Le défi de l'impossible [Athénaïs]

Journal du Limier

Liberty, Université Magic, Atelier d'Athénaïs de Noirvitrail

La lumière matinale filtrait à travers les branches des arbres séculaires qui bordaient le chemin vers l'Université Magic, baignant le monde dans une teinte dorée. Le Possédé, ses pas résonnant sur le pavé ancien, s'avançait avec une détermination mêlée de nostalgie vers ce bastion du savoir. Chaque bâtiment, chaque jardin lui rappelait une époque où, jeune et plein d'ambition, il foulait ces mêmes pavés, porté par le rêve d'exceller dans les arts arcanes. L'ironie du sort avait voulu que ses talents ne s'épanouissent pas dans la magie conventionnelle, mais dans une voie bien plus sombre, guidée par la Dame Neera et l'essence capricieuse de Cabale.

"Regarde, le cancre revient à l'école. As-tu oublié le chemin de la sortie ?"

... raillait Envie, son ton empreint de mépris teinté d'amusement, tandis que son hôte s'efforçait d'ignorer le sarcasme de ses démons intérieurs.

Arrivé devant l'atelier d'Athénaïs de Noirvitrail, son cœur se serrait légèrement. L'Université Magic, avec ses hauts murs et ses tours qui semblaient gratter les nuages, était un lieu de souvenirs mitigés, mais la perspective de retrouver Athénaïs, cette ancienne camarade dont le talent n'avait d'égal que son espiéglerie, lui insufflait un espoir renouvelé.

Tout en frappant à la porte de l'atelier, il se remémorait leur souvenir d'antan, leur partage de connaissances et de rêves. Lorsque la porte s'ouvrit, révélant l'intérieur bien agencé de l'atelier, le Cerbère fut accueilli par la vue d'Athénaïs, entourée de ses clones Myrthelle et Nicee. Myrthelle, avec son ruban orange, affichait un sourire espiègle, tandis que Nicee, plus réservée, arborait un ruban bleu cyan qui adoucissait ses traits délicats, du moins, si ses souvenirs un peu datés étaient toujours fiables.

"Mais que vois-je ? Ça fait un moment, Athénaïs... Comment allez-vous toutes les trois ?" commença-t-il, un sourire timide aux lèvres, ses yeux parcourant l'espace rempli d'objets magiques et de créations en cours. La manière dont Athénaïs avait réussi à canaliser sa magie pour créer non seulement des artefacts mais aussi une présence multiple à travers ses clones le fascinait toujours. "Je dois avouer que je ne suis pas venu uniquement pour le plaisir des retrouvailles, même si cela me ferait grand plaisir de rattraper le temps perdu."

Le client, prenant une inspiration, exposa la raison de sa visite. "C'est en tant que Limier de l'ombre que je me présente devant vous, à la recherche d'un talent capable de forger une arme d'une complexité et d'une ingénierie hors du commun. Une arbalète à répétition, afin d'accroître mes capacités offensives à distance. Je sais que si quelqu'un en République peut réaliser une telle prouesse, c'est bien vous, Athénaïs, Nicee et Myrthelle." commentait le Cerbère du Razkaal, afin de s'avancer afin de partager sur le plan de travail des damoiselles un plan reprenant l'essence de sa demande.

Le défi de l'impossible [Athénaïs] 1708191413-nouveau-projet-2

D'une certaine manière, il s'était gardé une partie de vérité, cette arbalète n'étant qu'une partie de ses demandes, mais il fallait bien commencer par un bout avant de demander un entier.

"Oh, regarde-le jouer au soldat avec ses joujoux. Quand comprendras-tu que tes véritables armes sont ici, enfouies dans ton esprit tordu ?"

... persifla Cabale, évoquant la dualité constante entre la quête de puissance extérieure de Seraphin et la tourmente de son âme intérieure.

Mais malgré les moqueries de ses démons, Seraphin restait concentré, son regard plongé dans celui d'Athénaïs et ses soeurs, cherchant à y lire une réponse à sa requête audacieuse, une lueur d'espoir dans la quête sans fin d'un guerrier des ombres pour la maîtrise et le pouvoir. Car ô combien savait-il que toute demande auprès de la dame des créations avait un coût, et pas des moindres.

Atelier Noirvitrail

Liberty, Université Magic

Les trois sœurs étaient, par chance, de faction dans leur atelier ce jour-là. Occupées à préparer des améliorations pour l’aérostat, elles accueillirent le Limier avec déférence. Les jeunes femmes accueillaient parfois des membres du Razkaal dans leur atelier. Le mot avait dû passer dans les rangs … Et elles recevaient de plus en plus des commandes particulières de la part des serviteurs de la prison la mieux gardée de la République. C’était une bonne chose … tout bien considéré. Il valait mieux être dans les petits papiers du Razkaal que dans ses petites geôles.

Séraphin d’Elusie était de ces personnes qui fichaient la frousse, même dans les standards du Razkaal, ce qui n’était pas peu dire. La demoiselle l’avait connu … un peu … sur les bancs de l’université. Rien de bien extraordinaire à cela, la plupart des personnalités importantes de la République avaient fait leur cursus honorum à l’Université Magic. Elle ne s’était jamais véritablement intéressée à lui, ayant elle-même ses propres problèmes à gérer, mais il était loin d’être un inconnu à ses yeux.

« Faites-nous donc voir … »

Avec Myrthelle et Nicée à ses côtés, Athénaïs examina le parchemin étendu sur le plan de travail. Le schéma était clair et immédiatement, les sœurs purent sentir que Séraphin savait pertinemment ce qu’il souhaitait – ce qui était souvent rare avec les commanditaires -. Attrapant un crayon rouge, Myrthelle commença à griffonner sur le parchemin, ajoutant ses propres annotations sans attendre la moindre autorisation. Tandis que ses deux sœurs réfléchissaient sur les possibles adaptations à réaliser sur ce schéma pour le rendre opérationnel, Athénaïs se tourna vers Séraphin.

« Nous devrions pouvoir vous arranger ça. Le procédé semble suffisamment fiable dans son principe pour que l’on puisse en tirer quelque chose. Il restera seulement un menu détail à régler. »

Les deux autres sœurs se stoppèrent et écoutèrent attentivement. Leurs regards se posèrent sur le Limier de l’Ombre. D’une voix claire, Athénaïs tint le même discours qu’elle tenait à tous ceux qui pénétraient dans son atelier pour réclamer ses services et ses conseils.

« Que nous donnerez-vous en échange, Séraphin ? »

Si Séraphin disposait d’une autorisation émanant de la part des hautes autorités de la République, il l’aurait déjà montré. Les sœurs Noirvitrail ne travaillaient pas gratuitement, à moins qu’il ne s’agisse d’un ordre express de l’Etat-major. En l’état actuel des choses, il n’y avait que peu de personnes dotées du niveau d’accréditation suffisant pour bénéficier de services gratuits. La question n’était pas spécifiquement monétaire … les services d’une Façonneuse pouvait s’acquérir avec bien d’autres choses. Des objets, des services, … A peu près n’importe quoi pouvait faire l’affaire du moment que la valeur était suffisante.

Journal du Limier

Liberty, Université Magic, Atelier d'Athénaïs de Noirvitrail

Dans l'antre créatif d'Athénaïs de Noirvitrail, le Limier se mouvait avec une aisance qui trahissait sa familiarité avec les ateliers d'artisans, bien qu'il fût plus habitué à l'obscurité des cachots qu'à la lumière inspirante de tels lieux. La réponse de la Façonneuse, chargée d'une promesse de réussite, n'avait fait que confirmer ses attentes. Il n'avait jamais douté du talent exceptionnel de sa consœur et de ses clones pour donner vie à ses aspirations les plus complexes.

"Tu crois vraiment qu'elle va se contenter d'une poignée de main ou d'un sourire charmeur ?"

... murmure Cabale, amusé par la naïveté supposée de son hôte.

Ignorant la pique de son démon, le Possédé arborait un sourire en coin, laissant transparaître une pointe de malice. "Qu'est-ce qui pourrait donc faire plaisir à la Grande Façonneuse ?" lança-t-il d'un ton léger, sa voix emplie d'une curiosité sincère tout en laissant son regard vagabonder parmi les merveilles de l'atelier. Il touchait du bout des doigts les étagères, frôlant à peine les outils et les artefacts magiques, comme s'il cherchait à deviner les secrets qu'ils renfermaient.

Phantasme, saisissant l'opportunité d'insuffler une touche d'ironie, souffla :

"Peut-être aspire-t-elle à l'aventure ? Nous avons des ombres à revendre, après tout."

Le Razkalien, jouant l'indifférent face aux chuchotements malicieux de ses démons, reprit : "En ma qualité de Prévot, j'ai accès à des informations... ou des "sujets"... qui pourraient s'avérer précieux pour vos créations futures. Quelques malheureux de toutes races oubliés, des savoirs perdus, ou peut-être même l'assurance que vos œuvres ne tomberont pas entre des mains indésirables..."

Il faisait les cent pas, ses yeux capturant chaque détail de l'atelier, chaque création portant la signature d'Athénaïs et de ses clones. "Ou peut-être désirez vous quelque chose de plus personnel ? Une protection garantie dans vos quêtes de matériaux rares, ou un accès privilégié à des bibliothèques interdites ?" proposa-t-il, s'arrêtant pour fixer la dame d'un regard engageant, cherchant à mesurer son intérêt pour ses propositions diverses.

La négociation était comme un jeu d'échecs pour lui, chaque mot, chaque proposition étant soigneusement calculé pour atteindre son but tout en satisfaisant les désirs de la façonneuse.

"Ne te surestime pas, petit pion. Tes trésors d'ombre peuvent ne pas suffire à satisfaire la reine,"

... grondait Envie, rappelant à son hôte l'importance de trouver la bonne monnaie d'échange.

Avec une dernière offre lancée dans l'air, teintée d'une confiance tranquille, le Damoiseau attendait la réponse des Damoiselles, prêt à consolider un pacte qui bénéficierait à leurs deux mondes, celui de la lumière et celui des ténèbres.

Atelier Noirvitrail

Liberty, Université Magic

Les trois jeunes femmes haussèrent un sourcil dans un même mouvement. Grande Façonneuse ? Etrange. Il ne leur semblait pas avoir grimpé autant d’échelons en un coup. Autant ne pas y prêter plus d’attention.

Les sœurs Noirvitrail désiraient bien des choses. Ce qu’une femme pourrait convoiter, il fallait dans leur cas le multiplier par sept. Athénaïs pouvait déjà entendre dans son esprit la liste de courses de ses sœurs. Les Limiers avaient généralement le bras long et il était peu de choses qu’ils ne pouvaient obtenir.

On se calme les filles … Une chose à la fois …

« Un accès à la bibliothèque interdite du Razkaal nous irait amplement, si cela vous convient. »

Le consensus avait été obtenu assez rapidement. La bibliothèque interdite du Razkaal était l’une des bibliothèques les plus inaccessibles du monde connu. Nichée dans les profondeurs de la prison républicaine, elle contenait des ouvrages qui, disait-on, pouvaient rendre fou leurs lecteurs. De quoi stimuler l’imagination fertile des sœurs Noirvitrail. Peu de gens se voyaient dotés de l’autorisation d’explorer cette bibliothèque et d’en récolter les secrets. La jeune femme savait, avec ses sœurs, que malgré les dangers que recelaient cet endroit, il y avait suffisamment de matière pour donner à la République un avantage certain dans les années à venir si ces connaissances interdites étaient mises à profit.

Athénaïs passa la main sur le parchemin et sourit au Prévot.

« Si cela vous convient, Séraphin, cet arrangement nous siéra pour le mieux. Nous pourrons travailler sur votre projet dès que possible. Ma sœur Eulalie sera à la manœuvre sur ce projet. Vous pouvez avoir confiance en elle, au moins autant qu’en moi. »

Journal du Limier

Liberty, Université Magic, Atelier d'Athénaïs de Noirvitrail

Sérénité peinte sur le visage, le Limier hocha la tête, un trait de soulagement traversant son regard d'acier. "Soit... la bibliothèque interdite est à vous, en échange de l'arbalète" assura-t-il avec la fermeté d'un homme qui honorait toujours ses engagements. Il se redressa, prêt à quitter l'atelier de la Grande Façonneuse, son esprit déjà tourné vers les sombres allées de sa prochaine mission.

Mais au seuil de la porte, une pensée germa, insidieuse et vive comme une étincelle dans la nuit. Il se retourna, le visage éclairé par une curiosité nouvelle. "Une dernière question, Athénaïs... Si l'on souhaitait tempérer les ardeurs magiques d'un individu, disons... pour éviter qu'il ne devienne un danger pour lui-même ou pour d'autres, auriez-vous des pistes ? Des manacles ensorcelés, peut-être... ou un artefact spécifique ?"

Dans l'ombre de sa conscience, Phantasme chuchotait déjà, ses mots une caresse froide :

"Quelle toile prépares-tu maintenant, mon cher ?"

Et Cabale, jamais loin, ajoutait sa voix, basse et égale :

"Attention à ne pas révéler trop de tes propres secrets..."

La question était lancée, légère comme le vol d'une plume, mais chargée de la profondeur des océans. Ses yeux, posés sur la demoiselle et ses clones, cherchaient une réponse, peut-être une nouvelle alliance, ou un autre moyen de garder en échec les forces qui l'entouraient

Atelier Noirvitrail

Liberty, Université Magic

Les sœurs sourirent au Prévôt des Limiers. C’était une affaire rondement menée. Les sœurs étaient confiantes dans leur capacité à réaliser un tel objet et il était certain que le Prévôt en serait ravi. Et de leur côté, les sœurs n’hésiteraient pas un seul instant à préparer de nouvelles arbalètes pour les tirailleurs d’élite de la Huitième Légion. Il eut été dommage qu’une telle invention ne se retrouve pas dans l’arsenal de la République, et notamment de leur légion.

« C’est entendu ! Vous ne serez pas déçu du résultat, je vous en fais la promesse, Prévôt. Le sujet est particulièrement stimulant. Nous saurons en tirer le meilleur. »

C’est alors que le Prévôt les questionna sur un sujet des plus atypiques. Athénaïs inclina la tête sur le côté, ses longues boucles retombant sur ses épaules à mesure qu’elle tentait de décrypter l’expression de Séraphin. Elle plissa les yeux et se pinça les lèvres, avant de laisser courir ses doigts sur la table. Les deux autres sœurs, quant à elle, écoutaient attentivement. Sans que Séraphin ne le sache, les sœurs continuaient leur conciliabule télépathique.

Parlerait-il de lui ?

Athénaïs passa la main sur le parchemin et sourit au Prévot. Elle amena à elle une plume volante et un parchemin et inscrit une note sur ce dernier. Elle finit par tendre le papier au Prévôt, en souriant.

« Si votre problème est d’ordre magique, alors il vous faudra un objet en barre noire du roi. Je sais que le Razkaal possède des fers de cet acabit, mais ce n’est probablement pas ce que vous cherchez … Si mon hypothèse est juste, vous devez trouver un artisan nain capable de vous façonner un anneau dans ce matériau. Cela devrait à minima limiter les ardeurs magiques de l’individu en question. Tenez … prenez cette note. J’y ai laissé l’adresse d’un artisan nain de ma connaissance. Il connait les secrets de façonnage de la barre noire du roi et pourra probablement faire quelque chose … »

Journal du Limier

Liberty, Université Magic, Atelier d'Athénaïs de Noirvitrail

Seraphin observait Athénaïs et ses clones avec une pointe d'envie dissimulée derrière son regard scrutateur. L'idée même de pouvoir se cloner, de répartir sa présence et sa force en plusieurs instances simultanées, faisait naître en lui un élan de curiosité mêlé à un désir de puissance. Quelle stratégie pourrais-je développer avec une telle capacité ?, se demandait-il, envisageant les innombrables avantages tactiques qu'une telle aptitude pourrait lui conférer sur le champ de bataille ou dans l'exercice de ses fonctions.

Lorsque Athénaïs lui parla de l'objet en barre noire du roi et de l'artisan nain, le Limier laissa un temps s'écouler, absorbant chaque mot, chaque nuance. Il tapotait légèrement son menton du bout des doigts, son esprit en pleine effervescence. Un anneau capable de limiter les ardeurs magiques..., songeait-il. Cela pourrait être la clef de bien des situations délicates, un outil supplémentaire dans son arsenal déjà conséquent. La perspective d'acquérir un tel objet l'intriguait et l'excitait à la fois.

Prenant le papier des mains d'Athénaïs, il lui adressa un hochement de tête appuyé, empreint de gratitude. "Je vous remercie pour votre aide précieuse, Dame Athénaïs, ainsi qu'à vos sœurs. Vous pouvez être assurée que je n'oublierai pas ce service," lui dit-il avec une sincérité marquée. Sa voix, habituellement grave et sérieuse, portait une teinte de reconnaissance authentique. "Je vous laisse me contacter une fois le travail achevé. J'ai hâte de voir le résultat de votre talent."

Avec ces mots, il se tourna pour quitter l'atelier, son esprit déjà focalisé sur les prochaines étapes de son plan. Son pas était assuré, chaque mouvement empreint de la détermination qui le caractérisait. Alors qu'il franchissait la porte, une lueur d'anticipation dans le regard, le Possédé était plus que jamais résolu à renforcer sa position au Razkaal et à affiner encore son art du combat et de la stratégie.