Désenchantée feat Eliendir

Désenchantée feat Eliendir

Dans le Manoir de Boktor

24 septembre de l’An 3

De l'assentiment et de la reconnaissance, c'est ce qu'il me semble percevoir en un sens et cela est particulièrement plaisant avouons le. Je rejoins cependant l'éminent professeur sur ce qu'il dit concernant l'ignorance et l'incompétence.

- Je dois avouer que je peux tolérer l'ignorance quand elle relève de la fatalité, dans le sens ou l'on ne peut tout savoir tout simplement, mais l'absence de savoir quand on ne fait pas l'effort de chercher, de comprendre, d'apprendre, cela m'exaspère. Je comprends votre vision de l'engagement au niveau de la compréhension mais je reste persuadée que nous ne sommes pas tous nés avec les mêmes capacités qu'elles soient physiques, intellectuelles ou magiques, nous avons tous hérité d'un ... ensemble de compétences que nous devons développer mais il ne faut pas croire qu'on peut faire de tous des gens de réflexion ou d'action. La prédestination n'existe pas selon moi, on ne peut pas prévoir en avance qui saura exceller dans telle ou telle chose. En cela l'éducation de Shoumeï avait un gros défaut, à vouloir faire du premier né un soldat dirigeant, du second un homme de foi... c'est refuser d'accepter la réalité et imposer sa propre vision aux gens. Je suis pour l'épanouissement de chacun selon ses possibilités même si cela complique la répartition des tâches en sens.

Je me tus, me mordillant l'intérieur des joues, je repartais à discuter et discourir sans m'interrompre, trop bavarde comme souvent en réalité. Recentrant la conversation sur mes propres apprentissages je souris.

- En ce qui me concerne j'ai eu la chance en un sens d'être... orpheline et de pouvoir faire les études de mon choix, en cela mon tuteur fut avisé, ma mère songeait que j'excellerai dans l'art de la broderie et de la littérature, c'était ce qu'elle souhaitait pour moi, elle était si loin du compte hélas.

Eliendir avait quelque chose de magnétique, son regard d'améthyste semblait surnaturel tout comme la grâce inhérente à ceux de sa race centenaire. Je l'écoutais et buvais ses paroles littéralement et ces mots emplis de toute sa fierté trouvèrent une sorte d'echo en moi, pas que je sois capable de faire comme lui non loin de la, mais je l'aurais aimé.

- Vous n'en avez certes aucunement l'air ni la musique au demeurant et je vous envie cela. J'aimerais pouvoir me passer de l'assentiment des autres, dire que leur regard ou jugement ne m'importe pas mais ce serait tellement faux et loin de la vérité. Je songe comme vous qu'on ne devrait pas juger les gens par leur apparence, origine, religion mais je sais que c'est ce qui se fait. Je pense que tous ces facteurs nous façonnent cependant, dans nos habitudes, attitudes, possibilités d'évolution ou d'apprentissage cela va de soit mais j'aimerais qu'on puisse ne juger les gens que sur leurs actes réels, ce qu'il font de leur propre choix, ce qui est de leur volonté réelle, pas ce qui est imposé par ... la nature en un sens. Tout comme je sais qu'on me juge aujourd'hui à cause de ma foi envers les titans, c'est devenu honteux et on ne me comprends pas.... Je suis croyante et je sais qu'ils sont nos créateurs, comment leur enlever cela, je vénère les créateurs, les guides qu'ils ont été en un sens, mais je ne... cautionne pas ou n'ai pas à cautionner ou comprendre leurs actes récents, cela ne relève pas de mes compétences tout simplement. D'autres croient au soleil, à la lune, aux étoiles et aux destinées, mais qui suis-je pour les traiter de sots ou de fous? Chacun devrait pouvoir croire ce qu'il veut, la croyance c'est en nous, c'est à nous.

Je me tais un instant et mon regard se pose au sol, je suis un peu honteuse moi même de ce que je vais avouer en un sens.

- Et je me trouve totalement hypocrite de fait d'en vouloir à la majorité des soldats Reikois que je croise... ils ne sont pas responsables de ce qui est arrivé à Shoumei et de ce qu'il se passe, juste de leurs actes au quotidien et beaucoup n'ont rien contre les maeliens... Mais je leur en veux par principe et j'en ai honte pour être honnête. Cela ne m'empêche pas d'avoir des amis fidèles au Reike mais cela n'excuse en rien mes médisances, car même moi je suis mesquine par moments, je m'en veux après coup mais je crois qu'hélas c'est humain.

La suite de la conversation avant le repas se déroula dans la serre de ma défunte mère dans laquelle trônaient de nombreuses plantes et espèces odorantes pour la plupart car ma mère aimait à réaliser des fragrances et m'avait transmis cet art dans lequel je me débrouillais tout juste. Je montrais surtout la partie que j'avais réaménagée et qui était emplie de nombreuses plantes médicinales. J'expliquais que j'avais commencé avec les remèdes simples avant de comprendre que soigner était quelque chose d'important à mes yeux. Entre discussions, échanges et entrainements le temps défila auprès d'Eliendir. Invité de qualité, mentor d'expérience, les heures passées en sa compagnie étaient emplies de découvertes et d'apprentissages.

- Nous avions fait le tour de mes terres, rencontré des gens dans les villages alentours et surtout je lui avais montré la crique dans laquelle je projetais d'entamer les travaux pour la construction des chantiers navals. Tout cela étant dit au bout d'une semaine, les contrats semblaient bons et il allait être temps de les relire une dernière fois pour les signer, signer notre accord, son aide, son soutien à mon projet.

Message 16

CENDRES

Désenchantée

Feat Myriem de Boktor

Malgré son jeune âge, Myriem est une femme de culture avec qui il prend beaucoup de plaisir à échanger. Bien qu’originaires de deux pays très différents l'un de l'autre, les deux protagonistes ont plus de points communs qu'il ne l'aurait cru et converser philosophie avec la Baronne de Boktor est loin d'être désagréable, dépendamment de leurs opinions divergentes sur certains points. Notamment sur leurs croyances respectives. Finalement, cette rencontre inopinée au cœur des ruines de l'académie de la cité blanche avait bien plus à offrir que quelques vieux livres de magie à préserver à tout prix des mains inexpérimentées des soldats du Reike. Une noble quête évidemment, mais il faut bien avouer qu'il apprécie davantage la tournure des événements depuis sa rencontre avec la Baronne.

« En effet, il ne tient qu'à nous de ne pas reproduire les erreurs de nos prédécesseurs. Vous êtes une femme raffinée et intelligente, je le pense vraiment. Je suis ravi de constater que nous partageons le même état d'esprit, vous et moi. Dans le cas contraire, notre collaboration aurait sûrement été difficile, n'est-ce pas ? »

Néanmoins, le regard tourné vers la collection de Myriem et donc le dos tourné vers son hôte, il ne peut s'empêcher d'afficher un petit rictus amusé dans le coin de ses lèvres lorsque son interlocutrice mentionne les Titans. Une partie de son allocution vient gentiment le titiller. "Nos créateurs", dit-elle. C'est amusant. Du Sekai, assurément. Des humains, cette espèce qui pullule un peu partout sur le continent, possiblement. Mais en aucun cas Eliëndir leur octroie le statut de Dieu et encore moins de créateur car les Elfes peuvent se vanter de bien des choses en ce bas monde et notamment de ne pas être une obscure création de ces êtres tyranniques et imbus d'eux-mêmes que sont les Titans. S'il doit être honnête sur la question, le Divinisme tout comme le Shierak ou toutes les autres formes de croyances ne sont rien d'autres que des aberrations. Une tumeur qui gangrène l'esprit et endort les consciences. Et un peuple qui dort, c'est une liberté qui meurt.

Pour autant, ça ne veut pas dire qu'il trouve justifié l'oppression que subissent certains Shoumeiens à cause de leurs origines ou de leurs croyances, justement. Les actes de l'Empire n'en sont pas moins détestables. Non, ils ne s'entendront jamais sur la question religieuse mais ils n'ont pas l'obligation de le faire, après tout. Pour preuve, Eliëndir se garde bien d'émettre le moindre commentaire déplacé ou de surenchérir un débat stérile. Ceci dit, il est d'accord avec Myriem sur un point. Chacun devrait être libre de ses choix et de ses croyances, même si en contrepartie ils se privent d'une certaine liberté de pensée, qui sommes-nous pour juger le simplet qui choisit volontairement de vivre dans l'ignorance ? On dit que les ignorants sont plus heureux que les savants. Qui sait, c'est peut-être vrai.

Quoi qu'il en soit, cette agréable soirée s'est poursuivie dans la serre dont il a tant entendu parlé par sa propriétaire. Eliëndir se montre particulièrement curieux et intéressé, lui aussi en possède une relativement impressionnante sur ses terres à Melorn où il entrepose une riche collection de plantes et de fleurs originaires des quatre coins du continent. Peut-être qu'un jour, il aura l'occasion de faire la visite à Myriem lorsqu'elle viendra lui rendre visite dans les lointaines terres du nord. Ses petites vacances improvisées à Maël ont été particulièrement agréables d'autant qu'il était en très bonne compagnie durant son séjour. Le domaine des Boktor a subi la guerre et l'occupation Reikoise mais assurément qu'il retrouvera sa splendeur d'antan maintenant que la Baronne est de retour. Ce n'est qu'une question de temps et Eliëndir a été tout à fait convaincu par l'emplacement des futurs chantiers navals, de l'organisation et du projet dans son ensemble. Les lois divergent quelques peu entre les différentes nations et si Eliëndir a des connaissances solides dans les textes Melornois et Républicains, il a pris la liberté de s'attacher les services d'une personne de confiance, un contact originaire de Maël qui est un peu plus versé que lui dans les lois Shoumeienes et surtout Reikoises. Les contrats étaient prêts et après de multiples lectures assidues, barbantes mais nécessaires, tout était en ordre. Les deux partis consentants et déterminés à faire perdurer ce projet et cette nouvelle entente.

C'est d'une main ferme qu'Eliëndir se saisit de la plume et de l'encrier pour signer les différents documents en y apposant son sceau, celui de sa famille pour officialiser leur accord.

« Mademoiselle de Boktor, c'est un plaisir de faire affaire avec vous. Que diriez-vous de trinquer à notre entente et l'instauration d'une voie maritime entre nos deux nations. À Melorn et à Maël. »

Ça se fête, tout de même. C'est un bon prétexte pour ouvrir une bouteille de vin absolument hors de prix, au frais de l'entreprise évidemment. Eliëndir a maintenant une bonne raison de revenir à Maël un peu plus souvent. De quoi agrandir encore un peu plus son réseau à travers le monde et de réaffirmer ses ambitions.

CENDRES