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    qui suis-je ?:
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  • Dim 17 Mar - 17:41
    Quel moment simple et agréable je passais loin de toutes les vicissitudes de ce monde, perdue dans un écrin de senteurs et de couleurs envoutantes, j'avais l'impression d'être partie de cette ville dont la culture m'oppressait et me faisait me sentir mal. Et cela grâce à une jeune femme pourtant bien vive et qui de prime abord pourrait être comme ses compatriotes mais elle avait un plus indéniable, dans son regard brillait l'étincelle de la liberté, elle n'était pas du genre à se fondre dans un moule contrairement à moi qui était l'incarnation de mon éducation, un pur fruit de Shoumeï dans toute sa désuétude finalement. Je l'enviais et j'étais contente que sa route eut croisée la mienne.

    J'avais répondu d'un hochement de tête amusé, en effet je savais quelles plantes je voulais, mais dans le fond cela me semblait être juste normal et être la base, on n'achetait pas ce genre de produits sans savoir pourquoi on le faisait et comment on voulait qu'ils soient. Une plante séchée, fraîche, son utilisation, sa conservation, cela changeait forcément.

    - Je persiste néanmoins à croire que l'intention et le fait de savoir ce que l'on veut suffit à l'obtenir à un prix correct.

    Oserai-je avouer que je ne faisais jamais le moindre achat négocié surtout parce que cela ne se faisait pas dans l'ancien Shoumeï, nous n'étions pas des marchands de tapis enfin, des négociants pour tout et rien comme au Reike. Mais je comprenais que c'était une chose qui leur plaisait, qui était dans leur culture, leur façon de faire, si on se refusait à négocier on se faisait avoir forcément et de surcroit on prenait le risque de les vexer mais sortir de sa zone de confort, vous savez bien à quel point cela peut s'avérer complexe.

    J'ai observé en suivant ses conseils les républicains qui se faisaient avoir, c'était facile de regarder les autres faire et de juger mais agir...
    En réalité je crois que dès le début je me suis doutée de ce qu'elle allait me proposer par la suite, une petite crainte qui pointait le bout de son nez. Je l'ai donc suivie, compagne silencieuse, observatrice attentive, appréciatrice de ses talents de négociatrice en réalité. Je restais aussi stoïque et sans émotion que possible même si ce genre de chose me semblait très compliqué, j'étais expressive et émotive donc forcément le bluff, le mensonge, ce genre de techniques étaient d'une rare complexité pour moi mais Kassandra se débrouillait à merveille pour le coup.

    Le manège fut répété plusieurs fois, avec plusieurs marchands, un système parfaitement rodé et mon panier de courses se remplissait rapidement pour mon plus grand contentement. Il ne restait plus que les fruits pour mon simple plaisir, je me disais qu'elle allait les prendre à presque chaque étal mais elle n'en fit rien et pour cause... En réalité j'y ai vraiment cru que vous alliez tout négocier pour moi en toute honnêteté. J'appréhendais au début et puis je me suis dit que dans votre élan vous alliez tout prendre.

    Je souriais mais j'étais un peu gênée malgré tout. Bien sûr que je lui avais payé les achats au fur et à mesure, certaines plantes coutaient chers et je n'allais pas imposer ces coûts à une inconnue mais bon...

    - Ai-je vraiment de baies de Kyouji après tout...

    Belle tentative de fuite qui fut reçue par une moue désapprobatrice de mon interlocutrice. Je soupirais, prenant l'air aussi contrite pour tenter de l'amadouer mais elle était tel un roc intouchable et inébranlable, je devais essayer. Alors prenant mon courage et mon panier sous le bras je me suis approchée d'un étal, l'air aussi détaché que possible.

    - Vous les faites à combien vos baies?

    Le marchand me détailla des pieds à la tête et esquissa un sourire, ça partait mal je le sentais en fait. Il me proposa un prix, pour le coup cela me semblait exorbitant alors j'ai juste hoché la tête et tourné les talons, étrange technique direz vous et le marchand n'a pas compris non plus. Je suis allée voir le suivant et j'ai posé la même question, par contre cette fois-ci j'ai reniflé de dédain à l'écoute de son prix qui était un tout petit peu moins cher que le premier. Puis arrivée au troisième j'ai mis les mains dans le sac contenant les baies pour en prendre une poignée et les sentir.

    - Franchement Kassandra je sais que nous sommes à Taisen et non point à Kyouji mais vous déplacez vos cargaisons à dos d'homme au Reike? Vous savez pas voyager vite pour garder des fruits frais?
    - Mais ils sont frais ma petite dame !

    Je me retournais vers le marchand en le toisant, négocier c'était pas mon truc mais jouer la noble offensée..

    - Est-ce à moi que vous vous adressez là?
    - A qui d'autre?

    Je reposais mon regard sur Kassandra et prit une baies pour la croquer, bien sûr qu'elle était aussi fraîche que les autres.

    - Mou, sans consistance ni saveur, un enfer pour un palet aguerri ! Allons voir plus loin.
    - Mais elles sont...

    La suite je ne l'écoutais pas et j'arrivais vers le marchand suivant qui était en train de rire de son voisin. Je le toisais sans mot dire et j'ai pris une baie pour la goûter, parfaite celle ci aussi sucrée à loisir.

    - Vais-je devoir aller à Kyouji croyez vous? C'est une calamité. Et vous les faites à combien vos baies?

    L'homme s'apprétait à répondre mais le regard des autres marchands qui déjà se gaussait à l'idée qu'il se fasse rabrouer ou moquer lui fit changer de tactique. Il m'annonça un prix bien moindre que les premiers qu'on m'avait donné. Je fis une drôle de moue et je croquais de nouveau dans des baies.

    - N'auraient-elles pas été cueillies par encore totalement mûres?
    - Elles sont parfaitement juteuses et mûres ma... madame.
    -Si vous le dites...

    Je repris des baies pour les goûter et je tentais donc une approche sournoise en un sens.

    - Après tout c'est probablement vous le spécialiste des baies plus que moi.
    - Nous sommes parfaitement d'accord la dessus.
    - Meilleur connaisseur que vos confrères?
    - Assurément !
    - Si j'en prenais deux kilos?
    - Je pourrai vous faire un prix
    - Ah c'est vrai? Connaisseur et charmant de surcroit.

    Et voila qu'il rougissait comme une demoiselle, prendre un homme par les sentiments, ça je savais faire dans le fond, les émotions c'était mon domaine et il puait tellement la fierté mal placée celui-ci. Finalement il me fit un prix, était-ce une bonne affaire je n'en savais rien mais je lui payais les baies et je pris le bras de Kassandra pour aller plus loin et respirer un grand coup, mon coeur battait à tout rompre, la comédie, le jeu, cela avait été éprouvant en fin de compte.

    - Alors verdict ?

    Message 8
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    Kassandra Whype
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  • Mar 26 Mar - 15:52
    Jusqu’à présent, tout se déroulait à merveille. Notre petit batifolage entre les étals semblait ravire mon invitée autant que moi et cela me faisait d’autant plus plaisir. Cerise sur le gâteau, mon numéro de négociatrice chevronnée avait largement porté ses fruits et aucun des marchands auxquels je m’étais confrontée ne s’était montré suffisamment retors pour me mettre en échec et me ridiculiser devant la demoiselle attentive. Aussi, nous avions tôt fait de remplir nos sacs et paniers de divers produits et victuailles dont l’usage m’échappait pour la plupart.

    Toutefois, l’heure n’était désormais plus à la rigolade. En effet, trouvant trop simple que le négoce me soit entièrement confié, j’imposais à mon “élève” un contrôle surprise qui ne semblait toute de suite plus aussi ravie. Je fronçais sévèrement les sourcils, lui faisant comprendre que toute tentative de corruption ou de fuite serait vaine.

    “ Allons allons, pas d’histoire triste ! Je suis certaine que vous vous en sortirez comme une cheffe ! ”

    Comprenant qu’il n’y aurait pas d’échappatoire, la jeune femme n’eut d’autre choix que de mettre la main à la pâte. Je m’effaçais alors au profit de Myriem tandis qu’elle s’avançait vers le marchand , observant sa méthode. Je ne m’interdisais évidemment pas d’intervenir au cas où les choses devaient dégénérer, mais je doutais d’avoir à en arriver là. Même si certains commerçants se montraient particulièrement difficiles lors des négociations, surtout lorsqu’ils avaient affaire à des étrangers, la plupart se pliaient chaleureusement à ce badinage, par intérêt et par goût du jeu.

    Je fus toutefois la première étonnée lorsque la jeune femme tourna les talons après sa toute première interaction avec le marchand en face de nous. Le prix annoncé était en effet ridiculement élevé, mais cela suffisait-il déjà à la décourager ? Prenait-elle dores et déjà la fuite ? La suite me fit comprendre que non. Elle se dirigea en effet vers un deuxième vendeur, qui proposait un prix à peine moins cher. Je remarquais sa moue dédaigneuse avant qu’elle ne se détourne et je commençais alors à comprendre peu à peu son manège.

    “ Héhé, intéressante méthode… ”

    Ses pas la menèrent jusqu’à un troisième commerçant. Cette fois-ci, elle prit une bonne poignée de baies avant de m'interpeller. J’esquissais un sourire narquois et j’entrais immédiatement dans son jeu.

    “ Ma foi, il me semblait pourtant bien que nous maîtrisions la roue et l’équitation au Reike… Mais il est vrai que l’état de ces fruits me laissent à penser le contraire… ”

    Un nouvel échange se fit, un nouveau regard me fut lancé puis, après un hochement de tête désapprobateur que je faisais à l’intention du marchand, nous allions en voir un quatrième. Je me faisais moult souffrances pour ne pas éclater de rire en même temps que les autres lorsque le courroux de la négociatrice en herbe s'abattit sur lui. Il fut toutefois plus malin que les autres, sans doute pour ne pas se couvrir d’opprobre, et proposa un prix déjà deux fois moins élevé que chez les autres. Après une ultime joute verbale bien saisie, la shoumeïenne repartit finalement avec ses deux kilos de baies sous le coude.

    Je lui emboitais le pas comme elle me prenait par le bras, me guidant à nouveau un peu à l’écart de la foule. Je l’entendis pousser alors un long soupir. Je lui laissais le temps de reprendre son souffle et ses esprits car je devinais à son visage empourpré que l’exercice n’avait pas été de tout repos pour elle. En tout cas, il avait été très amusant pour moi.

    J’observais le butin bien mérité de ma compagne et hochais la tête d’un air approbateur. Elle avait amplement mérité le festin de baies qui l’attendait.

    “ Eh bien, on peut dire que votre méthode est originale… mais efficace ! ”

    Je repensais encore à sa manière de jouer la noblionne revêche et sévère, inatteignable, et à la détresse des pauvres marchands qui furent ses victimes. Une fois encore, je faillis céder à l’hilarité.

    “ J’avais presque pitié de ces hommes, vous ne leur avez laissé aucune chance ! ”

    Je soupesais d’une main le sac qu’elle tenait encore entre ses doigts.

    “ En tout cas, le résultat est là ! Deux bons kilos de baies pour à peine la moitié du prix de base ! Vous avez la magouille dans le sang ! ”

    Je soupirais à mon tour, non pas par fatigue mais parce que je me sentais incroyablement détendue et joyeuse et je me rendais soudainement compte à quel point ce sentiment d’insouciance m’avait manqué. Bercée par cette douce chaleur, je laissais mon regard se perdre vers l’horizon et je constatais alors que le soleil entamait sa phase descendante. Dans quelques heures il irait se coucher, mettant fin à cette délicieuse seconde partie de la journée.

    “ Bien… Maintenant que les emplettes sont faites, y a-t-il quelque chose que vous désirez faire ou voir à présent ? ”

    Après tout, c’était elle la touriste ici !
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    Myriem de Boktor
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  • Mer 17 Avr - 19:36
    Je n'avais pas été particulièrement sûre de moi pour tout avouer mais je m'étais prise au jeu finalement. J'avais suivi mon instinct, comme à l'accoutumée en réalité. Les hommes étaient majoritairement tous fait du même bois et répondaient aux mêmes stimuli. J'avais visiblement le petit jeu de Kassandra qui m'avait aidé elle aussi durant mon tour de force.

    J'avais le souffle un peu court dans ce petit jeu, je m'amusais follement et sans arrière pensée et je savais pourquoi : cela me sortait de mon carcan habituel et culturel, ce carcan de règles rigides que je continuais de respecter par respect pour mon passé, ma culture, mon monde aujourd'hui détruit. Et si je me sentais bien d'avoir profité, d'avoir joué, je ressentais aussi une pointe de culpabilité, comme si m'amuser n'était pas permis, n'était pas respectueux. En un mot comme en cent j'étais coincée dans mes convictions et croyances et j'avais du mal à avancer encore et toujours mais je vivais cet après midi comme une bouffée d'air rafraichissante et cela je le devais à cette jeune femme au fort caractère.

    Retrouvant pied dans le présent je répondis d'un sourire amusé, le voile sombre du passé repoussé, je le retrouverai bien assez vite de toutes façons.

    - Je n'ai fait que suivre votre exemple et... me servir de mon éducation. Quand on nous enseigne dès notre plus jeune âge à nous comporter comme si on nous devait le respect en toute circonstance on finit par le croire. Et quand on croit quelque chose on se montre plus convaincant, rien d'extraordinaire en somme.

    Reprenant ses mots je me surpris à m'en enorgueillir.

    - Eh bien espérons que demain quand je négocierai avec l'homme que je suis venue rencontrer ici il soit aussi réceptif à mes arguments. Mais grâce à vous je me sens mieux armée, merci Kassandra.

    Sans même y réfléchir, je lui tendis la main pour me saisir de la sienne si elle l'acceptait, un refus ne me dérangerait pas mais je voulais juste montrer ainsi ma reconnaissance. J'avais une idée, un peu simpliste mais qui me semblait tellement parfaite pour terminer cette journée si bizarre depuis la fête dans les arènes. M'approchant de Kassandra je demandais alors.

    - Est-ce que nous pourrions faire une balade autour de la ville à dos de chameau? C'est enfantin comme demande je le sais bien mais il reste encore quelques heures avant que ne tombe la nuit et que ne vienne la fraicheur de la nuit mais je crois que cela me plairait de monter sur ces bêtes si étranges et qui semblent pourtant tellement adroites et rapides. Pensez vous que cela serait possible? Enfin que cela ne vous déplait pas trop?

    J'espérais bien qu'elle serait tentée pour tout avouer, voir le coucher du soleil sur la stricte et si militaire Taisen avec quelqu'un d'aussi enjoué qu'elle et sur le dos de ces bestioles bizarres... Cela conclurait parfaitement cette journée et puis j'avais deux kilos de baies à ramener à Mael ensuite.

    Message 9
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    Kassandra Whype
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  • Sam 20 Avr - 14:56
    À vrai dire, je m’étais découvert lors de cette surprenante journée une passion pour la taquinerie et la malice. Un aspect enfantin et rieur que je me redécouvrais en cette chaude après-midi grâce à ma compagne du moment. Cerise sur le gâteau, cette dernière possédant un petit côté coincé propre à la noblesse, du moins au premier abord, je me délectais de la myriade d’émotions qui remodelaient sans cesse les traits harmonieux de son visage. Pour le moment, je m’amusais de ses pommettes rosies par l’excitation du précédent exercice de négociation que je lui avais plus ou moins imposé.

    Ce nouveau teint lui allait à merveille. Il contrastait parfaitement avec son allure noble en lui prêtant une innocence ingénue presque angélique, à couper le souffle. Je me tenais bien de lui faire remarquer encore une fois et je me trouvais bien heureuse quand elle détourna mon attention vers d’autres préoccupations.

    “ Ne vous retirez pas trop de crédits, j’ai certes l’habitude de traiter avec ces gens mais votre méthode à vous est vraiment… innovante ! ”

    Je ricanais encore en repensant à la facilité avec laquelle elle avait mené le marchand par le bout du nez.

    “ Vous saurez faire plier le genoux à votre bonhomme en un rien de temps, je n’ai aucun doute là dessus ! ”

    Comme si elle vivait l'hystérie de l’instant présent, elle me tendit une main invitante que je n’aurais su refuser. Une fois encore, la corne de mes doigts goûtait à la pulpe délicate et douce de sa paume ouverte. Je me surpris à frissonner et j’eus presque été tentée de fuir à mesure qu’elle s’approchait, si je n’avais pas été retenue prisonnière des pupilles aux reflets violacés qui embrasaient son regard. Puis vint sa demande.

    La singularité de son invitation face à la détresse de ma pauvre cervelle d’hermite en ébullition me fit soudainement éclater de rire. Cette fois-ci, de longues minutes furent nécessaires avant que je ne puisse recouvrer un semblant de sérieux. De longues minutes durant lesquelles je n’avais pas lâché la main de Myriem, qui devait sans doute me prendre poire une folle, mais tant pis. Cela me faisait trop de bien, en plus d’avoir le mérite de m’éclaircir les idées. Décidément, je ne regrettais plus du tout d’être venue à Taisen.

    “ Houhou… ex… excusez moi. ”

    Parvenais-je à articuler entre deux hoquets.

    “ Je… huhu… Oui, bien sûr que nous pouvons faire cela ! ”

    J’essuyais d’un revers du poignet les amas de larmes qui s’étaient formés à la commissure de mes paupières. Des larmes de fou rire, évidemment. Bien que la journée arrivât peu à peu à sa fin, cette dernière n’était pas encore tout à fait terminée et il nous faudrait bien occuper ces dernières heures. Une balade à dos de chameaux ferait parfaitement l’affaire. C’était d’ailleurs une activité plutôt prisée des visiteurs venus d’au-delà des frontières du Reike et il n’était pas rare de trouver des relais et des élevages à proximité des entrées de chaque cité, dans ce but.

    “ Je pense que l’on devrait trouver votre bonheur en se rapprochant de la porte est de la ville, c’est juste à côté. ”

    Je lui montrais du doigt la direction générale dans laquelle nous devions nous diriger, puis je l’entraînais à ma suite à travers les ruelles. Nous fûmes contraintes de rejoindre l’artère principale de la cité mais, étant donné que la journée était désormais bien passée, la foule avait largement dégrossi et l’air était redevenu à peu près respirable. On me donna à nouveau raison puisque, accolés au murailles, étaient disposés divers enclos dont les maigres cordelages servaient à contenir mules, ânes, dromadaires et chameaux. Tous destinés à la location, où à l’achat dans une moindre mesure.

    “ Voilà, ici vous aurez le choix ! Prenez la bête qui vous plaît le plus, je vais m’occuper de discuter avec le propriétaire. ”

    Je m’éclipsais alors, laissant Myriem quelques instants seule face à ces animaux à la physiologie surprenante. Je la retrouvais après une poignée de minutes, la bourse encore allégée de quelques pièces et les bras chargés d’une paire de selles. Puisque la jeune femme semblait avoir choisi son animal, je lui installais son attirail.

    “ Surtout, ne vous laissez pas intimider par leur taille… ou leur odeur, haha ! Vous ne trouverez pas de monture plus fiable pour parcourir le désert ! ”

    Je m’approchais d’un chameau qui me semblait suffisamment robuste pour porter mon poids et celui de mon équipement. Je lui laissais s’accoutumer à mon odeur, puis je le grattais sous la gorge et les côtés du cou.

    “ Ce sont des animaux très intelligents et affectueux, ils aiment bien les papouilles du genre. Je vous conseille de faire un peu “connaissance” avec le votre aussi, ils ne mordent pas ! ”

    Une fois les présentations faites avec nos montures, j’aidais Myriem à se hisser sur le dos de son chameau, qui s’était accroupi afin de faciliter l’opération, confortablement entre les deux bosses. Je répétais l’opération de mon côté et nous étions fin prêtes pour notre… chevauchée épique autour de la ville.

    “ Vous risquez d’être un peu secouée au début, alors détendez-vous et essayez de ne pas trop vous accrocher aux bosses, même si c’est tentant, tenez fermement la longe. ”

    Cela étant dit, je faisais claquer une lanière de cuir qui donna le signal de départ à mon chameau. relié au mien par une corde, celui de la shoumeïenne lui emboîta le pas. Nous longions les hautes murailles dans le sens horaire, le but étant de rejoindre l’autre côté de l’imposante cité afin de pouvoir admirer le coucher de soleil au-dessus de la mer de dunes. Comme la demoiselle n’était pas encore trop habituée, nous avancions au pas, doucement bercées par le mouvement de balancier propre au chameau.

    “ Tout va bien Myriem ? J’ai l’impression que vous vous acclimater plutôt bien, contrairement à d’autres. Encore quelques mois parmi nous et vous pourriez devenir une vraie reikoise, haha ! ”

    Je plaisantais évidemment, car je doutais qu’une personne aussi raffinée que mon hôte voudrait un jour être associée à un peuple aussi barbare et arriéré que le mien. Comme cette dernière semblait plutôt à l’aise avec sa monture, je décidais de pimenter à nouveau un peu les choses en accélérant peu à peu l’allure. Progressivement d’abord, puis, au bout d’un moment, une nouvelle impulsion sur la longe de mon chameau lui fit faire un pique d'accélération surprenant, auquel on ne s’attend pas toujours en voyant la démarche nonchalante de ces animaux qui peuvent aisément atteindre les 60 km/h sur de courtes distances.

    Pour le coup, nous étions vraiment secouées et chavirées comme de pauvres matelots en mer. Nos marchandises et équipements tintaient et cliquetaient joyeusement au rythme du galop des vigoureuses bestioles. Je me retournais parfois pour m’assurer que Myriem tenait toujours bon sur sa selle, et je la voyais être balotée à la manière d’un hochet, ce qui me fit encore une fois beaucoup rire. Toutefois, au bout de quelques centaines de mètres, j’atteignais déjà mes limites, et nos montures également. Elles ralentirent d’elles-même et je pus me mettre au niveau de ma compagne.

    “ Excusez-moi pour cette folle cavalcade, mais avouez que c’était trop tentant ! Et encore une fois je suis impressionnée, bon nombre d’étrangers vomissent lors de leur premier galop à dos de chameau ou de dromadaire ! ”

    Peu de temps après nous arrivions à destination, Taisen n’étant pas tellement étendue, juste à temps pour voir le soleil entamer son ultime course pour le royaume de la nuit. Je nous menais jusqu’au sommet d’une dune, un peu à l’écart de la route et des passages incessants.

    “ Besoin d’aide pour descendre ? ”

    Je lui offrais ma main et mon bras comme appuis, si besoin. Une fois de retour sur le plancher des vaches, je l’aidais à s’épousseter et à se débarbouiller le visage du sable qui avait pu s’y accumuler puis je lui laissais le temps de reprendre ses esprits. Je reculais de quelques pas, les bras grands ouverts, tournant le dos au soleil qui disparaissait inexorablement au-delà du désert infini.

    “ Et voila, ma chère Myriem, devant vos yeux tout ce que le Reike peut offrir : Du soleil, du sable et… des barbares ! Ha ! ”

    Au même moment, un dernier éclat de lumière inonda les remparts ancestraux de la ville, qui prirent successivement une teinte orangée, rose puis bleutée. Lorsqu’il semblât enfin que le noir nocturne serait leur habit pour la nuit, une multitude de lanternes, loupiotes et feux en tout genre s’embrasèrent le long des créneaux et dans la ville. Comme les étoiles dans le ciel, elles illuminaient les vieilles pierres de la cité d’autant de lueurs jaunâtres et chancelantes, retardant encore un peu d’inéluctables ténèbres.
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