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Je la trouvais bien loin de ce que l'on pouvait dire d'elle. Jouait-elle la comédie au monde entier ou était-ce moi qui était bercée par une illusion savamment tissée par Koraki? Je ne savais pas mais mon naturel optimiste me disait de juste profiter de ce moment et de ces échanges précieux. Néanmoins, la question qui finit par tomber me laissa silencieuse de longues secondes.
Je me retrouvais un instant plongée dans mon passé et je réalisais que je n'avais pas parlé de ces semaines à qui que ce soit jusqu'à présent, personne ne m'avait demandé comment j'avais vécu cette période, les gens que je connaissais avaient eu peur pour moi et avait été soulagé à ma libération.
Le regard vague je répondis seulement un mot au début "mal".
C'était la réalité, comment aurais-je pu bien vivre cette situation?
- Je me souviens de ce jour de printemps comme si c'était hier. J'étais dans les jardins du Manoir à désherber, en cette saison les mauvaises herbes sont pléthores et comme j'entretenais un jardin de simples et de plantes médicinales j'avais du travail au quotidien. J'ai entendu des chevaux arriver dans la cour. Ils étaient assez nombreux et il y avait une cariole avec eux. Je me suis relevée de mon travail, j'étais aux côtés de la vieille Lorenna. Nous avons été surprise de voir un groupe de chevaliers de l'Ordre devant le parvis du Manoir. Songeant qu'ils venaient trouver mon tuteur, j'ai déposé mes gants, mon chapeau et mes ciseaux dans mon panier d'osier. Et je suis allée les saluer poliment. Ils semblaient fermés, sévères, anxieux certains même et cela m'inquiétait forcément.
Mon regard n'est plus dans le salon de la mairesse mais perdu dans mon passé, sur le parvis du Manoir.
- Un des hommes a démonté de cheval, il semblait ennuyé mais sa voix était ferme, il m'a demandé qui était le noble qui dirigeait cette demeure. J'ai été surprise mais j'ai répondu que mon tuteur dirigeait en attendant que je sois mariée ce qui ne saurait tarder. Il a semblé triste quand j'ai dit que j'étais majeure en réalité. La suite... Mon tuteur est arrivé il était blême, lui savait ce qu'il se passait, il avait eu des échos des derniers jours mais ne m'avait rien dit. J'ai compris que je devais les suivre sans protester mais pourquoi? Pour quelle raison? Ils refusaient de répondre, le chevalier qui dirigeait ce groupe avait seulement dit que c'était un ordre la Régente, que tous les nobles de Mael et de Sancta devaient être envoyés dans les Commanderies de l'Ordre pour être passés à la question car la traitrise rongeait les coeurs de nombreuses personnes ainsi que la perfidie et la trahison.
Absente totalement, je revis ce moment surréaliste ou je ne comprends rien de ce qui m'arrive...
- Je suis restée dans une cellule sans visite pendant dix jours. Ma cellule était propre, j'avais une paillasse, une couverture et ... un pot qui était vidé chaque jour, on me nourrissait aussi mais personne pour me parler, c'était terriblement long. Enfermée dans une petite cellule sombre, seule, alors que je devais me marier quelques semaines après, devenir baronne à ce moment là, ils m'avaient volé ma vie, la Régente m'avait privé de mon avenir sans que je ne comprenne le pourquoi du comment voyez vous. C'était ça qui était terrible, j'avais l'impression d'avoir commis un crime mais je ne savais pas lequel et je ne pouvais rien y faire.
Je soupire en songeant à ses moments ou l'attente et la prière étaient les seules activités que j'avais. J'ai reposé ma tasse vide et pris quelques grains de raisin que je grignote avant de poursuivre, la voix un peu enrouée par l'émotion, comme si je revivais ces moments étranges du passé.
- Le matin du onzième jour on m'a fait sortir de ma cellule et j'ai été interrogée. Rassurez vous il n'y a nulle torture physique derrière tout cela, mais des jours jours on m'a demandé de raconter ma vie, mon quotidien, on m'a posé des questions sans queue ni tête du moins c'était ce que je pensais. Mais leur but, avec ses interrogatoires répétitifs, courts, bref, c'était de sonder les gens. Les jours sont devenus des semaines, les séances s'espaçaient et un jour on m'a annoncé que j'étais libre de rentrer chez moi que l'Ordre avait statué que je n'étais pas traitresse à la fédération ou à mes devoirs. Je suis rentrée sous le choc, épuisée par ses semaines et je n'ai appris que le lendemain que mon tuteur et mon fiancé eux avaient été exécutés deux semaines avant. J'étais chez moi, seule, sans personne pour veiller à mes intérêts... Le début d'autre chose...
J'avais beaucoup parlé et livré tout sans retenue, sans honte non plus.
- Nous avons été si peu à sortir des cellules des Commanderies. Je ne sais même pas encore aujourd'hui ce qu'ils appelaient des traitres, quels étaient leurs critères mais je sais que la Purge a décimé presque toute la noblesse de deux protectorats et quand la guerre a éclaté, ils ont fui, ils avaient déjà trop souffert pour se battre pour leur pays.
Oui je pensais Gunnhildr responsable du fiasco de Shoumei, au même titre que Seagan qui avait disparu.
Rougissante, consciente de m'être livrée sans retenue je m'excusais.
- Je suis navrée de m'être ainsi épanchée...
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Info personnage
Race: Hybride (Femme/Corbeau)
Vocation: Mage Noire
Alignement: Neutre Mauvais
Rang: D
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Pendant qu'elle écoutait attentivement le récit de Myriem, les yeux de Koraki s'embrumaient, reflétant les sentiments intenses qui accompagnaient le récit. Ce n'était jamais une expérience agréable que d'écouter le récit d'une vie brisée, surtout quand on sait qu'il aurait fallut un seul et unique changement dans la sienne propre pour que tout vole en éclat de la même façon.
Pourtant, derrière cette empathie apparente se cachait également un esprit analytique en action. Les émotions qui dansaient dans les yeux de la Mairesse étaient accompagnées d'une réflexion profonde. Comment une telle purge avait-elle pu être orchestrée en si peu de temps ? Comment une nation entière avait-elle pu basculer de la sorte, transformant une nation en un champ de carnage pour les nobles ? Il y'avait là matière à étude, c'était certain. Les pensées de la Catin s'agitaient en tout sens, prenant mentalement des notes, déconstruisant le récit en éléments qui pouvaient répondre à ses questions. Était-ce un mouvement soudain de la part des instances dirigeantes ? Une extermination longtemps préparée ? Ou peut-être une manipulation politique orchestrée par des forces extérieures au pays ? Tout était possible, même si la dernière option était fort inenvisageable, et Koraki envisageait chaque angle avec une soif insatiable de comprendre les mécanismes qui avaient conduit à une telle tragédie.
Alors que Myriem continuait de parler, elle gardait un air sérieux et empathique, mais le feu de la curiosité brûlait en elle. Puis le récit s'acheva, ne provoquant après quelques réflexions que deux mots de la part de la Mairesse en réponse aux quelques interrogations qui continuaient de hanter l'esprit de l'apatride :
- La peur.
Se redressant un peu plus fièrement, elle prit le temps de se constituer une petite coupelle de fruit exotique, profitant de ces quelques instants pour ordonner ses idées, ses réflexions et ses conclusions avant de finalement les présenter à son interlocutrice.
- Entre des mains intelligentes, la peur peut servir à beaucoup de chose. En créant un climat de crainte et d'incertitude, on maintient un contrôle sur la population, cela est son utilisation la plus répandue et la plus évidente, aussi j'estime que là n'était pas l'intention première de la liche, quand bien même j'imagine que jamais vous n'avez tenté quoi que se soit contre le gouvernement de la régente après cette épreuve. Diviser et écraser l'opposition, par contre ... Même si la méthode était ... Violente, tout ceux qui s'opposaient à Gunnhildr ont certainement fini leur vie sur un bucher, accompagnés des "dommages collatéraux", si vous me permettez l'expression, où bien on quitté la Fédération ou bien son rentrés dans le rang, peu importe en vérité. Le résultat était là. Pour avoir plus ou moins participé aux derniers échanges diplomatiques avec Shoumeï avant la catastrophe, je dois bien avouer que jamais auparavant votre nation ne s'était montré si unie. Je pense que c'est là l'intérêt principal de la Purge. On déviant l'attention du peuple en dehors des problèmes internes ou des scandales politiques, en concentrant l'attention sur des menaces extérieures ou sur des ennemis, imaginaires ou non, on participe à la création d'un consensus. Si l'ennemi, c'est Gunnhildr, alors l'allié, c'est Seagan. Il ne faut pas oublier que Shoumeï était une hydre à deux têtes pensantes. Je ne pense pas qu'il serait idiot de croire que la Régente, même si elle a probablement agit par paranoïa, l'a surtout fait pour donner plus de liberté d'action à son binôme. La Haine à présent entièrement tournée vers elle à permis à Seagan d'agir.
Son regard, jusqu'à porté sur sa coupelle ou la fenêtre donnant sur la cité, se pose à nouveau sur Myriem, et alors elle s'en rend compte. Elle se rend compte qu'elle a peut-être été trop analytique dans sa façon de s'exprimer, étant retournée dans cette espèce de leçon de politique qui avait pourtant été achevée quelques minutes plus tôt. Aussi se hâte t-elle de refermer cette parenthèse.
- Bien sûr, utilisez avec excès, la peur n'engendre que deux conséquences : la méfiance envers l'état et la polarisation de la société. Là à sûrement été l'erreur de vos dirigeants : en faire trop.
Ha ! Et c'était la Catin qui disait cela ...
- Evidemment, tout ce que je dis ici est peut-être faux. Peut-être que votre fiancé et votre tuteur son morts par malchance et à cause de la folie d'une liche en déclin. Tout est possible. Et a moins de retrouver la responsable, vous ne saurez jamais les raisons de ces morts.
Parfois, il fallait des mots durs. Sa dernière phrase n'était sûrement pas des plus plaisantes à entendre, surtout quand on gardait en tête le fait que les deux femmes ne se connaissaient que depuis quelques heures, mais ainsi en était-il de la Reine des Catins. Si la baronne n'avait pas voulue en parler, elle se serait tue et la Mairesse n'aurait jamais eut à lui dire que sa quête de réponse était une entreprise vaine. Telle était l'importance de faire face à la réalité de sa tragédie et de ses conséquences : ses amis étaient morts et elle ne saurait jamais pourquoi.
- Les épreuves que vous avez vécues et celles de votre pays sont profondément émouvantes et je suis honorée que vous l'ayez partagée avec moi. C'est une tragédie qui mérite toute notre empathie et notre compréhension. Aussi, si vous avez besoin de parler davantage, je suis ici à vous écouter. Mais je ne peux m'empêcher de penser que ... Peut-être est-il temps pour vous d'abandonner votre passé shouméïen ? Le passé est une chaîne, dont les maillons sont constitués de regrets, de remords, de traumatismes, de peur, d'inconnu et de "si". Un poids trop lourd à porter pour des épaules si jeunes. N'en avez-vous pas assez de l'avoir tiré ainsi de Maël jusqu'à Courage ?
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Quand mon récit toucha à sa fin, récit qu'elle n'avait pas écourté ou coupé de questions elle livra deux mots, simples mais qui résonnaient pleinement dans mon esprit "la peur'. Je hochais la tête, elle avait vu juste en effet, la régente avait instauré une peur chez les nobles survivants de sorte qu'aucun n'aurait pu envisager de faire quoi que ce soit ou d'agir contre elle si jamais ils en avaient eu la moindre vélléité.
J'étais toujours pour ma part captivée par son aura et sa réflexion fine de la situation passée ou actuelle, reine des catins un jour peut-être mais politicienne et tacticienne depuis longtemps déjà c'était une évidence, elle ne pouvait s'être construite en un claquement de main et cette femme devait être d'une rare complexité.
- En effet personne n'a rien tenté, quand nous sommes rentrés, j'imagine que les autres comme moi avons eu à coeur de nous assurer que nos gens allaient bien, que rien d'autre n'avait changé ou bougé le temps de notre absence. Que s'était il passé sur nos terres, nous n'en savions rien depuis nos geôles. Mais vous avez raison, *sourire* encore une fois, les opposants qui sont sortis des prisons des commanderies ont quitté le territoire rapidement, dans les mois qui ont suivi, Shoumeï a connu une deuxième perte de nobles après celle de la Purge. Et la dernière fut durant la guerre, à croire que nous sommes peu courageux quand nous naissons avec une cuillère en argent dans la bouche.
Triste constat mais probablement basé sur un grand fond de vérité, l'oisiveté, la richesse, cela créait bien trop de mollassons à mon goût, même si le rigorisme diviniste évitait de voir des gros porcs grassouillets se complaisant dans l'inutilité de leur existence, cela restait une trait assez banal : la lâcheté.
- Je ne juge pas mieux l'un que l'autre pour tout avouer. Je n'ai aucune légitimité à le faire mais je les estime tous deux autant catalyseurs de nos déboires.
Après nous avons fait le reste comme des grands tout simplement.
Quand elle finit par dire qu'elle se fourvoyait peut-être que c'était un point de vue extérieur en somme je restais dubitative car je trouvais cela plutôt juste comme analyse.
- Je suis quelqu'un de profondément empathique et attachée aux gens qui sont méritants. Mon fiancé n'était qu'un troisième fils de noble de Bénédictus imbu de sa personne et désireux de me montrer comme un trophée à son bras, empressé alors même qu'il aurait du se comporter dignement de par son rang et son éducation, c'était un porc comme bien d'autres hommes, j'ai été soulagé quand j'ai appris sa disparition et je m'en suis voulu de l'avoir pensé ainsi. Quand à mon tuteur, c'était visiblement un homme trop enclin à vouloir détourner des fonds ne lui appartenant pas, les livres de comptes que j'ai étudié à sa mort m'ont permis de mieux accepter mon deuil de cette figure d'autorité qui m'a guidée quelques années de loin... Il piochait dans les fonds de la compagnie marchande et des biens de ma famille. Un mal pour un bien de fait, j'espère ne pas vous décevoir en avouant cela mais avoir de la peine pour des gens qui .... je n'y arrive plus. Quand à trouver l'ancienne régente, cela me semble assez improbable, elle a disparu totalement sans que personne ne sache où et pourquoi.
Magnifique ça aussi, à croire que le destin s'acharnait contre Shoumei et ses habitants.
La conclusion de sa réponse me laissa perplexe, je comprenais parfaitement ce qu'elle disait et pourquoi elle me donnait ce conseil mais je sentais que je n'étais pas prête pour cela, ou pas destinée à cela, je ne saurais l'expliquer.
- Le passé, mon passé, les épreuves que j'ai vécues, sont ce qui m'ont faites ainsi aujourd'hui. Mais je ne suis pas certaine d'être prête à tourner la page et jeter cela derrière moi, avancer sans regarder en arrière, ce n'est pas encore possible même si j'avoue espérer trouver ici la vision d'un avenir, d'une vie pour moi. Mais rien n'est encore écrit. Mais si je peux me permettre, vous restez pour tous la Reine des Catins, vous n'avez pas encore réussi vous non plus à vous libérer des chaines de votre passé non? Et dans un même temps c'est ce passé qui vous a poussé à exceller et réussir, devenir une des femmes les plus influentes de République et donc du Sekaï. Quel sera le prochain objectif de Dame Exousia en ce monde?
Je souriais en disant cela, espérant ne pas trop avoir osé, je n'étais rien pour elle mais j'avais l'espace d'un instant eu l'impression que je pouvais me permettre ces paroles. Mon regard se posa un bref instant sur la fenêtre, malgré la journée estivale je notais que le soleil avait amorcé sa descente depuis un long moment, notre conversation s'était éternisé plus que de raison, j'avais l'impression d'avoir volé le temps d'une pièce maitresse d'un jeu d'échec pour mon simple plaisir, mais quelle satisfaction en réalité.
Je me permis donc je lisser ma robe et d'ajouter.
- En votre compagnie le temps m'a paru si court, mais je vois que la soirée arrive et j'imagine sans peine que vous avez des obligations, je ne voudrais pas être une gêne pour vous. Je crois qu'il est temps pour moi de vous demander congé. Ce fut un plaisir de pouvoir voler votre précieux temps dame Koraki.
Oui je m'étais permise d'ajouter son prénom, quel culot non?
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