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    Neera Storm
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  • Mer 2 Nov - 17:00
    28 octobre 3
    Dans la nuit


    Ce n’était pas la première fois que Neera s’absentait de chez elle pour quelques temps. Après avoir obtenu ses deux cursus, la diviniste avait fait un assez long voyage dans les différentes universités du Sekai. Ses parents étaient alors encore en vie, la jeune femme n’avait donc pas eu tant que ça a s’inquiéter de la protection de sa maison à l’époque. Ce ne fut que plus tard, quand elle dut répondre à des invitations d’autres universités, que l’enseignante dut un temps soit peu s’inquiéter de la protection de son manoir en son absence. A défaut, elle avait commandé une série d’enchantements pour sa demeure, afin que les plus intrépides renoncent rapidement à pénétrer dans son domaine et rebroussent chemin.

    Mais soyons honnêtes, la maison des Storm n’était pas non plus une forteresse.

    Il devait bien exister quelques failles dans la sécurité qu’elle avait mis en place. Soit que ça avait échappé à l’ingénieur qu’elle avait embauché, soit la sang-mêlée n’y avait pas pensé non plus, et du reste, elle savait se défendre toute seule.

    Jusqu’ici cependant, la demi-titan n’avait encore dû affronter aucun larron et elle faillit bien ne pas se rendre compte qu’un voleur avait pénétré dans son manoir. Sa chance, peut-être, fut de rentrer très tard chez elle, suite à son voyage jusqu’à Ikusa. Sa maison était plongée dans le noir, et ses domestiques avaient bien eu vent qu’il ne fallait pas l’attendre : il n’y avait donc pas âme qui vive, dans les parages. Un peu fourbue par son périple depuis l’Empire, Neera n’avait qu’une hâte : prendre un bain et un repos bien mérités. Après avoir déposé sa jument dans son boxe, et s’être assurée qu’elle avait du foin et de l’eau en suffisance, elle s’en était allée à l’intérieur de sa maison pour vérifier rapidement le travail de ses employés. Sans guère de surprise, tout était en ordre, et c’est quand la professeure de Magic monta à l’étage qu’elle crut entendre un bruit étrange au rez-de-chaussée, du côté du salon, apparemment. Était-ce un objet qui était tombé ou le bruit d’une infraction, elle ne pouvait pas l’établir avec certitude. En revanche, l'élémentaliste était certaine d’être seule dans son domaine. Soit il y avait donc un fantôme qui se promenait dans son manoir, soit… Il y avait un invité indésirable dans sa maison. Perspective qui n’était pas pour la réjouir.

    Renonçant momentanément à la douceur de son lit, Neera se dirigea d’un pas leste vers le rez-de-chaussée.

    On ne pouvait pas dire qu’elle avait peur, probablement parce que la mage avait bien conscience de ses capacités. Pour ainsi dire, cette « visite surprise » la mettait même d’assez mauvaise humeur, et quoiqu’elle fut prudente, elle comptait bien passer un savon au responsable si elle le trouvait.

    Du moins, c’était son projet initial. Ses yeux s’étant habitués à la pénombre, elle renonça à utiliser ses pouvoirs pour s’éclairer, et silencieuse comme une ombre, elle arriva aussi discrètement que possible sur les lieux d’où provenait le bruit étrange.

    La mage eut aussitôt la certitude qu’on furetait dans le coin. Si elle ne pouvait pas bien voir qui s’intéressaient autant à ses biens,  la silhouette qui se promenait dans la pièce n’était pas une illusion : l’enseignante n’était donc pas seule. Il semblait s’intéresser à un meuble qui contenait tout de vaisselle en argent. Un éclair électrique faillit aussitôt sortir de sa main, mais la demoiselle se ravisa en dernière seconde et préféra créer une grande boule de lumière dans sa main gauche. Celle-ci était très simple, mais d’une grande intensité, et elle permit de révéler la présence d’un homme svelte, pâle, qui semblait finalement assez vif. L’utilisation de sa magie n’était pas innocente : étant un homme de l’ombre, ses pupilles avaient dû s’habituer à l’obscurité, et avoir une source de lumière tout simplement inopportune pouvait très bien l’aveugler s’il se retournait vers elle.

    La professeure de Magic n’en avait cependant pas terminé, et un éclair sortit de sa main droite. Ils se dirigèrent vers l’intrus et deux cercles de foudre vinrent bientôt encercler ses chevilles, ses poignets et son cou, l’empêchant par là même de fuir, ou même d’attaquer.

    Elle se permit alors seulement de prendre la parole.
    D’une voix un peu pincée, c’est vrai, mais qui aurait fait un généreux accueil à un voleur ?

    - Eh bien, eh bien. Il ne me semble pas encore avoir des trous de mémoire dans mon emploi du temps et je ne crois pas vous avoir invité, je me trompe ?

    Neera croisa les bras et plongea son regard dans celui de son interlocuteur.

    - A moins que ne soyez décidé à nettoyer toute mon argenterie, mais je crois que mon personnel serait très heureux que vous ne leur voliez pas leur travail.
    Invité
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    Anonymous
  • Dim 6 Nov - 16:38
    Invité surprise


    -Vous ne pouvez pas être sérieuse…Une adresse, c’est tout?

    -C’est le mieux que je peux faire, mon brave!

    Valdis observa la vieille dame à l’apparence bien plus ressemblante à un troll qu’une femme lui sourire d’un long sourire écaillé.

    -La somme que tu m’as apporté était bien, bien médiocre, jeune vilain. La connaissance est ma récompense.

    ***

    Perché sur un toit, il observait le soleil valser sur le seuil de la capitale et disparaître pour permettre à sa compagne de danser de nouveau le temps d’une nuit. Ses mains voyagèrent le long d’un parchemin, le fruit de son travail des dernières journées. N’ayant obtenue qu’une adresse à la suite d’un partenariat avec une individu qu’il ne pouvait qualifier que de sorcière, il était dans l’obligation de préparer une nouvelle infiltration.

    D’après des ragots qu’il avait obtenus à la suite de plusieurs conversations désagréables, le jeune homme avait concocté un plan qui semblait sans faille. La propriétaire étant absente et ses serviteurs n’arpentant point la demeure la nuit, il était donc impossible qu’il tombe nez-à-nez avec quelconques. Nombreux pièges avaient été installé, sûrement pour empêcher les vermines comme lui de s’introduire sans invitation dans le domaine, mais il ne s’en souciait aucunement.

    Après repérage et discussion fortuite avec des contacts scrupuleux, le jeune voleur avait réussi à tracer un chemin qui lui permettrait d’atteindre son objectif sans alerter la moindre rune ou alarme.  Il n’avait plus qu’à attendre, admirer les derniers pas du soleil sur la voute céleste avant de s’opérer.
    Usant de ses atouts, il traversa sans laisser de traces les nombreux toits qui le séparaient du manoir et, d’un saut à la fois gracieux et athlétique, atterrit sans souci de l’autre côté du large portail de fer qui bloquait l’accès à la richesse de la maîtresse des lieux.

    Suivant les indications qu’il avait récoltées, Valdis avait déniché une information fortement utile : l’emplacement des alarmes magiques externes et de leurs efficacités. Il trouva rapidement la fenêtre qui correspondait à ses écrits et se glissa à l’intérieur de la demeure plongé dans le noir. Quelqu’un avait bâclé son travail dans la protection de ses lieux, à son grand plaisir personnel.

    Maintenant, il suffisait de parcourir la demeure en esquivant toutes formes de distractions ou de pièges : une tâche délicate. Avant toute chose, il se permit de fermer la fenêtre qu’il avait forcée. Celle-ci, dans un « clok » (l’un des sons les plus satisfaisants pour le jeune voleur) se referma. Il ne pouvait, normalement, se permettre de provoquer un tel son, mais, cette nuit, il était la seule âme qui arpentait l’intérieur de ces murs.

    Il prit un moment, avant de se glisser dans les ombres des corridors, pour observer la salle qui l’entourait : un joli salon, à l’apparence prestigieuse où chaque recoin était garni de décorations, de tableaux et d’armoires contenants vastes collections d’argenteries. Il n’était pas ici pour se remplir les poches, mais il dut prendre un moment pour empêcher son vice de prendre le dessus.

    Déposant la paume de ses deux mains devant son regard, il imprégna ceux-ci de la maigre puissance arcaniques qu’il possédait et, satisfait de la réussite de son invocation, scruta aisément le parchemin malgré l’absence totale de lumière. S’il en croyait ses trouvailles des derniers jours, son objectif se trouvait dans l’une des pièces environnantes. Ses contacts n’avaient su communiquer des informations plus précises. Il n’avait d’autre choix que d’explorer à l’aveuglette s’il désirait trouver réponse.

    S’approchant de la sortie, l’ombre fit un dernier arrêt devant une armoire. Celle-ci, brillant même dans la nuit, contenait une magnifique panoplie de vaisselles en argents. Il déposa sa main dessus la vitrine, y laissant une tâche grossière de son gant.

    -Je reviendrais pour vous, promit le jeune voleur aux assiettes qui gisaient dans le meuble.

    Soudain, une lueur agressante apparue derrière Valdis, si rapidement qu’il se vit sursauter sur place. La source de cette lumière était si massive que nul recoin d’ombres n’existait désormais, seulement la pure couleur blanchâtre. Avait-il enclenché un piège avec le seul contact de son gant sur le verre?

    Plissant ses petits yeux fatigués, il observa, par le reflet de la vitrine, la source de son malheur: une énorme sphère blanchâtre lévitait derrière lui, une silhouette à ses côtés. Avant même de pouvoir réagir, il sentit une vive douleur s’emparer de ses chevilles, ce qui le fit tomber au sol. Puis, la vive douleur apparue dans ses poignets qui, eux, se virent forcer par une force invisible de se joindre ensemble. Avant même de comprendre ce qu’il lui arrivait, la douleur se transféra à sa gorge.  

    En écoutant la voix imposante au trait féminin s’interroger sur sa présence, le larron déposa ses yeux aveuglés sur son corps, à la recherche de la provenance de la souffrance qui s’était emparée de lui. Des cercles liaient ces poignets et ses chevilles. Une magie animait ceux-ci : des arcs électriques s’échappaient de ces derniers avant de s’y retourner.

    Il ne pouvait agir, ni même observer de face celle qui l’interrogeait. N’était-il pas supposé être seul cette nuit? Qui donc lui avait fournit une mauvaise information et avait garantie son échec?

    -J’ai déjà connue mieux comme bienvenue. Vous ne direz pas de m’offrir le thé? Nargua le jeune voleur, se rabattant sur ses instincts primaires.

    La douleur, qui s’était dissipée dans ses membres, se raviva soudainement. Crispé par la douleur, il comprit que son assaillante n’était nullement d’humeur à la rigolade.

    -C’est bon! Ma petite caboche à bien compris, geigna-t-il, vous êtes puissante, je ne devrais pas rigoler de votre prestance. Je ne suis pas ici pour votre argenterie, bien qu’il ne me dérangerait aucunement d’allégir la tâche à votre personnel.

    Il ne pouvait cesser cette attitude autodestructrice, elle revenait sans cesse à la charge, bien que sa vie fût en jeu. Il se mordit la langue, se punissant lui-même, en attendant la réponse de l’imposante inconnue.


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  • Lun 7 Nov - 15:19
    D’un air scrutateur, mais quelque peu méfiant et mécontent, Neera dévisageait le voleur qu’elle avait coincé avec sa magie de la foudre. Il fallait bien avouer qu’elle ne lui avait pas laissé beaucoup de chances, mais la diviniste préférait assurer sa sécurité, plutôt qu’être trop bonne et de se mettre en danger. Enfin. Même si elle l’avait laissé libre de ses mouvements, elle aurait certainement pu utiliser ses autres pouvoirs, mais… autant utiliser l’élément avec lequel elle avait le plus d’affinité.

    L’homme était donc coincé, la mage l’avait même fait tomber en liant ses chevilles. Pas que Neera s’en voulût beaucoup, c’était lui qui s’était aventuré dans son domaine, et donc lui qui était responsable de cette situation. Prudente, elle avait également lié ses mains – il devait bien avoir des outils ou des armes dans ses poches et elle ne voulait pas qu'il les utilise. Le dernier cercle électrique, situé au niveau de son cou, aurait pu être obsolète, elle envisagea même de le retirer maintenant qu’il était hors d’état de nuire, mais la professeure préféra le laisser comme ça le temps qu’elle allume les quelques lanternes de son salon. Supprimant la boule de lumière qui lui était désormais inutile, elle revint contempler le larron étendu sur le sol. Au moins avait-il du bagou. Mais lui servir une tassé de thé ? Et puis quoi encore ?

    - Je viens de rentrer de mon voyage il y a à peine une heure et tout ce que j’avais envie, c’était d’aller dormir, pas de me faire du thé, observa-t-elle d’une voix étrangement égale. Et comme je ne traite pas mes domestiques comme des esclaves, ils ne sont malheureusement pas là pour nous préparer quelque chose. Vous m’en excuserez.

    Sa dernière phrase était particulièrement ironique, et Neera jeta un œil à l’armoire devant laquelle le voleur était tombé. Apparemment, il n’avait eu le temps de ne rien prendre… Mais la jeune femme était méfiante et elle préféra faire un tour de la salle, pour voir s’il manquait une de ses possessions. A priori, nota la mage, tout était à la bonne place et c’est alors qu’elle revint vers le larron toujours au sol, qui lui disait d’ailleurs qu’il avait bien compris la leçon. D’un air sceptique, l’enseignante haussa un sourcil, mais d’un geste, elle effaça le « collier électrique » autour du cou du voleur.

    - Vous semblez n’avoir rien pris de particulier, fit l’enseignante de Magic, ignorant les plaintes de son… invité. C’est une bonne chose, ça m’aurait mise de mauvaise humeur.  

    Elle ne mentait pas. L’intrusion de cet homme l’irritait déjà pas mal – cela voulait dire que les défenses de son manoir étaient quelque peu obsolètes ou inutiles – alors si en plus, il avait pris certaines de ses possessions, elle aurait eu du mal à se calmer.

    - Donnez-moi une bonne raison de ne pas vous livrer à la garde, fit franchement Neera. Je n’aime pas quand on pénètre dans ma propriété durant la  nuit avec l’intention manifeste de me dérober quelque chose. D’ailleurs, qu’est-ce que vous cherchiez ? Pourquoi venir dans mon manoir ? Vous ne savez pas que c’était une mauvaise idée de me chercher des noises ?


    Elle espérait qu’il ne lui sorte pas des excuses bidons à deux francs, qui ne seraient pas sincères pour un sou. Après, vu sa position… Est-ce que cela lui serait si utile de mentir ? Sans doute pas. D’autre part, de ce qu’elle avait entendu jusque-là, l’homme semblait avoir un peu de répartie… Il ne se laisserait sans doute pas faire, et dans d’autres circonstances, la demi-titan aurait peut-être apprécié ce trait de caractère.

    Plus important, si son interlocuteur avait infiltré son domaine, c’est qu’il avait été assez adroit pour éviter tous les pièges mis en place. C’était un problème. Evidemment, l’élémentaliste pouvait tout remplacer, mais ça avait un coût. Elle avait bien envie de savoir comment le larron s’y était pris pour ne pas déclencher ses alarmes et déclencher son système de sécurité, mais dans cette position, il allait certainement vouloir essayer de marchander.

    Se rapprochant du voleur, Neera l’observa une seconde et croisa les bras d’un air buté.

    - Votre position n’est pas très agréable, j’en conviens, mais convenez que vous l’avez cherché. J’ai vu une silhouette sombre alors qu’il n’y avait personne dans ma maison. Vous étiez donc une persona non grata, qui aurait très bien pu m’attaquer si vous vous étiez aperçu de ma présence en premier. J’ai donc frappé en premier et j’étais clairement dans mon droit.

    La femme jeta un regard circulaire à la pièce, puis elle lui posa une question :

    - Par où êtes-vous entré ?

    Elle voulait comprendre ce qu’avait fait le voleur jusqu’ici, et peut-être pourrait-il tirer son épingle du jeu grâce à cela.
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  • Sam 12 Nov - 14:29
    Invité Surprise

    Son nez collé au sol, Valdis écoutait son assaillante divaguer sur diverse sujet, ce moquant de lui et le menaçant de le rendre à la garde s’il n’avait pas une bonne raison d’être ici.

    Avait-il une bonne raison d’être en ce lieu, tard la nuit?

    -Vos excuses sont acceptés, je me servirais le thé moi-même lorsque je serais chez-moi, grogna le jeune voleur tout en se butant à la dure tâche de s’assoir. Comme je vous ai stipulé : je ne suis point ici pour vous dérober quoi que ce soit. Seulement de connaissances.

    Fesses au sol, il prit une grande inspiration, la tête reposant contre la section inférieure de la vitrine, avant d’ouvrir à moitié les yeux, tentants de percer la lumière imposante qui se dégageait de la salle. La femme, qui n’était qu’une silhouette bercée de lumière, avait bel et bien les traits du professeur qu’on lui avait décrit : chevelure imposante, une droiture dans la posture, des yeux illuminant de puissances.

    -Professeure…Neera, c’est bien ça? Où devrais-je vous nommez Storm, à vous de voir, bref. Désolé de vous avoir réveillée, je ne comptais pas déranger quiconque en cette nuit.

    Il sortit, tout en faisant la discussion à sa captive, la dague qui somnolait dans son gantelet. N’étant point un imbécile, il n’écouta pas son impulsion primaire de rompre les liens électriques. Non, le simple fait de disposer d’une arme dans cette situation précaire lui offrait un léger soulagement, lui permettant d’ignorer quelques instants qu’il ne pouvait bouger d’un poil. Il était à la merci de la professeure.

    -Je ne cherchais pas les ennuies, seulement…Vous pouvez fermer cette foutue lumière?

    Il tentait de se concentrer, d’admettre une demi-vérité, mais la magie lumineuse lui brûlait les rétines, encore affectées par la vision nocturne qu’il avait invoquée plus tôt. Ses sens étaient ahuris par l’amont phénoménale d’informations qui le percutaient, toutes à la fois. La douleur qui le strangulait la gorge, causé par le cerceau désormais disparu, la vue éblouie par la sphère, ses mains infectés de fourmis, effet secondaire provoqué par ses liens et la tension qu’ils dégageaient. Une étrange odeur de parfum qui valsait autour de lui, peut-être était-ce l’œuvre des serviteurs qui avait mené un ménage en ces lieux?

    Malgré ce flot sauvage de stimuli, la scène était particulièrement silencieuse. Hormis les voix des deux individus : pas un seul bruit. Cette absence sonore lui permit de méditer à une solution à son problème. Storm s’était rapproché, ne laissant qu’une maigre distance entre lui et elle. S’il réussissait à se défaire de sa magie, il pouvait peut-être diminuer cette distance et changer la balance.

    Bien sûr, sur papier, tout cela sonnait simple, mais en réalité, il ne put trouver une solution pour se débarrasser des liens à ses chevilles. Il commencerait par ses mains, il improviserait pour la suite. Prenant une grande inspiration, recherchant en elle le courage de se commettre à la douloureuse tâche qu’il allât faire, il entoura son pouce gauche de la main droite.

    -Je suis venue lire, pour être des plus honnêtes. M’instruire, moi qui n’ai jamais connue la prestigieuse éducation que livre l’université Magic. Je suis envieux, voyez-vous, de vos savoirs arcaniques, mentit-il en se tordant le pouce, brisant le ligament de ce dernier.

    Il se mordit la langue pour ne pas trahir la douleur ahurissante qu’il subissait, mais son visage, malgré tout, se plissa. Il s’en voulait désormais d’avoir écouté les conseils d’une de ses connaissances, conseil qui s’appliquait lorsqu’un garde passait les menottes. S’il avait de la chance, ce conseil s’appliquerait aussi à des liens magiques. Tout en faisant danser ses poignets et ses mains pour déjouer le sort qui les restreignait, il continua son discours.

    -Orphelin, j’ai toujours voulu apprendre à maîtriser les flammes-non par envie pyromane, non! Seulement puisque j’aimerais pouvoir aider ces braves âmes qui combattent les incendies lorsque ceux-ci apparaissent…Peut-être que je devrais invoquer l’eau si c’était le cas. Sujet à discussion, conclu-t-il en penchant son crâne, pensif.

    C’était le meilleur mensonge qu’il avait imaginé en un bref instant. Il sentait désormais sa main glisser le long de l’arc électrique. Il était désormais libéré des mains, mais pouvait-il encore dévoiler son plan? Non, la patience était de mise. Il ne fit aucun mouvement juste, plutôt occupée à imager son corps se propulser grâce à ses mains, une roulade, un contact. Impossible. Elle pouvait le châtier en un instant. Il était peut-être plus rapide, mais elle était bien plus apte au conflit.

    Une idée.

    De sa main intacte, la chaleur qui l’habitait s’anima et se mit à danser le bout de ses doigts. Il ne possédait plus la puissance qui l’avait habité autrefois, mais une bribe qui, en ce moment, était nécessaire d’user. Il devait seulement se concentrer quelques instants.

    -Votre fenêtre, désigna-t-il grâce à son nez.

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  • Mar 15 Nov - 12:28
    L’homme acceptait visiblement « ses excuses » puisque Neera ne s’était absolument pas préparée pour le recevoir et, si les circonstances avait été différentes, peut-être que leur joute verbale l’aurait fait sourire. Il avait visiblement réussi à s’asseoir et appuyait sa tête contre la vitre d’une de ses armoires. Cela ne dérangeait pas particulièrement la Républicaine, tant qu’il était neutralisé et qu’il ne pouvait pas lui faire de mal, donc elle le laissa faire et rebondit plutôt sur l’une de ses dernières déclarations.

    - Me dérober des connaissances ? Et quoi donc ?

    Quand on avait cinq siècles, on avait le temps d’accumuler des parchemins, des manuscrits et des livres conséquents. La bibliothèque de son manoir était impressionnante, mais il n’y avait pas à s’en étonner, puisque la demoiselle avait depuis toujours une âme curieuse et savante. Son père, à l’époque, avait déjà collecté une belle collection, et sa fille avait habilement pris le relais, mettant en place des sortilèges quand l’usure du temps abimait les ouvrages les plus anciens. Cela permettait de les consulter sans qu’ils ne tombent en pièce.

    - Mon manoir est grand, vous savez. Vous allez prendre du temps pour trouver le parchemin ou le livre qu’il vous faut, remarqua-t-elle.

    Si seulement il parvenait à se libérer de ses liens, bien entendu.

    Il connaissait son identité, dans tous les cas, puisqu’il révéla à la fois son prénom et son nom. La femme se contenta d’acquiescer pour confirmer ses dires, et elle écouta distraitement ses excuses pour l’avoir réveillée. Elle reprit la parole alors qu’elle allumait les lampes de son salon, qui donnerait une lumière plus naturelle à la pièce.

    - Les gens m’appellent professeure Storm, d’habitude. Mais je doute que vous respectiez réellement les conventions sociales. Vous connaissez mon prénom, mais je ne connais pas le vôtre. A moins que vous préfériez que ne vous appelle « voleur » ou « larron ». Mais ça ne me semble pas très poli.

    Donner un prénom, c’était toujours quitte ou double, puisqu’on pouvait donner sa propre identité en faisant cela. Mais rien n’empêchait le cambrioleur de lui donner un pseudonyme s’il en avait envie.

    En tout cas, il ne cherchait pas les ennuis, mais la boule de lumière l’ennuyait bien, et Neera finit par la faire disparaître. Le salon était désormais bien allumé par les lanternes sur les murs et près des fauteuils, aussi ils n’étaient plus plongés dans la pénombre comme auparavant.

    - Ca va mieux ?

    Son ton était un brin ironique, c’était vrai, mais elle n’allait quand même pas le remercier d’être rentrée chez elle. Pour ainsi dire, hormis l’avoir neutralisé avec sa magie, Neera restait encore assez polie à l’encontre du larron. Plus qu’il ne le méritait sans doute.

    Un rictus apparut toutefois sur son visage quand il lui balança qu’il était venu lire. Sans blague. Il comptait gentiment s’installer dans sa bibliothèque et un coin du manoir pour découvrir les parchemins qu’il lui fallait ? Pour mieux élever son esprit ? Non, qu’il le ne lui raconte pas de salades. Ce genre d’individus ne voulaient pas devenir plus cultivés, ils voulaient s’emparer de certaines choses pour les revendre au plus offrant, généralement.

    - Vous parlez bien, mais vous cherchez juste à gagner du temps, intervint-elle. Dites-moi ce que vous vouliez récupérer. Avec un peu de chances, je pourrai le considérer comme une babiole qui ne m’est plus utile.

    Ca lui permettrait aussi, somme toute, de vérifier s’il ne mentait pas.

    Ce qui intéressait également la diviniste, c’était de savoir par où il était entré, et quand il désigna une des fenêtres du salon, elle tourna la tête pour regarder l’endroit que le voleur désignait. Hum. C’était embêtant. Elle était justement sûre d’avoir demandé à ce qu’on mette des protections à cette fenêtre, justement parce que cette partie du salon avait de grandes portes vitrées et étaient justement un des coins les plus lumineux de son manoir. Cela voulait dire qu’il faudrait faire revenir un spécialiste et dépenser encore de l’argent. Est-ce qu’on pouvait un jour accorder sa confiance aux autres si ceux-ci ne faisaient pas correctement leur travail ? C’était pénible... Ca avait été tellement mal fait qu’un homme de l’ombre avait réussi à pénétrer jusqu’ici…

    Inconsciente que ce dernier préparait son coup, Neera finit par ramener son attention sur le voleur.

    - Que diriez-vous qu’on fasse un deal ?

    Oui oui, c’était étonnant venant d’une professeure de Magic, mais celle-ci savait saisir les occasions quand ces dernières se présentaient. Et de toute façon, ça ne concernait qu’elle et le voleur ici présent.

    Consciente que ça avait pu prendre de court le larron, la femme s’expliqua brièvement.

    - Il semble que vous êtes assez doué pour pénétrer dans mon domaine  sans déclencher les pièges alentours, et en repérant ceux qui ont été mal créé par leur enchanteur. Quitte à être sur place, vous pourriez repérer pour moi les pièges qui sont devenus obsolètes, ceux qui sont toujours utiles, ou encore ceux qui ont été bâclés, comme la fenêtre par laquelle vous êtes entrés. Rien ne vaut un professionnel du terrain pour avoir ce genre de coup d’œil.

    Son ton avait été très légèrement sarcastique sur la fin, mais elle avait été sérieuse sur l’ensemble de sa tirade.

    - En échange, reprit-elle d’une voix calme, je vous libère et personne ne sera prévenu de votre… escapade de ce soir. Ce sera comme s’il ne s’est rien passé. Je serai gagnante puisque je saurai quoi remplacer. Et vous serez gagnant aussi puisque, hormis peut-être une ou légère brûlure, vous serez libre et vous aurez gagné une magnifique ballade sur l’ensemble de ma propriété.

    Elle avait bien sûr songé à le rémunérer pour cela – qu’est-ce qui appâtait le plus un voleur qu’une belle bourse d’argent ? – mais son côté radin avait pris le dessus en dernière minute. On ne pouvait pas se défaire si facilement de ses défauts, n’est-ce pas ? Et Neera était d’une certaine manière un grippe-sou. Il lui fallait une bonne raison pour dépenser sa fortune et là, elle n’était pas convaincue que ce soit nécessaire.

    Bien sûr, son interlocuteur pouvait très bien négocier. Le marchandage devait bien être être dans ses cordes après tout…
    *

    *          *

    Décidément, le larron n'avait pas des masses envie de coopérer. Il avait décliné son offre, puisqu'il ne lui faisait visiblement pas confiance, et Neera ne pouvait pas vraiment lui donner tort, puisque l'inverse était réciproque. Mais sa patience avait des limites. La dame aux cheveux d'argent rentrait tout juste de voyage du Kyouji et sentait la fatigue de la journée. De plus, elle était loin d'aimer les voleurs et les visites surprises de cet acabit, aussi, quand elle avait compris que l'intrus ne parlerait pas davantage, elle s'était arrangée pour prévenir l'office républicaine au travers de son majordome. Désormais, un ou deux agents devraient être envoyés sur place pour récupérer le malandrin. Autant dire que la demi-titan avait hâte d'en finir pour pouvoir avoir une bonne nuit de sommeil.

    Pour autant, la professeure de Magic voulait quand même savoir pourquoi on avait voulu s'introduire dans son domaine. Ce n'était pas courant, et la plupart des gens sensés d'esprit étaient bien au courant que c'était à leurs risques et périls. Qui était donc assez fou pour pénétrer chez elle ? On voulait lui dérober quelque chose, manifestement, mais quoi donc ?

    C'était la question à laquelle elle avait voulu répondre, en attendant les officiers républicains arrivent.
    L'inconnu était toujours neutralisé par sa magie, il ne pouvait donc pas faire grand chose. Le voleur avait donc rapidement dégluti quand la demi-titan avait commencé à utiliser ses pouvoirs élémentaires devant lui. Pas de grand-chose, ce n'était pas comme si elle voulait endommager sa maison. Mais quand elle était de mauvais poil - et la Républicaine était particulièrement de mauvais humeur ce soir-là - elle savait particulièrement se montrer convaincante, de temps en temps.

    L'inconnu venait de lui faire une déclaration quand Albus, son majordome, vint la prévenir que les agents de la GAR étaient arrivés. Neera se détourna alors avec un geste de mépris du voleur pour arriver jusqu'au seuil de sa demeure. Le comportement de la magicienne changea alors quand même un peu, puisqu'elle adressa un sourire fatigué aux hommes devant elle. Elle n'était pas forcément ravie de leur présence, mais eux comme elle n'y pouvaient rien.

    - Messieurs, je suis désolée de vous déranger si tard dans la nuit, mais j'ai eu malheureusement un invité-surprise. Un voleur s'est introduit chez moi alors que je rentrais tout juste de voyage. Je l'ai laissé dans le salon. Entrez, je vous prie. Mon majordome, que j'ai envoyé sur place, vous a fait un résumé de la situation ?
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  • Mar 7 Fév - 16:10

    Parfois, on a du bol, et parfois, on n’en a pas. Là, c’était plutôt la seconde option : j’ai tapé la permanence nocturne un soir où les copains organisaient une tournée de la rue de la soif, et quand je sortirai du poste, j’suis sûr qu’eux seront pas rentrés chez eux, malgré l’arrivée de la lueur du jour, et qu’ils seront ronds comme des queues de pelle, au point que ça vaudra pas le coup de les rejoindre, vu que j’arriverai jamais à rattraper douze heures consécutives de murge appliquée et têtue.

    Autant dire que j’suis de sale humeur.

    Quand le loufiat se radine pour nous dire que sa patronne a ramassé un voleur et qu’elle veut qu’on l’en débarrasse, j’sais pas si je dois être content de pouvoir prendre l’air ou gonflé de faire de la manutention améliorée. J’ramasse Fifi, un p’tit jeune qu’a fini sa cinquième année y’a pas bien longtemps, et on s’met en route.

    Avec le majordome, j’aurais dû me douter qu’on n’irait pas dans les bas-quartiers, mais j’m’attendais p’tet pas à ce que ce soit à ce point. Le manoir fait huppé, le genre dans lequel on enlève notre chapeau en entrant et on s’essuit les godasses sur le paillasson. J’ai pas de chapeau, alors je me contente des pompes.

    Sur le chemin, Fifi m’a mis au parfum : La Professeure Storm est une des enseignantes de l’Université Magic, sa puissance n’a d’égale que sa renommée, tout le tralala. Bref, on se déplace chez le grattin, donc il m’avertit de pas me laisser aller. Hé, c’est qui, le bleu, de nous deux, merde ? Une bourrade l’aide à revenir dans le droit chemin et à respecter correctement ses aînés. On est très à cheval sur la hiérarchie et le respect, surtout quand on a l’impression qu’il nous est dû, et c’est souvent, chez les Officiers Républicains.

    Bref, la taulière avec ses long cheveux blancs et la mine de quelqu’un qui voudrait dormir nous salue, et on peut embrayer sur la suite.

    « Oui, Professeure Storm, le topo qui nous a été fait était relativement complet. Pouvons-nous voir le cambrioleur ? »

    Il en faut pas beaucoup plus pour qu’on soit introduit dans le salon, enfin, un des multiples salons dont la barraque doit regorger, à moins qu’ils aient des noms différents, de saisons, de couleurs, de boudoirs ou même d’humeurs ? Ca s’est déjà vu à l’occasion, quand on devait faire semblant d’enquêter chez des huiles, jusqu’à se rendre compte que c’était fiston qui avait volé les bijoux de maman pour s’acheter le dernier jouet à la mode.

    Là, faut juste prendre l’air sévère, parler des conséquences, en faisant semblant qu’il y en aura, ce qui risque pas avec papa qui veille, et repartir avec le sentiment du devoir accompli : un p’tit jeune détourné d’une vie de vice et de criminalité, qui deviendra un atout productif de notre belle République. Et on se met pas sa famille à dos, ce qui est quand même autrement plus important.

    Quand on rentre dans le salon, qui fait à peu près deux fois la taille de ma piaule, mon binôme fait un p’tit bruit de surprise en voyant le malfrat ligoté sur une chaise, qui nous regarde avec un regard fermé jusqu’à laisser passer un éclair de déception. Intéressant, ça.

    « Bon, on va vous débarrasser de ça, hein ? On trouvera bien un gnouf où le coller quelques années. »

    C’est comme j’m’avance pour mettre les menottes en métal que j’note celles en électricité élémentaire pure qui empêchent mon coupable de se faire la malle.

    « Moyen de retirer ça, Professeure ? Et Fifi, alors, tu connais notre oiseau de nuit ?
    - Oui, on le recherche depuis quelques semaines pour un vol d’artefact magique chez un chercheur indépendant… On va pouvoir faire la lumière sur cette affaire aussi. »

    Ah bah oui, je me doute qu’ils sont pas des centaines à faire des balades dans les endroits les mieux gardés de la ville pour voler des petites cuillères en argent et de la lingerie coquine. Et qu’on trouve difficilement mieux que le coffre-fort d’un professeur émérite de l’Université pour faucher des objets spéciaux qui doivent se revendre à prix d’or sous le manteau. Quoique, ça pourrait même être une commande spécifique, de prendre quelque chose de très précis… Voilà qui serait intéressant à creuser, tiens.

    « Ouais, tu me raconteras tout ça. Et lui nous racontera aussi ce qu’il espérait trouver et le lien avec notre autre affaire, hé ? »

    Le clic des menottes est tout à fait satisfaisant, et la fatigue de la permanence nocturne est un peu dissipée par le début d’intérêt que j’éprouve pour ce qui vient d’arriver. C’est toujours plus stimulant que monsieur qui tabasse bobonne en rentrant du bistrot, après tout.
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  • Sam 11 Fév - 16:26
    Sur le seuil de la porte d’entrée, Neera dévisage les deux officiers républicains qui sont venus chercher le voleur, probablement pour le mettre en cellule au moins une nuit à leur quartier général. Feront-ils quelque chose ensuite, elle ne le sait pas, mais l’enseignante ne veut en tout cas plus voir ce larron dans sa maison. Apparemment, Albus, son majordome, a réussi à faire un résumé succinct aux deux policiers. C’est bien, estime la mage, ça leur fera gagner du temps à tous les trois. D’ailleurs, elle les emmène sans guerre rechigner dans son salon, où le voleur n’a d’autres choix que de patienter. Il n’a pas réellement d’autres options puisqu’il est immobilisé par des liens électriques mais l’officier veut lui mettre de véritables menottes et la belle esquisse un sourire las pour signifier qu’elle comprend. Un geste suffit pour faire disparaître sa magie, et elle regarde les deux hommes faire. L’un d’eux, Fifi, révèle notamment que le rôdeur aux doigt agiles a déjà cambriolé un chercheur en artefact magique et cela lui fait hausser un sourcil.

    - Vous parlez de Maître Feltan ? Elle laisse d’un des policiers répondre avant d’enchainer. Je le connais, il est spécialisé dans des artefacts liés à la magie élémentaire, mais il a étendu ses recherches ses derniers temps. Je suis ses tentatives avec intérêt et j’utilise même certaines de ses créations à mes cours, pour aider mes étudiants à développer leur magie. J’en ai quelques-unes à l’étage également. Peut-être était-ce cela que le voleur voulait récupérer ?

    Après tout, peut-être que le larron n’avait été pas été satisfait de son premier cambriolage ? Peut-être cherchait-il quelque chose en particulier chez l’artisan, qu’il n’avait pu mettre la main dans son magasin ? Mais alors que voulait-il ? Et pourquoi ?

    La main posée sur son menton, Neera réfléchit. Elle est fatiguée, certes, mais elle aime comprendre, quand on lui cherche des noises. Et pour l’heure, elle n’est pas satisfaite et est davantage disposée à comprendre le comment du pourquoi.

    - Si je puis me permettre, demande-t-elle à l’officier Dosian, quelle est la procédure que vous allez suivre ? A part le mettre au trou peut-être pour une nuit, avant de le congédier… Ailleurs, je présume.

    C’est qu’elle n’y connaît rien, en matière de justice. Il faut dire que ce n’est pas Neera Storm qui a beaucoup troublé l’ordre public en quelques siècles. Sa magie, elle peut largement l’exercer à Magic ou sur le vaste territoire du Sekai. Oh, il y a bien sa maison et son domaine qui font l’objet de quelques… expériences élémentaires, mais les voisins sont habitués et cela fait belle durette qu’on ne prévient plus les forces de l’ordre quand une tornade ou des éclairs tombent inopinément dans son jardin.

    Bref, tout ça pour dire que ce n’est pas elle qui est la plus au courant des procédures policières et elle enchaine.

    - Je doute que ce voleur vole ces objets pour son propre compte. Ca a dû être commandité, on n’entre pas dans la maison de nobles par hasard, vu les risques qu’on encoure. Tout cela, c’est bien sûr du bon sens, et les deux officiers doivent déjà penser la même chose. Votre affaire pourrait être moins anodine qu’il n’y paraît, si le commanditaire veut quelque chose en particulier, au point de commettre plusieurs vols. Mais il faudrait encore faire parler notre cher ami, grimace-t-elle légèrement en jetant un œil au type qui s’obstine à demeurer muet.

    Un soupir, puis, elle prend une dernière fois la parole.

    - Je peux toujours vous faire monter à l’étage. Il y a quelques créations uniques de Maître Feltan là-haut. Peut-être que ça déliera la parole à notre voleur également.

    Quitte à l’utiliser pour remonter à la source de tout ce bazar…

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  • Dim 19 Fév - 17:49

    J'plisse les yeux, j'me gratte la joue, et j'essaie de jauger notre petit camarade. En l'état, il finit un temps à l'ombre, au trou, pour le vol chez le dénommé Feltan, et l'effraction ici. Mais suffit qu'il s'entête à prétendre qu'il cherchait juste des pièces sonnantes et trébuchantes que la piste sera morte, et qu'il fera une peine relativement basique, surtout si on n'arrive pas à prouver que c'était lui, l'autre fois.

    On s'écarte de quelques pas, et j'baisse la voix pour répondre à la question de Storm.

    « Dans l'idée, on devrait l'interroger au poste pour réussir à lui faire cracher le maximum. Typiquement, le commanditaire, c'est le genre d'informations qui tombe jamais, parce qu'ils savent qu'ils ont davantage à perdre qu'à parler : quelques mois ou années au calme, en sécurité derrière les murs de la prison et sans... mercenaires prêts à leur faire la peau pour avoir trop bavardé, ça vaut généralement mieux que de l'ouvrir et regarder par-dessus son épaule toute sa vie. Mais il a l'air jeune, et de ce que dit mon collègue...
    - Pas forcément très lié, un profil plutôt voyageur, pas dit qu'il reste ici très longtemps dans tous les cas.
    - Donc, si ça vous va, on peut essayer de lui proposer un marché pour qu'il nous en dise davantage et qu'on le laisse filer. Ca se fait parfois, notamment pour chopper un plus gros poisson. »

    La nouvelle peut sembler dure à avaler pour un citoyen qui paie dûment ses impôts, mais pourtant, on n'a pas vraiment le choix. Sinon, on chopperait jamais que des larbins, et c'est déjà plus ou moins le cas et la dynamique actuelle, donc...

    « Ce qu'il faut se dire, c'est que si on pince que lui, et qu'il dit rien, on remontera jamais à l'origine du contrat. Et, à ce compte-là, demain ou après-demain, vous avez son clone qui vient essayer de faire la même, jusqu'à y arriver. Pour ça que tarir la source de la commande, c'est en général la meilleure façon de faire. Sinon, la semaine prochaine, le mois prochain... Vous pourriez vous retrouver dans la même situation, en votre absence ou, pire en votre présence mais de manière plus... musclée. »

    J'jauge la demi-titan, son statut de professeur à l'académie Magic et le déchaînement d'éléments qu'elle a à portée. Effectivement, de prime abord, on pourrait croire qu'elle a pas grand-chose à craindre, mais y'a toujours un plus gros poisson que soi, et on peut pas être en permanence sur le qui-vive : lui est entré, d'autres y arriveront fatalement, surtout dans ce genre de manoirs de nobles avec des fenêtres partout, et du petit personnel qui circule. J'ai déjà les arguments prêts si y'a besoin, mais j'pense pas que ce sera le cas, à la vérité.

    Finalement, d'un commun accord, on traîne notre coupable à l'étage, pour lui faire admirer la collection de reliques, ou en tout cas celles qu'elle veut bien montrer.

    « Tu vois, p'tit gars, l'équation est plutôt simple. T'es un sale type, vu que t'as déjà un vol avec effraction à ton actif, et une seconde tentative ici. Maintenant, tu sais comme moi que deux vols, ça va pas chercher bien loin et qu'il vaut p'tet mieux rien dire, hé ? Du coup, j'vais essayer de te convaincre du contraire : j'ai une palanquée d'affaires non-résolues chez un paquet de bourges, à qui ça ferait plaisir de savoir que le coupable a été mis derrière les barreaux, même s'ils ont conscience qu'ils retrouveront probablement jamais leurs biens, tu m'suis ? »

    J'lui laisse quelques secondes pour faire le calcul, pendant qu'on regarder les babioles qui nous sont présentées. Y'a des baguettes, des cailloux taillés, des bijoux en métaux plus ou moins rares et précieux, mais rien qui me tape dans l'oeil outre-mesure. Le seul point commun, en réalité, c'est qu'ils font tous un peu réagir mon senseur magique, donc qu'ils ont tous un peu de mana en eux. Et, certains, carrément plus que les autres, d'ailleurs.

    « Donc voilà, pour faire simple, tu donnes le commanditaire, et on te laisse un peu d'avance pour courir. Franchement, c'est pas un mauvais marché : on peut même te laisser vingt-quatre heures pour faire des affaires et disparaître. Et sinon... Baaah, on sait être créatif, dans les prisons de la République, si tu le sais pas encore. »

    Il pousse un soupir.

    « Je peux vous faire confiance ?
    - Bien sûr, c'est une promesse. »

    Même si elles n'engagent d'habitude que ceux qui y croient, quand ça coûte rien, je m'y tiens.
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  • Ven 24 Fév - 23:15
    L’officier l’emmène un peu plus loin pour répondre à sa question, et Neera le laisse expliquer quelle est leur méthode habituelle. Apparemment, un interrogatoire au poste est la procédure standard, ce qui n’étonne pas tant que ça l’enseignante, mais les forces de l’ordre obtiennent peu d’informations utiles, dans ce genre de cas. En somme, les malfrats craignent plus les gens de l’ombre, à savoir celles de la pègre et des bas-fonds, que la grande armée républicaine. Pour un peu, c’en serait presque risible, tant les officiers semblent avoir peu de pouvoir sur la corruption qui règne en ville, mais le milieu politique n’est pas un gage d’intégrité non plus, et c’est peut-être aussi à cause de cela que la nation de Dangshuang est autant gangrénée de l’intérieur. Quand la tête est corrompue, le reste du corps ne tarde généralement pas à suivre. Et les commanditaires de larcin n’apprécient généralement pas de laisser leurs pions en vie, en tout cas quand ceux-ci se font prendre et qu’ils peuvent potentiellement révéler des choses compromettantes à leur égard. Alors l’officier Dosian propose une troisième voie, un moyen terme qui pourrait les arranger tous les quatre. Libérer le voleur afin de potentiellement attraper un plus gros poisson et découvrir qui veut lui voler ses biens. Voilà qui est… une proposition étonnante pour Neera, elle qui s’attendait au début à remettre le larron aux officiers et à clôturer cette histoire. Mais la remarque de son concitoyen est judicieuse : ils ne remonteront jamais à la source du contrat si leur cher voleur ne parle pas. Et ce dernier a intérêt à ne pas parler, car la personne qui a commandité ce vol doit avoir les moyens de le faire taire.

    Alors Neera pince légèrement les lèvres, mais elle comprend le raisonnement de l’officier. En plus, comme l’homme le souligne, rien n’empêche que d’autres individus s’aventurent chez elle, par exemple lors de ses prochains voyages. Si le commanditaire est pressé, il pourrait bien embaucher quelqu’un d’autre les jours suivants. De sorte qu’elle ne sera jamais tranquille. Pas réellement.

    Un soupir s’échappe de ses lèvres, et elle regarde Pancrace.

    - Si vous le libérez maintenant, on pourrait l’utiliser pour qu’il nous mène jusqu’au commanditaire, il doit bien lui remettre son… « colis ». Il y a alors moyen que vous le suiviez et que vous ne perdiez pas sa trace ? Vous n’êtes que deux. Ca suffira ?

    Le plus logique serait de faire croire au commanditaire que le dénommé Valdis a dû rebrousser chemin mais qu’il ne s’est pas fait prendre. Ou alors, ils lui donnent un objet magique qui sert de leurre pour le commanditaire. Neera a suffisamment de ressources chez elle pour le « confier » au voleur les prochaines heures.  

    - Il pourrait aussi vous balader partout en ville, jusqu’à vous semer. Vous y avez songé ?

    Certes, Neera joue l’avocat du diable, mais ça lui permet de mesurer également ce dont l’officier se sent capable.

    - En tout cas, on peut toujours essayer de faire les choses à votre façon. Ce n’est qu’un sous-fifre, alors ce sera plus intéressant, pour vous comme pour moi, de ferrer un gros poisson… Mais je vous laisse convaincre notre ami, en ce cas.
     
    Leur aparté prend fin quand ils montent à l’étage. Alors qu’elle les emmène dans une salle où la demi-titan possède une collection d’objet magique en tout genre, elle écoute d’une oreille distraite Pancrace convaincre le larron de leur donner le nom du commanditaire. Apparemment, celui-ci hésite alors qu’ils passent devant des parchemins de valeur et d’autres objets enchantés. Mais d’autre part, il sait bien que c’est sa seule porte de sortie, il sait que tout ce qui l’attend, sinon, c’est les geôles de la République, et peut-être que celui qui l’a embauché est suffisamment puissant pour lui régler son compte à la sortie de sa détention.

    Alors, il avoue, plus à l’officier qu’à Neera :

    - En fait, je ne sais pas qui est le commanditaire.

    Un rictus s’affiche sur le regard de l’enseignante, et il doit croire qu’elle ne le prend pas au sérieux car il ajoute rapidement :

    - C’est vrai, j’vous jure. Le commanditaire est quelqu’un de très prudent. J’ai reçu toutes mes instructions à distance, avec un acompte généreux pour les risques encourus. C’est qu’il ou elle savait qu’il s’en prenait à une enseignante de Magic, et ben, vous savez c’que c’est, les mages, on peut jamais avoir confiance en eux.

    Alors que la Républicaine s’approche des quelques objets offerts par l’artisan Feltan, elle s’arrête d’un air impatient.

    - Et donc ?

    Sa voix est douce, pourtant, son ton invite clairement à aller à l’essentiel. Le voleur le comprend, aussi il obtempère.

    - Je devais le voir juste après ma mission, dans un sale coin de Liberty. Du genre, le coin que vous fréquentez pas. J’pense que le rendez-vous était une ou deux heures avant l’aube. Y a encore un peu de temps, mais vous m’avez emprisonné ici et et... Valdis rencontre les yeux de Neera, et quelque chose lui souffle d’abréger son monologue : Si je pars maintenant, je peux toujours aller au point de rendez-vous. Mais ça me mettrait en danger et j’pense pas que vous ayez le temps de prévenir d’autres patrouilles.

    Un silence alors que Neera réfléchit, pose distraitement sa main sur les objets de sa collection et finit par poser sa main sur un collier aux perles sombres.

    - Officier Dosian. Et si on laissait partir notre voleur et que je vous accompagnais sur les lieux ? Je ne connais pas la réalité du terrain, mais en terme de force brute, je vaux bien dix officiers républicains.

    Si pas beaucoup beaucoup plus.

    - Quant à l’objet qu’on pourrait donner pour lui faire croire qu’il a bien réussi son larcin...

    Neera promène son regard sur la pièce puis ramène son visage là où elle a posé sa main.

    - On pourrait lui donner ce collier composé de perles d’électrum ? Il est censé nous aider à catalyser la foudre, quand on apprend à maîtriser cet élément. Ce n’est plus comme si j’en avais besoin maintenant…
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  • Sam 4 Mar - 11:41

    Et voilà, on cherche des solutions pour diminuer la criminalité de nos belles cités et protéger les nobles un peu totos dans leurs grands manoirs, et ils trouvent forcément des choses à redire. Ca m'apprendra à vouloir faire autre chose que coffrer des malfrats de bas étage et des voleurs médiocres, tiens.

    « Je suis a priori capable de tracer magiquement quelqu'un, donc il a peu de chances de m'échapper, à moins d'utiliser des magies spécifiquement conçues pour, et encore... Puis bon, vous pensez vraiment que ce gus sèmerait la fine fleur de l'Office Républicain ? Je vous rappelle que nous suivons un cursus complexe aussi long que celui de l'Académie Magic. »

    Evidemment, toute ma belle idée se met un peu à déconner quand le voleur nous fait le coup de la douche froide : il sait pas pour qui il bosse ni pourquoi, et il a juste un point de rendez-vous optionnel vers lequel se rendre, et le temps est compté. Du coup, quand Storm propose de filer un coup de main et de se radiner aussi, j'ai plutôt envie d'accepter.

    « En vrai, pourquoi pas. Une mage aguerrie de l'académie devrait parfaitement faire l'affaire, a fortiori si l'intérêt du commanditaire pour les objets magiques va un peu plus loin et trempe dans l'ésotérique. »

    Qui plus est, rien ne dit qu'il s'agisse réellement d'un criminel, ça pourrait parfaitement être un chercheur en vue, un politicard pas très réglo ou je sais pas quel autre connard de la haute. Y'a pas que les pauvres qui volent, juste qu'eux qui se font chopper. Ils avaient qu'à mieux choisir à la naissance, hé ?

    « Va pour le collier d'électrum, il devrait attirer un peu l'attention et aller ton sur ton avec le larcin précédent. Dans tous les cas, ça nous permettra d'avancer vers le fond de cette affaire. Ca te va, collègue ? »

    Jusqu'à présent, il se laissait un peu aller à suivre le rythme des conversations, mais ça va être difficile de pas l'intégrer jusqu'au bout, surtout qu'on est sur un choix qui pourrait nous être reproché si ça va mal... mais j'sais comment faire passer les rapports, c'est le secret d'une relation saine avec la hiérarchie.

    « Le commissaire va pas... ?
    - On dira que Storm nous a suivis à notre insu, alors qu'on remontait la piste avec notre tout nouvel indic'. Ca vous va, Professeure ? Ca nous évitera des ennuis à tous, et le commissaire osera pas faire plus qu'une tape sur les doigts. Les procédures, vous devez savoir ce que c'est, c'est sûrement pareil à l'académie, hein ? »

    Une fois ces banalités traitées, j'attrape le collier en électrum et j'pose une main lourde sur l'épaule du voleur.

    « J'vais pas te mentir, je sais pas comment tu t'appelles et ça m'indiffère un peu. On va te marquer à la culotte, avec Fifi et Storm, donc inutile d'essayer de t'enfuir. On a des moyens magiques pour s'assurer que tu disparaisses pas, au demeurant. Dès qu'on rentre et qu'on identifie ton employeur, t'as carte blanche pour essayer de te faire la malle. C'est le meilleur marché qu'on puisse te proposer, et j'te souhaite de pas retomber sur nous ou d'arrêter de visiter les manoirs enchantés. Vendu ? »

    Il tire la tronche, et j'le comprends : personne aime les affranchis, donc...

    « Est-ce qu'on peut garder ça... secret ?
    - Sûr, on le criera pas partout, mais si les gens font le lien, envisage une reconversion, dans un cirque ambulant par exemple. Ils sont friands de ton genre de compétences. »

    Il fait la tronche vu que je lui sers la soupe à la grimace. Puis il hoche la tête. Allez, c'est parti, donc.

    ****

    Dehors, il fait pas meilleur qu'avant, toujours aussi sombre, mais la perspective de l'aube proche donne p'tet une teinte un peu plus grise au ciel. Il nous fait signe de nous magner le fiac, et part devant, capuche relevée pour cacher son visage. On laisse Storm directement derrière, et on prend davantage de recul, avec Fifi qui se garde les rues parallèles pour pas qu'on donne l'impression d'être un gros paquet. On échange fréquemment, et nos insignes sont cachés dans les doublures de nos vestes.

    Rapidement, on passe des beaux quartiers à un coin plus marchand et bourgeois, qui commence à peine à s'éveiller avec les boulangers qui allument leurs fours et les bouchers qui aiguisent leurs couteaux. Puis les commerçants et artisans ne deviennent plus qu'un lointain souvenir alors que la façade des bâtiments se défraîchit petit à petit jusqu'à ce qu'on voit des gens bourrés, fauchés, ou les deux traîner dans des ruelles sans pavés, boueuses et jonchées de détritus.

    Pas de doute, on approche.
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  • Dim 12 Mar - 15:57
    Apparemment, l’officier se sent capable de filer le voleur, qui ne saura dès lors pas leur faire faux bond et s’évanouir dans la nuit. C’est une bonne chose, car Neera n’a forcément les capacités de traquer quelqu’un. Personne n’est parfait, en ce monde, et elle n’a jamais été destinée à être un limier ou un membre de l’Office républicaine. L’enseignante opine donc du chef quand son interlocuteur fait valoir qu’il sait ce qu’il lui propose, d’autant qu’il n’a pas tort : leur cursus est aussi long que ceux de Magic. Ça leur donne ainsi quelques cordes à leur arc et l’homme fait bien de le lui rappeler.

    Contre toute attente, lorsque la Tornade se propose ensuite pour les accompagner, Dosian ne rejette pas cette idée en un bloc. Certains l’auraient fait : pourquoi impliquer la victime dans cette enquête quelque peu particulière ? Mais l’officier, lui, est suffisamment intelligent pour ne pas suivre parfois les règles stupides de la bien-pensance. Puis, ce n’est pas comme si Neera est du genre à s’apitoyer sur son sort et à pleurnicher parce qu’un pauvre larron est venu chez elle. Elle a un naturel curieux, peut-être trop pour son propre bien, et quand quelque chose comme ceci lui échappe, elle a envie de savoir le comment du pourquoi.

    Le ton est donné, et Pancrace trouve d’ailleurs bien les mots pour convaincre son collègue. L’idée que l’enseignante les suivent (soi-disant) à leur insu est bien trouvée. Ce n’est pas tellement la vérité, mais parfois, elle n’est pas toujours très bonne à dire, et ça permettra aux deux officiers de ne pas se faire trop taper sur les doigts.

    - Faisons comme ça oui. J’utiliserai ma capacité de vol pour suivre le voleur discrètement. Impossible pour vous de me voir, jusqu’à ce que j’atterrisse à vos côtés, évidemment. Ni vu ni connu. Votre commissaire ne pourra rien vous dire.

    Neera laisse ensuite Dosian faire le point avec le voleur – juste histoire qu’il ne pense pas profiter de la situation – et quand les choses sont bien claires pour tout le monde, la professeure reprend une dernière fois la parole.

    - Laissez-moi prendre une cape et je vous suivrai de loin.

    C’est que dehors, le temps n’est pas splendide. Il fait toujours aussi sombre et surtout, il fait froid, un froid caillant qui peut s’infiltrer dans tous vos os, si vous n’y faites pas attention. Lorsque Neera s’élève dans les cieux et que le vent vient dès lors caresser son visage, elle se félicite d’avoir pris de quoi se tenir chaud. La magicienne s’est fait une queue de cheval pour que ses longs cheveux blancs ne viennent pas embêter empiéter sa vision, elle peut donc regarder les rues de Liberty avec une certaine facilité. Elle y distingue le voleur, et puis, plus à reculons, les deux officiers qui se sont séparés afin de ne pas paraître suspects pour les gens alentours.

    Rapidement, ils quittent le quartier de la Tornade, pour ensuite aller dans une bourgade plus marchande et bourgeoise. Mais le larron ne s’arrête pas encore, non. Il finit plutôt par entrer dans un quartier pauvre, désuet, dont les trottoirs sont ravagés par des détritus ou occupés par des gens bien éméchés. Pour peu, la noble en viendrait presque à regretter sa proposition : elle préfère largement la compagnie des étoiles aux badauds qui sont totalement bourrés en bas. Mais il serait bien malvenu de faire machine-arrière et quand Neera a décidé quelque chose, il est difficile de l’arrêter jusqu’à ce qu’elle arrive à son objectif. Alors elle descend dans un coin où il y a peu de lumières, histoire que son atterrissage nocturne ne se fasse remarquer par personne. Elle arrive dans une petite ruelle étroite, où il n’y a pas âme qui vive, puis, elle rejoint l’allée où marche Valdis. Avec sa haute silhouette et son grand gabarit, il est difficile de déterminer qui se cache sous cette capuche sombre et cette longue cape ample. La diviniste a préféré garder son anonymat si jamais le commanditaire doit se montrer : Neera est bien trop reconnaissable avec sa peau mâte, ses longs cheveux blancs, et ses prunelles immaculées. Autant se cacher un peu, ce qui, d’ailleurs, ne semble pas mal vu dans ce coin de Liberty : il y a d’autres passants qui vont et viennent en cachant soigneusement leurs visages. Peut-être que l’officier Dosian pourrait lui en dire plus sur ce quartier visiblement mal famé et défraîchi, mais l’attendre paraîtrait suspect, alors la demoiselle prend de l’avance et marche à quelques mètres de distance du policier, d’une allure sûre et assurée. C’est assez cocasse, au fond, car l’élémentalise ne sait même pas où elle se dirige : Valdis est son unique référence, et heureusement, le voleur s’est désormais arrêté devant un établissement.

    C’est une taverne, Au hibou chahuteur, un endroit qui pue l’alcool, la bière et la pisse. Vraiment pas le genre d’endroit que fréquente la professeure de Magic au demeurant. Le larron y est cependant entré, et Neera ne peut feindre l’hésitation, on se demanderait pourquoi un individu masqué resterait immobile au milieu d’une petite place, sinon. Alors, pour une fois, elle prie les Divins qu’elle ne fasse pas une connerie et entre dans l’auberge. La chaleur de l’âtre tranche aussitôt avec l’air froid du dehors, et si Neera marque bien une légère pause à son entrée – le temps d’avoir une légère grimace en voyant tous des pauvres types ivre mort -, elle décide finalement d’aller au bar, vraisemblablement près du gérant. Il lui suffit de s’installer sur une chaise haute et, même si la jeune femme n’avait absolument pas l’intention de boire, elle finit par jeter un œil au patron, avant de lui commander un verre d’alcool fort.

    Il lui faudra bien ça pour tenir la soirée, au fond.
    Mais au moins, elle peut regarder Valdis de biais et il y a même de la place à côté d’elle. Dans le meilleur des cas, l’officier Dosian pourra venir s’asseoir à côté d’elle, comme si de rien n’était. Elle espère tout du moins qu’il va vite arriver, parce que ce bar, cette ambiance et compagnie, ce n’est vraiment pas sa tasse de thé.
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  • Sam 18 Mar - 10:14

    La filature s'est déroulée sans le moindre souci : faut bien dire que notre voleur a été collaboratif, en ralentissant le pas après les intersections pour s'assurer qu'on perde pas sa trace, même si c'était pas réellement envisageable avec les garde-fous qu'on s'était préparé. Toujours est-il qu'on arrive à une taverne anonyme dans laquelle il entre, et que j'retrouve Fifi le temps d'attraper une bière dans un autre troquet.

    On en renverse un peu et on boit le reste, pour pas gâcher et travailler notre haleine, à peine une poignée de minutes vu comme on est efficace : on passe plus de temps à en foutre à côté qu'à la descendre, le fruit d'un entraînement acharné de tous les instants. Une fois nos déguisements fin prêts, on pénètre bruyamment au Hibou Chahuteur, en rigolant et en se collant des bourrades, l'image-même des potos en goguette qu'ont un coup dans le nez, et si on attire un peu d'attention, ça se tasse assez vite.

    Pas difficile de reconnaître Storm, droite comme un piquet au niveau du zinc. Ce qui nous a perturbés, au début, c'est le type insistant à côté d'elle, auquel elle répond sèchement en évitant tout contact physique. J'échange un regard avec Fifi, et on s'dit que pour éviter l'esclandre ou que ça dégénère, vaut mieux mettre un terme à la situation.

    Nos mains se posent, de concert et lourdement, sur les épaules du petit importun.

    « Désolé, elle est accompagnée, que j'commence.
    - Et plutôt deux fois qu'une, termine Fifi. »

    Il nous mate d'un air incertain, avant de hausser les épaules.

    « J'pensais pas à mal. Mais madame s'amuse comme elle veut. »

    Ah ben v'là qu'est bien élégant, tiens. D'une bourrade, on l'aide à aller s'asseoir ailleurs, et il crache un mot que j'identifie pas, mais qu'est probablement pas un complément à l'égard de maman. Bah, aucune importance. J'prends ma place sous le regard du tavernier, et j'nous commande la même chose que la bourge pour pas me faire chier à réfléchir. On trinque gaiement, avec un jeu d'acteur digne de l'école primaire républicaine, et j'prends une gorgée du tord-boyaux, qu'a dû être distillé avec le jus de chaussette de la grand-mère du patron vu le goût dégueulasse.

    Un peu plus loin, Valdis a rejoint la table d'un grand escogriffe encapuchonné et d'un orc bardé de cicatrices. Ils sont accompagnés par une forme plus petite et fine qui pourrait être féminine autant que pas humaine, impossible à dire avec toutes ses fringues. Ils doivent en tout cas avoir sacrément chaud, avec tous leurs oripeaux, comme Storm, d'ailleurs.

    Le voleur se penche en avant, tape la table de son index. Réclame son paiement, m'est avis. La petite penche la tête sur le côté, le grand fait signe de donner quelque chose. Avec quelques regards autour de lui, il pose un tas de tissu qui contient la relique de Storm sur la table, et fait glisser jusqu'à eux.

    Petite, j'l'appelle comme ça dans ma tête, soulève un coin et regarde le collier d'électrum, puis opine et donne un coup de coude à Escogriffe. La bourse qui atterrit sur la table est de taille tout à fait respectable, le genre sur lequel nous-même on cracherait pas si l'occasion se présentait, et j'me dis presque que j'ai raté ma carrière. Puis l'orc commande une tournée pour fêter une affaire brillamment conclue.

    On arrive aux bouts de nos verres, nous, alors on en reprend une liche aussi, pendant que je déblatère sur ma dernière soirée avec les collègues de l'Office Républicain de Liberty. Fifi interjecte avec des vannes et des blagues histoire de meubler, et Storm participe comme elle peut au milieu de tous les noms qu'elle connaît pas et que j'lâche aléatoirement. Le but, c'est juste de donner l'impression qu'on est pas juste là pour mater les autres, après tout.

    « Et là, Gégé a sorti une bouteille de sa besace, vous connaissez le genre, hein ? Verre fumé, contenu trouble, pas d'étiquette, juste un bouchon un peu fatigué qu'il retire d'un mouvement expert du poignet. Le "plop" est parfait, on avait déjà un bon p'tit coup dans le nez, et là, aucune odeur. Il sert dans des verres tellement p'tits, c'est des dés à coudre, alors on commence déjà à se plaindre, surtout ceux qui le connaissent pas bien. »

    J'montre les godets qu'on a devant nous pour voir.

    « Genre, deux, trois fois plus petits que ça ? Bref, on renifle, et rien qu'on sente. Du coup, Tarot prend le cul sec, et là, on le voit devenir tout rouge, tousser, se taper la poitrine. Autant dire qu'on s'pose sérieusement des questions, alors on trempe juste les lèvres. »

    Je discute, je discute, mais Valdis se lève en laissant son verre quasiment plein, et les trois autres restent assis, alors nous aussi. Comme promis, il aura un peu d'avance pour partir, mais nous, maintenant, on veut les commanditaires. Et ils continuent tranquillement à picoler : toute commande passée doit être consommée, après tout, la règle des plus grands. Du coup, j'continue à meubler.

    « Forcément, on s'attendait pas à ça : c'est l'explosion de saveurs, genre ultra concentré. Mais y'a pas que le goût, ça doit titrer à soixante-dix facile, donc ça brûle salement le gosier. Mais y'a ce petit aspect de reviens-y, on n'arrive pas à s'arrêter, et...
    - On n'arrive jamais à s'arrêter, faut dire, coupe Fifi.
    - Oui, bon, ça... »

    Ah, mais ça s'agite chez nos clients...
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  • Ven 31 Mar - 18:01
    S’il y a une chose à laquelle Neera n’est pas habituée, c’est les infiltrations clandestines dans les bas-fonds de Liberty. Oh, bien sûr, l’intéressée a été assez sage pour que personne ne l’approche, et aucun membre de la taverne ne se doute encore qu’une jolie noble républicaine se trouve dans ce si pitoyable établissement. Mais pour les plus fins et les plus aguerris, ça se voit clairement que la belle attend quelqu’un ou quelque chose. Ses doigts tapotent discrètement le bois rugueux du comptoir et la Tornade se dit qu’il va falloir être plus délicat pour se fondre dans la masse. A défaut d’avoir vraiment envie de se saouler, elle se rappelle bien les beuveries mémorables qu’elle a eu avec Nineveh et d’autres anciens de Magic. Il est certain qu’actuellement, elle est bien moins bonne compagnie, mais elle peut garder ces guindailles à l’esprit, et c’est pourquoi la magicienne commande un alcool fort au bonhomme qui prend les commandes.  

    Mais il y en a qui n’ont pas froid aux yeux n’est-ce pas ? Quelques-uns se croient même beaux ou avenants alors qu’ils puent franchement de la gueule. Aussi la Républicaine s’agace vite qu’on vienne s’installer à côté d’elle et lui faire la conversation. Qu’est-ce qu’elle en à foutre, de cet ivrogne qui est un habitué du coin ? Les places vides étaient réservées aux deux officiers, d’abord. Même si ça, l’autre gus ne le sait pas. Mais ce n’est pas l’important.

    Au moins, Dosian et Fifi interviennent assez rapidement, même s’ils ont l’air carrément de deux camarades de beuverie que de deux officiers républicains. Enfin, c’est l’effet recherché, se dit Neera, et elle n’est pas mécontente que ses deux complices viennent dire à l’autre idiot qu’elle préfère leur compagnie à la sienne. Son crachat et son injure la laisse complètement indifférente, mais bientôt, elle s’amuse – qui l’eût cru ? – du jeu d’acteurs des deux policiers. Car oh, pour faire semblant, ils sont forts, ces deux-là. On dirait qu’il trouve des sujets de conversation aussi naturellement qu’ils respirent, et bien sûr, ils s’acclimatent parfaitement à l’endroit. Des rires un peu trop déployés, un débit de parole un peu rapide, tout indique a fortiori qu’ils passent une soirée totalement innocente dans un bar de Liberty, alors que, non, non, ils sont bien en mission de reconnaissance.  

    D’ailleurs, les choses évoluent. Un orc et un grand escogriffe se présentent à la table de Valdis et au milieu d’eux se trouve une petite silhouette, encapuchonnée comme la demi-titan dans une large cape qui recoupe tout son corps. Le voleur demande son dû – ce qui est dans son intérêt sinon, tout cela serait suspect – puis il s’en va de la taverne après que son client ait approuvé le vol du collier. Bon. Au moins, ça c’est fait.  

    - On choisit la méthode douce ou on y va en mode bourrin ?

    Bah oui, il ne faut pas croire que Neera est toujours très diplomate quand on vient à lui chercher des noises. Elle n’est pas très attachée à ce collier – ça fait depuis très longtemps qu’elle s’en est détachée à dire vrai – mais elle on a quand même tenté de pénétrer sur sa propriété, et la demoiselle n’est pas du genre à ignorer cet affront maintenant qu’elle a les protagonistes de cette affaire sous les yeux.

    Pour faire genre, la belle boit une gorgée de son tord-boyaux alors qu’elle attend les conseils éventuels de ses comparses. Elle n’est pas contre l’idée de rejoindre leur table, mais si les officiers préfèrent une autre méthode, elle les suivra volontiers. Après tout, c’est eux les spécialistes sur les criminels.  

    En tous les cas, les deux policiers déblatèrent, se racontent des histoires, des vannes, ils recommandent même des verres, et évidemment, la professeure s’en reprend un aussi. Si elle ne perd pas de vue leurs cibles, qui ne perdent rien pour attendre, elle ne peut s’empêcher de ricaner quand elle entend leur anecdote sur leur Gégé et son alcool qui lui arracha le gosier.

    - Je vous mets au défi d’aller trouver Nineveh de Basileïa. Non seulement je suis sûre qu’elle vous enterre tous, mais que surtout, elle vous trouve des perles rares au niveau des bouteilles en alcool.

    Mais maintenant les clients qu’ils épient s’agitent. Valdis est parti en laissant son verre quasiment plein, et la petite bande a déjà consommée une belle tournée. L’orc, bien sûr, est le plus impressionnant de tous, mais la plus petite silhouette, presque bossue sous son épaisse cape, est manifestement celle qu’ils regardent avec plus de respect. Bon. Ce que Neera a bien remarqué, c’est que la Petite n’a jamais retiré sa capuche. Redouterait-elle son apparence peut-être ? Cela serait un hybride ou une race peu commune du Sekai ? Difficile de le dire. L’important, dans l’immédiat,  c’est qu’un ivrogne a renversé sa boisson un pan de la cape de l’inconnu, et ça, ça ne plait pas au gros mastodonte qui attrape dès lors le pauvre gars par le col et le décolle momentanément du sol. Cela attire évidemment les regards des clients – comment ne pas être attiré par la bagarre et la boxon, après tout ? – et Neera jette un œil à ce spectacle d’un air ennuyé. Elle ne sait pas si elle a de la pitié pour l’infortuné ou si elle a une complète indifférence à son égard. Bref. Toujours est-il qu’elle pense que ce sera vite fini, qu’un coup sous la caboche suffira ou que quelques excuses dites à plate ventre calmera les choses.

    Mais non, non, généralement, les choses ne se passent jamais comme prévu. Oh, il y a bien quelques gueulantes, oui, le genre de choses que des brutes savent dire pour faire peur et pour dissuader d’autres imbéciles de s’approcher de leur table, en réalité. Pour terminer sa belle séance d’intimidation,  l’orc n’a d’autres idées que de lancer le pauvre gars comme un malpropre. Gars qui fait donc un vol plané dans la pièce. Et qui atterrit sur le pauvre Fifi en train de finir son verre à l’alcool au pipi de chat.

    L’atterrissage a de quoi être abasourdissant pour Neera et Pancrace. Cette dernière écarquille légèrement les yeux alors qu’elle a un regard un peu incrédule – mais dans quel monde on vit, bordel ? –. Au moins, le barman émet un grognement menaçant et lance un regard qui en dit long à l’orc. Sa taverne, ses règles, et il n’est pas question de créer une bagarre ni de lancer ses client sur son bar, bordel de merde. Le guerrier ne regrette évidemment pas son geste, mais pour la demi-titan son sang ne fait qu’un tour. Après s’être quand même enquiert de l’état de Fifi – ça va, il est vivant ? – elle se lève ensuite, déclare au barman d’aller chercher sa meilleure bouteille dans sa cave et de leur en donner un verre à tous les trois – surtout à Fifi –, puis, après lui avoir donné des pièces monnaie et trébuchante, elle se dirige d’un pas leste vers la Petite et les deux grosses brutes. L’espace d’une seconde, elle espère que l’officier Dosian va suivre, mais elle a un côté un peu sanguin, Neera, et ne s’inquiète pas dans l’immédiat de ce que va faire son compère. D’un geste totalement naturel, elle s’assied à la place de Valdis, qui était toujours vide, croise les genoux d’un air totalement décontracté, et capuche sur le visage, elle déclare d’une voix froide :

    - Vous avez fait du mal à mon ami, là-bas.

    Bon, ce n’était pas vraiment son ami, mais on allait s’épargner les détails, évidemment.

    - Je demande une compensation face à la stupidité de votre homme.

    L’élémentaliste s’adresse évidemment à la Petite, qui est pile en face d’elle, et qui ne peut discerner les traits de la demi-titan, puisque celle-ci n’a toujours pas enlevé la capuche de son visage.

    - Quand on ne sait pas contrôler ses subalternes, on assume. N’est-ce pas, Vrenn ?

    Elle s’adresse cette fois à Pancrace, mais pas question de donner son vrai prénom à leur interlocuteur, sachant qu’il fait partie des forces de l’ordre républicain.

    D’un air nonchalant, Neera désigne le collier qui est toujours emballé dans un coin de la table. Quel dommage, ils ne l’ont pas encore rangé, en assumant peut-être que personne ne serait assez stupide pour les déranger.

    - Par exemple… Qu’est-ce que vous avez là ? Ca pourrait suffire à nous dédommager non ?

    Comment aller dans le vif du sujet et forcer son interlocuteur – ou son interlocutrice ? – à se trahir et à en révéler plus sur elle.

    Le barman arrive sur ses entrefaites, et tend un verre à Neera, ainsi qu’un à Pancrace. Si Fifi les a rejoint, il lui en a donné aussi ; sinon, il lui a filé sa part au comptoir. Quand le tavernier fait mine d’en donner à la Petite et à l’orc, la demi-titan l’arrête d’un geste de la main pour dire que ce n’est pas nécessaire et accorde un sourire provocant à l’autre parti.

    C’est qu’elle peut être une sacrée peste, quand on la cherche un peu trop.
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  • Jeu 13 Avr - 11:09

    Le choc a été rude pour Fifi, on va pas se mentir, et j'aurais pas fait le fier non plus à sa place, mais Storm est déjà partie vers la table des zigotos, et comme on est censé être une équipe, et que le collègue est en train de se dépêtrer des membres de l'autre idiot sans plus de casse qu'un gros bleu ou deux, j'la suis lestement. Du pied, je crochète un tabouret à côté pour m'asseoir aussi.

    J'suis pas son garde du corps, après tout, à rester debout à côté, et c'est clairement pas l'image que j'veux donner. Nan, j'ai laissé tomber le sourire avenant, l'air rigolard et la bonhomie naturelle pour faire ma meilleure impression de porte de prison, la spéciale pour les entourloupeurs et les salles d'interrogatoire glauques et sombres, le code pénal à la main pour en faire sentir tout le poids directement dans la gueule des présumés coupables.

    J'note quand même avec appréciation que la professeure file pas mon blase aux attendus, et ça fait plutôt plaisir. C'est que j'ai pas forcément envie qu'on me retombe sur le coin du museau derrière, la hantise éternelle des officiers républicains... et des criminels.

    Quand Storm pointe le collier, l'orc tend directement la main pour le protéger, comme si on allait le lui subtiliser. Mais comme aucun des autres bouge, il se contente de le couvrir sans le déplacer. C'est lui qu'a le sang chaud, qui fera la première connerie, m'est avis. La P'tite nous observe en silence, et l'Escogriffe jauge le reste de la salle.

    Hé, si personne veut parler, c'est p'tet l'occaz de goûter le meilleur picrate du patron, non ? Surtout que j'l'ai pas payé, çui-là, donc il aura déjà de base le bon goût du gratuit. L'odeur, déjà, refoule du goulot à cause d'une amertume bien trop présente, mais derrière, y'a quelque chose d'intrigant, alors j'prends une gorgée. Âcre, à nouveau, et du fruit derrière, puis c'est super fort.

    J'pense qu'il a confondu la qualité avec le titrage, pasque c'est clairement pas terrible. J'repose doucement le verre sur la table avec la certitude de pas y toucher, en tout cas pendant que j'bosse.

    Ca tombe bien, la P'tite va justement prendre la parole.

    « Cela me paraît un peu cher payé pour quelques hématomes, même en comptant un préjudice moral. »

    Diction claire et élégante, champ lexical maîtrisé, elle est clairement pas dans l'ambiance.

    « Il me semble qu'une dizaine de pièces d'or devraient largement suffire. »

    L'Escogriffe les sort de mauvais coeur de sa bourse à lui, et les pose soigneusement sur la table. Voilà que la discussion prend un mauvais tournant pour nous, qui voulions creuser un peu par là. Le senseur magique repère rien de particulier sur eux, même s'ils sont probablement des mages, ne serait-ce que pour s'intéresser à tout ça. Oh, p'tet pas des gros calibres, à l'exception de la P'tite, mais en tout cas suffisamment pour les séparer de l'ivraie commune.

    « Parfait, que j'tranche. Et pour le collier, vous le faites à combien ? On doit pouvoir s'arranger. »

    Nouveau silence, et ils doivent se dire que y'a anguille sous roche. Fifi nous a rejoint, et s'est mis de l'autre côté de Neera, après s'être ramassé et épousseté. Du coin de l'oeil, je vois le patron sortir un nerf de boeuf de sous le zinc, et le poser devant lui en nous regardant fixement. Vrai que nos postures respirent pas vraiment la détente et l'amusement, puis tous ces gens à capuche, vraiment, c'est n'importe quoi, on se croirait pas chez nous. Enfin, c'est probablement ce qu'il dit.

    Puis moi, ça me facilite pas le boulot, tous ces gens suspects qui se cachent le visage. Vivement que ça devienne interdit, et qu'on puisse foutre au gnouf tous les gens suspects ou sur le point de faire des conneries, ça te me les calmerait, les rues seraient plus sûres. La rumeur dit que la maire de Courage est pas hostile à ce genre d'initiatives, donc y'a quand même un rayon d'espoir pour empêcher que le chaos s'installe. Faut dire, entre les réfugiés de tout poil et les races bizarres, hein...

    Mais on s'éloigne du sujet.

    « Le collier n'est pas à vendre, nous devons juste le livrer. Donc, vous comprendrez aisément que nous ne pouvons pas vous le céder, quelle que soit la somme que vous proposeriez. »

    Ils nous fixent sans bouger, en attendant de voir notre réponse. Storm se lève sèchement.

    « Je comprends. Allons-y. Et bonne soirée. »

    On lui emboîte gentiment le pas en marmonnant, et j'fais signe à Fifi que les affaires vont pas tarder à reprendre. Je les ai marqués au senseur, et lui va se grouiller de passer à l'arrière, s'ils prennent une porte dérobée. Ils doivent bien se douter, de toute façon, que ça va pas s'arrêter là.

    « Storm, vous voulez les suivre ou les arrêter ? Je pense que la première option n'est pas sûre, pour ma part. Nous devrions pouvoir leur faire cracher leur commanditaire si on les choppe, même si c'est pas certain. Y'a des fortes têtes qui respectent leurs contrats. Cela dit, c'est votre collier, donc je vous laisse choisir. »
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  • Sam 15 Avr - 22:38
    Pancrace la suit, et c’est une bonne chose. Neera a parfois ce côté un peu sanguin, qui ne réfléchit pas et qui agit juste à l’instinct. En l’occurrence, difficile pour elle de laisser couler ce qui est arrivé à Fifi, même s’ils ne sont pas meilleurs potes. Et puis, mine de rien, ça permet aussi d’approcher la mystérieuse bande tout en faisant passer pour de sales gaillards un peu trop vexés par l’agressivité de l’orc. Son regard dissimulé par sa capuche, la demi-titan s’assied sans aucune gêne à la table d’en face,  et la professeure dévisage la Petite, qui est manifestement le cerveau des opérations. L’officier, quant à lui, choppe un tabouret et s’assied auprès de l’élémentaliste. Cette fois, il n’a plus son visage de beuverie, il donne plutôt l’impression d’être une armoire à glace qu’il faut pas faire chier quand il passe une bonne soirée.

    Les « négociations » commencent, sans beaucoup de réactions, au départ, ce qui laisse le temps au patron d’arriver avec son meilleur breuvage. Un pour la Tornade, l’autre pour son acolyte. Neera en boit une gorgée pour le principe, mais décidément, elle préfère les vins qu’elle a dans sa cave. Si c’est tout ce qu’il a là, c’est sûr qu’elle refera pas un tour du quartier prochainement. Prenant sur soi pour rester impassible et ne pas montrer ce qu’elle pense de cet alcool de seconde zone, la diviniste repose sa choppe et croise les bras en dévisageant la Petite. Cette dernière sent peut-être que c’est le moment d’intervenir, car elle leur propose plutôt une contrepartie. Dix pièces d’or contre les quelques bleus et hématomes de Fifi. C’est bien, sauf qu’en vrai, ça ne les avance pas à grand-chose. Mais Neera note sa diction claire et maîtrisée, son ton calme, et son champ lexical qui n’est pas celui des pauvres gens de la pègre. Hum. Elle serait un type de la haute bourgeoisie alors ? Ou une de leur servante ?

    Neera laisse l’escogriffe sortir sa propre bourse et sortir une à une les piécettes, comme si ça lui arrachait le cœur de les donner à de parfaits inconnus. Pancrace approuve la transaction, et insiste ensuite sur le collier. Bien vu. Depuis tout ce temps, le bijou est toujours sur la table, alors autant essayer de mettre la main dessus, puisque, dans tout les cas, ça lui appartient quand même. Insensible à la tension qui règne dans la pièce, la magicienne attend une réponse, le visage fermé, et la Petite finit par leur déclarer que le collier n’est pas à vendre. Ils doivent encore le livrer. Hum… Valdis ne serait donc que le premier intermédiaire ? Ca l’agace, mais elle peut comprendre un temps soit peu de telles mesures. Alors elle se lève d’un air sec – inutile de rester ici puisque les négociations sont terminées – et elle se retire avec son groupe. Plongée dans ses pensées, c’est les propos de Pancrace qui la ramène finalement sur terre.

    - Hum… Entre nous, je préférais les suivre, mais… Il y a trop de chances qu’ils se séparent à la sortie de la taverne. On est trois donc on pourrait chacun en prendre un en filature. Mais si l’un d’eux nous remarque, ça pourrait nous mettre en porte-à-faux. Surtout qu’on ne connaît pas leurs capacités. Et on ne saura pas non plus qui a le collier. Ce sera donc difficile de savoir ce qu’il en est si on les laisse aller et qu'il se sépare.

    Neera pose son index sur la commissure de ses lèvres alors qu’elle réfléchit.

    - Evidemment, ils pourraient rester grouper aussi. Mais on ignore s’ils doivent aller loin ou s’il y a d’autres intermédiaires encore. La jeune femme claque de la langue alors qu’elle n’aime pas ce petit jeu. Arrêtons-les. Je fais confiance en votre expérience, officier Dosian. M’est avis que l’Escogriffe ne parlera pas. L’orc est un gros tas de muscle, peut-être qu’il peut être facilement manipulable, mais si ça tombe, il ne sait rien sur le commanditaire. Alors je propose que, si on doit attraper quelqu’un, ce soit la Petite. Elle parle bien. Elle est calme et a un bon vocabulaire. Ca ne m’étonnerait pas qu’elle vienne de la noblesse ou de l’aristocratie. Qu’en pensez-vous  ?

    Elle attend le retour de ses deux complices, puis, passe aux dispositions pratiques. Le trio se met rapidement d’accord, et pendant que Fifi passe par derrière pour ne pas que le groupe passe par une porte dérobée à leur insu, la Tornade et l’officier attendent à l’extérieur que la bande sorte également. Il faut un bon quart d’heure avant que la Petite et ses sbires ne s’engouffrent dans la ruelle. Ils partent alors tout droit d’un pas relativement pressé, et Neera s’adresse à demi-mot à Pancrace.

    - De deux choses, l’une. D’abord, je n’ai jamais procédé à une arrestation. Ensuite, ce serait peut-être sympa que vous ayez des renforts. Et puis, troisièmement, si vous voulez, je peux bloquer les issues avec ma magie. Quelques barrière de foudre à droite, à gauche, devant et derrière, ça les dissuadera de prendre la poudre d’escampette. D’ailleurs, je peux toujours les suivre en volant, mais j’aurais besoin de savoir où vous voulez que je bloque leur fuite, alors.

    Sinon, il y avait la méthode forte, carrément paralyser leurs cibles. Ce serait radical et efficace, mais pas sûre que les deux officiers soient véritablement récompensés s’ils ramènent des suspects dans un tel état au commissariat.
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