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  • Jeu 4 Jan - 18:44


    Dans la pénombre, le son du métal frappant contre la pierre se fit entendre. Le bruit se réverbéra, se muant bien vite en un écho dénué de source qui vint s'ajouter à la symphonie de la vie nocturne. Bien loin des sentiers pavés et des resplendissants établissements faisant la renommée de la cité plurimillénaire, des silhouettes drapées d'ombre se faufilaient dans les boyaux de la basse-ville comme d'étranges fantômes se livrant secrètement à une curieuse procession. Alignées les unes derrière les autres, les figures mystérieuses portaient toutes dans leurs mains des objets voilés par d'épais tissus que maintenaient des sangles marquées de sigles reconnaissables entre mille.

    Les silencieux porteurs de cette cargaison tenaient apparemment à jouir de l'obscurité pour évoluer sans attirer l'œil des badauds et curieux mais les discrètes armoiries qu'ils arboraient à l'épaule conféraient tout de même aux éventuels observateurs un indice quant à la nature de leur approvisionnement. Tous porteurs du visage gravé de l'emblématique chouette républicaine, les guerriers participaient à l'effort républicain mais leurs objectifs quelque peu détournés rendaient nécessaire une discrétion que beaucoup auraient jugée suspecte. L'homme en tête de file s'approcha d'un vieil entrepôt qui ne payait pas de mine et, après s'être penché contre la porte de ce dernier, il plaqua momentanément son oreille contre le bois puis, après un bref instant d'analayse, il toqua à six reprises en usant d'un rythme faisant office de code pour ceux qui se trouvaient à l'intérieur.

    Un verrou claqua et la porte s'ouvrit pour révéler un nouveau soldat apprêté de la même façon que ses congénères. L'homme en charge de la surveillance sortit la tête des ténèbres pour inspecter la ruelle puis fit signe à ses comparses d'entrer. Hochant la tête, le chef d'expédition pénétra en premier, suivi de près par ses pairs. On referma la porte avec soin et les chaînettes furent replacées les unes après les autres pour restreindre l'accès au lieu empli de secrets.

    Si les lieux n'étaient pas franchement plus sympathiques que ne l'étaient les boyaux sinueux des bas-quartiers, il était évident au demeurant qu'ils avaient été aménagés depuis au moins quelques mois, et non laissés à l'abandon comme pouvait le laisser supposer les murs extérieurs. L'apparente usure des parois externes n'était en définitive qu'un camouflage visant à éviter d'attirer l'attention sur les activités pratiquées au cœur de cet étrange donjon. La porte blindée permettait d'isoler les sons produits ici et fort heureusement d'ailleurs, car ils étaient légion. Scies à bois, maillets, forges miniatures reliées à de longs réseaux d'évacuation et autres ustensiles de taille respectable, le bâtiment était peuplé d'innombrables chercheurs et ouvriers républicains travaillant nuit et jour en se relayant les uns les autres. Empestant les substances alchimiques et le soufre à plein nez, l'endroit mystérieux était baigné dans une constante chaleur rendue confortable par les dimensions des pièces, mais nul doute qu'il fonctionnait sans interruption.

    Puis, au centre de tout, il y avait l'individu pour lequel tout avait été orchestré avec tant de précautions. On le nommait Premier-né, Mortifère ou encore cerbère. Une chose était sûre, il incarnait à lui seul le renouveau scientifique d'une nation. Il faisait l'objet en ces temps troublés de débats houleux trouvant leurs racines dans des considérations éthiques que les puissants n'avaient de cesse de bafouer ou d'arranger à leur sauce, mais il était bel et bien là, tapi dans l'ombre depuis tout ce temps. Equipé d'un seul de ses bras prosthétiques, Abraham était installé sur un brancard métallique sur lequel avait été posé un petit drap gris et observait avec son œil altéré par magie les modifications qu'appliquaient les siens à son enveloppe d'acier. Tournant la tête lorsqu'il entendit des pas dans son dos, il accueillit d'un regard absent les Ecuyers qui venaient tout juste de déposer là les caisses de matériaux manquantes, avant de se repencher sur la tâche en cours.

    "Messire, veuillez rester tranquille."

    "Mille excuses, Dame Oberon. Loin de moi l'idée de vous perturber."

    L'autoritaire demoiselle, une elfe au teint mat et au regard sévère, était l'une des chercheuses à la tête des projets d'amélioration que supervisaient de loin le maître incontesté des opérations : le Docteur lui-même. Dotée de facultés télékinétiques avancées et d'une maitrise de la foudre particulièrement impressionnante, elle était naturellement devenu un élément de choix pour tout besoin d'amélioration des talents du cerbère. Jouant mentalement avec ses innombrables outils, elle piquait l'épiderme du monstre avec une précision chirurgicale, appliquant ça et là des points de pression tout en injectant dans la chair du militaire des substances aux obscures propriétés. Ce dernier, rendu presque imperméable à d'aussi fébriles douleurs par les tourments qu'il avait subi, ne sourcillait qu'à peine lorsque la magie s'insinuait en lui goutte par goutte.

    Avec nonchalance, il accorda au haut-plafond un regard désintéressé et réalisa alors que l'une des hautes fenêtres avait été laissée ouverte, sans doute par inadvertance. Pointant l'ouverture du menton, il marmonna sans conviction :

    "Fermez-ça."
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    Seraphin du Razkaal
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  • Sam 6 Jan - 15:52
     
    Journal du Limier
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    Perché sur les poutres sombres de l'entrepôt, le Fraternitas, tel un spectre de la nuit, observe la scène se dérouler sous ses yeux. Dans l'obscurité, ses prunelles dorées de loup luisent d'une lumière étrange, contrastant avec l'ombre qui enveloppe sa silhouette. Il est le témoin silencieux d'un spectacle macabre : la transformation de Mortifère, le produit d'une science sans âme, d'une magie débridée.

    Les murmures de Cabale et d'Envie, tels des serpents sifflant à ses oreilles, infusent leur venin dans son esprit.

    "Ça aurait dû être toi à sa place..."

    ... disent-ils, une litanie amère qui résonne dans le cœur du Limier.

    "Ça aurait dû être moi à sa place..."

    ... répétait la marionnette.

    "Pourquoi Zelevas ne t'a pas choisi ?"

    "Pourquoi Zelevas ne m'a pas choisi ?"


    ...

    "Pour lui, tu n'es qu'un pion.
    C'est Mortifère son vrai projet."

    "Pour lui, je ne suis qu'un pion.
    C'est Mor-...

    Ses propres mots, échos de ses voix internes, se perdent dans les ténèbres, portés par une brise invisible.

    Le traqueur se déplace alors avec une grâce spectrale, un souffle dans la nuit, passant d'une poutre à l'autre, jusqu'à se retrouver au-dessus du cobaye, son regard fixé sur le sien. Ce titan d'acier et de chair, est une énigme vivante, une question sans réponse. Dans cette salle, où la science et la sorcellerie se mêlent en une danse macabre, Seraphin reste un observateur invisible, son âme en proie à un tumulte intérieur. Les chaînes de la jalousie, de la trahison ressentie, l'enserrent, tandis que la figure de Mortifère symbolise tout ce qu'il n'est pas, tout ce qu'il aurait pu être.

    Et tandis que les expériences semblaient continuer, Seraphin lui demeure dans son perchoir secret, témoin d'une scène qui nourrit son désir de vengeance, de reconnaissance. Les murmures de ses démons, tels des échos d'une rancune ancienne, ne cessent de le tourmenter, de lui rappeler sa place dans l'ombre de ce colosse de métal. En réponse à ses tourments, à ses maux, c'est sur l'être qu'il dévisageait qu'il noyait son ire.

    "Tu es pitoyable... Quand le comprendras-tu seulement ?" murmurait-il, une phrase chargée de mépris, de jalousie, qui n'avait pas pour intention de saisir ses oreilles, mais peut-être bien son âme.


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  • Sam 6 Jan - 19:11
    Entre deux bruissements spongieux de pointes enfoncées à la base de sa colonne vertébrale par des pistons télékinétiques, Mortifère entendit un diabolique murmure provenir des ténèbres qui le surplombaient. Il n'accorda pas un geste, pas un même un regard en direction de ce son parasite qui agressait ses tympans malgré sa légèreté. Les yeux du soldat mécanisé balayèrent la pièce à la recherche de quelque chose. Y avait-il un être ici aux sens suffisamment affutés pour avoir pu entendre ce signe trahissant la présence d'un intrus ? La lentille vogua, s'ajustant sur les figures masquées des Ecuyers Noirs et chercheurs, cherchant dans leur langage corporel un élément prouvant qu'ils avaient été témoins de quelque chose. A sa grande déception, il constata que nul ne semblait réagir à l'hostile présence qui venait tout juste de se révéler. Même eux, fervents défenseurs de la République, s'octroyaient parfois le luxe de se prélasser dans le palais intérieur de leurs pensées. Concentrés sur leurs petites vies personnelles, loin de leur devoir, trop occupés à réfléchir à leur lendemain au détriment de l'effort collectif.

    Cela rendait le cerbère malade, rien que d'y penser.

    Mortifère savait pertinemment quel genre de fauve lorgnait depuis les hauteurs et pouvait sentir jusqu'ici la volonté qu'avait cet être cauchemardesque de refermer ses crocs monstrueux sur la gorge de l'homme-machine qu'il était devenu. Alors qu'il se dégoutait à constater le manque total de professionnalisme de ses pairs, il fut ramené à la réalité par la main glacée de Dame Oberon, qui vint le saisir à l'épaule tout en se penchant vers lui pour lui susurrer quelques mots à l'oreille :

    "Encore une dernière piqure, Mortifère. Vous pourrez ensuite accueillir le nouveau-venu comme il se doit."

    Un fébrile sourire fendit les lèvres de la chimère mécanisée. Les rouages s'actionnèrent doucement dans les muscles artificiels de son impeccable prothèse. Finalement, certaines étaient dotés de son esprit d'anticipation et de ses facultés d'analyse. Comme elle l'avait été annoncée, la douleur s'insinua à nouveau en lui lorsqu'une ultime fois, le dard vint se planter dans le bas de son dos, injectant un produit alchimique supposé renforcer ses capacités déjà extraordinaires. Les effets, aussi instantanés que puissants, contractèrent ses nerfs en le contraignant à un furtif grognement qu'il se garda bien de laisser devenir trop bruyant. En la présence de cet intrus, chaque signe de faiblesse était à proscrire. Une série de petites tape sur ses omoplates confirma la conclusion de l'examen et le géant soupira brièvement avant de sauter de son perchoir.

    Se tenant fier et droit, il pivota légèrement pour orienter le socle vide ornant son flanc en direction de la seconde prothèse, celle qui venait de subir quelques modifications sur le comptoir adjacent. Les cheveux noirs de la créature s'élevèrent doucement alors que la télékinésie faisait son œuvre et dans un violent bourdonnement, le bras de métal fut aimanté au corps de son porteur par magie, s'imbriquant avec brutalité dans son support et rendant ainsi au monstre de fer l'entièreté de ses facultés. L'un des Ecuyers noirs s'approcha de Mortifère et lui tendit son manteau de cuir mais le soldat mécanisé refusa étrangement d'un courtois geste de main. Son invité avait assez attendu.

    Avec lenteur et mesure, le géant leva la tête tandis que sa lentille ajustable cherchait à effectuer une mise au point sur la silhouette du loup. Il ne le voyait pas, cet habile assassin qu'était le Prévot, mais il ressentait sa présence par pur instinct. Si Séraphin s'était donné la peine de pister ses hommes et de le suivre jusqu'à ce relai, il avait sans doute davantage à dire qu'une simple invective marmonnée entre ses dents. De sa voix rauque et métallique, Mortifère annonça :

    "Votre visite m'enchante, messire. Que nous vaut ce privilège ? Etes-vous venu superviser les travaux au nom de notre... ami commun ?"

    Intrigués par la subite prise de parole de Mortifère, scientifiques et ouvriers cessèrent d'œuvrer et chacun s'immobilisa pour venir fixer le Premier-Né.
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  • Sam 6 Jan - 19:52
     
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    Dans l'ombre dense du plafond, le nobliau observait la scène se déroulant en contrebas avec une froideur détachée. Le soldat mécanisé, Mortifère, recevait des injections et des ajustements, transformé en une sorte de monstre de fer et de chair. Les murmures de Cabale et Envie s'infiltraient dans son esprit, avivant la jalousie et la rancœur qu'il nourrissait à l'égard de Mortifère, l'envoyé de Zelevas. Ces mots amers le poussaient vers une confrontation, un affrontement silencieux avec l'homme qu'il aurait dû être. Soudain, Mortifère tournait son œil illuminé vers lui, comme s'il ressentait sa présence invisible. Le murmure méprisant de Seraphin s'était perdu dans l'immensité de l'entrepôt. C'était un jugement amer, un reflet de la lutte intérieure que Seraphin endurait. Tel un fantôme émergeant des ténèbres, l'ombre glissait silencieusement du plafond. Sa descente, élégante et fantomatique, était une danse macabre, où sa cape noire s'épanouissait comme les ailes d'un corbeau. L'atterrissage était un murmure, un souffle presque impalpable contre le sol dur de l'entrepôt.

    L'ambiance, initialement marquée par le cliquetis des machines et les murmures des scientifiques, se teinta soudain d'une tension palpable. Les regards se déplaçaient, suivant la silhouette sombre du Limier, qui, d'un pas mesuré et calculé, s'approchait de Mortifère. "Vous savez qui je suis... Continuez votre travail", déclara-t-il calmement, laissant son identité comme un argument d'autorité.

    Chaque pas du Limier semblait peser de tout le poids de ses tourments intérieurs, chaque mouvement imprégné d'une grâce inquiétante.

    L'ombre de Mortifère, projetée par la lumière vacillante des torches, enveloppait le Fraternitas, créant un contraste saisissant entre la monstruosité mécanique et l'homme de l'ombre. Indifférent à l'imposante stature de son vis-à-vis, il levait son regard vers lui, ses yeux scintillant d'une lueur dorée, presque surnaturelle, reflet de l'animalité qui sommeillait en lui.

    "Non, Mortifère, notre ami commun ne m'envoie pas. Je suis ici de ma propre initiative." Sa voix, douce et tranchante comme la lame d'un poignard, portait un message clair : une présence non sollicitée, mais non moins significative.

    Seraphin, scrutant Mortifère, semblait étudier un tableau complexe et perturbant, où la science et la sorcellerie s'entrelaçaient pour créer une œuvre à la fois magnifique et terrifiante. Chaque implant, chaque cicatrice sur le corps de Mortifère, racontait une histoire de douleur et de transformation, un poème écrit dans la chair et le métal.

    "Que crois-tu que "tout cela" change en vérité ? Tu es et tu restes un demi-homme, Mortifère, un outil dans les mains de ceux qui ne voient en toi qu'une arme." L'intonation du possédé était un mélange de mépris et de mélancolie, une symphonie d'émotions contradictoires qui résonnait dans l'espace confiné de l'entrepôt.

    Dans son dos, la cape du vendeur de l'ombre flottait légèrement, animée par un courant d'air imperceptible, comme si même les éléments se joignaient à cette confrontation silencieuse entre deux êtres que tout opposait, mais que le destin avait inexorablement liés.


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  • Sam 6 Jan - 21:34
    "Charmant."

    Ca ne l'était pas, mais les obligations de Mortifère le poussaient à se comporter d'une façon relativement convenable en présence du fauve aliéné qu'on lui avait désigné comme supposé allié. Les allégeances de Séraphin vis-à-vis de la République avaient été pour Mortifère un sujet de longue et pénible réflexion et traiter avec l'évidente folie de ce dernier était une tâche lassante et particulièrement complexe. Si Palladium possédait beaucoup de détracteurs, des êtres louchant sur le bout de leur truffe plutôt que de se tourner vers l'avenir, Séraphin méprisait le cerbère mécanisé pour des raisons encore jamais évoquées.

    Les Ecuyers noirs, tout aussi fidèles à Abraham qu'ils l'étaient envers le Prévot lui-même, ne surent pas immédiatement comment réagir face à l'ordre dispensé froidement par le mystérieux lycanthrope. Il suffit d'un geste de main que Mortifère offrit en signe d'apaisement pour qu'ils se mettent d'accord et parviennent à écarter ce début de conflit hiérarchique. Chaque travailleur retourna à la besogne que l'on leur assigné et Mortifère put enfin se centrer entièrement sur l'objet de la visite du Limier aux yeux d'ambre.

    "Votre visite reste appréciée. Je ne vous savais pas si soucieux de mon bien-être."

    Une provocation à peine dissimulée car Mortifère savait bien à quel point le loup pouvait le mépriser. Trop fier du succès écrasant de sa métamorphose pour se sentir injurié par un fauve aussi réprouvé et publiquement calomnié que l'était le Prévot, Mortifère se sentait dans cette interaction en plein contrôle de la situation. Dame Oberon, visiblement très peu intéressée par la conversation envenimée qui prenait place au centre du relai, décida quant à elle de rassembler ses nombreux ustensiles avant de gratifier le géant d'acier, puis le Limier lui-même, d'une humble et silencieuse salutation. Elle prit congé sans mot dire et retourna à ses quartiers, l'écho de ses talons frappant la pierre se réverbéra longtemps après son passage. L'inévitable joute verbale qu'avait vu venir le soldat s'entama et, non sans lever les yeux au ciel, Mortifère répondit à l'attaque portée par le loup :

    "Séraphin, par pitié, épargnez-moi cela..."

    Le monstre tendit son bras démesuré de côté, inspectant la magnificence de ses excroissances métalliques en jouant volontairement avec les complexes séries de rouages et d'articulations multiples, ce afin d'impressionner Séraphin. Comment pouvait-il décemment croire qu'il rivalisait avec un tel progrès, lui qui n'était doté que d'un corps malade habité par une bête qu'il peinait toujours autant à contrôler. Il n'avait même pas la décence de ne s'accommoder que d'une seule psyché et avait l'ingratitude inadmissible de se détourner des principes de son oncle. Aux yeux de Mortifère, c'était nauséabond en tous points. S'il réprimait son dégoût avec habileté, Mortifère ne se gardait pas de le démontrer derrière ce masque de courtoisie et de faux-semblants qu'il arborait par esprit de moquerie :

    "Un demi-homme, dites-vous ? Quelle chance que nous soyons dans le même camp, dans ce cas... A nous deux, nous en formons un entier."

    Il sourit, faisant bien évidemment allusion à la part bestiale qui grignotait le corps et l'esprit de son vis-à-vis. Heureusement pour Séraphin, Mortifère ne savait rien des Démons qui s'arrachaient les quelques parcelles encore utilisables de son cerveau morcelé. Le loup suffisait bien à alimenter les moqueries, de toute manière. Abaissant son bras monstrueux et recentrant son regard sur celui du lycan, Mortifère ajouta avec une ferveur audible :

    "Vous perdez votre temps en vous aventurant sur cette voie, Séraphin. Je considère l'humanité comme une faille et non pas un trésor. Vous pensez réellement que je regrette ce que j'ai perdu, cher ami ? Diable, si je pouvais me défaire entièrement de ma peau et de mes os, je le ferais sur le champ."

    Il savait lui-même que ce n'était qu'une vérité partielle. Il chérissait toujours une part de ses sentiments et de son âme mais à chaque fois que son semblant d'humanité revenait à la charge, cela se soldait par d'innombrables désagréments. Ce qu'il souhait plus que tout, justement, était de se défaire de ce sentiment de perte de soi. Il voulait devenir le monstre et laisser derrière lui l'homme, sans pour autant parvenir à s'y résoudre entièrement.

    "J'ai fait le choix de devenir un monstre, Séraphin. Je le fais par conviction et par amour pour mon pays natal. L'instrument, c'est vous. Vous n'avez pris de votre naissance jusqu'à aujourd'hui aucune décision véritable. Même maintenant, votre présence en ce lieu est sans doute tolérée et vous le savez vous-même. Vous êtes et vous resterez incapable de vous révolter. Le Sénateur vous accorde encore un semblant d'affection par tendresse, mais il ne tardera pas à comprendre que je suis ce qu'il a voulu faire de vous."

    Son sourire s'agrandit et un ricanement mauvais lui échappa.
    Je suis son véritable fils, voilà ce qu'il sous-entendait.
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  • Sam 6 Jan - 22:00
     
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    Dans l'obscurité de l'entrepôt, une tension palpable s'insinuait entre les ombres, où Seraphin, tel un spectre hantant les lieux, faisait face à Mortifère. L'air était chargé d'une électricité presque tangible, chaque mot prononcé par le Limier tranchant l'atmosphère comme la lame d'un poignard.

    Avec une élégance féline, il s'avançait vers Mortifère, un pas calculé après l'autre, ses yeux brillant d'une colère froide et calculée. "Tu te berces d'illusions pathétiques," commença-t-il, sa voix pleine de mépris. "Dans cette parure de métal et de sortilèges, tu n'es qu'une caricature grotesque de ce que tu prétends être."

    Chaque mot était un poison distillé, une flèche empoisonnée destinée à atteindre l'âme de son adversaire. Le Limier tournait autour de Mortifère, comme un prédateur évaluant sa proie, son regard perçant scrutant chaque faille, chaque fissure dans l'armure du géant mécanisé.

    "Regarde-toi, l'ombre d'un homme, une expérience malheureuse," cracha-t-il, son ton montant en intensité, empli de sarcasme cruel. "Parle-moi de choix, mais quel choix as-tu fait ? Te laisser déformer et manipuler, réduit à l'état de jouet brisé."

    Son dédain était palpable, une lame tranchante dans l'air lourd de l'entrepôt. "Tu te crois un monstre, mais tu n'es qu'un échec, un simulacre de ce que tu aurais pu être."

    Le Fraternitas se rapprocha, son visage à une distance dangereusement proche de celui de Mortifère, ses yeux brillant d'une lueur sauvage et provocatrice. "Tu parles de supériorité ? Tu n'es qu'une contrefaçon, un pastiche. Un tueur, ça se forge dans la réalité, pas dans un laboratoire de magie et de métal."

    Il y avait dans sa voix un mélange de défi et de mépris. "Tu te prends pour le fils choisi, mais tu n'es qu'une note dans le grand livre de Zelevas. Tu ne seras jamais égal à ce que je suis."

    Ses mots étaient un grondement, presque un rugissement animal. "Tu te pâmes de rébellion, mais tu n'es que le pantin d'un système que tu prétends défier."

    Seraphin recula ensuite, son expression passant de la fureur à une froide indifférence, tournant le dos à Mortifère, laissant derrière lui un silence lourd de non-dits.


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  • Dim 7 Jan - 0:17
    Les injures se multiplièrent et les plus prudents des Ecuyers s'éloignèrent des deux monstres entre lesquels régnait désormais une tension grimpante. Le sourire de Mortifère s'effaça légèrement lorsque son interlocuteur le qualifia d'échec. Il était hors de question de laisser cet ignoble mensonge être admis plus longtemps mais puisque Séraphin s'était lancé dans une nouvelle salve de poison verbal, le cerbère tâcha de faire preuve de retenue pour donner l'impression malgré son échauffement qu'il se détachait des mots qui lui étaient adressés. Après tous ses efforts, après ses innombrables sacrifices, être ainsi dépeint comme une grotesque aberration avait de quoi frustrer, surtout lorsque de telles infamies sortaient de la gueule d'un Prévot.

    Séraphin tourna le dos au chien de garde mécanisé et l'espace d'un instant, Mortifère envisagea de profiter de cette inattention pour se jeter sur le lycanthrope. Se voyant déjà refermer ses serres sur la gorge du loup à l'esprit malade, il manqua de peu de laisser ses bas instincts de revanche l'emporter sur son habituelle froideur. Se dissocier de lui-même, pourtant, était l'un des talents qu'Abraham était parvenu à parfaire au fil des traumatisantes expériences qu'il avait subi au sein du laboratoire du Docteur. Les claquements nerveux de ses articulations métalliques s'apaisèrent à l'unisson puis, avec une contenance vaguement retrouvée, il s'adressa à celui qui avait fait volte-face en s'élisant vainqueur de la bataille des mots.

    "J'ai arraché à Zelevas une larme de joie. C'est avec une émotion difficilement contenue qu'il m'a félicité lorsque je suis venu à bout des obstacles qu'il avait dressé pour me tester. Etre témoin de mes victoires l'a davantage comblé en une seule soirée que ce que tu as pu accomplir durant ta trop longue carrière. Tu n'es pour lui qu'une intarissable source d'angoisses et de questionnements, Séraphin. S'il peut à nouveau fermer l'œil la nuit sans avoir à s'assommer au bourbon, c'est parce que JE suis là pour y veiller."

    Le masque avait craquelé. Il l'avait senti. Son ton s'était fait aussi venimeux que celui de l'enfant du Razkaal et son grossier tutoiement s'était imposé tout naturellement, éliminant les manières illusoires qu'on lui avait durement enseigné. Malgré ses tentatives de contenir entièrement son émotion suite aux assauts du loup, Mortifère avait partiellement cédé à la tentation de tomber dans son jeu pervers. Il s'avança d'un pas, faisant claquer fortement les rouages et mécanismes de son corps rendu blasphématoire, puis pointa son propre torse de ce doigt crochu qui n'était pas tout à fait le sien, avant de reprendre avec toujours plus d'agacement :

    "Je ne défie pas le système, Séraphin, je SUIS le système ! J'incarne l'évolution d'une grandiose nation que la stagnation tuerait à petit feu ! Ne prétend pas savoir ce que j'ai vécu au sein du laboratoire qui m'a vu renaître. J'ai été témoin et acteur de plus d'horreurs que tu ne peux l'imaginer ! J'ai été jeté dans des fosses peuplées des charognes de mes confrères, j'ai été découpé comme un porc et j'ai combattu des aberrations plus chimériques encore que les engeances des Titans. On a fragmenté mon âme, on m'a brisé le crâne pour y faire entrer des images que je n'avais jamais vu de mes yeux. Le mal, je l'ai connu. Il n'est pas dans cette sordide prison que tu gardes, imbécile !"

    Son souffle s'était fait court et bruyant, ses cheveux noir de jais s'étaient ébouriffés quand l'émotion s'était emparée de lui. Il jeta un coup d'œil autour de lui pour croiser occasionnellement le regard des hommes chargés de l'entretien des lieux. Ces révélations qu'il venait de faire ne devait pas tomber dans n'importe quelles oreilles. Les yeux fuyants traduisaient une inaliénable vérité : il n'y avait ici que de la crainte, pas une once de respect. Séraphin, de toute évidence, avait gagné du terrain.

    "Et pourtant, j'ai survécu. J'ai fait face à l'ignoble, j'ai battu l'invincible. Je suis le seul, l'unique. Je suis le Premier-Né, le vrai. Tu peux te donner de grands airs, mais tu sais tout aussi bien que moi que tu as parcouru ce chemin non pas pour m'humilier, mais parce que tu attends quelque chose de moi..."

    Silence, aussi pesant qu'inadmissible. Mortifère tapa du pied et contre toute attente, l'impact fut tel que le sol se fractura sous sa botte.

    "Alors fais-moi face et dis-le Séraphin ! D'où te vient cette haine, si ce n'est de la jalousie que tu réprimes ?"
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  • Dim 7 Jan - 1:23
     
    Journal du Limier
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    La tension dans la pièce était palpable, un orage de colère et de rancœur grondant entre les deux êtres. Le Limier, dont les yeux brillaient d'une lueur dorée, se tenait face à Mortifère, le monstre d'acier et de magie, la rage bouillonnant dans ses veines.

    Avec chaque parole, chaque accusation lancée par le colosse mécanique, le loup de l'ombre se raidissait davantage, ses muscles se tendant comme les cordes d'un arc prêt à décocher sa flèche. Les mots de Mortifère résonnaient dans la pièce, mais le Limier, loin de se recroqueviller sous leur poids, semblait les absorber, les transformer en carburant pour alimenter sa fureur.

    "Tu oses me parler de jalousie, Mortifère ? Tu n'es qu'un jouet brisé pathétique dans les mains de ceux qui te manipulent !" cracha Séraphin, son regard doré brillant d'une lueur féroce. "Tu te vantes de tes exploits, de tes 'victoires', mais qu'as-tu vraiment gagné ? Un corps défiguré, une âme écartelée, et un esprit aussi vide qu'une coquille ?"

    Chaque syllabe était une étincelle, chaque mot un coup de couteau dans l'air électrique qui les séparait. Le Vengeur avançait, prenant son poignard en main, une lame fine et mortelle qui captait la lumière faible de la pièce, scintillant d'une promesse de violence.

    "Tu te prétends unique, invincible, mais regarde-toi ! Tu n'es qu'un pantin désarticulé, une chose brisée et recousue par les caprices d'un vieillard fou !"

    Les mots du Limier se voulaient tranchants, chaque phrase une attaque visant à frapper là où ça fait mal. Il pointait toujours son Ombrelame vers le maudit, non pas comme une menace, mais comme un défi, une invitation à reconnaître la réalité crue qu'il lui présentait.

    "Tu n'es que le reflet tordu d'une ambition démesurée, Mortifère. Tu te crois fort, mais tu n'es qu'un faible. Un vrai guerrier n'a pas besoin de se cacher derrière des prothèses et des tours de magie !"

    Sa voix, bien que chargée de colère, portait aux yeux du nobliau un écho de vérité cruelle, une vérité que même Mortifère ne pouvait nier selon lui. Alors il se tenait là, non pas comme une ombre, mais comme un homme - pour une fois -, un guerrier dont l'âme n'avait pas été vendue au prix de l'acier et des sorts. Il s'imaginait incarner le danger brut, l'essence même de la chasse, un prédateur prêt à bondir.

    "Tu as peut-être survécu à l'horreur, Mortifère, mais moi, je suis né dedans, j'ai appris à la maîtriser, à la dominer, jusqu'à ce qu'elle devienne ma pute. Et si tu crois que ta force réside dans ce corps que tu as reçu, alors c'est que tu n'as pas le moindre soupçon d'idée de ce que c'est que d'être véritablement fort."

    Dans les yeux du Fraternitas, on pouvait voir l'éclat d'une détermination inébranlable, un feu qui ne demandait qu'à consumer l'orgueil et la vanité de son adversaire. Ce soir, il ne se contentait pas de défier le maudit, il défiait le monde entier, affirmant sa place non pas comme une créature de l'ombre, mais comme le maître de son propre destin.

    Illustration de la scène:


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  • Dim 7 Jan - 2:16
    "Comment oses-tu insinuer... comment peux-tu traiter ainsi celui t'a extirpé de la fange qui t'a vu naître ? Comment peux-tu manquer de respect à l'homme qui t'a tout donné ? N'as tu aucune décence ?"

    Un palpable dégout vint déformer les traits suturés de l'être chimérique. N'en croyant pas ses oreilles, il secouait mollement la tête en entendant ces paroles qu'il considérait dénuées de sens. Mortifère, qui pensait tout devoir à Zelevas, ne pouvait même pas conceptualiser ce qui alimentait l'ardent brasier qui faisait rage dans le cœur du loup. Les mots de Séraphin continuaient de percer le cuir pourtant solide de la bête mécanique et à mesure qu'ils se faisaient plus injurieux et plus perfides, les câbles tendus faisant pour Mortifère office de musculature se mettaient à rouler dans leurs supports en un grincement infime. Il se contenait encore, mais un premier assaut était déjà à envisager.

    "On a brisé l'homme pour... pour créer l'être parfait ! On ne pouvait reconstruire sans détruire au préalable."

    Il se perdait dans ses réponses et sentait peser sur lui les regards insistants d'un public qui le jugeait sans mot dire. Sentant un frisson de peur remonter le long de leurs échines, les guerriers et savants le voyaient pour ce qu'il était : un monstre à peine dressé que quelques friandises tenaient encore en laisse par miracle. Sa simple proximité leur était insupportable et c'était uniquement par conviction qu'ils acceptaient malgré l'instinct de subir la compagnie de la chimère de métal. Il n'avait rien d'un héros du peuple, il n'était qu'une abomination contrôlée.

    Le couteau de Séraphin, aussi sombre que lui, fut arboré victorieusement et il se mit à se pavaner avec pour asseoir sa domination sur son gigantesque vis-à-vis. Il défiait le monstre, celui que tous érigeaient en symbole du progrès militaire. C'était Séraphin qui s'imposait en héros, lui qui venait se défaire de la créature légendaire dont parlaient tant de mythes. Le menton de Mortifère tremblait et son cœur s'accélérait. Il ne pouvait pas être ainsi vaincu sur son propre terrain, il ne pouvait laisser ce chien galeux l'emporter sur ses valeurs.

    Les prothèses s'actionnèrent brusquement, c'en était déjà trop. Dans un mouvement terriblement agile en vue de la taille démesurée des excroissances de métal, la main griffue de Mortifère s'élança vers l'Ombrelame, accrochant la pointe et saisissant avec force cette dernière pour l'immobiliser. La main d'un homme aurait été coupée par une telle pression mais Mortifère, comme il l'avait souligné à de si nombreuses reprises, n'en était plus un.

    "Alors fais ce que ton cœur t'ordonne de faire, Séraphin."

    Un afflux de magie s'immisça dans les prothèses, alimentait les tendons artificiels en actionnant les rouages que la pauvre Noirvitrail avait conçu sans se douter un jour que ses œuvres termineraient leur parcours dans de si macabres situations. Les griffes monstrueuses forcèrent avec une puissance déconcertante, descendant lentement mais sûrement pour réorienter la lame du Limier. Là, Mortifère plaqua volontairement la pointe de l'arme contre son ventre, caressant sa propre chair tandis que son œil fou soutenait le regard enflammé de Séraphin.

    "Détruis le pantin, casse le jouet favori de ton oncle. Prouve tes convictions, mène ta révolte et brise ces chaînes rouillées qui ne peuvent te retenir. Sois-fort, aussi fort que tu prétends l'être."

    Les serres lâchèrent la dague et la main du monstre de fer se détendit, avant de s'éloigner doucement pour offrir à Séraphin le champ libre. Bras écartés et sourire aux lèvres, Mortifère attendait le jugement du lycan.
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  • Dim 7 Jan - 11:06
     
    Journal du Limier
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    Dans les tréfonds du laboratoire, là où les ombres s'entremêlent en un ballet funeste, le Limier faisait face à la monstruosité mécanique de Mortifère. La lame acérée dans sa main, Seraphin se dressait, une tempête de répulsion et de colère orageant dans ses yeux sombres. La force surhumaine de Mortifère emprisonnait la dague, une étreinte métallique incontrôlable qui défiait la volonté même de l'Ombrelame.

    "Et alors ? Tu te crois fort c'est ça ?", marmonna l'âme tourmentée du Limier, ses mots tranchant l'air avec la précision d'une lame affûtée. L'indignation et l'humiliation tourbillonnaient en lui, un ouragan furieux dans l'abîme de son être.

    Confronté à la provocation de Mortifère, plaçant la pointe de la dague contre son ventre d'acier, le Vengeur demeurait immobile, un roc face à l'océan déchaîné. Ses yeux, tels des puits d'obscurité, transperçaient l'armure grotesque de Mortifère, cherchant à atteindre l'âme perdue derrière la carapace.

    "Ton existence est une tragédie, un récit de perte et d'aliénation," souffla-t-il, sa voix froide comme la brise nocturne. Le mépris dans son regard était un couteau qui cherchait à écorcher ce qui restait de l'homme sous la machine.

    Lorsque Mortifère relâcha enfin le poignard, le vaincu baignait dans le déshonneur. "Tu me répugnes, Mortifère." prononça Seraphin, sa voix aussi froide que l'acier de son arme. Ses yeux, reflets d'une âme tourmentée, transperçaient le masque de Mortifère, cherchant à atteindre ce qu'il restait de l'homme derrière la machine. L'humiliation de ne pas pouvoir retirer son poignard, de sentir la supériorité physique de cette abomination devant lui, était une pilule amère à avaler. Le Limier, avec une dignité entachée, abaissa son arme et tourna le dos à Mortifère, chaque pas résonnant comme un écho de sa colère contenue.

    S'éloignant de l'horreur mécanique, les pas du Limier dans les corridors sombres résonnaient comme les battements d'un cœur brisé. L'écho de sa colère était un murmure dans les entrailles du laboratoire, une plainte solitaire emportée par les vents des ténèbres. Chaque pas était un refus, une rébellion silencieuse contre l'abomination qu'il laissait derrière lui. Il avançait, une ombre parmi les ombres, un guerrier égaré dans une guerre éternelle, luttant contre les démons intérieurs et extérieurs, une silhouette tragiquement héroïque, perdue dans la nuit éternelle de ses propres tourments.


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  • Dim 7 Jan - 15:20


    Dédaigneux et répugné par le cerbère de métal, Séraphin s'éloigna en crachant son venin une ultime fois. Les bras toujours tendus en signe de provocation, le monstre satisfait avait enfin trouvé un moyen de prouver que le loup était tout autant prisonnier des rouages républicains qu'il l'était lui-même. Jubilant à cette simple idée, il se mit à ricaner et l'écho de sa voix rocailleuse se répandit dans tout le complexe. Tel l'ombre dans laquelle il se baignait quotidiennement, Séraphin disparut peu à peu pour ne devenir qu'une forme indéchiffrable dans la pénombre ambiante. Les prothèses du géant s'abaissèrent et il ajouta, confiant et assuré désormais :

    "Est-ce l'humanité et l'empathie qui t'ont retenu ? Ou plutôt la faiblesse ?"

    Le rire se fit plus sardonique, imprégné d'une démence évidente qu'avaient fait naître ses diaboliques concepteurs à l'issue de leur innommables manœuvres. Plus de retenue courtoise ni de courbette illusoire, il n'y avait désormais plus que la folie d'une bête n'ayant d'humain que le nom relié à son dossier. Abraham s'éclipsait pourtant un peu plus chaque jour pour céder entièrement la place à Mortifère, le cerbère de la Nation Bleue. Baissant légèrement les yeux, l'homme de fer s'inspecta, observant ses abdominaux à l'alarmante blancheur, le ventre maculé de cicatrices qu'il reconnaissait à peine et les innombrables implants métalliques parsemant son anatomie dans une grotesque asymétrie. Il releva brusquement la tête pour ajouter à ses moqueries une dernière conclusion :

    "Révolté, mais incapable de donner suite à la moindre de ses menaces. Un loup malade aux crocs émoussés n'ayant rien d'autre à offrir au monde qu'un peu de colère. Qui est le plus à plaindre, Séraphin ? La bête apprivoisée ou celle qui mord la main de son maître et fuit la chaleur de sa chaumière seulement pour revenir au lendemain la queue entre les jambes, après s'être perdue dans les bois ?"

    Il n'obtient en guise de réponse qu'un long et douloureux silence, mais cela ne l'empêcha pas de se bercer d'illusions de victoire. Son sourire s'agrandit lorsqu'il entendit l'écho de sa propre voix qui se mêlait au tumulte de l'outillage et des manipulations de ses suivants, une occasion qu'il saisit pour vociférer à son adversaire devenu invisible :

    "Séraphin ! QUI EST LE PLUS A PLAINDRE ?"

    Nouveau silence, plus long cette fois-ci. Sondant l'obscurité de son œil pris de soubresauts, il chercha en vain les traces de la présence du lycanthrope. Son sourire s'effaça un peu lorsqu'il réalisa que le blindage dont on l'avait pourvu avait partiellement été esquinté par les assauts verbaux du Limier. Avec moins d'assurance et une note d'inquiétude, il demanda finalement :

    "Séraphin ?"

    Pas de réponse. Le loup le laissait donc affronter ses propres démons.

    Seul.

    Mortifère voulut imiter son supposé allié en faisant volte-face sans rien dire de plus, mais un élan de rage enfantine le poussa à cogner brusquement un chariot qu'on avait abandonné trop près de lui.

    Il n'y avait ici aucun vainqueur, au final.
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