché de pratiquer comme bon lui semblait. Elle guetta l'expression du juge qui se faisait très fermé et ne fit aucun commentaire. En l'absence de réponse, elle plaqua en arrière, les mèches de cheveux qui voletaient sur son visage. Elle échangea l'arc et le carquois vide pour venir prendre l'épée d'entraînement qu'on lui tendait, plus hésitante, écoutant les instructions.

C'est avec moins d'aisance qu'Ellana s’exécuta à l'exercice d'escrime, elle avait encore ses bases qu'elle avait apprit durant ses années à la formation militaire, cependant elle ne s'était pas entraîné depuis un moment, ayant consacré son expertise dans le tir à l'arc et les ombres. Certes il lui arrivait de pratiquer l'escrime, mais sans évoluer davantage. Elle ne se dégonfla pas, empoignant l'épée, elle se posta devant le mannequin, laissant le doute de ses lacunes pour se mettre en situation, laissant les émotions la guider dans la force qu'elle décharnerait. Ce qu'elle ne révéla pas, c'est que, dans cette haine qu'elle avivait, pensant à la guerre et aux fanatiques, elle repensa également aux comportements de Kahl qu'elle avait eu de travers. Même si aujourd'hui son animosité envers lui s'était tût, les instants de colère et d'humiliation qu'elle avait vécut était toujours aussi présents.

Tout comme pour le tir à l'arc, elle prit le temps de se mettre en garde en une inspiration, de profil, la pointe de la lame orientée vers la cible. Puis s'élança suivant les mouvements qui lui revenaient moindrement qu'elle s'avançait, telle une danse, pivotant, donnant des coups de lame verticaux, horizontaux, tout en gardant un rythme. Elle recula, puis reprit, perforant la paille au niveau du buste du mannequin ainsi que sa tête. Pratiquant des enchaînements qu'elle connaissait bien ou qu'elle avait pour habitude de pratiquer, laissant parfois sa fougue improviser des coups bien placés. L'acier transperça à multiples reprises le mannequin, l'abîmant et faisant perdre quelque peu de la paille.

Après plusieurs longues minutes, elle se recula une énième fois, haletant et suant, l'animosité la quittant, bien qu'elle avait tout donné, elle n'était pas satisfaite mais elle était surtout gênée de se montrer ainsi devant le plus grand bretteur du Sekai. Elle dissimula cette honte, et se rapprocha de la Griffe, tout en calmant sa respiration.

Croisant les bras Deydreus avait observé silencieusement Ellana. De ses yeux vairons, le chevalier avait analysé la posture, le mouvement léger du regard ainsi que la direction des flèches. Comme il s'y était attendu et comme on lui avait rapporté, l'elfe se débrouillait remarquablement bien. Ses traits empênés étaient tous venus se ficher dans le cercle intérieur des cibles, puis lorsqu'elle était passée aux cibles mouvantes, aucun projectile ne manqua sa cible. La précision avait naturellement baissé avec le second exercice mais elle demeurait tout de même impressionnante. S'il brûlait de voir l'elfe faire de même sur des cibles rapides comme des animaux ou ce genre de chose, il avait à présent tendu une épée à l'oreille pointue et s'apprêtait à la regarder faire. Et cette fois, son œil fut beaucoup plus critique.

L'exercice était en soit relativement simple. Un mannequin d'entrainement, une lame, et des manœuvres à effectuer. Le but n'était pas tant de toucher au but mais plutôt d'analyser la technique employée. De la posture aux gestes superflus, tout était décortiqué par le bretteur aux lames jumelles. Des frappes verticales, puis horizontales. Des déchainements de coups contre la paille qui venaient entailler cette dernière tandis qu'Ellana se laissait aller à une démonstration de toute sa furie. On sentait dans ses mouvements l'enseignement rémanent de Drakstrang, ainsi qu'un minimum d'expérience passée dans les forces armées. Cependant, contrairement aux Serres ou à Deydreus lui même, on pouvait aisément distinguer les lacunes présentes ici et là. Mais, au moins, Ellana n'était pas une imbécile et il y avait un potentiel à exploiter. A développer. S'approchant doucement de l'elfe alors qu'elle reprenait son souffle, le bretteur attrapa à son tour une lame avant de venir se poser près de son interlocutrice.

- Votre démonstration à l'arc est fortement convaincante. Je n'en attendais pas moins étant donné qu'il s'agissait de votre arme de prédilection. En plus de vos capacités magiques, cela peut représenter un atout important en cas de conflit. Pour ce qui est de vos manœuvres à l'épée maintenant... Il se positionna à ses côtés, plaçant ses jambes d'une manière un peu différente. Il y a des choses à travailler. Votre jeu de jambes, déjà. Vos pieds sont trop rapprochés et dans une position trop lâche. Face à un adversaire plus fort, vous risquez de perdre l'équilibre. Face à un adversaire trop rapide, de vous faire tomber toute seule en fauchant vos propres jambes dans un mouvement de recul. Voyez vos déplacements comme une danse. Comme un balai précis où la position de vos pieds permettra à vos gestes d'être plus fluides et plus articulés. Bien souvent, c'est d'ailleurs cela qui déterminera qui gagne le combat. Imposer le rythme. Gérer le flux de l'affrontement.

Il fit une démonstration rapide, glissant sur le sol en bougeant ses pieds comme s'il menait d'abord l'assaut, puis comme s'il le subissait. Une fois ses gestes achevés, il invita l'elfe à faire de même. Il ne lui fit cependant pas répéter l'enchainement comme s'il lui donnait véritablement une leçon. Le but n'était pas là. Pour l'heure, il souhaitait simplement lui montrer ses erreurs, et lui permettre de s'améliorer. La véritable leçon viendrait plus tard, si elle s'en montrait digne. Quand elle s'exécuta de nouveau, le bretteur leva doucement sa lame, attirant également l'attention de la blonde.

- Votre garde ensuite. Actuellement, vous prenez naturellement une posture en quarte. Ce n'est pas vraiment étonnant comme votre main faible s'ancre naturellement sur le bas de votre poignée. Seulement, compte tenu de la lame que vous tenez, et de votre capacité à manier l'élément de l'ombre, vous seriez plus à l'aise sur une posture en tierce. Il fit la démonstration, prenant la garde énoncée. Ainsi, vous pourrez parer et attaquer sans trop d'efforts, et votre main faible pourra ainsi invoquer votre magie pour lancer de nouveaux assauts ou bien générer des boucliers ombreux. Et si plus tard vous vous sentez à l'aise, une posture en quinte invitera votre adversaire à vous attaquer, permettant une contre attaque aussi rapide que fatale.

Nouvel exemple par ses propres gestes, adoptant lui même les postures afin de montrer à Ellana comment se placer efficacement. Puis, il reprit sa pose habituel, droit et face à l'elfe. Puis, levant son arme, le bretteur se jeta subitement sur le mannequin pour illustrer l'importance des pas et de la posture. Dans une manchette impeccable, le vampire vint frapper la manche du mannequin d'entrainement, faisant râcler la lame émoussée sur la paille. En une simple technique basique, il venait de prouver son discours à l'elfe qui l'observait. Enchainant ensuite sur un léger mouvement de poignet pour venir "rengainer" son épée, l'être aux yeux bicolores fixa la blonde avant de reprendre la parole.

- Votre savoir n'est pas mauvais, mais on sent que vous n'êtes pas encore habituée à vous déplacer avec votre nouvelle armure. Aussi, nous allons pratiquer un peu. Reprenez votre lame. Et recommencez contre le mannequin.

Il vint alors croiser ses bras, un léger sourire sur les lèvres. Ils allaient y passer la matinée s'il le fallait, mais cela montrerait à l'elfe un avant gout de l'entrainement chez les Serres Pourpres. Même si, au moins, elle avait la chance de l'avoir en instructeur. Deydreus se souvenait encore de son oncle et sa manière particulière de lui donner des leçons. Certes, cela avait porté ses fruits, mais le vampire ne se voyait pas vraiment infliger cela à l'elfe. Après une nouvelle série d'exercices basiques, le vampire enseigna une feinte à l'elfe. Un mouvement simple, que peu de bretteurs réalisaient malgré son efficacité.

- Bien souvent, si vous vous retrouvez à combattre avec votre lame, vous ferez face à des bretteurs se pensant supérieurs. Ils voudront user de grandes techniques et autres feintes pour se donner un avantage tactique. Pour impressionner. Mais en réalité, la victoire ne tient généralement qu'à celui qui se souvient des frappes les plus basiques. Prenez le battement par exemple. Un coup simple sur le faible de l'arme adversaire afin de vous créer une ouverture. Peu de gens y pensent. Pourtant, cela permet une estocade bien souvent mortelle.

Comme précédemment, Deydreus fit sa démonstration, demandant cette fois à Ellana de lever sa propre épée pour lui montrer l'efficacité du mouvement. En une passe vive et rapide, la pointe arrondie de l'arme du vampire se retrouva calée contre la gorge de l'elfe. Puis, dans un sourire amusé, le chevalier sombre retira son épée pour désigner ensuite le mannequin d'entrainement. Il y releva le bras droit de l'être de paille, permettant ainsi la simulation d'un affrontement. Pour l'heure, l'elfe se contenterait de reproduire les frappes que le maître d'armes lui indiquait.

Peu après midi, alors que le soleil se retrouvait masqué par quelques nuages blancs, le vampire s'approcha d'une gourde d'eau qu'il avait préalablement laissé sur la table de la cour. Le froid qui mordait auparavant leurs joues venaient à présent s'échouer sur leur peau comme une brise délicate tempérant l'ardeur de leurs efforts. Soupirant doucement après avoir bu le liquide aqueux, le vampire jeta à Ellana cette dernière après avoir attiré son attention.

- Buvez.

Il étira un léger sourire, observant l'elfe quelques instants. Elle avait tenu la cadence, malgré la difficulté. Bien sûr, ils étaient encore loin d'un entraînement intensif. Encore loin de ce que le vampire imposait à ses hommes. Mais c'était un début particulièrement prometteur. Et au moins, le vampire était à présent convaincu que la vétérinaire pourrait être utile en cas d'affrontement, même si elle n'était pas sensée se retrouver en première ligne quand elle accompagnait les Serres. Deydreus souhaitait qu'elle progresse. Qu'elle deviennent une bonne combattante, car il ne voyait dans cette rigueur aucun malus. Aucune contrepartie négative à savoir bien se défendre. Quand elle eut terminé de se désaltérer, la Griffe reprit les épées pour venir les déposer sur les raques correspondant. Puis, il invita l'elfe à le suivre. Regagnant finalement l'intérieur de la forteresse. Guidant ensuite Ellana jusqu'à l'entrée des bains, le vampire se retourna vers l'intéressée.

- Prenez le temps de vous baigner et vous détendre. Vos muscles endoloris ne feront qu'apprécier l'eau savonneuse. Ne vous pressez pas non plus, vous avez mérité un peu de détente musculaire. En principe, quelques vêtements propres seront à votre disposition. Tout du moins de quoi regagner votre chambre. Vous allez également découvrir le gros point noir des armures d'acier. Le transport jusqu'à sa chambre. Il étira un léger sourire. Quand vous en aurez fini et serez enfin prête, n'hésitez pas à me retrouver dans mes quartiers. J'ai encore quelques sujets sur lesquels j'aimerais vous questionner.

Déposant sa main sur l'épaule de l'elfe, le vampire lui tendit un sourire amical tandis que ses yeux hétérochromes venaient s'ancrer dans le brun de ceux d'Ellana.

- Vous vous en êtes très bien sortie ce matin Ellana. Je vous retrouve tout à l'heure.

Puis, le vampire se détourna d'elle, doucement. Lui aussi devait aller se laver après tout.

Au début timide dans ses mouvements, Ellana assimilait les conseils que le bretteur lui donnait et lui démontrait. Ayant déjà des bases en escrime, ce n'était pour l'instant que des corrections et des améliorations dans ce qu'elle maîtrisait déjà. Rien de très impressionnant mais marquant tout de même une progression conséquente. L'enseignement de la feinte, bien qu'il fut des plus simple à réaliser, était des plus pertinents. Si la Griffe l'avait effectué sur Ellana avec aussi d'aisance et de rapidité, c'est en le recopiant que l'elfe se rendit compte que la fluidité et la vitesse ne lui était pas si innée comparé à son mentor. Mais en répétant ce geste, ajustant sa position et ses mouvements, qu'elle en apprit davantage et gagna en efficacité.

Ainsi, travaillant jusqu'en début d'après-midi sans ne serait-ce faire une pause, Ellana s'obstinait à être le plus précise possible afin de ne plus entendre de commentaire correctif. Chaque coup ou mouvement était jugé et commenté par le bretteur. Rien de critique, seulement du constructif pour que chaque erreur soit remarquée, corrigée et assimilée. Que ce soit la feinte, ses déplacements ou sa garde, toutes améliorations à faire était retravaillées. Ce ne fut que lorsque les commentaires faisaient de plus en plus rare que l'elfe, laissa petit à petit la fatigue la gagner, comme si elle avait accomplit un objectif, même s'il n'était pas finalisé. L'officier avait quitté sa place, voyant bien qu'Ellana atteignait petit à petit sa limite, suant et essoufflée.

L'elfe profita de cet instant de pause pour lever la tête vers le ciel, les yeux fermés en haletant de la condensation qui se faisait moins visible de par la température de l'air ambiant se réchauffant. Elle rouvrit les yeux en direction du dirigeant qui l'interpella pour lui lancer une gourde. L'attrapant, Ellana bu d'une traite tout le reste de la boisson comme si elle ne s'était pas hydratée depuis des jours, avant de lâcher un grand soupir de soulagement. Le froid, elle ne le ressentait plus depuis un moment, au contraire, elle crevait de chaud. La température hivernale n'avait jamais été aussi bénéfique qu'en ces instants d'efforts.

Une fois désaltérée, elle croisa du regard les yeux vairons, lâchant un rire à la fois fatigué mais heureux de s'être autant donné. Fière de sa progression, bien que minime ne faisant que retravailler des détails et des lacunes, cet entraînement lui rappela qu'elle était quand même capable et apte à s'améliorer, et pourquoi pas à l'avenir, d'apprendre de nouvelles techniques. Déposant les épées, le dirigeant invita l'elfe à le suivre, retournant à l'intérieur de la forteresse, elle craignait de repartir pour un énième entraînement qu'elle ne serait pas prête à assumer, trop épuisée. Cependant, pour sa plus grande joie, elle découvrit les bains qu'on lui présenta. Ainsi, l'on l'invita à se reposer, profitant de l'eau chaude tout en prenant son temps... Le rêve.

Elle esquissa un sourire en voyant la fumée s'échapper des bains, promettant un eau délicieusement brûlante. Quoi de mieux. Elle remercia la Griffe, acquiesçant pour la prochaine entrevue et le saluant pour plus tard, puis elle attendit qu'il quitte les lieux. Ce qui n'arriva pas. L'elfe perdit son sourire en voyant que lui aussi profiterait des bains. Après tout, tout le monde y avait accès. En plus de se retrouver dans ce dilemme de partager les lieux avec quelqu'un d'autre, il pouvait y avoir d'autres arrivants à tout moment ! Quel cauchemar. Enfin. Peut être s'habituerait-elle, mais pour l'instant présent, elle ne voulait absolument pas se retrouver seule à seule avec le dirigeant.

Elle devint rouge et se détourna bien vite lorsqu'elle crut l'apercevoir en train de se préparer. Une main plaquée sur le côté de ses yeux, dissimulant une partie de son champ de vision, Ellana préféra se cacher derrière une séparation, se débarrassant de son armure et autres protections, tout en faisant part de son inconfort.

"Je... Je ne pensais pas que vous resteriez. Enfin, vous avez tous vos droits évidemment. Je suis juste un peu surprise."

Étant débarrassée de la plupart de ses vêtements, elle garda une serviette autour d'elle, même cachée de tous.

"Est-ce que, par tout hasard, il y a encore des personnes pudiques au sein des Serres Pourpres ?"

Immobile, ne guettant aucunement ce que l'officier faisait, elle se retrouvait dans une situation délicate, ne daignant se montrer. Mais dans une des réponses, on lui indiqua qu'il y avait effectivement une petite partie des bains qui étaient dissimulée par un muret, très superficiel mais assez pour séparer la vue des deux silhouettes. Ainsi, longeant le bain, la serviette autour de sa silhouette, Ellana traversa la salle en évitant particulièrement le regard de l'officier. Peut être était-elle trop princesse, c'était ridicule, mais pour une première, l'elfe se sentait bien honteuse.

Cependant, ses soucis se noyèrent bien vite lorsque, une fois derrière le muret, elle se glissa dans l'eau chaude, ne manquant pas de soupirer une fois son corps entièrement plongé. Les muscles se détendirent d'un seul coup, les courbatures la quittait, la raideur n'était plus. Elle resta adossée contre le muret, profitant du silence et de l'eau qui s'écoulait éternellement. Venant jusqu'à oubliée où se trouvait-elle, manquant presque de s'assoupir pour récupérer les heures de sommeil qui lui faisaient défauts. Bien sûr, si l'officier était toujours présent et souhaité discuter, elle lui répondrait, mais ce ne serait pas sans montées de stress au déplacement de la voix.

Mis à part quelques potentiels échanges, le silence était relativement présent, et l'elfe somnola, plongeant son menton dans l'eau, ne laissant que le haut de sa tête dépasser. Oubliant la notion du temps après un long moment de méditation, elle ne savait pas si le vampire était toujours dans les parages. Se redressant un peu, elle zieuta de l'autre côté du mur pour avoir une vue sur le reste des bains, revenant rapidement à sa cachette, ne voulant guetter que le départ de toutes personnes présentes.

Une fois qu'elle serait seule depuis un bon moment, elle sortirait, se rhabillerait de sa nouvelle tenue avant d'amener son armure jusqu'à sa chambre. Et comme l'avait dit le dirigeant, c'était une tâche pénible et d'autant plus lourde depuis que les muscles étaient détendus. D'une tenue relativement légère pour se balader dans l'intérieur de la forteresse, l'elfe croisa parfois des Serres, amusés de voir la petite silhouette galérer avec son armure qui manquait de lui échapper. Elle refusa l'aide à maintes reprises de certains qui se proposait à la soulager du poids de cette charge mais elle finit par céder lorsqu'un demi-elfe, aux cheveux blonds et mi-longs, au sourire avenant se proposa. Épuisée et frustrée de voir certains regards moqueurs à son égard, Ellana s'avoua vaincue et accepta qu'on porte une partie de son armure jusqu'à l'autre bout de l'aile.

"Je n'aime pas me faire assister en temps général mais, merci... ?"

"Esyleij"

"Esyleij donc. Enchantée, je m'appelle Ellana."

Le demi-elfe hocha la tête d'un salut, puis ils continuèrent d'avancer, l'homme au sourire tranquille, portait la charge pénible comme si elle ne pesait rien. Ellana le zieuta, presque honteuse mais ne laissa rien paraître, continuant la marche. Comme s'il remarquait, de par ce silence, sa gêne, il reprit la parole.

"C'est normal avec tes p'tits bras. Les premières fois c'est pas évident, mais tu vas t'y faire, va."

Il marqua une pause, voyant la demoiselle qui n'était pas convaincue. Il changea de sujet.

"Alors comme ça t'as passé ta matinée à t'entraîner avec le patron, hein ? Je n'ai pas vu grand chose mais tu as l'air de bien te débrouiller, surtout pour tenir autant de temps au début. Hésites pas à te plaindre si le boss te fait chier !"

Tout en remontant d'un étage, l'elfe gloussa.

"Hm, merci bien. En revanche, je ne pense pas avoir quelque chose à redire, j'ai beaucoup appris."

Bien qu'elle reconnut l'humour du demi-elfe, elle s'assura de faire comprendre qu'elle n'avait pas à se plaindre de quoi que ce soit. D'autant plus que la moindre bêtise sortie pouvait potentiellement remonter aisément jusqu'aux oreilles du dirigeant. Ainsi, le temps qu'elle regagne sa chambre, ils firent brièvement connaissance, Esyleij se faisant plus comique, animant la conversation de piques ironiques. De quoi amuser l'elfe, ainsi, leur rencontre prit fin lorsqu'elle atteignit sa chambre, reprenant ses affaires, le remerciant et le saluant, c'est un sourire aux lèvres qu'ils se quittèrent.

Ellana se posa un instant dans sa chambre, se remettant de toute cette matinée avant de se préparer, optant pour une tenue moins chaude que celle qu'elle avait arboré à son arrivée, plus habituée et appréciant davantage le froid. Bien qu'elle ne le supportait toujours pas, aujourd'hui l'air glacial s'était fait plus doux, et en intérieur il était agréable de s'y balader. C'est donc avec une chemise plutôt épaisse et un pantalon qu'elle quitta sa chambre pour regagner les quartiers du dirigeant où on l'attendait.

S'il était lui aussi entré dans les bains, Deydreus ne prêta presque pas attention à la silhouette elfique qui s'était elle aussi faufilée dans la salle d'eau. A vrai dire, le vampire avait prévu depuis le départ de laisser cette dernière se rendre dans les espaces privatifs, ne se souciant que très peu de sa propre nudité. En fait, ce n'était pas vraiment ça. S'il reconnaissait l'importance de cette dernière, le guerrier s'était habitué à partager les bains avec ses frères ou sœurs d'armes, ne voyant dans ces derniers qu'un simple moyen de garder une hygiène convenable. Après tout, Deydreus avait vu ces derniers se battre, se salir et saigner pour lui. Alors, un peu de nudité lui importait peu. Mais, concernant son invitée, il était vrai que cette dernière n'était pas vraiment habituée aux mœurs purement militaire, la plupart des casernes adoptant des places d'eau non mixes. Alors qu'il commençait à enlever son haut, le vampire étira un léger sourire face aux remarques de l'oreille pointue.

- Ce n'est pas véritablement une question de pudeur. Nous n'allons pas nous promenés dans notre plus simple appareil en dehors des bains. Et à l'intérieur, la plupart des gens se déplacent avec une serviette autour d'eux. Et une fois dans l'eau, les savons masquent la plupart des choses.

Il ricana doucement, tandis qu'il avait lui même attaché un linge autour de sa taille. Puis, comme convenu, il alla s'immerger dans l'eau chaude. Savourant dans un soupir l'entrée dans le mélange aqueux, le militaire hésita à désigner à Ellana les loges "privatives", où des bassines remplaçaient habituellement les grands bains. Enfin, elle était sans doute déjà au courant. Et, au pire, il y avait les séparations prévues justement pour éviter les mélanges. Après tout, la forteresse pouvait également accueillir des personnalités importantes. Et les laisser se baigner dans la même eau que les hommes d'armes auraient été... Politiquement incorrect.

- Vous savez, il existe un peu plus sur la gauche un bain séparé par un muret de pierres. Vous y serez sans doute plus à l'aise.

Deydreus retenait un sourire. Ce n'était pas tant qu'il cherchait à se moquer d'Ellana, plutôt qu'il trouvait la situation amusante. La situation, toute entière, avait quelque chose d'assez comique et le bretteur ne pouvait s'empêcher d'imaginer comment la situation aurait tourné si des personnalités comme Tulkas ou Alasker étaient présentes. Probablement en quelque chose d'encore plus gênant pour la pauvre elfe. Commençant donc à savourer son bain, le sombre chevalier laissa son corps s'enfoncer un peu plus profondément dans l'eau. Si son corps ne ressentait pas la fatigue de la même manière, le vampire devait avouer apprécier toujours autant les sources thermales et autres bains du genre. Son corps endolori y trouvait un réconfort étrange, presque surnaturel. Même si, et il s'en doutait, il ne récupèrerait des forces véritablement que lorsqu'il chasserait une fois la nuit tombée. Se tournant ensuite vers le dit muret, le chef des armées glissa doucement dans l'eau, se rapprochant doucement afin de prendre la parole sans devoir crier dans la vaste pièce.

- Au fait, si vous désirez remonter la température de l'eau, vous avez normalement un brasier permanent sur lequel repose des pierres. A l'aide du panier prévu, faite les basculer dans l'eau. Elles remonteront très probablement la chaleur.

Laissant ensuite l'elfe profiter de son moment de détente, le reikois repartir en direction du centre du bain. Là, il se laissa doucement aller dans l'eau, appréciant tout particulièrement la vaste surface savonneuse qui venait glisser sur son corps couvert de cicatrices. Puis, après de longues minutes à profiter du bain, le guerrier commença véritablement à se laver. Attrapant une éponge, le vampire commença doucement à imbiber cette dernière dans un seau d'eau mixée à de la saponaire. Frottant ensuite son corps avec cette dernière, l'être aux yeux vairons commença par les parties les plus intimes avant de continuer par ses bras et le haut de son dos. La tâche, relativement longue, le força quelques fois à sortir partiellement le corps de l'eau pour s'assurer un bon nettoyage. Puis, quand il eut terminé, le bretteur jeta silencieusement l'éponge dans le seau prévu et sorti finalement du bain, ne prêtant absolument pas attention à si l'elfe était sortie ou non. Déposant le baquet contre l'un des murs, le bretteur se sécha doucement avec une serviette avant d'enfiler des vêtements simples qui lui serviraient jusqu'à sa chambre. Puis, enfin, il quitta les bains.

De retour dans ses quartiers, le vétéran laissa ses vêtements temporaires s'échouer contre son lit alors qu'il se diriger vers l'armoire où se trouvait ses tenues habituelles. Enfilant braies et chemise, le guerrier enfila ensuite ses bottes avant d'aller attraper les affaires du bain pour les jeter dans le bac que les servants récupèreraient le lendemain. Même si la forteresse était massivement constituée d'hommes d'armes et autres guerriers, elle disposait tout de même de civils natifs de la région qui acceptaient de travailler pour l'Empire et plus spécifiquement la Griffe. Après tout, il fallait bien alimenter le bataillon, laver le linge et entretenir les murs. Et même si les soldats d'élite étaient capable de le faire en toute autarcie, ajouter un groupe de personnalités triées sur le volet pour leur rendre la vie meilleure n'était pas un mal. Une fois débarrassé de ses affaires, le reikois se dirigea naturellement vers la large fenêtre qui donnait vers l'extérieur. Sentant les quelques rares rayons du soleil venir glisser sur cette dernière et provoquer chez le vampire cette désagréable sensation, Deydreus força son esprit à se focaliser sur autre chose. Sur les flancs de montagnes, visibles depuis sa chambre, ses yeux aux capacités augmentées parvenaient à capter les mouvements erratiques de petits animaux qui se baladaient, ainsi que de quelques oiseaux de proie. La nature suivait son cours, inconsidérée de l'épaisse activité humaine qui régnait à quelques centaines de mètres de là. Amusé, le bretteur sortit finalement de son admiration silencieuse lorsqu'on frappa à sa porte.

- Entrez.

Observant Ellana qui pénétrait enfin dans ses quartiers, le chef des armées invita cette dernière à s'asseoir près d'une table située non loin de l'entrée. S'ils étaient très grands, les quartiers de Deydreus se découpaient globalement en trois parties: la chambre, le lieu "d'accueil" et en dehors de cet ensemble: le bureau. Rejoignant l'elfe pour s'asseoir devant elle, l'être aux yeux vairons déplia la table pour révéler une grande surface au damier noir et blanc.

- Si vous le désirez, vous êtes libre de vous lever pour aller vous chercher à boire. Les boissons se trouvent dans l'armoire, juste là. Il indiqua du doigt le meuble concerné avant de positionner doucement les pièces d'échec. Dites moi Ellana, savez-vous jouer aux échecs?

La question était assez rhétorique mais si l'on prouvait trouver quelques tables dans les tavernes de la capitale, tous ne savaient pas nécessairement les règles de ce jeu d'esprit. Si l'elfe lui répondait par la négative, alors le chevalier se ferait un plaisir de lui expliquer, sinon, il continuerait simplement à placer les pions. Une fois ceci fait, le vampire désigna le plateau de jeu des mains.

- Nous allons faire une partie, et discuter un peu. Quand nous aurons fini, vous pourrez aller vous restaurer au mess. Puis nous referons quelques parties. La matinée fut consacrée à l'estimation et l'entrainement de vos capacités physiques, nous orienterons notre analyse et nos efforts sur le mental cet après-midi. Quelle couleur choisissez-vous?

Il étira un léger sourire, puis lança la partie. Si le début fut calme, il permit au chef des armées du reike de prendre la parole et d'ainsi commencer à parler.

- Si vous le souhaitez, je vous entrainerai lorsque vous siègerez à Cœur-Ébène. De nombreux maîtres d'armes en seraient capable, mais je tiens à vérifier moi même vos progrès pour mieux vous accompagner. Après tout, Kaelinn m'en voudrait s'il vous arriverait quoique ce soit à cause d'un manque de savoir martial. Il étira un léger sourire, tandis qu'il laissait quelques pions se faire prendre volontairement. Dites moi Ellana... comment vous sentez-vous, vis à vis de votre première mission à nos côtés demain?

Il déplaça son cavalier, venant prendre le fou de l'elfe et s'exposant volontairement à une capture de ce dernier par sa reine. Tout le long, il écouta l'elfe exprimer ses potentielles inquiétudes, ou bien botter en touche comme si tout allait pour le mieux.

- Tout ira bien. Une pause, puis il reprit. Vous savez, je repense à ce que vous m'avez dit hier. Sur la guerre des titans. Et sur les cultistes. Ces êtres déraisonnés et fous dont vous parliez. J'ai vu leurs espoirs s'éteindre lorsque nous brûlions leurs fortins. J'ai vu la terreur dans leur regard lorsque mes lames venaient les faucher. Mais malgré nos victoires, je voyais tout de même des frères et des sœurs tomber. Des villes s'effondrer face à la maladie et la mort. Alors. Croyez-moi. Je connais ce sentiment qui vous a forcé à participer à la Peste Obscure. Car c'est cette même sensation qui me donne la rage de combattre avec autant de véhémence les forces des titans. Il étira un léger sourire, capturant l'une de ses tours. Mais ne vous laissez pas embarquer dans des folies par prétexte d'une quelconque vengeance ou rage dirigeant vos pas. On a toute une vie pour chasser ses propres démons. Même si, parfois, nous sommes ceux les ayant crées.

Le regard du vampire quitta alors le tableau de jeu pour venir se poser doucement sur les traits de l'elfe blonde. Puis, dans un sourire léger et presque masqué, le reikois reprit la parole.

- Parlez-moi un peu de vous, Ellana. De la raison qui vous pousse à vous occuper des animaux. De votre passé, notamment à Drakstraang. J'ai l'impression d'avoir parfois quitté l'université juste hier. Quand bien même cela fait des années. Et, surtout, dîtes moi Ellana. Dites moi si vous aimez ce que vous faites.

Il écouta ses réponses de manière sincère. Tout en continuant de bouger ses pièces une à une, guidant inconsciemment l'elfe vers une situation particulière. Lui qui avait passé tant de temps à pratiquer les échecs avec Alasker, connaissait un nombre de mouvements beaucoup trop important. Puis, lorsqu'Ellana termina de parler, le chevalier laissa un doux sourire glisser sur ses lèvres.

- Echec et mat. Il ricana doucement, replaçant toutes les pièces sur le plateau. Je vous remercie pour avoir accepté de me raconter tout cela. Et pour la partie. Si vous le désirez, je répondrai à vos questions. Ne vous demandez pas si cela est correct ou non. Demandez moi simplement. Puis, si rien ne vous intéresse, alors vous pouvez aller manger. Je vous attendrai ici, pour la suite.

Et tandis qu'il venait de nouveau fixer ses traits de ses yeux bicolores, le vampire se contenta d'attendre sa réponse.

Ouvrant la porte sur les quartiers du dirigeant, Ellana posa directement son regard sur l'homme qui faisait face à la fenêtre, se pivotant légèrement à l'arrivée de celle-ci. Elle examina un instant les lieux en le survolant du regard, sans pour autant faire preuve d'une curiosité déplacée avant de rejoindre la place qu'on l'invitait à prendre, devant une petite table à la surface amovible, refermée sur elle-même. Elle observa la table qui se révélait à elle alors que l'officier la dépliait, un damier d'échec. Ellana esquissa un sourire. Alors qu'on lui posait la fameuse question, elle releva son regard vers les yeux vairons.

"Bien sûr, je m'y pratiquais souvent à Drakstrang. Cela fait un moment cela dit mais je suis une amatrice de ce genre de jeu."

Elle écouta le développement du plan de cette fin de journée avant d'acquiescer. Lorsqu'on lui tendit les deux reines respectives, proposant le choix de la couleur, Ellana attrapa la noire avant de faire pivoter le plateau, amenant ainsi le jeu des pions noirs de son côté.

"Je vous laisse commencer."

Elle lui laissa le privilège de débuter la partie, non pas par hiérarchie ou on ne sait quelle raison d'étiquettes, mais par simple défi, laissant l'avantage au premier de se faire plus offensif alors qu'elle devrait répondre par la défensive jusqu'à relever l'obstacle du désavantage. Les premiers pions se placèrent, assez calme, l'elfe dégageait le passage pour laisser à ses pièces pertinentes la possibilité de se mouvoir. Elle leva les yeux du plateau lorsque le dirigeant se proposa en tant que son tuteur martial, quelque peu surprise. Se mettant à réfléchir et à anticiper ses futurs entraînements, elle se fit moins concentrée sur la partie qui se jouait et prenait bêtement les pions qui lui étaient offerts, rien de très fatal pour l'instant certes, permettant même à des pièces plus importantes d'être plus tranquilles, mais des coups perdus pour pas grand chose tout de même.

"Beaucoup d'appréhension. Je verrais bien en temps voulu, en fonction de la situation mais je ne peux m'empêcher de craindre d'être dépassée par les évènements, me forçant à posséder le moindre semblant de contrôle, même si, j'en suis bien consciente, finirait par me desservir. Je ne crains pas la mission qui m'est donné, seulement mes compétences vis à vis de celle-ci."

Elle fit part de ses doutes tout en restant concentrée sur la partie, voyant bien le piège qu'on lui tendait. Si ses propos étaient fidèles à ses actes, elle aurait sauté sur le cavalier qui menaçait sa reine, éliminant tout soupçon de contrôle adverse. Mais elle avait commencé par la défensive, alors l'offensive pouvait attendre. Étant consciente des coups futurs, capturer son cavalier l'aurait finalement amené à un gambit qui l'aurait grandement désavantagé et aurait mit fin à la partie en quatre coups. Évitant ce piège grotesque, elle esquissa un nouveau sourire avant de reposer ses yeux sur le dirigeant qui, de par ses propos, l'extirpa de son jeu. Elle médita un instant sur ces mots profond, tout en se faisant lâchement capturé sa tour d'un mouvement qu'elle avait sacrifié en sauvant sa reine.

"Je comprends mais, bien que je sois alimenté de cette même rage, je ne pense pas non plus être insensé. Enfin, je l'espère. Pour ce qui est de nos démons, tout comme des animaux sauvages et violents, je ne pense pas qu'il y ai nécessité de les chasser mais plutôt, de les dompter. Parfois les démons sont notre seule option pour avancer."

Elle lâcha un rire, tout en commençant sa première offensive par son fou restant, glissant sur les cases noires.

"Après tout, ma présence ici en est un exemple. Même s'il aurait été préférable qu'il se soit présenté en laisse."

Elle gloussa en regardant de nouveau le plateau, faisant un état de la situation. Plutôt égale, elle reprenait l'avantage de forcer son adversaire sur la défensive, développant le reste de ses pièces sur le damier, préparant petit à petit un piège autour du roi adverse. Elle échappa un petit soupir tout en réfléchissant, autant sur la partie que ce qu'elle aurait à révéler.

"Hmm... Pour commencer, si je suis aujourd'hui vétérinaire, c'est qu'en plus d'apprécier grandement les animaux, j'y trouve une certaine psychologie plus instinctive chez eux et aisée à déceler. Ce qui me permet d'ailleurs de revisiter des situations en comparant les réactions animales. Par exemple, ce qui paraît compliqué dans les actions et réactions de l'homme se révèlent relativement primaire, axé sur une émotion ou un besoin des plus simples, après tout, nous sommes des animaux en soit."

Elle mit un temps à bouger une pièce, se perdant dans ses explications, elle secoua la tête et reprit en résumant sur une touche d'humour.

"Enfin, mon domaine est la médecine, si je m'occupe des animaux c'est principalement parce que c'est plus manipulable et moins pénible que de faire face à des êtres qui seraient prêts à me détruire les côtes sous la souffrance."

Elle esquissa un sourire, repensant à un souvenir de guerre, Dimitri, celui dont elle n'avait pas connaissance de l'identité à l'époque, avait manqué de la blesser à maintes reprises seulement parce qu'il ne supportait pas la douleur. Et encore, c'était un cas parmi tant d'autres.

"Peut-être ai-je été influencé par mes parents très sûrement, entre une mère herboriste guérisseuse et un père érudit, touchant à tous les domaine. J'ai bien vite terminé dans les couloirs de Drakstrang, suivant les pas de mes prédécesseurs, avide de savoir et emplit de curiosité."

Elle avança un de ses pions, capturant le fou blanc mal placé.

"Une curiosité exacerbée, je dois l'avouer, dépassant la limite de l'indiscrétion, si je dois être honnête. Enfin bref, mes études n'ont pas été des plus palpitantes à conter même si elles se sont déroulées dans la plus prestigieuse des écoles."

Elle observa son piège qui se refermait petit à petit sur le roi blanc qui avait déjà dû se déplacer deux fois de suite. Méditant également sur la question de sa satisfaction.

"Je ne sais pas, j'ai toujours suivit le fil qui m'était tendu. Relativement tranquille certes, mais je dois avouer que je ne me suis jamais sentie aussi vivante dans les périodes les plus difficiles, comme la guerre, la peste obscure, ma convocation chez les Serres..."

Elle leva son regard vers le dirigeant, esquissant un sourire malicieux en classifiant sa venue à la forteresse comme une étape éprouvante.

"J'agis et je ne cherche qu'à m'améliorer sans jamais trouver la satisfaction que ce ne soit assez. J'ai beau en avoir conscience, je ne veux pas en démordre. Persuadée que reconnaître mes capacités m’amènera indéniablement à me reposer sur mes acquis, ce que je ne souhaite pas."

Ça y est, en trois coups et elle battait son adversaire. Confiante, c'est en effectuant le premier de ces derniers, qu'elle plongea son regard dans les yeux vairons.

"Et vous, si ce n'est pas indiscret ? On dit beaucoup de choses sur vous, mais à défaut d'avoir un rapport à consulter, je ne sais presque rien sur mon supérieur. Si ce n'est les faits publics comme votre combat contre l'empereur, par exemple. En revanche, je suis également bien curieuse sur cette malédict..."

Elle s'arrêta, remarquant sa position de défaite. Il y eut un silence, brisé par la phrase mettant fin à la partie. Alors qu'elle s'était concentré à abattre son adverse une fois qu'elle avait dépassé l'étape de la défensive, elle en avait oublié de protéger ses arrières. Se mordant le coin des joues, elle resta silencieuse avant de répondre au dirigeant, le fixant d'abord de ses yeux noisettes, l'on put deviner sa demande avant même qu'elle ne l'énonce.

"Est-ce que je peux avoir une revanche ?"

Ainsi, elle eut en réponse un sourire et les pièces qui se remettaient en place. Ils reprendraient une nouvelle partie, cette fois-ci sur les réponses et le développement du passé de l'officier, qui lui, ne se déconcentrait pas tant en jouant ses pièces. Ellana opta pour une nouvelle ouverture, une nouvelle méthode, faisant en fonction du jeu des pièces blanches, répondant toujours sur la défensive, tel était le début des pièces noires et se faisant cette fois-ci plus attentive et minutieuse. Ne laissant rien au hasard. Cependant, cela ne l'empêcherait pas de perdre face à son adversaire qui lui, jouait très sûrement plus souvent qu'elle.

En fonction du résultat de cette partie, elle s'obstinerait sûrement, voulant recommencer jusqu'à ce qu'elle gagne une manche. Mais ne voulant déranger plus longtemps le dirigeant, elle finirait par se contraindre de remettre cela à une prochaine fois, sinon, elle ne quitterait jamais ces quartiers.